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Ampoule, chou, fil à plomb [un geste pour la planète®], qui parle à qui et de quoi ?

Ampoule, chou, fil à plomb [un geste pour la planète®], qui parle à qui et de quoi ? dans Ecosysteme TV.fr image0012

Lampe à basse consommation: un geste pour la planète®
N’imprimer ce mail que si nécessaire : un geste pour la planète®
Regarder Michel Drucker en mode Xanax sur canapé : un geste pour la planète®
Connaissance par ouï-dire : un geste pour la planète®
Eteindre les Lumières : un geste pour la planète®

Plus on parle et moins on sait de quoi on parle. Que veulent dire les mots ? « Pour la planète », ça veut dire quoi ?

Première option : « pour la » = au nom de

Révolution de la pensée, il n’y aurait donc qu’une seule planète possible, mieux, celle-ci parlerait à des Jeanne d’Arc de l’« avant moi le déluge ». Heureuses élues de la voie et des voix, charge à elles de relayer quelques certitudes labélisées en batteries « au nom de la planète ».
Si l’on regardait dans le rétroviseur de l’histoire, sans doute serait-on surpris du parcours de toutes ces « avant-gardes » autoproclamées ayant tour à tour de passe-passe copyrightées leurs discours « au nom » du grand Un. De la planète, de Dieu, du peuple, etc., et hop, d’un lit de l’Un à l’autre pour de beaux draps.

Au nom de, ce mode de communication [un geste pour la planète®] devient alors l’exact inverse de ce à quoi devrait nous conduire l’écologie : la reconnaissance d’un ensemble monde incertain, complexe et multiple, duquel émerge un homme qui ne lui est pas nécessaire. Un monde humain qui se proposerait d’éduquer à attention et non d’étouffer les siens par la diffusion en boucle ouï-dire de notions prescriptives. Un monde humain de liaisons et non d’opposition entre des « avant moi le déluge » sans histoire et des « après moi le déluge » qui eux en ont fait leur deuil. Pile ou face choisissez votre camp, comme noir s’exprime comme blanc.

Seconde option : « pour la » = à la place de

Si les mots ont encore un sens, peut-être qu’une certaine rigueur commanderait d’oser avancer « parler à la place de la planète ». Chose qui relève d’une activité d’écriture et de traduction des mondes que l’homme pratique depuis un peu plus hier, à ses façons. Mais on devine que celui qui entend « parler à la place de la planète » n’engage pas une même responsabilité que celui qui prétend bavarder « en son nom ». Ce dernier n’étant après tout qu’un praticien du buzz-relais des idées courantes.

Si vous prétendez parlez « à la place » de la planète, vous avez beaucoup de talents, une joyeuse science de l’attention. Si vous prétendez parlez « au nom » de la planète, le principe de précaution « commanderait » de vous taire, urgemment si vous prétendez incarner un changement de drap.

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http://www.dailymotion.com/video/x31hn7 La joie de celui qui ne croit en rien

http://www.dailymotion.com/video/x3k70s Intégration de la partie, récits et représentation, etc.

http://www.dailymotion.com/video/x49ieh Rabattage des moi, d’émoi …

http://www.dailymotion.com/video/x3im00 A la place de …

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Comment gérer H20 ?

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Au moment de discuter de l’évolution des statuts de la poste, posons-nous cette question : la gestion publique a-t-elle vocation à monopoliser l’ensemble des services publics à caractère industriel et commercial et/ou de solidarité ? Si oui, pourquoi ?
Afin d’alimenter la discussion, jetons un coup d’œil à l’organisation du service public de l’eau en France. Dans un premier temps à travers les principaux résultats de « Les services publics de l’eau en 2004 – Volet eau potable  », une étude de l’IFEN en date d’octobre 2007.
Tendances, organisation du service, performances et risques, évolution des prix, hétérogénéité spatiale, etc.

Organisation du service …

Rappelons qu’en France, c’est à la municipalité que revient le choix du type d’organisation et du mode de gestion du service de l’eau sur son territoire. Plus de 70% des communes étant regroupées en 2004 au sein de structures intercommunales, l’alimentation en eau potable est ainsi un domaine qui s’exerce essentiellement dans le cadre d’un regroupement de communes, que ce soit pour la production ou la distribution, ce qui s’explique en grande partie par le coût du service (investissement, fonctionnement et entretien).
L’unité organisationnelle, la commune ou le groupement, est d’abord responsable de la qualité du service, de son bon fonctionnement, de son coût et de l’information de ses usagers. Pars suite, à elle de déterminer si elle assure en propre la gestion du service en régie (gestion publique) ou si elle choisit de la déléguer à une entreprise privée.

Comment gérer H20 ? dans -> ACTUS image0011

Sources d’approvisionnement …

L’eau distribuée est, dans la majorité des communes, d’origine souterraine. Ce sont 30 000 captages qui assurent les prélèvements de la ressource, dont 96% pompent de l’eau souterraine, fournissant ainsi environ les deux tiers de l’eau prélevée pour les besoins de l’eau potable.
Restés stable depuis 2001, les prélèvements pour l’eau potable représentent environ 18 % des prélèvements totaux annuels nécessaires aux besoins divers (ménages, industries, énergie, agriculture).

image002 dans Oikos

En 2004, aucun des captages alimentant les unités de distribution de l’eau potable n’avaient reçu de protection règlementaire dans 38 % des communes. Ces 13 800 communes sans protection concentraient alors 20 millions d’habitants, pour des volumes mis en distribution atteignant 1,9 milliard de m3. A signaler que la grande majorité des captages d’eau superficielle (60 %) se retrouvaient dans ces communes.
Néanmoins, toutes les communes ayant mis à jour leurs documents d’urbanisme depuis cette date ont corrigé cela. Ainsi 48 % des points de captages, correspondant à 56 % de la population desservie, bénéficiaient d’une protection réglementaire en 2006.

Du puits au robinet …

Ce sont plus de 15 000 stations de traitement qui assurent la potabilisation de l’eau brute. Beaucoup sont de petite taille et traitent les eaux d’origine souterraine avec des traitements simples. A l’opposé, seulement 2 % de ces stations traitent la moitié des débits d’eau produits, généralement d’origine superficielle, en faisant appel à des systèmes de traitement plus complets.
Les eaux souterraines nécessitent en principe des traitements moins lourds. Un traitement simple (filtration rapide, désinfection) concerne les deux tiers des volumes d’eau d’origine souterraine mis en distribution, mais seulement 3 % des volumes issus de captages d’eau superficielle. En revanche plus de la moitié des volumes d’eau superficielle distribués ont reçu un traitement complet associant traitement physique, chimique poussé, affinage et désinfection.

image003 dans Ressource en eau

Après son passage en station de traitement, l’eau est distribuée aux abonnés par l’intermédiaire de 29 200 unités de distribution, UD définies comme étant une partie de réseau physique ayant une même unité organisationnelle, un même gestionnaire et où la qualité de l’eau peut être considérée comme homogène.
L’interconnexion de son réseau de distribution apportant une sécurité supplémentaire, solution de recours en cas de problèmes, les trois quarts des communes, soit 89 % de la population, déclaraient 2004 en avoir un réseau de distribution interconnecté, les communes alimentées par une seule unité de distribution étant plus souvent que les autres dans ce cas.
Le réseau de distribution de l’eau potable français est constitué de 878 000 km de conduites de transfert qui partent des réservoirs vers les 23 millions d’abonnés.
Pour satisfaire la demande à tout moment et gérer les pointes de consommation, 51 000 réservoirs d’une capacité de 22,8 millions de m3 sont répartis le long du réseau et le maintien sous pression de l’eau dans le réseau est assuré par environ 15 500 stations de reprise ou de surpresseurs.
Le raccordement des abonnés au réseau de distribution est assuré par 22 millions de branchements, un chiffre en accroissement de 9 % par rapport à 2001.
La longueur des conduites par abonné est en moyenne de 38 mètres, variant de 76 mètres dans les communes les plus petites à 15 mètres dans les villes de plus de 50 000 habitants.

