Archive pour la Catégorie 'La contre marche du pingouin'

Configuration singulière

 Configuration singulière dans Education transmission

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Imaginons une configuration singulière qui puisse nous donner l’occasion de gratouiller quelques unes des notions floues qui nous servent pourtant de base de travail. Les hypothèses du jeu seraient à peu près les suivantes.
a) Vous travaillez depuis quelques années dans le secteur de l’environnement, du développement durable ou de l’écologie au sens large.
b) L’une de vos connaissance X vous contacte pour animer une séance d’introduction aux métiers de l’environnement (pour le dire vite) dans le cadre d’un troisième cycle Y étranger à ce domaine.
c) Vous avez deux heures.

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Mmm … brouillon d’intervention possible. Quelques options liminaires.

a) Eviter les chiffres et les diagrammes. Non que le rétro soit systématiquement en panne, mais dans l’idée de se passer de ces outils du prêt-à-convaincre et à-penser dont les modalités de calcul demeurent le plus souvent occultés (question de temps, de compréhension ou d’honnêteté, au choix).
b) Tisser son discours autour de la proposition/représentation suivante : il faut nous imaginer l’écologie comme une montagne aux multiples versants habités de différentes espèces de promeneurs.
c) Débuter par, et s’attarder sur, le sens des mots … pour le dire. De quoi parlez-vous ? De quoi parlons-nous. Qui parle de quoi ?

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Etape n°1, regard sur les principales « espèces » œuvrant sur les versants

-> Qui dans l’environnement mesure des impacts et comptabilise des matières …

Comment définir le terme d’environnement ?
L’environnement … mmm … le grand tout moins nous ? Le grand tout moins celui qui le regarde plus nous ? Tout ce qui n’est pas nous mais dont il reste quoi quand nous ne sommes plus là pour le définir ?
Donc en gros ce qui nous entoure, ce à quoi nous sommes extérieurs mais qui influence néanmoins, d’une manière ou d’une autre, notre état et nos comportements (choix). Dans la langue commune des praticiens, la gestion de l’environnement désigne à peu près le bon traitement à accorder au 4 éléments des anciens, à savoir l’eau, l’air, le feu et la terre.

Dans la pratique, les principales questions qui se posent à l’environnementaliste dans le cadre de ses études de terrain sont (à gros traits) : – de savoir déterminer un périmètre d’étude sur lequel analyser des sensibilités ; – d’évaluer les incidences potentielles de tel ou tel programme et/ou projet d’aménagement sur ce périmètre; – de proposer des mesures de correction, d’atténuation ou de compensation de celles-ci.

Il s’agirait donc de savoir dresser des inventaires et des bilans, pour in fine rechercher à préserver des équilibres. Voilà qui ressemble beaucoup à ce que pourrait être une certaine comptabilité des actifs environnementaux d’un territoire, au sens large (territoire d’action d’une entreprise dans le cas d’un bilan carbone par exemple).

-> Qui dans le développement durable conçoit des programmes concertés dont  l’efficacité se doit d’être mesurée « multicritère » …

Comment définir le terme de développement durable ?
Durer … mmm … ça veut dire quoi quand on y pense ?
- Conserver quelque chose ? Alors quelle économie de la conservation des choses ? Arche de Noé, qui rentre dedans et qui reste dehors ?
Se conserver soi ? Alors quelle économie de sa conservation ? Se conserver sans croître, se conserver sur une île sans en épuiser les nourritures, se conserver sur ses peaux mortes, se conserver dans le monde, en totalité ou partiellement ?
- Pouvoir transmettre ? Du matériel et, ou, et/ou de l’immatériel ? Des mots et des images pour le dire ou se dire ? Des potentiels combinatoires ? Je vous laisse cette herbe là, et donc l’option d’en inventer de nouveaux usages ou de ne rien en faire, pour vous ou pour elle-même, dans ce temps ci ou ce temps là, dans cet espace ci et cet espace là.

Pour développer durable, concept label ou label concept, on s’appuiera donc sur le respect d’un ensemble de principes et de normes dérivées plus ou moins homogènes et construits. Mais au final, l’idée la plus importante de ce sac à idées est sans doute la suivante : il convient de préserver les lieux de vie biologiques comme sociaux, matériels comme immatériels.

Dans la pratique, les principales questions se posant à un « développementaliste » durable dans le cadre de son montage de projet sont (à gros traits) : – de pouvoir définir des objectifs à atteindre sur au moins trois critères : économique, social et environnemental; – d’identifier les parties prenantes de tel ou tel projet, à savoir l’ensemble des groupe concernées ou impactées par celui-ci; – de savoir comment répartir équitablement entre celles-ci les divers bénéfices du projet.

A partir des ingrédients de l’environnementaliste, du sociologue et de l’économiste, il s’agirait donc de savoir cuisiner de manière responsable nos besoins, pour mieux assurer ceux de demain. On peut souligner ici le terme assurer, comme on le pouvait plus haut avec celui de bilan. Les pratiques de l’environnement et du DD répondent respectivement à des logiques comptable et assurantielle plus ou moins réactualisées.  

-> Qui dans l’écologie sur son versant scientifique …

Comment définir le terme écologie (en tant que science).
A la recherche d’une définition précise de la chose, nous fouinerons un peu de l’article Wikipédia dédié.
- Définition 1 : l’écologie est la science qui se donne pour objet les relations des êtres vivants avec leur habitat et l’environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants.
Les relations dedans / dehors … Avec l’habitat et l’environnement. Quelles relations entre l’habitat, terme qui reste encore à définir, et l’environnement ? Les relations aux autres êtres vivants ? Un bien vaste sujet à la grande porosité des contours. Pour un objet d’étude, voilà qui nous apparaît bien flou.
- Définition 2 : l’étude scientifique des interactions qui déterminent la distribution et l’abondance des organismes vivants.
Donc des interactions, pour préciser la nature des relations qui nous intéressent, mais entre quoi et quoi exactement ? Quoi qu’il en soit, nous voilà donc avec une sélection de certaines interactions qui mises ensemble nous aideraient donc à mieux comprendre pourquoi il y a ça ici et en quel nombre maintenant … soit une approche géographique et quantitative.
- Définition 3 : la science qui étudie les flux d’énergie et de matières circulant dans un écosystème.
Après les relations, les interactions, place aux flux. Leur circulation et (re)distribution, leur coupure (captation), hybridation (biodiversité) et relâchement (recyclage). Reste néanmoins à savoir ce qu’est un écosystème et que faire des flux d’informations.

