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Eduquer au vivant

Qu’est-ce que le vivant ? A quoi le reconnaît-on ? Venant de Mars, comment identifier ce qui est vivant entre un caillou et un crabe, un robot, un cristal et un homme…

Le vivant ?

Si Jacques Monod et Gregory Bateson convoquent tout deux cette « parabole du martien » pour tenter de répondre à l’interrogation, leurs conclusions divergent sensiblement. Pour le premier nommé le vivant se caractérise par un mécanisme de conservation, sourd et quantitatif, opérant sur les taux différentiels de reproduction des mutations génétiques hasardeuses.

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« Selon la théorie moderne, la notion de révélation s’applique au développement épigénétique, mais non, bien entendu, à l’émergence évolutive qui, grâce précisément au fait qu’elle prend sa source dans l’imprévisible essentiel est créatrice de nouveautés absolues … Mais là où Bergson voyait la preuve la plus manifeste que le principe de la vie est l’évolution elle même, la biologie moderne reconnaît, au contraire, que toutes les propriétés des être vivants reposent sur un mécanisme fondamental de conservation moléculaire. Pour la théorie moderne l’évolution n’est nullement une propriété des êtres vivants puisqu’elle a sa racine dans les imperfections mêmes du mécanisme conservateur qui, lui, constitue bien leur unique privilège. Il faut donc dire que la même source de perturbations, de bruit qui, dans un système non vivant, c’est à dire non réplicatif, abolirait peu à peu toute structure est à l’origine de l’évolution dans la biosphère, et rend compte de sa totale liberté créatrice, grâce à ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu’à la musique, la structure réplicative de l’ADN »

Jacques Monod, le hasard et la nécessité,
essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, page 130, Ed. Seuil.

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Pour Gregory Bateson, il s’agit de pouvoir reconnaître la vie par identification avec le vivant. Il s’agit là d’une approche qualitative et esthétique, par la reconnaissance de son organisation rythmique.

http://www.dailymotion.com/video/xa4y4m Gregory Bateson, qu’est-ce que le vivant ?

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Du qu’est-ce que le vivant pour un martien au qu’est-ce que le vivant pour un enfant… 

C’est à cette dernière question que tente de répondre Sandrine Guillaumin, professeur des écoles et lauréate du prix La main à la pâte 2008 (prix visant à valoriser l’apprentissage des sciences à l’école primaire) pour ses travaux consacrés à la question du vivant en maternelle.
Comment aborder le monde du vivant en maternelle ? Les concepts du vivant et de l’inerte faisant appel à l’abstraction, le professeur a donc choisi de travailler à partir du monde végétal. Les notes et graphiques suivants sont extraits du mémoire de Sandrine Guillaumin, ainsi que de l’émission que lui consacrait Canal Académie en 2008 (fichier son lié) .

« […] j’ai mis en place un protocole permettant d’aider les enfants à entrer dans le monde du vivant. Pour ce faire, j’ai tenu à suivre les grandes étapes d’une réelle démarche scientifique, même si je m’adressais à  des élèves de maternelle. Ces derniers ont été placés au cœur de leurs  apprentissages en leur permettant d’être actifs par la manipulation, l’observation, et la verbalisation. Quant à l’enseignant, il doit rebondir sur les conceptions initiales des élèves et jouer un véritable rôle de tuteur en conduisant les enfants  à s’éveiller à la curiosité et en leur  permettant de réaliser un premier pas vers l’abstraction. »

Sandrine Guillaumin.

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L’objectif des séquences en classe est de repérer et nommer ce qu’on observe, de prendre conscience de la diversité du monde vivant, d’identifier quelques unes des caractéristiques communes aux végétaux, animaux et à l’enfant lui-même, comme d’observer les caractéristiques du vivant (naître, grandir se reproduire, mourir).

programme

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Francis Hallé, sur les conséquences de la mobilité :

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Pour passer du concret à l’abstrait avec ses deux classes de petite et de moyennes sections, Sandrine Guillaumin a procédé en trois phases :

1. La phase d’observation et d’exploration qui consiste à éveiller la curiosité des élèves et à attiser leur désir de chercher une réponse au problème posé.
Sandrine Guillaumin a ainsi demandé à ses jeunes élèves de classer les photos d’objets, d’animaux, et de végétaux (peluche, fleur, chat, soleil, etc.) dans deux boîtes : vivant / pas vivant.
Résultats : seuls quatre élèves dépassent la barre des 60 % de bonnes réponses et seulement deux approchent les 70 %. Par ailleurs, les objets comme l’aspirateur et la voiture, inertes mais mobiles, sont considérés comme vivants par au moins la moitié des élèves. Enfin, aucun élève n’a conscience qu’une fleur, un arbre, une carotte ou une graine sont vivants.

education au vivant

2. Une fois la phase d’observation terminée, la deuxième étape consiste en la représentation mentale. L’enseignant encourage ses élèves à argumenter leurs réponses, à écouter les idées d’autrui. Un élève capable d’exprimer, de décrire sa pensée et qui en a conscience, a en effet déjà fait un premier pas vers l’abstraction.
Sandrine Guillaumin a donc pris l’expérience des semis et a posé la question suivante a ses élèves : « Comment faire pour savoir si une graine est vivante ? ».
Les réponses ont été les suivantes : « Il faut la mettre dans le jardin », « Il faut la mettre dans la terre ». Après avoir laissé germer les graines de haricots et de lentilles, petite et moyenne sections ont décrit avec leurs propres mots, ce qu’ils avaient observés : « J’ai vu les petites graines se transformer en plante », « J’ai vu du vert sortir de la terre », « Les feuilles sont devenues de plus en plus grosses », « Ma plante elle grandit et elle penche », « Ma graine elle a poussé comme les plantes de ma maman », « J’ai vu des fils verts et des fils blancs ».