Performance et évolution des prix …

En 2004, moins de 1 % de la population, 165 900 logements, n’était pas desservie en eau potable par le réseau public, le plus souvent pour des raisons techniques liées à la topographie des lieux qui ne permettent pas un raccordement à un coût acceptable.
Sur les 6 milliards de m3 prélevés pour l’alimentation en eau potable, 4,4 milliards sont consommés. Parmi le 1,6 milliard restant, les fuites sont estimées à 21 % des volumes mis en distribution, un chiffre en diminution par rapport à 2001. La perte d’eau moyenne en 2004 s’établit à 5,2 m3/jour/km, hors branchements. Elle est inférieure à 3 m3 dans les communes de moins de 1 000 habitants et croît jusqu’à 17 m3 dans les villes de plus de 50 000 habitants. Des indices inférieurs à 3 en zone rurale, inférieurs à 7 en zone intermédiaire et inférieurs à 20 en zone urbaine sont cependant considérés comme corrects.

Le coût moyen du m3 d’eau pour une consommation annuelle de 120 m3, dans les communes disposant d’une collecte des eaux usées, s’est élevé à 3 euros en 2004. La partie relative à l’eau potable a connu une augmentation de 2,4 % entre 2001 et 2004, celle relative à l’assainissement collectif de 2,6 % par an. Sur la même période, l’évolution générale des prix est de 2,0 %.
Le tarif moyen du m3 s’établit quant à lui à 1,62 euro en zone assainissement autonome. En zone d’assainissement collectif, le tarif moyen au m3 de l’eau potable, redevances associées comprises, est de 1,46 euro avec une partie assainissement qui, avec la redevance pollution, s’élève à 1,55 euro. Dans 5 % des communes, le tarif global au m3 pour une consommation annuelle de 120 m3 revient à moins d’un euro tandis qu’il dépasse les 4,40 euros le m3 dans les 5 % plus chères.
L’abonnement total au service s’élève en moyenne à 56 euros par an, un chiffre très variable selon les départements. La part fixe relative à la seule partie eau potable s’élève en moyenne à 40,57 euros et représente le coût, hors redevances, d’une consommation de 39 m3 d’eau potable.

image004 dans Urbanisme

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Synthèse d’étape …

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Variabilité des prix fonction de la variabilité des contextes institutionnels, des conditions d’approvisionnement et des formes urbaines. Tendance à la hausse des prix fonction de la dégradation à moyen terme de la ressource, de la découverte de nouveaux polluants, et donc de l’augmentation des coûts de traitement (potabilisation en entrée et dépollution en sortie).
Il semblerait bien que, comme bien souvent en matière d’environnement, nous nous retrouvions à devoir contextualiser chaque situation, et que le plus important soit bien de s’assurer de la bonne information/sensibilisation/formation des décisionnaires publics.

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Principaux facteurs de variabilité des coûts

A ce stade, compte-tenu des enjeux, de l’ampleur du réseau et des équipements associés, des enjeux technologiques, de la hausse des coûts née de la dégradation quantitative et/ou quantitative de la ressource, il est donc bien difficile de conclure que le service public de l’eau se doive d’être assuré directement et dans tous les cas par une gestion publique. Non plus que les operateurs privés de ce secteur puissent réellement se trouver dans une position de capture de rente publique (en France).
Néamoins nous manque pour l’heure d’une évaluation comparée des prix, des performances du service de l’eau et de la qualité des eaux distribuée selon que le service soit assuré en régie ou délégué à un operateur privé. Des informations qu’il est malheureusement assez difficile de se procurer.

Concernant la qualité des eaux distribuées, rappelons que la Cour de justice de l’Union européenne avait condamné le jeudi 31 janvier 2008 la France pour violation des règles de qualité de l’eau potable polluée par les nitrates et les pesticides dans les départements de la Vendée, des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime, une  procédure est initiée à propos de la qualité des eaux en Bretagne.

Par ailleurs, selon une étude de la DRESS, la proportion de la population alimentée par de l’eau non conforme au cours de l’année pour les paramètres microbiologiques a diminué de 3,9% entre 2000 (8,8 %) et 2006 (4,4%). S’agissant des pesticides, la population alimentée par une eau au moins une fois non conforme était de 9% en 2003 contre 5,14 % en 2006. Cette même année, des concentrations élevées et durables en pesticides dans les eaux ont nécessité de restreindre les usages alimentaires de l’eau de la distribution publique pour 111 000 personnes, soit 0,18 % de la population française, principalement réparti dans le bassin parisien et le quart Nord-est.

A titre d’indication sur les prix en fonction du mode de gestion en Bretagne, là où l’exploitation des ressources de surfaces est très largement dominantes, les problèmes de pollution par les nitrates avérés, on notera que la régie communale s’avère moins onéreuse.

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Cependant, l’enquêt sur le prix 2006 de l’eau en Bretagne remarque : « En moyenne, le prix de l’eau potable dans les services en régie directe est plus bas que dans les services avec délégation, et le prix des services communaux moindre que dans les services relevant d’un EPCI. Il convient toutefois d’être prudent dans l’interprétation de ce résultat. En effet, d’une part, les écarts de prix moyens selon les modes de gestion sont souvent liés à la complexité des situations techniques : la gestion en EPCI et la gestion en délégation permettent de disposer de moyens et de compétences que les services des communes isolées de taille petite à moyenne ne peuvent pas financer. D’autre part, il convient de tenir compte des dispersions des valeurs de prix à l’intérieur d’un même mode de gestion. »

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Source : Observatoire des prix des services d’eau et d’assainissement du bassin Loire-Bretagne – Enquête sur le prix de l’eau en 2006.

Pour savoir, il faut s’imaginer, pour s’imager, il faut …

Pour savoir, il faut s'imaginer, pour s'imager, il faut ... dans André Gorz image001

Ecarter, désynchroniser, création de zones grises pour capture et/ou déverse.

Pour savoir, il faut s’imaginer, pour s’imager, il faut … démon-remonter.

Petite mise en code barre parallèle.
Coupure entre production et reproduction chez les plantes photosynthétiques, droit de propriété collé dans les semences et limitation des possibilités de sélections et de croisements pour l’agriculteur.
Coupure entre production et reproduction chez les hommes « photo-synthétique », droit de propriété collé dans les images et limitation des possibilités de sélections et de (re)montages pour le spectateur.

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« (…) pour réfléchir sur une perception l’image que nous en avons reçue, il faut que nous puissions la reproduire, c’est-à-dire la reconstruire par un effort de synthèse. On a dit que l’attention était une faculté d’analyse, et l’on a eu raison ; mais on n’a pas assez expliqué comment une analyse de ce genre est possible, ni par quel processus nous arrivons à découvrir dans une perception ce qui ne s’y manifestait pas d’abord. La vérité est que cette analyse se fait par une série d’essai de synthèse, ou, ce qui revient au même, par autant d’hypothèses : notre mémoire choisit tour à tour diverses images analogues qu’elle lance dans la direction de la perception nouvelle. Mais ce choix ne s’opère pas au hasard. Ce qui suggère les hypothèses, ce qui préside de loin à la sélection, ce sont les mouvements d’imitation par lesquels la perception se continue, et qui serviront de cadre commun à la perception et aux images remémorées. »

Henri Bergson. Matière et mémoire, essai sur la relation du corps à l’esprit. Édition électronique a été réalisée par Gemma Paquet, réalisée à partir de Matière et mémoire. Première édition : 1939. Paris: Les Presses universitaires de France, 1965, 72e édition, 282 pp. Collection: Bibliothèque de philosophie contemporaine, p. 61.

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Bergson, pour réfléchir sur une perception l’image que nous en avons reçue, il faut que nous puissions la reproduire, c’est-à-dire la reconstruire par un effort de synthèse.
Accès à la connaissance par le remontage, reconstruction et simulacre mimétique de cette activité de sélection que nous opérons en permanence dans la fourmilière du réel. Chimie de synthèse, se donner à percevoir nos nourritures, nos poisons, utile propre variable selon les coordonnées de tel ou tel corps.