D’une définition qui renvoie à une autre, poursuivons en mode hypertexte. Écosystème, terme forgé par Arthur George Tansley en 1935 pour désigner l’unité de base de la nature, un ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants et son environnement.
Voilà donc qui nous ramène tout droit aux notions floues d’environnement, pire, de nature.
La nature en deux questions …
- On est dedans ? Oui/Non
- On peut jouer avec ? Oui/Non
C’est déjà 4 prises de position …
- Oui – Oui / Non –Oui / Non – Non / Oui – Non

Finalement on préférera peut-être se référer à la définition de l’écosystème telle que proposée par l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire :
« un complexe dynamique composé de plantes, d’animaux, de micro-organismes et de la nature morte environnante agissant en interaction en tant qu’unité fonctionnelle. »
Se faisant on passe de l’unité de base comptable, additive, au complexe dynamique de flux agissant en tant qu’unité fonctionnelle. Autrement dit un écosystème remplit des fonctions. Il produit des biens et des services qui nous sont perceptibles. Où sont les frontières de cet écosystème ? A vous l’analyste d’en décider.

Conclusion. Au jeu de ses affinités et méthodes, on en viendra bien vite à composer sa propre définition sur le dos des précédentes : l’écologie, la science qui étudie les flux d’énergie, de matières et d’informations qui circulent (in/transformations/out) dans un complexe dynamique vivant non vivant agissant en interaction en tant qu’unité fonctionnelle, c’est à dire productrice de certaines fonctions (aujourd’hui) perceptibles.
Un complexe de mots et de propositions qui pourrait se traduire plus facilement par une image :
- l’arbre est une configuration d’interactions, dynamiques et singulières, appropriée aux conditions de vie de la forêt;
- la forêt est une association d’arbres dont les interactions produisent leurs propres niches écologiques, à savoir la forêt.

Dans la pratique, les principales questions qui se posent à l’écologue lors de l’étude d’un écosystème sont (à gros traits) de savoir : – comment s’est opérée la colonisation par le système x de l’espace y; – comment s’est poursuivie l’évolution de cette colonisation; – quelles sont aujourd’hui les relations existantes entre les différents éléments du système ? - l’état actuel est-il stable ?

Nous sommes ici dans une approche de type à la fois. A la fois géographique et historique, à la fois qualitative (stratégies de différenciation des éléments du système) et quantitative (accumulation d’information et de matières dans le système). L’horizon immédiat de l’étude ne consiste donc pas dans la préservation à priori d’un lieu de vie, mais bien à faire émerger une connaissance du tissu des relations qui fait ce lieu de vie, pour in fine savoir comment et où le préserver.

-> Qui dans l’écologie sur son versant politique

Ici pas de définition à attendre (enfin on l’espère), mais un joyeux (souligner ce mot) mélange de pratiques à expérimenter et inventer, ainsi qu’une grande vigilance à entretenir.
Vers de nouvelles modalités d’organisation collective associées aux nouveaux savoirs et/ou méthodes d’analyse ? Les rapports, les interférences entre l’écologie scientifique et politique, les rapports entre la science et la politique, la connaissance et la pratique, un vaste sujet à l’intermédiation aujourd’hui suspecte (c.f. rapport aux relais medias).

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L’environnement, le DD, l’écologie offrent un complexe de métiers aujourd’hui très largement professionnalisés : compétences techniques exigées pour des résultats concrets et quantifiés, qualités personnelles requises et précisées.
Seulement tout cela contraste grandement vis-à-vis du flou qui entoure les notions, les objets et objectifs d’étude de ces métiers. Peut-être faut-il alors simplement constater qu’il n’ait pas besoin d’avoir un objet de travail clairement défini pour faire, et que faire n’est pas suffisant pour comprendre ce que l’on fait.
En conséquence, et à un certain niveau, travailler dans ces domaines ne requière aucune spécificité particulière autre que celle que l’on veut bien mettre (avec ou sans émotions) derrière les notions faiblement questionnées de nature, d’environnement, etc. En cela, l’écologie au sens large est symptôme. Le symptôme d’une interprétation du monde changeante qui manque encore des mots pour le dire, le symptôme à découvrir derrière  nombre de ces vieux masques (religieux, désir de souffrance, etc.) et outils anciens (comptabilité analytique).

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« Le désir de souffrance.
Quand je songe au désir de faire quelque chose, tel qu’il chatouille et stimule sans cesse des milliers de jeunes Européens dont aucun ne supporte l’ennui, pas plus qu’il ne se supporte soi-même, – je me rends compte qu’il doit y avoir en eux un désir de souffrir d’une façon quelconque afin de tirer de leur souffrance une raison probante pour agir. La détresse est nécessaire! De là les criailleries des politiciens, de là les prétendues « crises sociales » de toutes les classes imaginables, aussi nombreuses que fausses, imaginaires, exagérées, et l’aveugle empressement à y croire. Ce que réclame cette jeune génération, c’est que ce soit du dehors que lui vienne et se manifeste – non pas le bonheur – mais le malheur; et leur imagination s’occupe déjà d’avance à en faire un monstre, afin d’avoir ensuite un monstre à combattre. Si ces êtres avides de détresse sentaient en eux la force de faire du bien, en eux-mêmes, pour eux-mêmes, ils s’entendraient aussi à se créer, en eux-mêmes, une détresse propre et personnelle. Leurs sensations pourraient alors être plus subtiles, et leur satisfactions résonner comme une musique de qualité; tandis que maintenant ils remplissent le monde de leurs cris de détresse et, par conséquent, trop souvent, en premier lieu, de leur sentiment de détresse! Ils ne savent rien l’aire d’eux-mêmes – c’est pourquoi ils crayonnent au mur le malheur des autres : ils ont toujours besoin des autres! Et toujours d’autres autres! – Pardonnez-moi, mes amis, j’ai osé crayonner au mur mon bonheur.
»

Friedrich Nietzsche - livre premier, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

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Etape n°2, regard sur la montagne écologie

« A distance.
Cette montagne rend la contrée qu’elle domine charmante et digne d’admiration à tout point de vue : après nous être dit cela pour la centième fois, nous nous trouvons, à son égard, dans un état d’esprit si déraisonnable et si plein de reconnaissance que nous nous imaginons qu’elle, la donatrice de tous ces charmes, doit être, elle-même, ce qu’il y a de plus charmant dans la contrée – et c’est pourquoi nous montons sur la montagne et nous voilà désillusionnés! Soudain la montagne elle-même, et tout le paysage qui l’entoure, se trouvent comme désensorcelés; nous avons oublié qu’il y a certaines grandeurs tout comme certaines bontés qui ne veulent être vues qu’à une certaine distance, et surtout d’en bas, à aucun prix d’en haut, – ce n’est qu’ainsi qu’elles font de l’effet (…) »

Friedrich Nietzsche – livre premier, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