3. Nous arrivons de ce fait à la troisième phase, l’abstraction : l’enfant a atteint ce niveau s’il est capable de transférer les informations nouvellement acquises dans un autre contexte. Ces informations constituent alors de véritables connaissances.
À l’issu de ses séances, l’exercice de classement des photos est réalisé de nouveau. Cette fois-ci, plus de la moitié des élèves, aussi bien en petite section qu’en moyenne section, considère que les graines et les carottes sont vivantes ; un résultat satisfaisant puisqu’en quelques séances, l’enseignant a réussi à faire évoluer les représentations de ses jeunes élèves, et cela, par le biais de l’expérience.
Cet exercice qui peut sembler anodin au premier abord est en réalité très constructif. Lors d’un stage précédent en classe de CM1, Sandrine Guillaumin avait réalisé la même expérience des photos à classer : les espèces végétales étaient alors supposées non vivantes par environ la moitié des élèves. De nombreuses confusions étaient présentes dans l’esprit de certains.

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Moyenne section

Eduquer au vivant  dans Bateson image003

Education au vivant

Petite section

Education au vivant

Education au vivant

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(E)colo-cast

Ecolocast

* Idées

(E)colo-cast dans Art et ecologie logofranceculture Croisements
loading dans BiodiversitéL’homme est-il un animal ?
(avec Alain Prochiantz et Philippe Descola)

 » Définir l’homme par rapport à l’animal n’est-ce pas le rêve avoué des philosophes depuis le XVII siècle ? L’enjeu était de taille, puisqu’il en allait de la définition du propre de l’homme autant que de sa destination. Si le biologiste aujourd’hui admet que l’homme est à peu près un animal comme les autres, tant les différences génétiques entre un grand singe et l’homme sont infimes, il accorde néanmoins de l’importance à la discontinuité existante entre l’homme et l’animal. L’anthropologue semble faire le chemin inverse. Face aux progrès de l’éthologie de terrain, il détrône l’homme d’un certain nombre de suprématies. Il met les capacités cognitives des hommes et des animaux en partage. Notamment sur le plan de la technique. Il respecte également les sociétés animistes qui font de l’homme et des animaux des vivants possédant des qualités autonomes. Un dialogue qui brouille les frontières et redistribue les rôles. »

+ Ecouter

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logofranceculture dans Ecosophie ici et la Le champ des possibles 
loading dans EnergiePourquoi une technologie prend (ou échoue) ?
 

 » Après presque 10 mois passés à observer les effets de certaines innovations sociales ou technologiques, et la manière dont s’inventent ainsi les mondes de demain, aujourd’hui retour sur l’histoire, pour observer à la fois les composantes de la dynamique de l’innovation technologique, mais aussi ses possibles ratés. L’histoire des techniques est jalonnée de quelques flops retentissants, de plusieurs miracles improbables, de vieilles lunes sans cesse réactivées, d’intuitions matérialisées ou d’idées saugrenues. Mais, quoi qu’il en soit, tout ce qui nous entoure est le produit d’une construction dont les ressorts ne sont pas seulement techniques, mais également sociaux et politiques.Si votre frigo fait du bruit, ce n’est pas parce que c’était la meilleure technologie possible, mais parce que l’entreprise qui a développé cette technique l’a emporté économiquement sur une autre qui proposait un modèle tout aussi performant mais plus silencieux. Mais si l’innovation technologique n’est neutre ni politiquement ni socialement, qu’est-ce qui explique qu’elle prenne ou non ? Quelles sont les conditions de réussite ou d’échec d’une innovation technique ? Que retrouve-t-on dans le cimetière des innovations échouées ? Et que nous apprend l’histoire des révolutions industrielles sur un possible changement de civilisation lié à l’évolution et à la diffusion des technologies contemporaines.
Avec François Caron, historien et Nicolas Chevassus au Louis, biologiste et journaliste. « 

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logofranceculture dans Entendu-lu-web loading dans Monde animalEcosophie – invitations à l’imaginaire

 » Un spectre hante le monde : le monde peut être dévasté ! D’où l’émergence d’une nouvelle sensibilité qui, au-delà ou en-deçà d’une écologie strictement politique, s’emploie à penser un nouveau rapport à la « terre mère ». Rapport n’étant plus intrusif, il fait de l’homme le « maître et possesseur de la nature », mais beaucoup plus partenarial. C’est cela que l’on peut nommer « ÉCOSOPHIE » : une sagesse de la maison commune qui ne sera pas sans incidence pratique dans la vie quotidienne et dans l’imaginaire collectif.
Avec Stéphane Hugon, sociologue et président d’Eranos ; Massimo Di Felice, professeur à l’Ecole de Communication et Art de l’Université de São Paulo et Andréi Netto, envoyé spécial du journal « O Estado de São Paulo ».Enregistré le 24 mai 2011. »

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logofranceculture dans Monde végétal Les matins loading dans OikosDémocratie et crise écologique

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* Forêt

logofranceculture dans Philippe Descola Contre-expertise
loading dans Ressource en eauPatrimoine, exploitation, loisirs : que faire de nos forêts ?

logofranceculture Culture monde
loadingPour tout l’or vert du monde : 1/4 petite géohistoire de la forêt

+ Dossier spécial forêt de Télérama 

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* Entre terre et mer

logofranceculture Les rencontres d’Averroès
loadingDe la terre, peut-on la protéger ?
loadingDe la mer, est-elle menacée ?