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« L’imagination avec le montage : l’imagination est d’emblée un montage, de par les images qu’elle associe, qu’elle saisit et qu’elle laisse ressurgir, remonter. Une part du travail de l’imagination est ainsi consciente, articulée à la raison, à l’organisation de la pensée. Une autre part en est l’inconscient, le condensé, le symptôme, si bien que l’imagination agence les images suivant des relations, des correspondances et des rythmes – entre ressemblance et dissemblance, liaison et déliaison, synthèse et déconstruction – qu’il s’agit finalement d’arrêter, de monter, ne serait-ce que pour les exposer, les traduire. Le montage serait le moment éthique et esthétique de l’imagination, parce qu’il est travail sur la forme et mise en forme. Il est principe d’écriture des images. » 
Mathilde Girard, Imaginer, monter – facultés politiques.

http://www.dailymotion.com/video/x5f9w9 (Re)Montage, dedoublage, mise en perspective de ses archives.

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Cette séparation entre production et reproduction, plantes, images, etc., ouvre à un devenir hacker. La nature ayant horreur du vide, cette séparation produit l’espace, habitat ou niche « écologique » d’occupation pour ces populations de hackers.
Hackers ou petits démons-remonteurs, ceux dont la fonction est de casser des liaisons. Par exemple celles condensées dans des images, libérant ainsi une énergie immatérielle qui, (re)mise en circulation devient énergie sociale potentielle. Le hacker décomposeur – décodeur occupe ainsi une fonction de pré-recyclage dans la chaine socio-alimentaire des images, des idées, nourrissant les saprophages de l’essaim social, et par suite, le terreau de la banque des images, le sol de nos idées.
Séparation entre production et reproduction, nous assistons aujourd’hui à de multiples « pesticides » tentatives de désaffection comme de désinfection de l’espace ainsi crée.
A bien des égards, Hadopi est un puissant pesticide social, celui-là même qui est en charge de priver de vie cet espace qu’un certain mode du penser [ouvre-écarte-arrache-insère] entre production et reproduction, des plantes, des images, des idées, etc.

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André Gorz, la sortie du capitalisme a déjà commencé, extrait de la version remaniée

« Ce qui importe pour le moment, c’est que la principale force productive et la principale source de rentes tombent progressivement dans le domaine public et tendent vers la gratuité ; que la propriété privée des moyens de production et donc le monopole de l’offre deviennent progressivement impossibles ; que par conséquent l’emprise du capital sur la consommation se relâche et que celle-ci peut tendre à s’émanciper de l’offre marchande. Il s’agit là d’une rupture qui mine le capitalisme à sa base. La lutte engagée entre les logiciels propriétaires et les logiciels libres (libre, free, est aussi l’équivalent anglais de gratuit) a été le coup d’envoi du conflit central de l’époque. Il s’étend et se prolonge dans la lutte contre la marchandisation de richesses premières – la terre, les semences, le génome, les biens culturels, les savoirs et compétences communs, constitutifs de la culture du quotidien et qui sont les préalables de l’existence d’une société. De la tournure que prendra cette lutte dépend la forme civilisée ou barbare que prendra la sortie du capitalisme.
Cette sortie implique nécessairement que nous nous émanciperons de l’emprise qu’exerce le capital sur la consommation et de son monopole des moyens de production. Elle signifie l’unité rétablie du sujet de la production et du sujet de la consommation et donc l’autonomie retrouvée dans la définition de nos besoins et de leur mode de satisfaction. L’obstacle insurmontable que le capitalisme avait dressé sur cette voie était la nature même des moyens de production qu’il avait mis en place : ils constituait une mégamachine dont tous étaient les serviteurs et qui nous dictait les fins à poursuivre et la vie a mener. Cette période tire à sa fin. Les moyens d’autoproduction high-tech rendent la mégamachine industrielle virtuellement obsolète. Claudio Prado invoque l’appropriation des technologies parce que la clé commune de toutes, l’informatique, est appropriable par tous. Parce que, comme le demandait Ivan Illich, chacun peut l’utiliser sans difficulté aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire… sans que l’usage qu’il en fait empiète sur le liberté d’autrui d’en faire autant ; et parce que cet usage (il s’agit de la définition illichienne des outils conviviaux) stimule l’accomplissement personnel et élargit l’autonomie de tous. La définition que Pekka Himanen donne de l’Ethique Hacker est très voisine : un mode de vie qui met au premier rang les joies de l’amitié, de l’amour, de la libre coopération et de la créativité personnelle. »

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http://www.dailymotion.com/video/x6mo0t

[Production – [Extraction] – Reproduction]

http://www.dailymotion.com/video/xam529 Substituer au cycle de la reproduction celui de la production, chaîne de démontage du sample-clone poule©, extrait son : Jean-Pierre Berlan.

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« La vie dépend de circuits de contingences entrelacés, alors que la conscience ne peut mettre en évidence que tels petits arcs de tels circuits que l’engrenage des buts humains peut manœuvrer. » Gregory Bateson

Ignorant ces vastes circuits de contingences, par intérêt et/ou mode de pensée excessivement atomiste, nous extrayons-isolons-samplons des bribes de machines naturelles.
Le poule© en batterie n’est ainsi qu’un sample - possible, montable et démontable - de la machine poule-environnement avec rythmes et champ des possibles naturels (c’est à dire ouvert dans les limites de ses indifférences).
Extrait-isolé de ses circuits, une note de son ensemble musical, l’objet produit vise à optimiser la séparation entre ses rythmes de production et de reproduction. Condamné à ne dialoguer qu’avec des machines nourricières qui incisent et modifient les coordonnées de son corps, vitesses et  lenteurs, le clone-sample n’a évidement pas les mêmes capacités d’affecter et d’être affecté que sa version originale (objectif de maximisation de son indifférence au monde). 
A  en rester à la forme on dira bien que le clone-sample est toujours un poulet, justification d’ordre morale permettant de le multiplier à l’infini sur un mode copier-coller.
Ce qui est vrai pour le poule© l’est tout autant pour le grain© qu’il mange. Ces entités de stockage et/ou de transformations temporaires, parties intégrantes de la méta-machine qui les produit pourraient donc bien chanter ceci :

« Chacun de nous est sorti d’animalcules indéfiniment petits dont l’identité était entièrement distincte de la notre ; et qui font partis de notre système reproducteur ; pourquoi ne ferions-nous pas partie de celui des machines ? Ce qui nous trompe c’est que nous considérons toute machine compliquée comme un objet unique. En réalité, c’est une cité ou une société dont chaque membre est procrée directement selon son espèce. Nous voyons une machine comme un tout, nous lui donnons un nom et l’individualisons ; nous regardons nos propres membres et nous pensons que leur combinaison forme un individu qui est sorti d’un unique centre d’action reproductrice. Mais cette conclusion est anti-scientifique, et le simple fait qu’une machine à vapeur n’a été faite par une autre ou par deux autres machines de sa propre espèce ne nous autorise nullement à dire que les machines à vapeur n’ont pas de système reproducteur. En réalité, chaque partie de quelque machine à vapeur que ce soit est procrée par ses procréateurs particuliers et spéciaux, dont la fonction est de procréer cette partie là, et celle-là seule, tandis que la combinaison des partie en un tout forme un autre département du système reproducteur mécanique… » Samuel Butler « le livre des machines »

De l’intérêt d’avoir des mots pour le dire, donner à voir et sentir les différences … qui produisent d’autres différences.

Integration en appartement …

Et leurs feuilles enveloppantes (…) toutes ces choses avec lesquelles il [était] bon d’aller …

Deux habitats (agencements) urbains en compétition de substitution.
Peuplement des canapés de salon & télévision : niche globale, terrier d’un spectateur, dedans.
Peuplement des bancs publics & strate arborée : niche locale, corridor d’un flâneur, dehors.