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Du pied, comme peut-être au sommet de la montagne écologie, on ne sait finalement qu’assez rarement qui parle de quoi et à qui.
Environnementaliste, développementaliste durable, écologue, etc., quels temps et quelles échelles dans les discours ? Qu’on glisse vite dans la pente ou qu’on y grimpe doucement, le flou et l’incertain dominent. Tant est si bien qu’on en revient toujours à la question centrale de sa gestion, un objet qui ne constitue pas le monopole de l’écologie et de ses activités dérivées, mais bien de toute activité humaine : le rapport au grand tout, les relations dehors/dedans et leurs finalité.
En ce sens, l’écologie montagne, ou l’écologie (re)montage, peut s’imager comme un empilement de strates successives. Strates de questions, d’images et de représentations du dehors qui, selon l’angle de notre regard du jour, s’actualisent et se réactualisent à tour de rôle, par effets domino, par effets de fissure ou d’érosion, etc.
Notre regard du jour ? Celui que l’on porte sur un nouveau contexte, un terreau ou cadre de vie de plus en plus serré. De plus en plus urbain, c’est-à-dire marqué de nos traces, de plus en plus uniformisé dans les modes ou styles de vie qu’il propose. Conséquence, un déficit vécu. Celui de l’espace vital, des lieux de vie physiques et mentaux, et in fine, un manque d’air. Alors manque-t-on d’air parce qu’il est pollué ou polluons nous l’air parce que nous en manquons ?
Si nous définissons l’écologie de sorte à cette montagne là, alors la principale qualité de l’actant écologique devient la possibilité d’un regard attentif au monde et à ses changements. Ceux qu’ils rendent possibles, les devenirs en germe et ceux à ne pas étouffer.
Ce principe premier de l’attention, celui-ci nécessite certainement une approche à la fois géographique et historique des choses, mais peut-être plus encore, de trouver chemin faisant sa bonne distance dans l’escalade de la montagne. Autrement dit, de savoir construire ses propres nourritures, de savoir monter ses propres questions. Etre curieux.

« (…) L’homme animé par l’esprit scientifique désire sans doute savoir, mais c’est aussitôt pour mieux interroger. » Gaston Bachelard, in La formation de l’esprit scientifique.

Ses nourritures, ses questions, elles sont à rechercher hors cadre. Elle ne sont pas données à l’avance par le nous des manuels. Aller chercher ses briques de savoir dans un petit jeu de frontières mobiles, c’est avant tout ne pas permettre à la morale commune de se glisser dans le trou des définitions, c’est laisser au flou et ses interstices leur pouvoir d’aération des idées.
Alors celui-ci convoquera Spinoza, Nietzsche et autres fragments dans une posologie qui lui convient de sorte à constituer son blog armoire à pharmacie, qui, x ou y, et ainsi de suite dans une écologie singulière des idées, son style d’escalade, son versant, sa distance vis à vis du rocher.
A partir de là, il est possible de s’entendre.

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« Le mal.
Examinez la vie des hommes et des peuples, les meilleurs et les plus féconds, et demandez-vous si un arbre qui doit s’élever fièrement dans les airs peut se passer du mauvais temps et des tempêtes : si la défaveur et la résistance du dehors, si toutes espèces de haine, d’envie, d’entêtement, de méfiance, de dureté, d’avidité, de violence ne font pas partie des circonstances favorisantes, sans lesquelles une grande croissance, même dans lit vertu, serait à peine possible? Le poison qui fait périr la nature plus faible est un fortifiant pour le fort – aussi ne l’appelle-t-il pas poison. »

Friedrich Nietzsche - livre premier, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

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http://www.dailymotion.com/video/x5d8wl

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« Gardons-nous.
Gardons-nous de penser que le monde est un être vivant. Comment devrait-il se développer ? De quoi devrait-il se nourrir ? Comment ferait-il pour croître et s’augmenter ? Nous savons à peu près ce qu’est la matière organisée : et ce que nous percevons d’indiciblement dérivé, de tardif, de rare, de hasardé, sur la croûte de la terre, nous irions jusqu’à en faire quelque chose d’essentiel, de général et d’éternel, comme font ceux qui appellent l’univers un organisme ? Voilà qui m’inspire le dégoût. Gardons-nous déjà de croire que l’univers est une machine ; il n’a certainement pas été construit en vue d’un but, en employant le mot « machine » nous lui faisons un bien trop grand honneur. Gardons-nous d’admettre pour certain, partout et d’une façon générale, quelque chose de défini comme le mouvement cyclique de nos constellations voisines  : un regard jeté sur la voie lactée évoque déjà des doutes, fait croire qu’il y a peut-être là des mouvements beaucoup plus grossiers et plus contradictoires, et aussi des étoiles précipitées comme dans une chute en ligne droite, etc. L’ordre astral où nous vivons est une exception ; cet ordre, de même que la durée passable qui en est la condition, a de son côté rendu possible l’exception des exceptions : la formation de ce qui est organique. La condition générale du monde est, par contre, de toute éternité, le chaos, non par l’absence d’une nécessité, mais au sens d’un manque d’ordre, de structure, de forme, de beauté, de sagesse et quelles que soient nos humaines catégories esthétiques. Au jugement de notre raison les coups malheureux sont la règle générale, les exceptions ne sont pas le but secret et tout le mécanisme répète éternellement sa ritournelle qui jamais ne saurait mériter le nom de mélodie, — et finalement le mot « coup malheureux » lui-même comporte déjà une humanisation qui contient un blâme. Mais comment oserions-nous nous permettre de blâmer ou de louer l’univers ! Gardons-nous de lui reprocher de la dureté et de la déraison, ou bien le contraire. il n’est ni parfait, ni beau, ni noble et ne veut devenir rien de tout cela, il ne tend absolument pas à imiter l’homme ! Il n’est touché par aucun de nos jugements esthétiques et moraux ! Il ne possède pas non plus d’instinct de conservation, et, d’une façon générale, pas d’instinct du tout ; il ignore aussi toutes les lois. Gardons-nous de dire qu’il y a des lois dans la nature. Il n’y a que des nécessités : il n’y a là personne qui commande, personne qui obéit, personne qui enfreint. Lorsque vous saurez qu’il n’y a point de fins, vous saurez aussi qu’il n’y a point de hasard : car ce n’est qu’à côté d’un monde de fins que le mot « hasard » a un sens. Gardons-nous de dire que la mort est opposée à la vie. La vie n’est qu’une variété de la mort et une variété très rare. — Gardons-nous de penser que le monde crée éternellement du nouveau. Il n’y a pas de substances éternellement durables ; la matière est une erreur pareille à celle du dieu des Eléates. Mais quand serons-nous au bout de nos soins et de nos précautions ? Quand toutes ces ombres de Dieu ne nous troubleront-elles plus ? Quand aurons-nous entièrement dépouillé la nature de ses attributs divins ? Quand aurons-nous le droit, nous autres hommes, de nous rendre naturels, avec la nature pure, nouvellement trouvée, nouvellement délivrée ? »

Friedrich Nietzsche - livre troisième, la “Gaya scienza“, traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

Economie [dans-de] la conservation de l’espèce

http://www.dailymotion.com/video/x9xdh9

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La doctrine du but de la vie

Friedrich Nietzsche – livre premier, la « Gaya scienza« ,
traduction de l’édition de 1887 par Henri Albert.

