Les dangers de la pollution diffuse et des micropolluants
Si l’eau peut-être qualifié de vecteur de vie, c’est aussi un vecteur de maladie. 6% des morts dans le monde le sont causées par des maladies (bactéries) transmises par le vecteur eau du fait de la défaillance des systèmes d’assainissement et des difficultés d’accès à l’eau potable qui touchent près de 1.1 milliard d’individus, tous principalement situés dans les pays en développement. Mais nouvelles menaces font craindre que l’eau puisse devenir le poison du siècle et le bouillon de culture de nouvelles maladies touchant principalement les pays développés :
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Nitrate, eutrophisation et hausse des températures favorisent le développement des cyanobactéries émettrices de toxines nuisibles aux organismes aquatiques. En s’accumulent tout au long de la chaîne trophique aquatique, des animaux non aquatiques (bétail, oiseaux) peuvent être contaminés en s’alimentant ou en buvant. Les eaux « contaminées » sont immédiatement interdite à la baignade.
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La pollution par les produits pharmaceutiques, les antibiotiques et diverses hormones seraient responsables de mutations observées chez les espèces aquatiques (anomalies constatées dans le développement des organes sexuels) et d’une résistance accrues des bactéries.
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Les pesticides aux effets cancérigènes qui s’accumulent tout au long de la chaîne trophique aquatique, finissent par se retrouver en de forte concentration chez l’homme.
Les impacts sont donc directs sur la santé humaine et animal, indirects sur le tourisme, l’agriculture, l’aquaculture et l’élevage et donc sur les revenus ruraux futurs. Par ailleurs, sachez que le stock d’antibiotique disponible diminue au fil du temps au moment même où les bactéries deviennent plus résistantes. Pour les laboratoires pharmaceutiques ce ne sont pas des produits qualifiés « aujourd’hui » de rentables.
Une eau de qualité est également un intrant du processus de production des produits de santé. En France, les quatre branches industrielles les plus consommatrices d’eau totalisent les deux tiers de la consommation industrielle avec :
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Chimie de base – production de fibres/fils synthétiques 34,3 %
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Industrie du papier et du carton 12,6 %
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Métallurgie 7,7 %
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Parachimie et Industrie pharmaceutique 7,7 %
La dégradation des qualités sanitaires de l’eau du « robinet » a des conséquences immédiates sur la consommation d’eau en bouteille. La production de celle-ci ayant des impacts écologiques importants (transport, conditionnement, surexploitation des sources…).
De 1999 à 2004 la consommation mondiale d’eau en bouteille a cru de 54% pour atteindre 154 milliards de litre et générer un flux de consommation estimé à 100 milliards de dollars par an, au prix moyen du litre supérieur à celui de l’essence. La Chine a doublé sa consommation sur la période, tandis que l’Inde l’a triplée. Dans l’hypothèse où la Chine élèverait sa consommation par habitant au ¼ de celle des USA, ses besoins représenteraient alors 20% de la consommation mondiale de 2004.
Prospective
Toute chose égale par ailleurs, quelle pourrait-être les projections en extrapolant les tendances actuelles ? Dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau disponible, quelles seront les conséquences de l’augmentation induite du coût de la santé sur la cohésion sociale ?
L’apparition de maladies nouvelles ou la résistance accrue des bactéries du fait de l’impact des polluants entrainent :
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une augmentation des frais de recherches et développement qui renchérissent l’accès à la santé et un surcoût énorme du traitement de l’eau potable qui renchérie son prix. Les deux effets combinés impactent le budget des ménages et crée des effets de substitutions entraînant des pertes économiques importantes, dans un contexte où les systèmes de santé déjà saturés sont incapables d’absorber les surcoûts, les classes moyennes refusant d’en porter seules le poids.
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une diminution de l’espérance de vie dans certaines zones de l’Europe (zones soumises au risque inondation entre autre) et une diminution de la fertilité humaine. Les deux effets combinés entrainent une crise démographique en Europe.
Par ailleurs le revenu des populations rurales est largement amputé du fait :
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de la disparition des pêcheries terrestres, qui s’ajoutant à la disparition des pêcheries océaniques fait peser tout le poids de l’approvisionnement sur l’aquaculture de type industrielle à base de céréale (1T de céréale pour 1000T d’eau).
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l’interdiction quasi permanente de l’ostréiculture.
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la baisse du tourisme rural du fait de la mauvaise qualité des eaux de consommation et de la disparition des écosystèmes aquatiques.
Au final l’exode rural implique paupérisation et concentration accrue dans les villes, concentration augmentant en retour la vulnérabilité des populations urbaines au risque sanitaire.
Au plan mondial, la confiance entamée sur la qualité des eaux potables (nitrates, pesticides, micropolluant) implique une hausse des consommations des produit de substitution (sodas, eau en bouteille…). Cette modification comportementale a des conséquences tant sur la santé (obésité, surconsommation minérale…) que sur la production de déchet (emballage) et la consommation d’énergie (fabrication du plastique à partir du pétrole, transport longue distance). Cette demande croissante implique un surpompage des sources encore reconnues comme non polluées. Les périmètres de protection des captages sont étendus et défendus, plus aucune activité agricole n’est autorisée en amont des captages.
Une véritable guerre commerciale se met en place sur le marché de l’eau en bouteille, certain pays décide d’interdire leur importation et lève des taxes pour mettre à niveau leur infrastructure de potabilisation, d’autres font le pari couteux de la désalinisation.