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« Trace et aura. La trace est l’apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l’a laissé. L’aura est l’apparition d’un lointain, quelque proche que puisse être ce qui l’évoque. Avec la trace, nous nous emparons de la chose, avec l’aura, c’est elle qui se rend maîtresse de nous. »
Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIXe siècle, Edition Cerf, 1989, p. 464

« Pour connaître toute la mélancolie d’une ville, il faut y avoir été enfant.»
Walter Benjamin, l’Enfance berlinoise.

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De petites différences inévidentes qui produisent d’autres différences,
Découplage production – reproduction,
Mise en appartement du dehors,
Ecologie urbaine,
Du flâneur au spectateur,
De la trace à l’aura,
Mimétisme des affects …

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http://www.dailymotion.com/video/xalm0t

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Peu sur l’extinction des boudoirs publics,
Transformés canapé de salon,
Privatisation de la rue [par-en] appartement,
Spectateur communiant face contre écran,
Amen et communion en télévision,
Meetoc et autre plante verte,
Le dehors,
Prétexte à ramener dedans,
La terminaison des
flâneurs,
Dos à la course mimétique des temps,
[Court y dort] …

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Integration en appartement ... dans Ecosysteme TV.fr image0025

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Quelques pas …

Apologie des bancs publics 
Guerrilla benching 
Le terrier de Frantz Kafka
La figure dans le paysage

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http://www.dailymotion.com/video/x6xjdt Imaginaire urbain …

Lumières d’hier et d’aujourd’hui

frontières

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« (…) le rôle que joue la nature en tant qu’objet dans les différents milieux est contradictoire (…) si l’on voulait rassembler ses caractères objectifs, on serait devant un chaos (…) [mais] tous ces milieux sont portés et conservés par la totalité qui transcende chaque milieu particulier : la nature ». Jakob von Uexküll

Si nous cherchions à définir le développement durable, on pourrait dire que celui-ci vise à intégrer dans nos prises de décisions ce que pourrait-être le terreau nécessaire à un continuum de croissance socio-économique. Soit les soubassements où conditions sur lesquelles reposent une certaine idée du progrès (en ce qu’il serait continu par exemple).
L’écologie des sols étant une chose très complexe, le DD simplifie grandement l’affaire en se référant à la notion de cadre et à son synonyme d’environnement. Cadre de vie, cadre de production, environnement de croissance, etc. Dans un cadre dont j’imagine des frontières fixes, je peux en effet segmenter et rendre visible certaines des composantes révélatrices des conditions de reproduction de ce même cadre.
L’une des conclusions est alors qu’un environnement sain est, dans le temps long, l’une des conditions nécessaires au continuum d’un progrès (économique, social, etc.)
Dans un cadre, je compile donc une somme de catégories de pensée (plus et/ou non questionnées) pour aide à la prise de décision. J’ajoute donc de nouvelles variables à l’équation coût-avantage standard, mais le mode de résolution du problème reste sensiblement le même.

Monde complexe → simplification des variables et segmentation par ensemble → analyse comptable par ensemble → synthèse des comptes ou bilan statique consolidé → analyse des risques et analyse coût-avantage de solutions d’équilibre.

Au-delà du caractère directement opérationnel de la chose, difficile d’y voir de véritable révolution dans la pensée. L’homme demeure le plus souvent hors-cadre, le travail centré sur du connu faisant encore une belle part à la mécanique classique.
En résulte une activité à orientation prescriptive qui n’a pas réellement besoin d’un individu attentif au monde, et donc mature, du fait de la diffusion d’attendus institutionnels.

En écho, nous pourrions définir une certaine pratique de l’écologie comme la science et l’art de révéler des relations incertaines et inévidentes. Non perceptibles ou non encore perceptibles du fait de l’échelle spatiale ou temporelles des phénomènes étudiés.
Ici pas de cadre « photographique », mais bien plus l’art du montage cinématographique dans le traitement des points et frontières mobiles et l’accès à la connaissance.
Pas d’environnement-cadre, mais des écosystèmes ouverts les un sur les autres, l’homme dedans entant que producteur et produit. La segmentation standard (économie, environnement, social, etc.) n’est plus ici opérationnelle. D’où le renouvellement nécessaire du mode de penser les problèmes, et l’appel à des résolutions beaucoup plus systémiques.

Monde complexe → modélisation systémique et intégration de l’observateur → analyse dynamique des déséquilibres → réponse à la question existe-t-il un intérêt à agir ? (principe d’attention et de précaution).

En résulte une activité à but informatif (sur les réponses incertaines du monde à nos actions) qui a réellement besoin d’un individu attentif au monde, et donc mature face à l’émergence d’inattendus.

De là notre question : le développement durable réactualise-t-il véritablement l’idée de progrès ? Si oui laquelle et en quoi ?
Ou alors vise-t-il plus simplement à la construction d’un continuum historique artificiel ?
Un petit retour en arrière semble utile. Le progrès, mais lequel ? De quoi, et à partir de quoi parlons-nous ?

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http://www.dailymotion.com/video/x8vpvr

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« Qu’est-ce que les Lumières ? »
Emmanuel Kant, 1784, traduction Jules Barni, source

« Les lumières sont ce qui fait sortir l’homme de la minorité qu’il doit s’imputer à lui-même. La minorité consiste dans l’incapacité où il est de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui. Il doit s’imputer à lui-même cette minorité, quand elle n’a pas pour cause le manque d’intelligence, mais l’absence de la résolution et du courage nécessaires pour user de son esprit sans être guidé par un autre. Sapere aude, aie le courage de te servir de ta propre intelligence ! Voilà donc la devise des lumières.

La paresse et la lâcheté sont les causes qui font qu’une si grande partie des hommes, après avoir été depuis longtemps affranchis par la nature de toute direction étrangère (naturaliter majorennes), restent volontiers mineurs toute leur vie, et qu’il est si facile aux autres de s’ériger en tuteurs. Il est si commode d’être mineur ! J’ai un livre qui a de l’esprit pour moi, un directeur qui a de la conscience pour moi, un médecin qui juge pour moi du régime qui me convient, etc. ; pourquoi me donnerais-je de la peine ? Je n’ai pas besoin de penser, pourvu que je puisse payer ; d’autres se chargeront pour moi de cette ennuyeuse occupation. Que la plus grande partie des hommes (et avec eux le beau sexe tout entier) tiennent pour difficile, même pour très-dangereux, le passage de la minorité à la majorité ; c’est à quoi visent avant tout ces tuteurs qui se sont chargés avec tant de bonté de la haute surveillance de leurs semblables. Après les avoir d’abord abêtis en les traitant comme des animaux domestiques, et avoir pris toutes leurs précautions pour que ces paisibles créatures ne puissent tenter un seul pas hors de la charrette où ils les tiennent enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace, s’ils essayent de marcher seuls. Or ce danger n’est pas sans doute aussi grand qu’ils veulent bien le dire, car, au prix de quelques chutes, on finirait bien par apprendre à marcher ; mais un exemple de ce genre rend timide et dégoûte ordinairement de toute tentative ultérieure.

Il est donc difficile pour chaque individu en particulier de travailler à sortir de la minorité qui lui est presque devenue une seconde nature. Il en est même arrivé à l’aimer, et provisoirement il est tout à fait incapable de se servir de sa propre intelligence, parce qu’on ne lui permet jamais d’en faire l’essai. Les règles et les formules, ces instruments mécaniques de l’usage rationnel, ou plutôt de l’abus de nos facultés naturelles, sont les fers qui nous retiennent dans une éternelle minorité. Qui parviendrait à s’en débarrasser, ne franchirait encore que d’un saut mal assuré les fossés les plus étroits, car il n’est pas accoutumé à d’aussi libres mouvementé. Aussi n’arrive-t-il qu’à bien peu d’hommes de s’affranchir de leur minorité par le travail de leur propre esprit, pour marcher ensuite d’un pas sûr.