        » J’ai beau regarder les hommes, soit avec un regard bienveillant, soit avec le mauvais œil, je les trouve toujours occupés, tous et chacun en particulier, à une même tâche : à faire ce qui est utile à la conservation de l’espèce. Et ce n’est certes pas à cause d’un sentiment d’amour pour cette espèce, mais simplement puisque, en eux, rien n’est plus ancien, plus fort, plus inexorable, plus invincible que cet instinct, – puisque cet instinct est précisément l’essence de notre espèce et de notre troupeau.

Quoique l’on arrive assez rapidement, avec la vue basse dont on est coutumier, à séparer nettement, selon l’usage, à une distance de cinq pas, ses prochains en hommes utiles et nuisibles, bons et méchants, lorsque l’on fait un décompte général, en réfléchissant plus longuement sur l’ensemble, on finit par se méfier de cette épuration et de cette distinction et l’on y renonce complètement.

L’homme le plus nuisible est peut-être encore le plus utile au point de vue de la conservation de l’espèce ; car il entretient chez lui, ou par son influence sur les autres, des instincts sans lesquels l’humanité serait amolie ou corrompue depuis longtemps. La haine, la joie méchante, le désir de rapine et de domination, et tout ce qui, pour le reste, s’appelle le mal cela fait partie de l’extraordinaire économie dans la conservation de l’espèce, une économie coûteuse, prodigue et, en somme, excessivement insensée : – mais qui, cela est prouvé, a conservé jusqu’à présent notre espèce.

Je ne sais plus, mon cher frère en humanité, si, en somme, tu peux vivre au détriment de l’espèce, c’est-à-dire d’une façon « déraisonnable » et « mauvaise » ; ce qui aurait pu nuire à l’espèce s’est peut-être éteint déjà depuis des milliers d’années et fait maintenant partie de ces choses qui, même auprès de Dieu, ne sont plus possibles. Suis tes meilleurs ou tes plus mauvais penchants et, avant tout, va à ta perte ! – dans les deux cas tu seras probablement encore, d’une façon ou d’une autre, le bienfaiteur qui encourage l’humanité, et, à cause de cela, tu pourras avoir tes louangeurs – et de même tes railleurs !
Mais tu ne trouveras jamais celui qui saurait te railler, toi l’individu, entièrement, même dans ce que tu as de meilleur, celui qui saurait te faire apercevoir, suffisamment pour répondre à la vérité, ton incommensurable pauvreté de mouche et de grenouille ! Pour rire sur soi-même, comme il conviendrait de rire – comme si la vérité partait du cœur – les meilleurs n’ont pas encore eu jusqu’à présent assez de véracité, les plus doués assez de génie ! Peut-être y a-t-il encore un avenir pour le rire ! Ce sera lorsque, la maxime : « l’espèce est tout, l’individu n’est rien », se sera incorporée à l’humanité, et que chacun pourra, à chaque moment, pénétrer dans le domaine de cette délivrance dernière, de cette ultime irresponsabilité. Peut-être alors le rire se sera-t-il allié à la sagesse, peut-être ne restera-t-il plus que le « Gai Savoir ».

En attendant il en est tout autrement, la comédie de l’existence n’est pas encore « devenue consciente » à elle-même, c’est encore le temps de la tragédie, le temps des morales et des religions.

Que signifie cette apparition toujours nouvelle de ces fondateurs de morales et de religions, de ces instigateurs à la lutte pour les évaluations morales, de ces maîtres du remords et des guerres de religion ? Que signifient ces héros sur de pareilles planches ? Car jusqu’à présent, ce furent bien des héros ; et tout le reste qui, par moments, était seul visible et très proche de nous, n’a jamais fait que servir à la préparation de ces héros, soit comme machinerie et comme coulisse, soit dans le rôle de confident et de valet. (Les poètes, par exemple, furent toujours les valets d’une morale quelconque.)

Il va de soi que ces tragiques, eux aussi, travaillent dans l’intérêt de l’espèce, bien qu’ils s’imaginent peut-être travailler dans l’intérêt de Dieu et comme envoyés de Dieu. Eux aussi activent la vie de l’espèce, en activant la croyance en la vie. « Il vaut la peine de vivre – ainsi s’écrie chacun d’eux – la vie tire à conséquence, il y a quelque chose derrière et au-dessous d’elle, prenez garde ! »

Cet instinct qui règne d’une façon égale chez les hommes supérieurs et vulgaires, l’instinct de conservation, se manifeste, de temps en temps, sous couleur de raison, ou de passion intellectuelle ; il se présente alors, entouré d’une suite nombreuse de brillants motifs, et veut, à toute force, faire oublier qu’il n’est au fond qu’impulsion, instinct, folie et manque de raisons. Il faut aimer la vie, car… ! Il faut que l’homme active sa vie et celle de son prochain, car… ! Et quels que soient encore tous ces « il faut » et ces « car », maintenant et dans l’avenir.

Afin que tout ce qui arrive, nécessairement et toujours par soi-même, sans aucune fin, apparaisse dorénavant comme ayant été fait en vue d’un but, plausible à l’homme comme raison et loi dernière, – le maître de Morale s’impose comme maître du « but de la vie » ; il invente pour cela une seconde et autre vie, et, au moyen de sa nouvelle mécanique, il fait sortir notre vie, ancienne et ordinaire, de ses gonds, anciens et ordinaires.
Oui, il ne veut à aucun prix que nous nous mettions à rire de l’existence, ni de nous-même – ni de lui. Pour lui l’être est toujours l’être, quelque chose de premier, de dernier et d’immense; pour lui il n’y a point d’espèce, de somme, de zéro. Ses inventions et ses appréciations auront beau être folles et fantasques, il aura beau méconnaître la marche de la nature et les conditions de la nature : – et toutes les éthiques furent jusqu’à présent insensées et contraires à la nature, au point que chacune d’elles aurait mené l’humanité à sa perte, si elle s’était emparée de l’humanité – quoi qu’il en soit, chaque fois que « le héros » montait sur les planches quelque chose de nouveau était atteint, l’opposé épouvantable du rire, cette profonde émotion de plusieurs à la pensée : « oui, il vaut la peine que je vive! oui, je suis digne de vivre! » – la vie, et moi et toi, et nous tous, tant que nous sommes, nous devînmes de nouveau intéressants pour nous. – Il ne faut pas nier qu’à la longue le rire, la raison et la nature ont fini par se rendre maîtres de chacun de ces grands maîtres en téléologie : la courte tragédie a toujours fini par revenir à l’éternelle comédie de l’existence, et la mer au « sourire innombrable » – pour parler avec Eschyle – finira par couvrir de ses flots la plus grande de ces tragédies.
Mais malgré tout ce rire correcteur, somme toute, la nature humaine a été transformée par l’apparition toujours nouvelle de ces proclamateurs du but de la vie, – elle a maintenant un besoin de plus, précisément celui de voir apparaître toujours de nouveau de pareilles doctrines de la « fin ».