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Step(pe) in danse (ecosystem)

Complexes de sensations et modèles de danse … à la fois …
http://www.dailymotion.com/video/xjl2h2
http://www.dailymotion.com/video/x2c131

Hachiche silencieux

 Delacroix-Baudelaire

« J’affirme que si vous voulez parler de choses vivantes, non seulement en tant que biologiste académique mais à titre personnel, pour vous-même, créature vivante parmi les créatures vivantes, il est indiqué d’utiliser un langage isomorphe au langage grâce auquel les créatures vivantes elles-mêmes sont organisées – un langage qui est en phase avec le langage du monde biologique ». Gregory Bateson

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Contradictions dans la sensibilisation

S’adresser à la raison de l’individu cartésien pour lui démontrer les méfaits de cette même raison sur le bon état de conservation de la planète … ou mobiliser les affects passions d’un corps spinoziste – seul un affect peut dépasser un autre affect. Guider les puissances d’agir, l’art de transformer la connaissance (générique) en affect. 


(Capitalisme, désir et servitude - avec Frederic Lordon
La suite dans les idées - France Culture – 02/10/2010)


(
Capitalisme, désir et servitude - avec Frederic Lordon - La suite dans les idées – France Culture – 02/10/2010)


(L’autre Spinoza 2/5 : La décision de Soi - avec Pascal Séverac - Les nouveaux chemins de la connaissance – France Culture – 04/01/2011)

Principe d’attention, dealer de ce hachiche là

Principe d’attention, ouvrir à des vacuoles de silence, dealer de ce hachiche là. Transformer la connaissance en affect, l’art des correspondances. 

http://www.dailymotion.com/video/xfgasf (Baudelaire et « la confiture verte » – avec Jacques Darriulat - Les Nouveaux chemins de la connaissance -  France Culture - 09.09.2010 (:) La voix de Gilles Deleuze en ligne – Cours Cinéma du 04/05/82)

http://www.dailymotion.com/video/x5dudn (Monde des choses et invention – avec Michel Serresconférence université Lyon 2)

Des correspondants …

Transformer la connaissance en affect, des noeuds-passeurs dans le réseaux des correspondances, des occasions d’actions. 

Ici … Sur les épaules de DarwinJean-Claude Ameisen - France Inter : Biodiversite - Mort cellulaire et sculpture du vivant (1) et (2) … et là …

http://www.dailymotion.com/video/xf2unq (Eco-dialogues du Vigan, avec Francis Halle)

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 Hachiche silencieux dans Art et ecologie whatsoniconpodcasts20100901Renconres sonores …

- Droit et politique
* Tout préjudice à l’environnement est-il « compensable »?
Le Bien commun – France Culture –  23.10.2010
* Le catastrophisme, maladie infantile de l’écologie politique
Les Controverses du progrès – France Culture –
29.10.2010
*
Un droit d’ingérence écologique est il souhaitable ?
Le Champ des possibles – France Culture –
08.10.2010
- Climat
* Le changement climatique sur Planète terre (2007-2010) 
Planète terre – France Culture – 2007/2009
* Controverses climatiques
Continent Sciences – France Culture – 25.10.2010
* Forêt et climat : liaisons dangereuses ?
Planète terre – France Culture – 06.10.2010 
(rapport FAOsituation des forêts dans le monde 2009)

Ce que l’écologie change à la politique ?

Ce que l’écologie change à la politique ? dans Entendu-lu-web vac51

Revue Vacarme n°51 – printemps 2010
Chantier / ce que l’écologie change à la politique 

Sommaire : 
- Joseph Confavreux, Pierre Lauret, Mathieu Potte-Bonneville, Pierre Zaoui / ce que l’écologie change à la politique - avant-propos;
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un combat partagé – entretien avec José Bové et Daniel Cohn-Bendit;
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Laurence Duchêne / it’s ecology, stupid !si Malthus m’était compté;
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Franck Burbage / liberté, égalité, frugalité ? – ou comment arracher la sobriété aux images déprimantes de l’ascèse;
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Mathieu Potte-Bonneville / une politique des modes de vie ? – le pouvoir est-il au bout de la brosse à dents ? 
-
querelle d’experts – entretien avec Hélène Guillemot;
-
Pierre Lauret / l’atmosphère, bien commun très politique – face à l’enlisement bureaucratique des négociations, la mobilisation passe par le conflit;
-
Joseph Confavreux / droit de créances - la dette écologique, mesure comptable et nouvel outil géopolitique;
-
Aliènor Bertrand / quels lieux pour la planète ? – entre local et global, l’écologie requiert des lieux et des usages;
-
d’un gai savoir écologique – dans une catastrophe annoncée, quel horizon, quelle joie et quelles promesses ? 
-
Antoine Perrot / intervention graphique : Agnès Perroux – dessins.

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Horizons de l’écologie politique 
Collège international de philosophie. Cycle de conférence avec Pierre Lauret, Mathieu Potte-Bonneville, Pierre Zaoui, printemps 2010.
Prendre au sérieux l’idée d’« écologie politique », c’est reconnaître que le sens de cette expression ne peut se réduire ni à une collection de problèmes environnementaux, qu’il reviendrait au pouvoir politique de prendre en charge, ni à une doctrine susceptible d’être rangée aux côtés d’autres conceptions du monde et de la société, dans l’espace homogène et neutralisé d’une « histoire …

Configuration singulière

 Configuration singulière dans Education transmission

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Imaginons une configuration singulière qui puisse nous donner l’occasion de gratouiller quelques unes des notions floues qui nous servent pourtant de base de travail. Les hypothèses du jeu seraient à peu près les suivantes.
a) Vous travaillez depuis quelques années dans le secteur de l’environnement, du développement durable ou de l’écologie au sens large.
b) L’une de vos connaissance X vous contacte pour animer une séance d’introduction aux métiers de l’environnement (pour le dire vite) dans le cadre d’un troisième cycle Y étranger à ce domaine.
c) Vous avez deux heures.