Mais que le public s’éclaire lui-même, c’est ce qui est plutôt possible ; cela même est presque inévitable, pourvu qu’on lui laisse la liberté. Car alors il se trouvera toujours quelques libres penseurs, même parmi les tuteurs officiels de la foule, qui, après avoir secoué eux-mêmes le joug de la minorité, répandront autour d’eux cet esprit qui fait estimer au poids de la raison la vocation de chaque homme à penser par lui-même et la valeur personnelle qu’il en retire. Mais il est curieux de voir le public, auquel ses tuteurs avaient d’abord imposé un tel joug, les contraindre ensuite eux-mêmes de continuer à le subir, quand il y est poussé par ceux d’entre eux qui sont incapables de toute lumière. Tant il est dangereux de semer des préjugés ! Car ils finissent par retomber sur leurs auteurs ou sur les successeurs de leurs auteurs. Le public ne peut donc arriver que lentement aux lumières. Une révolution peut bien amener la chute du despotisme d’un individu et de l’oppression d’un maître cupide ou ambitieux, mais jamais une véritable réforme dans la façon de penser ; de nouveaux préjugés serviront, tout aussi bien que les anciens, à conduire les masses aveugles.

La diffusion des lumières n’exige autre chose que la liberté, et encore la plus inoffensive de toutes les libertés, celle de faire publiquement usage de sa raison en toutes choses. Mais j’entends crier de toutes parts : ne raisonnez pas. L’officier dit : ne raisonnez pas, mais exécutez ; le financier : ne raisonnez pas, mais payez ; le prêtre : ne raisonnez pas, mais croyez. (Il n’y a qu’un seul maître dans le monde qui dise : raisonnez tant que vous voudrez et sur tout ce que vous voudrez, mais obéissez.) Là est en général la limite de la liberté. Mais quelle limite est un obstacle pour les lumières ? Quelle limite, loin de les entraver, les favorise ? Je réponds : l’usage public de sa raison doit toujours être libre, et seul il peut répandre les lumières parmi les hommes ; mais l’usage privé peut souvent être très-étroitement limité, sans nuire beaucoup pour cela aux progrès des lumières. J’entends par usage public de sa raison celui qu’en fait quelqu’un, à titre de savant, devant le public entier des lecteurs. J’appelle au contraire usage privé celui qu’il peut faire de sa raison dans un certain poste civil ou une certaine fonction qui lui est confiée. Or il y a beaucoup de choses, intéressant la chose publique, qui veulent un certain mécanisme, ou qui exigent que quelques membres de la société se conduisent d’une manière purement passive, afin de concourir, en entrant pour leur part dans la savante harmonie du gouvernement, à certaines fins publiques, ou du moins pour ne pas les contrarier. Ici sans doute il n’est pas permis de raisonner, il faut obéir. Mais, en tant qu’ils se considèrent comme membres de toute une société, et même de la société générale des hommes, par conséquent en qualité de savants, s’adressant par des écrits à un public dans le sens propre du mot, ces mêmes hommes, qui font partie de la machine, peuvent raisonner, sans porter atteinte par là aux affaires auxquelles ils sont en partie dévolus, comme membres passifs. Il serait fort déplorable qu’un officier, ayant reçu un ordre de son supérieur, voulût raisonner tout haut, pendant son service, sur la convenance ou l’utilité de cet ordre ; il doit obéir. Mais on ne peut équitablement lui défendre, comme savant, de faire ses remarques sur les fautes commises dans le service de la guerre, et de les soumettre au jugement de son public. Un citoyen ne peut refuser de payer les impôts dont il est frappé ; on peut même punir comme un scandale (qui pourrait occasionner des résistances générales) un blâme intempestif des droits qui doivent être acquittés par lui. Mais pourtant il ne manque pas à son devoir de citoyen en publiant, à titre de savant, sa façon de penser sur l’inconvenance ou même l’iniquité de ces impositions. De même un ecclésiastique est obligé de suivre, en s’adressant aux élèves auxquels il enseigne le catéchisme, ou à ses paroissiens, le symbole de l’Église qu’il sert ; car il n’a été nommé qu’à cette condition. Mais, comme savant, il a toute liberté, et c’est même sa vocation, de communiquer au public toutes les pensées qu’un examen sévère et consciencieux lui a suggérées sur les vices de ce symbole, ainsi que ses projets d’amélioration touchant les choses de la religion et de l’Église. Il n’y a rien là d’ailleurs qui puisse être un fardeau pour sa conscience. Car ce qu’il enseigne en vertu de sa charge, comme fonctionnaire de l’Église, il ne le présente pas comme quelque chose sur quoi il ait la libre faculté d’enseigner ce qui lui paraît bon, mais comme ce qu’il a la mission d’exposer d’après l’ordre et au nom d’autrui. Il dira : notre Église enseigne ceci ou cela ; voilà les preuves dont elle se sert. Il montrera alors toute l’utilité pratique que ses paroissiens peuvent retirer d’institutions auxquelles il ne souscrirait pas lui-même avec une entière conviction, mais qu’il peut néanmoins s’engager à exposer, parce qu’il n’est pas du tout impossible qu’il n’y ait là quelque vérité cachée, et que dans tous les cas du moins on n’y trouve rien de contraire à la religion intérieure. Car, s’il croyait y trouver quelque chose de pareil, il ne pourrait remplir ses fonctions en conscience ; il devrait les déposer. L’usage qu’un homme chargé d’enseigner fait de sa raison devant ses paroissiens est donc simplement un usage privé ; car ceux-ci ne forment jamais qu’une assemblée domestique, si grande qu’elle puisse être, et sous ce rapport, comme prêtre, il n’est pas libre et ne peut pas l’être, puisqu’il exécute un ordre étranger. Au contraire, comme savant, s’adressant par des écrits au public proprement dit, c’est-à-dire au monde, ou dans l’usage public de sa raison, l’ecclésiastique jouit d’une liberté illimitée de se servir de sa propre raison et de parler en son propre nom. Car vouloir que les tuteurs du peuple (dans les choses spirituelles) restent eux-mêmes toujours mineurs, c’est une absurdité qui tend à éterniser les absurdités.