L’homme est devenu peu à peu un animal fantasque qui aura à remplir une condition d’existence de plus que tout autre animale : il faut que, de temps en temps, l’homme se figure savoir pourquoi il existe, son espèce ne peut pas prospérer sans une confiance périodique en la vie! Sans la foi à la raison dans la vie.
Et, toujours de nouveau, l’espèce humaine décrétera de temps en temps : « Il y a quelque chose sur quoi l’on n’a absolument pas le droit de rire! » Et le plus prévoyant des philanthropes ajoutera : « Non seulement le rire et la sagesse joyeuse, mais encore le tragique, avec toute sa sublime déraison, font partie des moyens et des nécessités pour conserver l’espèce! » – Et par conséquent! par conséquent! par conséquent! Me comprenez-vous, ô mes frères? Comprenez-vous cette nouvelle loi du flux et du reflux? Nous aussi nous aurons notre heure! »

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Interférences, plis et transversalité (1)

http://www.dailymotion.com/video/xc5ysl Cohabitation des natures, un documentaire qui donne à percevoir.

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Interférences nourricières et transversalités nécessaires. Fragments de Petites natures, une enquête publiée dans la revue Vacarme n°14 hiver 2001 réalisée par Rachel Easterman-Ulmann, avec Catherine Bonifassi, Frédérique Ildefonse et Jean-Philippe Renouard.

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Jean-Luc Nancy, philosophe

1. À quelle nature avez-vous à faire ?

Pour répondre de manière irréfléchie, en sorte que « avoir à faire » me renvoie au plus proche, surgissent à la fois une image et un problème.

L’image, c’est celle de la végétation, prolifération et insistance végétale, puissance de persévérance intraitable, toujours recommencée, toujours prête à s’insinuer dans les moindres interstices de la matière la plus stérile. Cette image de la nature est moins celle de l’indemne et de l’innocence que celle d’une ténacité puissante et sourde, souterraine et toujours prête à réinvestir une surface où l’homme ne dépose que des vernis fragiles et des masses que leur pesanteur même finit par attirer et par enfouir au sein d’un terreau formidable qui les pulvérise, les digère et les restitue à une circulation de sèves et de fibres, à une poussée qui n’est rien d’autre que la poussée de la terre en elle-même, sur elle-même, comme une mastication et un dégorgement de soi.
C’est aussi l’ordre, l’espace-temps ou bien l’élément dans lequel se décompose le cadavre : se recomposent d’autres masses, d’autres organes… Cette nature n’est pas un ordre, ce n’est pas un règne ni une législation, c’est une puissance et un élan.

Mais en même temps, « nature » est un problème : le problème de son concept. D’une part ce dernier ne cesse d’occuper, dans le discours le plus courant — le plus « naturel » ! — une place difficile à éviter : comment ne pas dire que ceci ou cela est naturel, ou qu’il est « bien naturel de… », ou que quelqu’un(e) « manque de naturel », etc ?
Mais comment, aussitôt, pour peu qu’on réfléchisse, ne pas mettre en question ce qui est impliqué par là : l’idée de ce qui irait de soi et qui serait donné d’origine, l’idée de ce qui appartiendrait à l’essence propre d’une chose, alors précisément que nous savons à quel point l’« origine », l’ « essence » et la « propriété » sont des notions que les temps modernes ont soumises aux exigences les plus soupçonneuses. Il y a bien longtemps que nous savons combien l’or ou le diamant sont peu précieux par leur essence, combien le tigre est peu cruel de sa nature, ou combien il est malaisé de dire quelle est la propriété originelle qui constitue ce qu’on nomme, par exemple, « le Mozambique ». Il y a longtemps que nous savons combien sont fragiles, renversables, destructibles ou déconstructibles les oppositions telles que celle de l’art et de la nature, de l’histoire et de la nature, du divin et du naturel aussi bien que du naturel et de l’humain, ou de la nature et de la culture. Nous devrions savoir, précisément, que « nature » ne tient que pour autant que tient le jeu de ces oppositions.
Mais, très concrètement, les transformations de la planète, de la société et de nos consciences nous ont appris que s’il doit être question de « nature » en quelque façon (d’une terre, d’une socialité, d’une conduite plus « naturelle »), ce ne peut être que par les moyens de toujours plus de « technique », d’« art » et d’« histoire ».

2. Vous apparaît-il qu’existe quelque chose comme un ordre naturel ?

Non, d’abord, si l’on doit entendre par « ordre naturel » ce que l’on entend, de fait, par « nature » : un ordre selon lequel l’être procède de lui-même à partir de lui-même, c’est-à-dire s’engendre.
D’une part la génération est le modèle naturel par excellence : la conception, la naissance et la croissance, le développement, l’éclosion, la reproduction. Assurément, cet ordre existe : toute plante, tout animal nous l’expose. Mais il n’existe pas comme l’ordre d’un auto-engendrement absolu : précisément, l’origine de la vie n’est pas dans la vie, et la vie comme spontanéité, auto-production et auto-affection n’est pas un concept biologique strict. L’origine de la vie est dans la nature, ce qui d’une part n’est en rien auto-suffisant et d’autre part reporte vers l’origine de la nature, qui n’est donc pas dans la nature …
La dire en « Dieu », comme on l’a dit pendant quelques siècles, n’aura jamais été qu’une manière de cercle vicieux : « Dieu » fut le nom d’une auto-production manquant radicalement de son « auto », puisque Dieu était la puissance de la nature sans être la nature même. À cet égard, la « mort de Dieu » désigne bien la mort de … la vie comme auto-engendrement du monde et en elle se trouve pour nous la condition sine qua non d’une pensée de la « nature » et de la « vie ». Par exemple : penser la « nature » comme équilibre d’un ou de plusieurs écosystèmes et éthosystèmes suppose que nous définissions les mesures du dit « équilibre », ce qui certainement ne peut pas être fait par référence à une nature donnée, mais à une culture dont il nous incombe de penser la forme et l’enjeu.