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Mmm … brouillon d’intervention possible. Quelques options liminaires.

a) Eviter les chiffres et les diagrammes. Non que le rétro soit systématiquement en panne, mais dans l’idée de se passer de ces outils du prêt-à-convaincre et à-penser dont les modalités de calcul demeurent le plus souvent occultés (question de temps, de compréhension ou d’honnêteté, au choix).
b) Tisser son discours autour de la proposition/représentation suivante : il faut nous imaginer l’écologie comme une montagne aux multiples versants habités de différentes espèces de promeneurs.
c) Débuter par, et s’attarder sur, le sens des mots … pour le dire. De quoi parlez-vous ? De quoi parlons-nous. Qui parle de quoi ?

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Etape n°1, regard sur les principales « espèces » œuvrant sur les versants

-> Qui dans l’environnement mesure des impacts et comptabilise des matières …

Comment définir le terme d’environnement ?
L’environnement … mmm … le grand tout moins nous ? Le grand tout moins celui qui le regarde plus nous ? Tout ce qui n’est pas nous mais dont il reste quoi quand nous ne sommes plus là pour le définir ?
Donc en gros ce qui nous entoure, ce à quoi nous sommes extérieurs mais qui influence néanmoins, d’une manière ou d’une autre, notre état et nos comportements (choix). Dans la langue commune des praticiens, la gestion de l’environnement désigne à peu près le bon traitement à accorder au 4 éléments des anciens, à savoir l’eau, l’air, le feu et la terre.

Dans la pratique, les principales questions qui se posent à l’environnementaliste dans le cadre de ses études de terrain sont (à gros traits) : – de savoir déterminer un périmètre d’étude sur lequel analyser des sensibilités ; – d’évaluer les incidences potentielles de tel ou tel programme et/ou projet d’aménagement sur ce périmètre; – de proposer des mesures de correction, d’atténuation ou de compensation de celles-ci.

Il s’agirait donc de savoir dresser des inventaires et des bilans, pour in fine rechercher à préserver des équilibres. Voilà qui ressemble beaucoup à ce que pourrait être une certaine comptabilité des actifs environnementaux d’un territoire, au sens large (territoire d’action d’une entreprise dans le cas d’un bilan carbone par exemple).

-> Qui dans le développement durable conçoit des programmes concertés dont  l’efficacité se doit d’être mesurée « multicritère » …

Comment définir le terme de développement durable ?
Durer … mmm … ça veut dire quoi quand on y pense ?
- Conserver quelque chose ? Alors quelle économie de la conservation des choses ? Arche de Noé, qui rentre dedans et qui reste dehors ?
Se conserver soi ? Alors quelle économie de sa conservation ? Se conserver sans croître, se conserver sur une île sans en épuiser les nourritures, se conserver sur ses peaux mortes, se conserver dans le monde, en totalité ou partiellement ?
- Pouvoir transmettre ? Du matériel et, ou, et/ou de l’immatériel ? Des mots et des images pour le dire ou se dire ? Des potentiels combinatoires ? Je vous laisse cette herbe là, et donc l’option d’en inventer de nouveaux usages ou de ne rien en faire, pour vous ou pour elle-même, dans ce temps ci ou ce temps là, dans cet espace ci et cet espace là.

Pour développer durable, concept label ou label concept, on s’appuiera donc sur le respect d’un ensemble de principes et de normes dérivées plus ou moins homogènes et construits. Mais au final, l’idée la plus importante de ce sac à idées est sans doute la suivante : il convient de préserver les lieux de vie biologiques comme sociaux, matériels comme immatériels.

Dans la pratique, les principales questions se posant à un « développementaliste » durable dans le cadre de son montage de projet sont (à gros traits) : – de pouvoir définir des objectifs à atteindre sur au moins trois critères : économique, social et environnemental; – d’identifier les parties prenantes de tel ou tel projet, à savoir l’ensemble des groupe concernées ou impactées par celui-ci; – de savoir comment répartir équitablement entre celles-ci les divers bénéfices du projet.

A partir des ingrédients de l’environnementaliste, du sociologue et de l’économiste, il s’agirait donc de savoir cuisiner de manière responsable nos besoins, pour mieux assurer ceux de demain. On peut souligner ici le terme assurer, comme on le pouvait plus haut avec celui de bilan. Les pratiques de l’environnement et du DD répondent respectivement à des logiques comptable et assurantielle plus ou moins réactualisées.  

-> Qui dans l’écologie sur son versant scientifique …

Comment définir le terme écologie (en tant que science).
A la recherche d’une définition précise de la chose, nous fouinerons un peu de l’article Wikipédia dédié.
- Définition 1 : l’écologie est la science qui se donne pour objet les relations des êtres vivants avec leur habitat et l’environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants.
Les relations dedans / dehors … Avec l’habitat et l’environnement. Quelles relations entre l’habitat, terme qui reste encore à définir, et l’environnement ? Les relations aux autres êtres vivants ? Un bien vaste sujet à la grande porosité des contours. Pour un objet d’étude, voilà qui nous apparaît bien flou.
- Définition 2 : l’étude scientifique des interactions qui déterminent la distribution et l’abondance des organismes vivants.
Donc des interactions, pour préciser la nature des relations qui nous intéressent, mais entre quoi et quoi exactement ? Quoi qu’il en soit, nous voilà donc avec une sélection de certaines interactions qui mises ensemble nous aideraient donc à mieux comprendre pourquoi il y a ça ici et en quel nombre maintenant … soit une approche géographique et quantitative.
- Définition 3 : la science qui étudie les flux d’énergie et de matières circulant dans un écosystème.
Après les relations, les interactions, place aux flux. Leur circulation et (re)distribution, leur coupure (captation), hybridation (biodiversité) et relâchement (recyclage). Reste néanmoins à savoir ce qu’est un écosystème et que faire des flux d’informations.