Mais une société de prêtres, telle qu’une assemblée ecclésiastique, ou une classe vénérable (comme elle s’appelle elle-même chez les Hollandais), n’aurait-elle donc pas le droit de s’engager par serment à rester fidèle à un certain symbole immuable, afin d’exercer ainsi sur chacun de ses membres, et, par leur intermédiaire, sur le peuple, une tutelle supérieure qui ne discontinuât point, et qui même fût éternelle ? Je dis que cela est tout à fait impossible. Un pareil contrat, qui aurait pour but d’écarter à jamais de l’espèce humaine toute lumière ultérieure, serait nul et de nul effet, fût-il confirmé par le souverain pouvoir, par les diètes du royaume et par les traités de paix les plus solennels. Un siècle ne peut s’engager, sous la foi du serment, à transmettre au siècle suivant un état de choses qui interdise à celui-ci d’étendre ses connaissances (surtout quand elles sont si pressantes), de se débarrasser de ses erreurs, et en général d’avancer dans la voie des lumières. Ce serait un crime contre la nature humaine, dont la destination originelle consiste précisément dans ce progrès ; et par conséquent les générations suivantes auraient parfaitement le droit de rejeter ces sortes de traités comme arbitraires et impies. La pierre de touche de tout ce que l’on peut ériger en loi pour un peuple est dans cette question : ce peuple pourrait-il bien s’imposer à lui-même une pareille loi ? Or, en attendant en quelque sorte une loi meilleure, il pourrait bien adopter pour un temps court et déterminé une loi analogue à celle dont nous venons de parler, afin d’établir un certain ordre ; encore faudrait-il que, pendant toute la durée de l’ordre établi, il laissât à chacun des citoyens, particulièrement aux ecclésiastiques, la liberté de faire publiquement, en qualité de savants, c’est-à-dire dans des écrits, leurs remarques sur les vices des institutions actuelles, jusqu’à ce que ces sortes d’idées eussent fait de tels progrès dans le public que l’on pût, en réunissant les suffrages (quand même ils ne seraient pas unanimes), soumettre à la couronne le projet de prendre sous sa protection, sans gêner en rien tous ceux qui voudraient s’en tenir à l’ancienne constitution religieuse, tous ceux qui s’accorderaient dans l’idée de la réformer. Mais se concerter, ne fût-ce que pour la durée de la vie d’un homme, afin d’établir une constitution religieuse immuable que personne ne puisse mettre publiquement en doute, et enlever par là en quelque sorte un espace de temps au progrès de l’humanité dans la voie des améliorations, le rendre stérile et même funeste pour la postérité, c’est ce qui est absolument illégitime. Un homme peut bien différer quelque temps de s’éclairer personnellement sur ce qu’il est obligé de savoir ; mais renoncer aux lumières, soit pour soi-même, soit surtout pour la postérité, c’est violer et fouler aux pieds les droits sacrés de l’humanité. Or ce qu’un peuple ne peut pas décider pour lui-même, un monarque le peut encore moins pour le peuple, car son autorité législative repose justement sur ce qu’il réunit dans sa volonté toute la volonté du peuple. Pourvu qu’il veille à ce qu’aucune amélioration véritable ou supposée ne trouble l’ordre civil, il peut d’ailleurs laisser ses sujets libres de faire eux-mêmes ce qu’ils croient nécessaire pour le salut de leur âme. Cela ne le regarde en rien, et la seule chose qui le doive occuper, c’est que les uns ne puissent empêcher violemment les autres de travailler de tout leur pouvoir à déterminer et à répandre leurs idées sur ces matières. Il fait même tort à sa majesté en se mêlant de ces sortes de choses, c’est-à-dire en jugeant dignes de ses augustes regards les écrits où ses sujets cherchent à mettre leurs connaissances en lumière, soit qu’il invoque en cela l’autorité souveraine de son propre esprit, auquel cas il s’expose à cette objection : Cæsar non est supra grammaticos, soit surtout qu’il ravale sa puissance suprême jusqu’à protéger dans son État, contre le reste de ses sujets, le despotisme ecclésiastique de quelques tyrans.

Si donc on demande : vivons-nous aujourd’hui dans un siècle éclairé ? je réponds : non, mais bien dans un siècle de lumières. Il s’en faut de beaucoup encore que, dans le cours actuel des choses, les hommes, pris en général, soient déjà en état ou même puissent être mis en état de se servir sûrement et bien, sans être dirigés par autrui, de leur propre intelligence dans les choses de religion ; mais qu’ils aient aujourd’hui le champ ouvert devant eux pour travailler librement à cette œuvre, et que les obstacles, qui empêchent la diffusion générale des lumières ou retiennent encore les esprits dans un état de minorité qu’ils doivent s’imputer à eux-mêmes, diminuent insensiblement, c’est ce dont nous voyons des signes manifestes. Sous ce rapport, ce siècle est le siècle des lumières ; c’est le siècle de Frédéric.

Un prince qui ne croit pas indigne de lui de dire qu’il regarde comme un devoir de ne rien prescrire aux hommes dans les choses de religion, mais de leur laisser à cet égard une pleine liberté, et qui par conséquent ne repousse pas le noble mot de tolérance, est lui-même éclairé et mérite d’être loué par le monde et la postérité reconnaissante, comme celui qui le premier, du moins du côté du gouvernement, a affranchi l’espèce humaine de son état de minorité, et a laissé chacun libre de se servir de sa propre raison dans tout ce qui est affaire de conscience. Sous son règne, de vénérables ecclésiastiques, sans nuire aux devoirs de leur profession, et, à plus forte raison, tous les autres qui ne sont gênés par aucun devoir de ce genre, peuvent, en qualité de savants, soumettre librement et publiquement à l’examen du monde leurs jugements et leurs vues, bien qu’ils s’écartent sur tel ou tel point du symbole reçu. Cet esprit de liberté se répand aussi hors de chez nous, là même où il a à lutter contre les obstacles extérieurs d’un gouvernement qui entend mal son devoir ; car le nôtre offre une preuve éclatante qu’il n’y a absolument rien à craindre de la liberté pour la paix publique et l’harmonie des citoyens. Les hommes travaillent d’eux-mêmes à sortir peu à peu de la barbarie, pourvu qu’on ne s’applique pas à les y retenir.

J’ai placé dans les choses de religion le point important des lumières, qui font sortir les hommes de l’état de minorité qu’ils se doivent à eux-mêmes, parce que, quant aux arts et aux sciences, notre souverain n’a aucun intérêt à exercer une tutelle sur ses sujets, et surtout parce que cet état de minorité est non-seulement le plus funeste, mais encore le plus avilissant de tous. Mais la façon de penser d’un chef d’État, qui favorise les arts et sciences, va plus loin encore : il voit que, même pour sa législation, il n’y a aucun danger à permettre à ses sujets de faire publiquement usage de leur propre raison et de publier leurs pensées sur les améliorations qu’on y pourrait introduire, même de faire librement la critique des lois déjà promulguées ; nous en avons aussi un éclatant exemple dans le monarque auquel nous rendons hommage, et qui ne s’est laissé devancer en cela par aucun autre.

Mais aussi celui-là seul, qui, en même temps qu’il est lui-même éclairé et n’a pas peur de son ombre, a sous la main pour garant de la paix publique une armée nombreuse et parfaitement disciplinée, celui-là peut dire ce que n’oserait pas dire une république : raisonnez tant que vous voudrez et sur tout ce que vous voudrez, seulement obéissez. Les choses humaines suivent ici un cours étrange et inattendu, comme on le voit souvent d’ailleurs, quand on les envisage en grand, car presque tout y est paradoxal. Un degré supérieur de liberté civile semble favorable à la liberté de l’esprit du peuple, et pourtant lui oppose des bornes infranchissables ; un degré inférieur, au contraire, lui ouvre un libre champ où il peut se développer tout à son aise. Lorsque la nature a développé, sous sa dure enveloppe, le germe sur lequel elle veille si tendrement, à savoir le penchant et la vocation de l’homme pour la liberté de penser, alors ce penchant réagit insensiblement sur les sentiments du peuple (qu’il rend peu à peu plus capable de la liberté d’agir), et enfin sur les principes mêmes du gouvernement, lequel trouve son propre avantage à traiter l’homme, qui n’est plus alors une machine, conformément à sa dignité. »

Des pavés sur les plages

vitesse 
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En période estivale, c’est bien connu, la biomasse de l’écosystème presse s’allège lourdement pour se gonfler de people dans les branchages. Nouveauté des climats, s’en vient également à fleurir, ici et là de manière presque homogène, notes et billets verts d’orientation théorique entendant nous donner matières à écologiser sur les plages.

Est-ce la pauvreté des sols ou le déficit hydrique de la période, mais force est de constater d’un caractéristique commune : peu nous apprendre de la question présente. De bons bio-indicateurs symptômes du niveau de pollution des esprits lorqu’ils baignent dans de haute concentration de prêt à penser.

Prêt à penser ou recyclage d’oppositions standards entre des catégorisations floues et stérilisées par la flèche du temps, l’individuel et le collectif, l’homme et la technique, et l’on continue business as usual à lancer toute sorte d’absolus les uns contre les autres, mots de code de sa chapelle et autres rêveries jetés dans les mares.

L’un qui masque toujours l’autre garde bien au secret ce que devrait être la formule de base d’une vision écologique : ne percevoir et ne donner à percevoir jamais seulement ceci et rien d’autre. Si vous êtes incapable de percevoir l’arbre derrière la forêt, et inversement, passez à autre chose, vous ne donner rien à voir du nouveau de la question.