Aujourd’hui rien n’est plus violemment clair que ceci : nous devons cultiver une nature qui ne nous est pas donnée, qui est toute à venir. C’est ce qui fait l’enjeu le plus général des questions de la justice (qu’est-ce qui est naturel ? la libre concurrence ? ou bien la dignité de tous ?) aussi bien que de celles de la technique (qu’est-ce qui est plus naturel ? de forger le fer, ou de synthétiser des molécules ?) et de l’éthique (qu’est-ce qui est naturel ? la mortalité infantile, ou le contrôle des naissances ?) : pour toutes ces questions, sans exception — et pour celles de la politique — on ne peut pas et on ne doit pas cesser de démonter et de déjouer les pièges redoutables qui sont tendus dans l’invocation de la « nature ».
Mais si on ne veut pas en rester aux approximations et aux ajustements circonstanciels, il nous faudra finir par repenser de fond en comble l’idée même de nature : cela veut dire, depuis la « création du monde » jusqu’à sa « fin ». Qu’est-ce qu’un monde qui sort de rien et par conséquent (re)tourne à rien ? Qui donc ne sort de nulle part et ne va nulle part ? Qu’est-ce donc qu’un monde qui d’abord est là et dont le sens n’est donné nulle part ailleurs qu’ici ? Voilà de vraies questions, et non des invocations de principes et de fins naturels ou surnaturels. Remarquez combien ce mot « surnaturel » évoque à la fois un ordre supérieur à la nature et une seconde nature ou une outre-nature ; on n’emploie plus guère ce mot : mais il a désigné longtemps l’ordre de la transcendance, ce qui veut dire qu’il a naturalisé la transcendance …

L’homme et sa technique appartient aussi à la nature. C’est elle qui rend possible l’hominisation, et qui rend ainsi possible mais problématique l’humanisation, et d’abord la technicisation — qui est aussi technicisation de la nature elle-même. Il faut revenir, encore, à considérer comment l’ordre « naturel » a été lui-même construit et distingué par une opération technique, qui est celle dont tout l’Occident procède.
Les dieux retirés on a produit l’idée ou la représentation de la « nature », c’est-à-dire d’un registre distinct de l’homme comme des dieux, auto-consistant, dont il s’est agi de déterminer la constitution (la structure ou l’essence ou… la nature !), par exemple en cherchant quel élément était fondamental, ou bien quelles relations mathématiques ordonnaient cette structure.
Ainsi on en est venu à des « lois de la nature ». Cette pensée de la nature comme ordre et comme substance ou substrat autonome va de pair avec la problématique de son auto-constitution.

3. Pouvez-vous donner des exemples, où l’utilisation de la nature comme argument vous a énervé ?

Nature ou surnature, ce sont les débats autour de l’avortement auxquels je pense tout de suite.
Je ne pense certainement pas que l’avortement soit, en lui-même, une pratique naturelle, ni même qu’il soit, en lui-même, souhaitable. Mais il m’est inconcevable qu’on puisse invoquer contre sa nécessité — dans des conditions claires, réfléchies et reconnues — l’autorité d’une nature ou d’une surnature : c’est un tel aveu d’impuissance à penser simultanément la condition des femmes, celle des enfants, celle des rapports de parenté et enfin la vérité même de ce qu’est un « sujet » que cet aveu involontaire laisse accablé : comment peut-on s’acharner à ce point dans la superstition du « (sur)naturel » ?

4. Y a-t-il des choses (inventions, pratiques sociales, technologies, discours) qui, parce qu’elles bousculeraient la nature, vous effraient ?

Non, dans cet ordre je ne peux pas être effrayé, mais perplexe, une inquiétude peut balancer mon intérêt — qu’il s’agisse de cyberespace ou de clonage, de parents homosexuels ou de semi-conducteurs.
Oui, le web est un espace chaotique, irresponsable, souvent naïf et inculte, grossier, etc. Oui, j’ai de la difficulté à penser que le partage des sexes, qui n’existe pas seulement comme configuration symbolique mais aussi biologique bien que les deux registres ne soient pas dissociables, ne soit pas à l’œuvre dans le devenir d’un enfant entre ou avec ses parents.
Mais l’essentiel pour moi serait qu’on en vienne en tous ces domaines à penser avant tout sous les axiomes combinés de la retenue devant toutes les formes de réflexes conditionnés et d’une remise en jeu constante de la question des fins : que veut-on ? Que peut-on vouloir ? N’y a-t-il qu’une humanité possible ? pensable ? qu’un monde ? Le monde a déjà connu tant de formes de vie, et tant de formes de mort, ou de parenté, ou de savoir…

Mon effroi est devant la possibilité que la « bousculade » tourne à la panique, non parce que la nature serait trop oubliée ou trop défoncée, mais parce que nous n’arriverions pas à nous défaire d’une fixation sur cette idée de nature, parce que nous ne serions pas à la hauteur de la dénaturation qui est notre fait, et peut-être notre définition, et dont la possibilité est inscrite dans la nature avec l’homme, comme une possibilité naturelle en somme. Nous n’arriverions pas à nous mesurer avec nous-mêmes comme avec ceux chez qui la nature aurait engouffré sa propre ruée démesurée, une ruée de néant aussi bien que de sève, et la décharge enfin de toute cette formidable ambivalence…Oui, la nature est terrifiante, aux prises avec cette panique qu’en fin de compte elle est. La rage de blâmer ou de louer est la faute majeure pour qui veut penser. Sommes-nous seulement capables de dire juste dans un état où nous n’avons pas de critère absolu et tout prêt pour une justesse ni pour une justice.

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http://video.google.com/videoplay?docid=2459111438622342949 Chris Marker, Sans Soleil, 1983, composition et montage, volonté de mise en rapport d’éléments a priori disparates.

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Nathalie Thèves, psychanalyste


1. À quelle nature avez-vous à faire ?

L’objet de la psychanalyse n’est pas l’observation de la nature humaine. Elle ne constitue pas non plus un corpus de connaissance sur les modes d’adaptation de l’humain corrélaires des variations naturelles. Ceci relève de la psychologie animale appliquée à l’humain. L’idée d’observer les manifestations de l’être parlant à l’état naturel reste hors de son champ. De même, elle renoncera à restaurer ou réparer un état naturel premier où règnerait une harmonie supposée entre l’homme et la nature.
L’expérience analytique se structure autour des effets de la parole et du langage sur les êtres parlants. Si la nature est muette comme les pierres, l’homme la fait parler grâce au pouvoir créateur de la langue. Un événement naturel n’est rien sans cette expérience du langage. Le ciel a longtemps été l’horizon vers lequel les hommes ont tourné leur regard. Dans les constellations, ils ont pu lire et déchiffrer les augures divins. C’était consacrer le pouvoir de la signification sur celui de la nature.
Avec la langue et l’écriture, la nature et ses phénomènes sont venus s’inscrire dans l’histoire humaine. La nomination l’emporte sur l’état naturel de la chose, qui est mise à distance. L’histoire de l’arche de Noé ne dit pas seulement qu’il s’agit de mettre à l’abri un exemplaire unique des espèces naturelles, elle est plutôt une interrogation sur le fondement de la génération, qui est fondée sur la nomination : elle illustre comment aucune nomination ne saurait s’engendrer elle-même. La génération part ainsi du zéro de fondement.