D’une définition qui renvoie à une autre, poursuivons en mode hypertexte. Écosystème, terme forgé par Arthur George Tansley en 1935 pour désigner l’unité de base de la nature, un ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants et son environnement.
Voilà donc qui nous ramène tout droit aux notions floues d’environnement, pire, de nature.
La nature en deux questions …
- On est dedans ? Oui/Non
- On peut jouer avec ? Oui/Non
C’est déjà 4 prises de position …
- Oui – Oui / Non –Oui / Non – Non / Oui – Non

Finalement on préférera peut-être se référer à la définition de l’écosystème telle que proposée par l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire :
« un complexe dynamique composé de plantes, d’animaux, de micro-organismes et de la nature morte environnante agissant en interaction en tant qu’unité fonctionnelle. »
Se faisant on passe de l’unité de base comptable, additive, au complexe dynamique de flux agissant en tant qu’unité fonctionnelle. Autrement dit un écosystème remplit des fonctions. Il produit des biens et des services qui nous sont perceptibles. Où sont les frontières de cet écosystème ? A vous l’analyste d’en décider.

Conclusion. Au jeu de ses affinités et méthodes, on en viendra bien vite à composer sa propre définition sur le dos des précédentes : l’écologie, la science qui étudie les flux d’énergie, de matières et d’informations qui circulent (in/transformations/out) dans un complexe dynamique vivant non vivant agissant en interaction en tant qu’unité fonctionnelle, c’est à dire productrice de certaines fonctions (aujourd’hui) perceptibles.
Un complexe de mots et de propositions qui pourrait se traduire plus facilement par une image :
- l’arbre est une configuration d’interactions, dynamiques et singulières, appropriée aux conditions de vie de la forêt;
- la forêt est une association d’arbres dont les interactions produisent leurs propres niches écologiques, à savoir la forêt.

Dans la pratique, les principales questions qui se posent à l’écologue lors de l’étude d’un écosystème sont (à gros traits) de savoir : – comment s’est opérée la colonisation par le système x de l’espace y; – comment s’est poursuivie l’évolution de cette colonisation; – quelles sont aujourd’hui les relations existantes entre les différents éléments du système ? - l’état actuel est-il stable ?

Nous sommes ici dans une approche de type à la fois. A la fois géographique et historique, à la fois qualitative (stratégies de différenciation des éléments du système) et quantitative (accumulation d’information et de matières dans le système). L’horizon immédiat de l’étude ne consiste donc pas dans la préservation à priori d’un lieu de vie, mais bien à faire émerger une connaissance du tissu des relations qui fait ce lieu de vie, pour in fine savoir comment et où le préserver.

-> Qui dans l’écologie sur son versant politique

Ici pas de définition à attendre (enfin on l’espère), mais un joyeux (souligner ce mot) mélange de pratiques à expérimenter et inventer, ainsi qu’une grande vigilance à entretenir.
Vers de nouvelles modalités d’organisation collective associées aux nouveaux savoirs et/ou méthodes d’analyse ? Les rapports, les interférences entre l’écologie scientifique et politique, les rapports entre la science et la politique, la connaissance et la pratique, un vaste sujet à l’intermédiation aujourd’hui suspecte (c.f. rapport aux relais medias).

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L’environnement, le DD, l’écologie offrent un complexe de métiers aujourd’hui très largement professionnalisés : compétences techniques exigées pour des résultats concrets et quantifiés, qualités personnelles requises et précisées.
Seulement tout cela contraste grandement vis-à-vis du flou qui entoure les notions, les objets et objectifs d’étude de ces métiers. Peut-être faut-il alors simplement constater qu’il n’ait pas besoin d’avoir un objet de travail clairement défini pour faire, et que faire n’est pas suffisant pour comprendre ce que l’on fait.
En conséquence, et à un certain niveau, travailler dans ces domaines ne requière aucune spécificité particulière autre que celle que l’on veut bien mettre (avec ou sans émotions) derrière les notions faiblement questionnées de nature, d’environnement, etc. En cela, l’écologie au sens large est symptôme. Le symptôme d’une interprétation du monde changeante qui manque encore des mots pour le dire, le symptôme à découvrir derrière  nombre de ces vieux masques (religieux, désir de souffrance, etc.) et outils anciens (comptabilité analytique).

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« Le désir de souffrance.
Quand je songe au désir de faire quelque chose, tel qu’il chatouille et stimule sans cesse des milliers de jeunes Européens dont aucun ne supporte l’ennui, pas plus qu’il ne se supporte soi-même, – je me rends compte qu’il doit y avoir en eux un désir de souffrir d’une façon quelconque afin de tirer de leur souffrance une raison probante pour agir. La détresse est nécessaire! De là les criailleries des politiciens, de là les prétendues « crises sociales » de toutes les classes imaginables, aussi nombreuses que fausses, imaginaires, exagérées, et l’aveugle empressement à y croire. Ce que réclame cette jeune génération, c’est que ce soit du dehors que lui vienne et se manifeste – non pas le bonheur – mais le malheur; et leur imagination s’occupe déjà d’avance à en faire un monstre, afin d’avoir ensuite un monstre à combattre. Si ces êtres avides de détresse sentaient en eux la force de faire du bien, en eux-mêmes, pour eux-mêmes, ils s’entendraient aussi à se créer, en eux-mêmes, une détresse propre et personnelle. Leurs sensations pourraient alors être plus subtiles, et leur satisfactions résonner comme une musique de qualité; tandis que maintenant ils remplissent le monde de leurs cris de détresse et, par conséquent, trop souvent, en premier lieu, de leur sentiment de détresse! Ils ne savent rien l’aire d’eux-mêmes – c’est pourquoi ils crayonnent au mur le malheur des autres : ils ont toujours besoin des autres! Et toujours d’autres autres! – Pardonnez-moi, mes amis, j’ai osé crayonner au mur mon bonheur.
»