Parallèlement, c’est aussi cette formule d’un Socrate élevé à la soupe quantique, extraite d’un rapport de l’OMS de 1958 consacré au développement de l’énergie nucléaire et rapportée par Aurélien Boutaud dans un article sur les dangers de la «croissance verte», et que l’on pourrait amander comme suit : « Voir monter (faire émerger) une nouvelle génération (attentive) qui aurait appris à s’accommoder de l’ignorance et de l’incertitude (quant aux réponses du monde à nos actions). »

Petit montage des vues, du pire au meilleur.

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Les absolus (ment) flous : le collectif versus l’individuel

Ecologie : tous ensemble, par Stéphane Madaule, essayiste, maître de conférences à Sciences-Po Paris.
Libération du 30/07/2009.

« L’avènement de l’écologie ne signerait-elle pas le retour d’une prise en compte du collectif, de l’intérêt général, face à un individualisme forcené qui nous était présenté comme la pente naturelle de notre évolution ? (…)
Or avec l’écologie, avec la prise en compte de l’environnement, il n’est plus possible de militer pour le chacun pour soi. De la consommation des uns dépend le bien-être des autres. Nos modes de vie sont interconnectés. Le collectif prend à nouveau le pas sur l’individuel et redonne à la politique un espace de liberté que l’on croyait perdu. La recherche de l’intérêt général ne passe plus par la somme des intérêts particuliers. Le marché, incapable d’intégrer les externalités négatives de nos consommations, incapable de réduire les inégalités entre les hommes, incapable de gérer nos ressources sur le long terme, n’est plus la solution unique. L’intervention de l’Etat, l’implication des citoyens, le retour de la politique sont à nouveau nécessaires pour reprendre le fil de notre avenir commun. Le succès d’Europe écologie, aux dernières élections européennes, témoigne de cette évolution. »

Individuel versus collectif. On se demande bien à quoi pourraient renvoyer aujourd’hui de telles catégories de pensée non questionnée. L’environnement c’est à la fois la condition d’existence des individus (là où ils racinent) et le produit des transformations que lui impose l’activité sociale de ces-mêmes individus (là où ils consomment). Le succès fictionnel et ponctuel d’Europe écologie, c’est d’avoir su donner à voir à la fois l’arbre et la forêt sans que l’un ne masque l’autre, à la fois la crise écologique et financière, à la fois la France et l’Europe.

Cette nouvelle articulation du à la fois, l’émergence d’un individu coloniaire en réseau, producteur et produit de transformations à haute vitesse, implique de porter son regard sur le singulier. Celui d’une attention individuelle à toujours (re)conquérir. Si solutionner des problèmes d’une nature globale requière une micro-politique de l’action quotidienne, alors il convient de ne surtout pas l’abandonner aux filets des héroïsmes institutionnels comme idéologiques. D’une et avec la matière première singulière, comment penser l’émergence de nouveaux types de collectifs fluides relationnels. Habiter naturellement la technique, notamment celle de l’internet, modèle de combinaison, de rencontre, de production libre et décentralisée (pour combien de temps ?). 

http://www.dailymotion.com/video/x874w9 Rythmes et biologie.

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Les absolus (ment) flous : l’humanisme versus les sciences et les techniques.

Contre Allègre : une écologie qui émancipe, par Denis Baupin adjoint au maire de Paris chargé de l’environnement, du développement durable et du plan climat.
Libération du 05/08/2009.

«  Fidèle à la stratégie de son nouveau maître – Nicolas Sarkozy -, Claude Allègre prétend, en s’appropriant indûment l’identité de ceux qu’il veut combattre- les écologistes -, se parer lui-même des habits de l’écologie, avec la création prochaine de sa Fondation pour l’écologie productive (Libération du 17 juillet). Venant d’un des principaux négationnistes du dérèglement climatique, y compris au prix du tripatouillage de travaux scientifiques, le propos pourrait faire sourire. Mais on aurait tort de se contenter de ce premier réflexe. Claude Allègre n’est que la figure la plus caricaturale d’une entreprise plus globale visant à se réapproprier le succès des écologistes pour mieux le dénaturer.
Cette entreprise utilise deux artifices. Le premier est un grand classique : faire passer les écologistes pour des passéistes, des opposants au progrès, etc. (…) Le second, plus nouveau, est devenu un passage obligé pour tout politique en panne de discours : repeindre en vert les politiques les plus productivistes et polluantes, afin de leur donner une nouvelle légitimité. (…)
(…)  il y a bien deux visions différentes de l’écologie. L’une, malgré les alertes alarmistes des scientifiques du climat et de la planète, prétend, sous couvert d’écologie, qu’il suffit de croire aveuglément aux avancées technologiques portées par quelques scientistes financés par les lobbys pour tout résoudre. L’autre préconise une approche lucide, laïque vis-à-vis du scientisme technologique, mais résolument émancipatrice, humaniste et optimiste parce que faisant confiance aux êtres humains – et pas qu’à quelques-uns – pour trouver démocratiquement la voie d’une civilisation écologique, sobre, juste et donc éminemment moderne. »

Action, réaction. Opposition sans cohabitation possible, toujours seulement ceci et rien d’autre des deux côtés (pub et anti-pub font pub). Où comment les excès des uns font le miroir des autres. Sans questionner ici la vision technophile de Claude Allègre, batteries de solutions clef en main parmi tant d’autres, arrêtons-nous un instant sur les propos de Denis Baupin.

Ce dernier s’interroge-t-il seulement sur le pourquoi et le comment de la récupération (si facile) de l’écologie normative ? Quels sont exactement les succès récupérables de l’armée verte de Denis Baupin ? Des individus bombardés d’images catastrophiques qui ne finissent plus par rechercher dans l’environnement que ce qu’on leur a mis dans la tête à l’avance : l’arbre sauveur, l’air chaud menaçant, etc.

« Un État qui rapetisse les hommes pour en faire des instruments dociles entre ses mains, même en vue de bienfaits, s’apercevra qu’avec de petits hommes rien de grand ne saurait s’accomplir. »
John Stuart Mill / 1806-1873 / De la liberté / 1859

Par ailleurs, qu’est-ce que l’identité écologique sinon une fixation de l’air du temps non écologique? Le principe de précaution ne devrait-il pas s’appliquer également dans le champ lexical quand on s’en vient à convoquer des mots aussi lourdement chargés que « négationniste ». Contrairement à ce qui est annoncé, les termes du discours nous renvoient à une écologie dure et défensive sur ses frontières. De toute sa hauteur, le pilote qui entend commander d’en haut l’ensemble des sciences du vivant. Sa mission ? Sauver le monde. Quel monde ? Qui parle ? La machine est en place, on n’en sait rien, ça vient sur moi d’en haut.

On est loin dans l’expression de faire émerger une «nouvelle génération qui aurait appris à s’accommoder de l’ignorance et de l’incertitude». Le monde n’est pas donné transparent à l’avance, par l’écologie pas plus qu’un autre domaine ou dispositif des savoirs. Il n’y a pas de sauveur, il y à penser et expérimenter avec attention une co-présence (homme – nature – artefact) au monde.

Or la trajectoire de l’attention au monde se distingue de celle d’un savoir à conquérir. Ne s’attachant qu’à imposer (par les toujours mêmes méthodes dures sur le désir) la transparence de la seconde, la pratique écologique dominante oublie la figure poètique, sa capacité à diffuser et intégrer les artefacts dans une vision englobante et littéraire du monde. Les artifices, les jeux de l’esprit qui nous permettent de ne pas avoir à choisir entre la technique et la nature, de densifier sa présence à un monde compris comme un ensemble en coévolution, et dont nous portons des traces [à démonter, à remonter]. 

http://www.dailymotion.com/video/x71djv Homme – Nature – Artéfacts, coévolution.

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Pour finir sur une note optimiste, quelques extraits de l’entretien avec Marc Mimram paru dans le Monde du 04.08.09 sous le titre Le territoire est un bien précieux.