2. Vous apparaît-il qu’existe quelque chose comme un ordre naturel ?

Le modèle de l’ordre naturel par excellence se trouverait dans l’espèce animale dont la subsistance et la reproduction dépendent de l’instinct.
L’invention de l’inconscient a durablement modifié la conception d’un ordre naturel des instincts chez « l’animal » parlant. L’abord freudien de la pulsion en est responsable. Rien de plus éloigné de la pulsion que l’instinct. Leur économie ne se recouvre pas.
Tandis que dans le règne animal l’instinct est conçu comme une adaptation aux conditions naturelles, la pulsion pour l’être parlant introduit à une fiction qui relève de tout autre chose que de la pression d’un besoin. Elle est une fiction qui dénature l’idée d’une pure économie de la satisfaction. Ses manifestations sont constantes, à l’inverse d’une fonction biologique qui a, elle, un rythme. Ses manifestations vont au-delà des manifestations de conservation de la vie. Le lien entre la pulsion de mort et de vie inflitre toutes créations humaines et sociales. Elles engendrent autant de négatif que de positif, une série de contradictions dialectiques.
Dans le règne de l’être parlant, la pulsion participe tout entière du langage. L’objet de la pulsion est indifférent. Son investissement dépend des effets de la parole et du langage sur la structure de la satisfaction. Son but, lui-même lié à l’accomplissement de la satisfaction, passe par un montage dans les façons de l’atteindre. Ces dernières dérangent profondément le principe d’homéostase qui fonde l’harmonie entre l’homme et son milieu « naturel ». Si cette harmonie est identifiable à l’état naturel, force est de constater que la satisfaction passe par une perte au profit de la symbolisation qu’elle appelle dans l’artifice de son montage. Le cycle pulsionnel modifie les rapports de l’être parlant à la satisfaction, et ouvre une béance entre l’organe et la fonction.
L’expérience analytique met au jour les avatars de la pulsion liés à la façon dont le sujet se trouve devoir satisfaire à ses pulsions. Le symptôme apparaît comme un mode de satisfaction indirecte dont le sujet a dû se contenter jusqu’alors. La pulsion logée au cœur du symptôme nous éloigne de la pureté d’un ordre naturel pour privilégier le rapport du sujet à son désir ; elle ne suit aucune programmation naturelle.

3. Pouvez-vous donner des exemples, où l’utilisation de la nature comme argument vous a énervée ?

Pour moi, le rapport que les « verts » entretiennent à la nature est suspect. Que nous vaut le mot d’ordre « sus à la pollution » à l’heure où le discours de la science s’offre comme solution universelle ?
La lutte contre la pollution de la nature serait-elle identifiable aux droits de l’homme, comme le suggère la percée de l’écologie comme une nouvelle version politique ? Et ces derniers seraient-ils naturalisables ?
Dans les deux cas, il faudrait trouver une solution universelle : on réclame la réparation et on appelle à la protection de l’environnement. Derrière ces revendications légitimes, la nature, jadis louée comme le modèle distributeur des jouissances, puis déchantée par la révolution industrielle, voit son blason redoré dans un combat contre toutes atteintes faites à son ordre. Dans ce combat, il y a l’idée, mal dissimulée, d’un ordre universel en mesure d’offrir à tous et pour tous les mêmes sources et ressources de jouissance. Ce combat est louche. Une telle procédure d’universalisation engendre d’inévitables mesures de ségrégation. Un pas de plus et l’idéologie de la pureté de la race refait surface.

Il n’est guère plus rassurant de voir la biologie aux prises avec un discours qui n’a rien à envier à l’obscurantisme. La classification des êtres parlants à partir de la différence anatomique des sexes comme standard la cautionne.
Les découvertes plus récentes sur le génome humain attirent les vieux démons de la sélection naturelle. Là aussi, on veut croire que ce qui fait un homme ou une femme dépend entièrement du programme biologique.
De même, en dépit du démenti de scientifiques honnêtes, certaines affections psychiques sont mises sur le compte d’un déficit biologique quand elles ne sont pas ravalées au rang d’un déficit cognitif.
La psychanalyse n’identifie pas les êtres sexués en fonction de l’anatomie, mais elle verra plutôt dans la façon de se dire garçon ou fille, homme ou femme, ce qui détermine une position sexuée au regard de la façon d’habiter le langage.

4. Y a-t-il des choses (inventions, pratiques sociales, technologies, discours) qui, parce qu’elles bousculeraient la nature, vous effraient ?

Il y a, en effet, aujourd’hui des pratiques sociales, des technologies et des discours qui bousculent la nature. Les avancées du discours de la science y sont pour quelque chose. Doit-on s’en effrayer pour autant ? La réponse est délicate. Elle exige réserve et rigueur en raison de la fronde obscurantiste que les religions entretiennent plus ou moins ouvertement.
Les promesses d’un bien universalisable à l’échelle planétaire masquent mal la mondialisation galopante du capitalisme. La psychanalyse a déjà pris position : elle ne participe pas à l’ordre du bien dont se parent les causes « humanitaires ». On le lui reprochera assez. C’est pourtant cohérent avec la « cause » qu’elle abrite, car celle-ci n’offre aucune solution universelle.
Ses moyens ne sont ni ceux de la charité qui relève d’un pouvoir de jouissance sur le prochain, ni celui du discours de la science au service du maître moderne.
Pourtant, qui ne s’affolerait pas des applications futuristes de la génétique sur le génome humain et la nature ? Le discours qui soutient cette entreprise se présente comme la solution humanitaire susceptible de résorber la faim dans le monde.
En même temps, de grandes formes pharmaceutiques, un laboratoire mondialement connu comme « Monsanto » restent soucieux de leurs bénéfices en faisant valoir leurs produits et leurs inventions technologiques comme universellement planétarisables. Est-il besoin de démontrer comment la pauvreté dans le monde offre un terreau privilégié à une mise sous tutelle absolue ?

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Image de prévisualisation YouTube

Avatar review – draft bêta …

Monde à poils

Monde à poils et  libido végétale, le porno chic de la terre vue du ciel des idées s’enrichit-il  de nouvelles images ?

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Avatar, premier blockbuster bio exploitant des symboles naturels à grand coup d’artifices, et puisque tout est lié, sans grand souci de cohérence. Mais pas que ?
Film paradoxal qui initie un imaginaire confus sur la machinerie naturelle, Avatar vaudrait cependant par les symptômes qu’il exhibe. Quelques lignes rapides sur cette affaire.

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Sur la forme en guise de liminaire. L’accélération du monde se porte bien, notre capacité à intégrer de nouveaux mouvements entre les images avec. Mouvements de cameras à priori inacceptables et cut façon jeu vidéo, notre cerveau intègre comme digère les derniers artifices à très haute vitesse. Voilà qui nous permet une économie brutale de structure narrative, par le texte, et maintenant par les images même.

Dans le fond immédiat, des cowboys capitalistes s’affrontent à des indiens, Pocahontas au milieu avec des questions de propriétés, passons donc bien vite sur l’horizon d’attente, tout est su à l’avance.
Consommation neuronale basse tension du côté du prétexte narratif quand toute dramatique tient dans la fumeuse chute d’un arbre. Pour le film le plus artificiel de l’histoire, faire l’apologie du naturel revient aussi (et surtout ?) à en maximiser l’exploitation émotionnelle.

On pourrait donc rapidement poser la formule suivante, petit abc de l’inquiétant de l’époque :
a-  syncrétisme globale entre chamanisme, acuponcture et jardinage;
b-  béatitude imaginaire qui nous exile de nous-mêmes;
c- mimétisme sentimental d’une nature apparente dans laquelle on basculerait toute histoire.