Friedrich Nietzsche - livre premier, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

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Etape n°2, regard sur la montagne écologie

« A distance.
Cette montagne rend la contrée qu’elle domine charmante et digne d’admiration à tout point de vue : après nous être dit cela pour la centième fois, nous nous trouvons, à son égard, dans un état d’esprit si déraisonnable et si plein de reconnaissance que nous nous imaginons qu’elle, la donatrice de tous ces charmes, doit être, elle-même, ce qu’il y a de plus charmant dans la contrée – et c’est pourquoi nous montons sur la montagne et nous voilà désillusionnés! Soudain la montagne elle-même, et tout le paysage qui l’entoure, se trouvent comme désensorcelés; nous avons oublié qu’il y a certaines grandeurs tout comme certaines bontés qui ne veulent être vues qu’à une certaine distance, et surtout d’en bas, à aucun prix d’en haut, – ce n’est qu’ainsi qu’elles font de l’effet (…) »

Friedrich Nietzsche – livre premier, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

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Du pied, comme peut-être au sommet de la montagne écologie, on ne sait finalement qu’assez rarement qui parle de quoi et à qui.
Environnementaliste, développementaliste durable, écologue, etc., quels temps et quelles échelles dans les discours ? Qu’on glisse vite dans la pente ou qu’on y grimpe doucement, le flou et l’incertain dominent. Tant est si bien qu’on en revient toujours à la question centrale de sa gestion, un objet qui ne constitue pas le monopole de l’écologie et de ses activités dérivées, mais bien de toute activité humaine : le rapport au grand tout, les relations dehors/dedans et leurs finalité.
En ce sens, l’écologie montagne, ou l’écologie (re)montage, peut s’imager comme un empilement de strates successives. Strates de questions, d’images et de représentations du dehors qui, selon l’angle de notre regard du jour, s’actualisent et se réactualisent à tour de rôle, par effets domino, par effets de fissure ou d’érosion, etc.
Notre regard du jour ? Celui que l’on porte sur un nouveau contexte, un terreau ou cadre de vie de plus en plus serré. De plus en plus urbain, c’est-à-dire marqué de nos traces, de plus en plus uniformisé dans les modes ou styles de vie qu’il propose. Conséquence, un déficit vécu. Celui de l’espace vital, des lieux de vie physiques et mentaux, et in fine, un manque d’air. Alors manque-t-on d’air parce qu’il est pollué ou polluons nous l’air parce que nous en manquons ?
Si nous définissons l’écologie de sorte à cette montagne là, alors la principale qualité de l’actant écologique devient la possibilité d’un regard attentif au monde et à ses changements. Ceux qu’ils rendent possibles, les devenirs en germe et ceux à ne pas étouffer.
Ce principe premier de l’attention, celui-ci nécessite certainement une approche à la fois géographique et historique des choses, mais peut-être plus encore, de trouver chemin faisant sa bonne distance dans l’escalade de la montagne. Autrement dit, de savoir construire ses propres nourritures, de savoir monter ses propres questions. Etre curieux.

« (…) L’homme animé par l’esprit scientifique désire sans doute savoir, mais c’est aussitôt pour mieux interroger. » Gaston Bachelard, in La formation de l’esprit scientifique.

Ses nourritures, ses questions, elles sont à rechercher hors cadre. Elle ne sont pas données à l’avance par le nous des manuels. Aller chercher ses briques de savoir dans un petit jeu de frontières mobiles, c’est avant tout ne pas permettre à la morale commune de se glisser dans le trou des définitions, c’est laisser au flou et ses interstices leur pouvoir d’aération des idées.
Alors celui-ci convoquera Spinoza, Nietzsche et autres fragments dans une posologie qui lui convient de sorte à constituer son blog armoire à pharmacie, qui, x ou y, et ainsi de suite dans une écologie singulière des idées, son style d’escalade, son versant, sa distance vis à vis du rocher.
A partir de là, il est possible de s’entendre.

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« Le mal.
Examinez la vie des hommes et des peuples, les meilleurs et les plus féconds, et demandez-vous si un arbre qui doit s’élever fièrement dans les airs peut se passer du mauvais temps et des tempêtes : si la défaveur et la résistance du dehors, si toutes espèces de haine, d’envie, d’entêtement, de méfiance, de dureté, d’avidité, de violence ne font pas partie des circonstances favorisantes, sans lesquelles une grande croissance, même dans lit vertu, serait à peine possible? Le poison qui fait périr la nature plus faible est un fortifiant pour le fort – aussi ne l’appelle-t-il pas poison. »

Friedrich Nietzsche - livre premier, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