Petite remarque liminaire, il semble bien que l’écologie porte en son sein une profonde remise en question du levier vitesse (mode de transport doux, agriculture biologique et rythmes des sols, etc.), de cette accélération du rythme de l’homme joueur de tambour sur sa galère terre : circulation des marchandises, des flux financiers, de  l’information numérisée, des images et des virus, etc.

Si l’accélération produit de la valeur et du pouvoir temps par la rotation de l’ensemble des stocks possibles, elle décohabite les rythmes biologiques, brise les chaînes symbiotiques en imposant un tempo forcené à l’ensemble du vivant. L’homme dedans en devient inattentif, faute d’un esprit capable de tirer des ponts à haute vitesse entre les choses, le défilement du paysage n’étant plus adapté à ses capacités de traitement visuel en 24 images seconde. 

Il est donc tout à fait étonnant de constater qu’une certaine manière de faire de l’écologie, toute urgence tenante, cherche à s’arrimer à cette vitesse : production d’images catastrophiques intraitables et non cohabitables, machine à s’empresser de produire des normes, sans perspective, sans prospective, etc. Dernier point que relève Marc Mimram parmi d’autres contradictions de l’identité écologique successful si chère à Denis Baupin, en passant par les images-commandements qu’un bon YAB nous envoie du ciel.

« Etre attentif à l’économie de matière, être frugal, c’est une forme d’attention au monde, ce n’est pas produire des normes. Mais la machine est en place. On fabrique des normes à une vitesse phénoménale, des normes qu’on retrouve dans l’esprit des gens. Ne croyez pas que je suis hostile à l’écologie. Mais ce consensus généralisé m’inquiète. Si ça a pour seule vertu de réduire les fenêtres, d’ajouter des isolants, on s’éloigne des vraies questions. »

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Extraits de l’entretien :

 » (…) Dans la dimension territoriale, il y a la part de l’infrastructure, tout ce qui est routes, ponts, canaux, égouts, câblage… et celle des territoires. L’infrastructure n’est pas un mal en soi, on l’utilise tous, mais il faut considérer le territoire sur lequel elle s’inscrit comme un bien aussi précieux, et reconquérir les territoires qui ont été saccagés par ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, normalisent la verdure (…)
Le plus grand mal dans le développement urbain, en dehors des villes, c’est vraisemblablement les « gated cities » (regroupements de résidences protégés par des barrières et soumis à des règles de gouvernance territoriale privée) et les lotissements (…)

Qu’est-ce qui fait que les lotissements sont à vos yeux inacceptables ?

Tout. Le collage stylistique dans un abandon de la raison, de l’intelligence constructive, l’indifférence pour les ouvriers, l’oubli de la population déjà présente, du fleuve qui coule à côté, les ruptures d’échelle, les mégastructures qui s’appuient sur le quartier de la Défense, tout cela est terrifiant. C’est un problème de société, et de reconnaissance sociale. Le capitalisme trimballe avec lui une sorte de vision idyllique de l’architecture et de la ville : la maison, le lopin de terre et la façon dont il faut les arranger… Tous les signes de reconnaissance d’un goût et d’un modèle social obligés. Lorsque nous y échappons, c’est que nous avons acquis ou hérité d’une forme de culture plus large. En début d’année, je dis à mes étudiants : « Vous allez apprendre ici à aimer ce que votre mère déteste. » Posons la question du goût, qui semble relever du tabou. Elle renvoie à la question de la pensée un peu immanente de l’architecte. C’est vrai que l’art est aujourd’hui lié à une pensée conceptuelle, et que cette situation coupe de tout, y compris de la question du goût. Prenons les choses dans l’autre sens. Pensons à des architectes contemporains pour lesquels nous avons la même admiration, par exemple l’Australien Glenn Murcutt. C’est quelqu’un qui assemble parfaitement des éléments simples. Il n’y a pas chez lui de questions stylistiques très élaborées, simplement une manière directe d’aborder la question du rapport au sol, à la nature, à la fabrication, avec le souci précurseur du développement durable (…)

(…) Penser l’architecture, c’est penser une forme d’appartenance au monde (…) si on considère l’informatique comme un moyen de s’éloigner de la réalité, de transmettre des stéréotypes, là, on est dans le pire de la mondialisation. Toutes les villes peuvent devenir les mêmes, Pékin, Abou Dhabi ou Val-d’Europe (ville nouvelle de Marne-la-Vallée, à proximité immédiate de Disneyland Paris). Cette mondialisation est en fait une « dysneylandisation ». Nous sommes passés d’une architecture classique à l’architecture triomphante de la modernité, puis à ce qu’on a pu appeler la postmodernité ou ses divers avatars. Aujourd’hui, au terme de cette aventure, nous sommes arrivés au degré 0 de l’attention au monde.

 (…) Je ne connais pas un seul industriel aujourd’hui qui ne soit pas « vert », cela veut dire que quelqu’un ment ou je n’ai rien compris. Comment peut-on prétendre que l’aluminium, qui n’est que de l’énergie, du transport et de la bauxite de Nouvelle-Zélande, est écolo ? Autre exemple : le bois. Prenons une construction qui me touche de près. Quand j’ai construit la passerelle de Solférino, à Paris, j’ai dû mettre un plancher sur la passerelle. J’ai opté pour l’ipé, ce qui m’a valu les foudres de l’association écologiste Robin des bois.
Qui a raison, qui a tort ? On trouve ça sympathique quand c’est du pin, parce que le pin pousse en France, et que ça nous permet de valoriser la forêt landaise. Mais ce n’est pas très sympathique du point de vue du mec qui est dans le fin fond de l’Amazonie ou de l’Afrique, qui a un gros azobé dans sa cour et espère le vendre pour nourrir sa famille. Le vrai problème est celui du prix que nous sommes prêts à payer.
Pour changer la donne, il faudrait un regard plus attentif aux choses et aux gens, donc au moins des conditions économiques différentes. Or on va dans le sens opposé, et en particulier lorsqu’on passe à la très grande échelle : certains particuliers, et à travers eux des Etats, achètent des millions d’hectares de terre, notamment en Afrique, sans aucun souci des populations qui vivent sur place.

(…) Il faut prendre les questions un peu plus en amont. Je suis un peu énervé par l’histoire du film Home (du photographe Yann Arthus-Bertrand). Regarder la Terre depuis le ciel en imaginant qu’on va régler des problèmes. Souvenons-nous là encore de Paul Delouvrier dans son avion, qui photographiait les sites des futures villes nouvelles. Maintenant, c’est Arthus-Bertrand qui fait le Delouvrier du développement durable.
Evoquer l’inévitable déplacement des Bengalis face à la montée des eaux, c’est aussi une injonction à repenser l’architecture et la ville. En incluant la question de la nourriture. Ne faut-il pas réfléchir à la place possible de l’agriculture en ville ? Que faut-il protéger des territoires, peut-on continuer à lotir, à faire des maisons Phénix ? La macro-vision et la micro-vision ne sont pas si détachées que ça.
Il y a quand même un certain nombre de gens dont la pensée évolue. Restons attentifs. On m’a appelé pour faire un pont dans une ville nouvelle sino-singapourienne. Bien sûr, cette ville est « écologique ». Qu’est-ce que c’est une ville écologique au-delà de l’effet d’annonce ? Il y avait là des rizières et des paysans dans leurs petites maisons en terre tellement belles. Ne pas voir cela, c’est déjà avoir raté les premières marches.

C’est un peu comme la « haute qualité environnementale », la norme HQE. Etre attentif à l’économie de matière, être frugal, c’est une forme d’attention au monde, ce n’est pas produire des normes. Mais la machine est en place. On fabrique des normes à une vitesse phénoménale, des normes qu’on retrouve dans l’esprit des gens. Ne croyez pas que je suis hostile à l’écologie. Mais ce consensus généralisé m’inquiète. Si ça a pour seule vertu de réduire les fenêtres, d’ajouter des isolants, on s’éloigne des vraies questions. « 

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