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« Gardons-nous.
Gardons-nous de penser que le monde est un être vivant. Comment devrait-il se développer ? De quoi devrait-il se nourrir ? Comment ferait-il pour croître et s’augmenter ? Nous savons à peu près ce qu’est la matière organisée : et ce que nous percevons d’indiciblement dérivé, de tardif, de rare, de hasardé, sur la croûte de la terre, nous irions jusqu’à en faire quelque chose d’essentiel, de général et d’éternel, comme font ceux qui appellent l’univers un organisme ? Voilà qui m’inspire le dégoût. Gardons-nous déjà de croire que l’univers est une machine ; il n’a certainement pas été construit en vue d’un but, en employant le mot « machine » nous lui faisons un bien trop grand honneur. Gardons-nous d’admettre pour certain, partout et d’une façon générale, quelque chose de défini comme le mouvement cyclique de nos constellations voisines  : un regard jeté sur la voie lactée évoque déjà des doutes, fait croire qu’il y a peut-être là des mouvements beaucoup plus grossiers et plus contradictoires, et aussi des étoiles précipitées comme dans une chute en ligne droite, etc. L’ordre astral où nous vivons est une exception ; cet ordre, de même que la durée passable qui en est la condition, a de son côté rendu possible l’exception des exceptions : la formation de ce qui est organique. La condition générale du monde est, par contre, de toute éternité, le chaos, non par l’absence d’une nécessité, mais au sens d’un manque d’ordre, de structure, de forme, de beauté, de sagesse et quelles que soient nos humaines catégories esthétiques. Au jugement de notre raison les coups malheureux sont la règle générale, les exceptions ne sont pas le but secret et tout le mécanisme répète éternellement sa ritournelle qui jamais ne saurait mériter le nom de mélodie, — et finalement le mot « coup malheureux » lui-même comporte déjà une humanisation qui contient un blâme. Mais comment oserions-nous nous permettre de blâmer ou de louer l’univers ! Gardons-nous de lui reprocher de la dureté et de la déraison, ou bien le contraire. il n’est ni parfait, ni beau, ni noble et ne veut devenir rien de tout cela, il ne tend absolument pas à imiter l’homme ! Il n’est touché par aucun de nos jugements esthétiques et moraux ! Il ne possède pas non plus d’instinct de conservation, et, d’une façon générale, pas d’instinct du tout ; il ignore aussi toutes les lois. Gardons-nous de dire qu’il y a des lois dans la nature. Il n’y a que des nécessités : il n’y a là personne qui commande, personne qui obéit, personne qui enfreint. Lorsque vous saurez qu’il n’y a point de fins, vous saurez aussi qu’il n’y a point de hasard : car ce n’est qu’à côté d’un monde de fins que le mot « hasard » a un sens. Gardons-nous de dire que la mort est opposée à la vie. La vie n’est qu’une variété de la mort et une variété très rare. — Gardons-nous de penser que le monde crée éternellement du nouveau. Il n’y a pas de substances éternellement durables ; la matière est une erreur pareille à celle du dieu des Eléates. Mais quand serons-nous au bout de nos soins et de nos précautions ? Quand toutes ces ombres de Dieu ne nous troubleront-elles plus ? Quand aurons-nous entièrement dépouillé la nature de ses attributs divins ? Quand aurons-nous le droit, nous autres hommes, de nous rendre naturels, avec la nature pure, nouvellement trouvée, nouvellement délivrée ? »

Friedrich Nietzsche - livre troisième, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

Economie [dans-de] la conservation de l’espèce

http://www.dailymotion.com/video/x9xdh9

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La doctrine du but de la vie

Friedrich Nietzsche – livre premier, la « Gaya scienza« ,
traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

        » J’ai beau regarder les hommes, soit avec un regard bienveillant, soit avec le mauvais œil, je les trouve toujours occupés, tous et chacun en particulier, à une même tâche : à faire ce qui est utile à la conservation de l’espèce. Et ce n’est certes pas à cause d’un sentiment d’amour pour cette espèce, mais simplement puisque, en eux, rien n’est plus ancien, plus fort, plus inexorable, plus invincible que cet instinct, – puisque cet instinct est précisément l’essence de notre espèce et de notre troupeau.

Quoique l’on arrive assez rapidement, avec la vue basse dont on est coutumier, à séparer nettement, selon l’usage, à une distance de cinq pas, ses prochains en hommes utiles et nuisibles, bons et méchants, lorsque l’on fait un décompte général, en réfléchissant plus longuement sur l’ensemble, on finit par se méfier de cette épuration et de cette distinction et l’on y renonce complètement.

L’homme le plus nuisible est peut-être encore le plus utile au point de vue de la conservation de l’espèce ; car il entretient chez lui, ou par son influence sur les autres, des instincts sans lesquels l’humanité serait amolie ou corrompue depuis longtemps. La haine, la joie méchante, le désir de rapine et de domination, et tout ce qui, pour le reste, s’appelle le mal cela fait partie de l’extraordinaire économie dans la conservation de l’espèce, une économie coûteuse, prodigue et, en somme, excessivement insensée : – mais qui, cela est prouvé, a conservé jusqu’à présent notre espèce.

Je ne sais plus, mon cher frère en humanité, si, en somme, tu peux vivre au détriment de l’espèce, c’est-à-dire d’une façon « déraisonnable » et « mauvaise » ; ce qui aurait pu nuire à l’espèce s’est peut-être éteint déjà depuis des milliers d’années et fait maintenant partie de ces choses qui, même auprès de Dieu, ne sont plus possibles. Suis tes meilleurs ou tes plus mauvais penchants et, avant tout, va à ta perte ! – dans les deux cas tu seras probablement encore, d’une façon ou d’une autre, le bienfaiteur qui encourage l’humanité, et, à cause de cela, tu pourras avoir tes louangeurs – et de même tes railleurs !
Mais tu ne trouveras jamais celui qui saurait te railler, toi l’individu, entièrement, même dans ce que tu as de meilleur, celui qui saurait te faire apercevoir, suffisamment pour répondre à la vérité, ton incommensurable pauvreté de mouche et de grenouille ! Pour rire sur soi-même, comme il conviendrait de rire – comme si la vérité partait du cœur – les meilleurs n’ont pas encore eu jusqu’à présent assez de véracité, les plus doués assez de génie ! Peut-être y a-t-il encore un avenir pour le rire ! Ce sera lorsque, la maxime : « l’espèce est tout, l’individu n’est rien », se sera incorporée à l’humanité, et que chacun pourra, à chaque moment, pénétrer dans le domaine de cette délivrance dernière, de cette ultime irresponsabilité. Peut-être alors le rire se sera-t-il allié à la sagesse, peut-être ne restera-t-il plus que le « Gai Savoir ».

En attendant il en est tout autrement, la comédie de l’existence n’est pas encore « devenue consciente » à elle-même, c’est encore le temps de la tragédie, le temps des morales et des religions.

Que signifie cette apparition toujours nouvelle de ces fondateurs de morales et de religions, de ces instigateurs à la lutte pour les évaluations morales, de ces maîtres du remords et des guerres de religion ? Que signifient ces héros sur de pareilles planches ? Car jusqu’à présent, ce furent bien des héros ; et tout le reste qui, par moments, était seul visible et très proche de nous, n’a jamais fait que servir à la préparation de ces héros, soit comme machinerie et comme coulisse, soit dans le rôle de confident et de valet. (Les poètes, par exemple, furent toujours les valets d’une morale quelconque.)

Il va de soi que ces tragiques, eux aussi, travaillent dans l’intérêt de l’espèce, bien qu’ils s’imaginent peut-être travailler dans l’intérêt de Dieu et comme envoyés de Dieu. Eux aussi activent la vie de l’espèce, en activant la croyance en la vie. « Il vaut la peine de vivre – ainsi s’écrie chacun d’eux – la vie tire à conséquence, il y a quelque chose derrière et au-dessous d’elle, prenez garde ! »

Cet instinct qui règne d’une façon égale chez les hommes supérieurs et vulgaires, l’instinct de conservation, se manifeste, de temps en temps, sous couleur de raison, ou de passion intellectuelle ; il se présente alors, entouré d’une suite nombreuse de brillants motifs, et veut, à toute force, faire oublier qu’il n’est au fond qu’impulsion, instinct, folie et manque de raisons. Il faut aimer la vie, car… ! Il faut que l’homme active sa vie et celle de son prochain, car… ! Et quels que soient encore tous ces « il faut » et ces « car », maintenant et dans l’avenir.

Afin que tout ce qui arrive, nécessairement et toujours par soi-même, sans aucune fin, apparaisse dorénavant comme ayant été fait en vue d’un but, plausible à l’homme comme raison et loi dernière, – le maître de Morale s’impose comme maître du « but de la vie » ; il invente pour cela une seconde et autre vie, et, au moyen de sa nouvelle mécanique, il fait sortir notre vie, ancienne et ordinaire, de ses gonds, anciens et ordinaires.
Oui, il ne veut à aucun prix que nous nous mettions à rire de l’existence, ni de nous-même – ni de lui. Pour lui l’être est toujours l’être, quelque chose de premier, de dernier et d’immense; pour lui il n’y a point d’espèce, de somme, de zéro. Ses inventions et ses appréciations auront beau être folles et fantasques, il aura beau méconnaître la marche de la nature et les conditions de la nature : – et toutes les éthiques furent jusqu’à présent insensées et contraires à la nature, au point que chacune d’elles aurait mené l’humanité à sa perte, si elle s’était emparée de l’humanité – quoi qu’il en soit, chaque fois que « le héros » montait sur les planches quelque chose de nouveau était atteint, l’opposé épouvantable du rire, cette profonde émotion de plusieurs à la pensée : « oui, il vaut la peine que je vive! oui, je suis digne de vivre! » – la vie, et moi et toi, et nous tous, tant que nous sommes, nous devînmes de nouveau intéressants pour nous. – Il ne faut pas nier qu’à la longue le rire, la raison et la nature ont fini par se rendre maîtres de chacun de ces grands maîtres en téléologie : la courte tragédie a toujours fini par revenir à l’éternelle comédie de l’existence, et la mer au « sourire innombrable » – pour parler avec Eschyle – finira par couvrir de ses flots la plus grande de ces tragédies.
Mais malgré tout ce rire correcteur, somme toute, la nature humaine a été transformée par l’apparition toujours nouvelle de ces proclamateurs du but de la vie, – elle a maintenant un besoin de plus, précisément celui de voir apparaître toujours de nouveau de pareilles doctrines de la « fin ».

L’homme est devenu peu à peu un animal fantasque qui aura à remplir une condition d’existence de plus que tout autre animale : il faut que, de temps en temps, l’homme se figure savoir pourquoi il existe, son espèce ne peut pas prospérer sans une confiance périodique en la vie! Sans la foi à la raison dans la vie.
Et, toujours de nouveau, l’espèce humaine décrétera de temps en temps : « Il y a quelque chose sur quoi l’on n’a absolument pas le droit de rire! » Et le plus prévoyant des philanthropes ajoutera : « Non seulement le rire et la sagesse joyeuse, mais encore le tragique, avec toute sa sublime déraison, font partie des moyens et des nécessités pour conserver l’espèce! » – Et par conséquent! par conséquent! par conséquent! Me comprenez-vous, ô mes frères? Comprenez-vous cette nouvelle loi du flux et du reflux? Nous aussi nous aurons notre heure! »

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