Néanmoins, dans un fond un plus profond et par éclats, nous sont présentées quelques captures partielles et symptomatique de la toile du temps. Evoquons ici succinctement quelques possibilités de développement.

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Des machineries naturelles ?

Monde de poils

Un mondes de poils

Que dire de la jongle-monde de Pandora ?

Son « naturel » est une machine, plus précisément un vaste cybernetic network où se mélangent images, idées, animaux et végétaux, neurones et rhizomes, passé, présent, futur. D’un point de vue esthétique, une version glamour à gros traits de ce vaste réseau intégré que Gregory Bateson appelait « écologie de l’esprit ».
Un monde de poil et de branchements donc, un réseau de réseau s’exprimant à travers un modèle végétal, une certaine manière de gérer le temps et l’espace, et qui forme l’habitat du corps des vivants comme le lieu de stockage de leurs mémoires. Le stockage décentralisé des mémoires fait ici communauté.

Les vivants ? On passera sur rapidement sur le rhinocéros à tête de requin marteau et autres hyènes des plus communes pour ne s’intéresser, à l’image du film, qu’à ces bleues figures coloniaires, expressions d’un devenir végétal et d’une connectique du poil sommet de la pyramide de l’évolution pandorienne.
A ce monde auto-réglé, qui s’affecte de lui-même dans ses capacités, s’oppose le monde intrusif, infecté et désaffecté d’humains incapables de respirer de son air pur sans masques et marteaux. De ce coté là du miroir, seul un improbable happy few pourrait empêcher ce monde capitalisto-militaire d’agir en vue de ses « faims ». 
Happy few qui se compose ainsi. Primo de scientifiques dont on devine qu’ils sont sortis des moules du GIEC plutôt que de ceux des OGM, bande de sympathiques szchizo-philanthropes au service d’une machine capitaliste et pour qui vouloir savoir peut libérer de ce que l’on croit savoir.
Secundo, d’un idiot militaire aux jambes raccourcies. La chanson de l’heureux élu en quelques mots : mon frère sait que je ne sais rien, je suis physiquement exclu d’un monde qui marche à toute vitesse, je suis la figure du joueur moderne cloué derrière son écran d’ordinateur.
Voilà donc pour un portrait partiel de nos « bons à bascule », une science réaffectée qui dirait plus de « Nous » que de « On », une figure du paralytique connecté qui mimerait sa reconnexion aux machineries naturelles. Au milieu, Internet, où la préfiguration d’un revenir dans le super network de la biosphère.

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Des hommes bleus coloniaires ?

Devenir vegetal

L’homme coloniaire, tapisserie des Ibans de Bornéo, 
les sociétés d’animaux font des super-organismes qui sont plutôt végétaux ?

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(…) R.Bessis :Je finirai ce dialogue entre nous par la phrase la plus philosophique qui termine votre travail et votre éloge de la plante. Vous dites, en citant René Thom : « Une contrainte fondamentale de la dynamique animale, qui distingue l’animal du végétal est la prédation (…). La plante n’a pas de proie individuée, elle cherche donc toujours à s’identifier à un milieu tridimensionnel » . Chez le végétal, « on trouve une sorte de dilution fractale dans le milieu nourricier ambiant ». Vous rajoutez alors ceci : « Peut-être à la transcendance de l’animal et de l’être humain faut-il opposer l’immanence de la plante. » Comment entendez-vous, au juste, cette dernière phrase ?
F.Hallé : Si l’on se place sur le plan de l’évolution biologique, celle de Darwin, alors l’évolution de la plante et celle de l’animal, sont très différentes. Evoluer pour les animaux, c’est se dégager de mieux en mieux des contraintes du milieu, et en ce sens, l’homme est bien placé au sommet de la pyramide, parce que pour nous à la limite, on ne sait même plus ce qu’est le milieu. Evoluer pour une plante, c’est se conformer de mieux en mieux aux contraintes du milieu, cela consiste donc, non pas à échapper mais au contraire à se dissoudre dedans, à disparaître d’une certaine manière. C’est en quoi la plante m’est apparue immanente, alors que l’animal serait transcendant.
R.Bessis : Je pense que notre société actuelle développe un devenir de type végétal, mais elle n’en a pas véritablement le choix. Tout ce qu’elle fait, soi-disant à ‘‘l’autre’’ (au milieu, à la nature, au monde) par volonté carnassière, c’est en fait, à elle-même qu’elle le fait. Si bien que le meurtre de l’autre se retourne en suicide, et la pulsion d’agression en pulsion de mort. Le devenir végétal appelle au contraire à ne plus vivre une opposition, mais à déployer une immanence.

Extraits tirés d’un dialogue de septembre 2001 entre le botaniste Francis Hallé et le psychologue Raphaël Bessis sur ce que pourrait-être le devenir végétal des sociétés contemporaines. L’intégralité des échanges est disponible sur le site caute.lautre.net.

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Faire une bonne histoire, une histoire efficace, c’est donc construire à grandes lignes l’affrontement de deux mondes.
Si dans le monde humain, mieux vaut savoir mais ne pas avoir de corps, un dedans, dans le monde des bleus, mieux vaut ne pas savoir et avoir un corps, un dehors.
La société des hommes bleus forme un organisme vivant, ensemble solidaire lui-même sous-système de l’organisme plus vaste qu’est le système naturel. Dans le même temps, les membres de cette société sont tous parfaitement individués. A chacun ses affects et ses capacités propres, le tout s’accompagnant d’une structure sociale rudimentaire.
Intégrés au système naturel de Pandora, ces hommes bleus nous apparaissent comme des êtres de médiation et de communication, dont les médiations sont collectives. Autrement dit, et dans le contexte pandorien, comme fonctionnant sur un modèle végétale de gestion du temps (mémoires inscrites dans les racines et la canopée) et de l’espace (habitat dans les branches).
Passons pour l’heure sur les incohérences, ce film oppose donc deux modèles de colonisation et de stratégie de développements. D’un côté celui des cellules volumiques que nous qualifieront pour le dire vite « d’animales ». Celles-ci sont dissipantes, centralisatrices, en quête d’immortalité. Elles sont représentées par des hommes blancs. De l’autre, des cellules surfaciques de type « végétales ». Celles-ci sont intégrantes, en quête de diversification et d’inscription dans une certaine forme d’éternité. Elles sont représentées par des hommes bleus.
Si l’on acceptait de suivre cette ligne, pour les hommes bleus croitre équivaudrait donc à maximiser ses surfaces d’échanges avec le dehors. Ainsi leur puissance ne grandit qu’à mesure qu’ils deviennent capables de se connecter, d’opérer des transactions – choisir et être choisit, affecter et être affecter – avec et par de nouvelles entités du dehors (un cheval, un oiseau, un dragon, etc.)
Êtres de surface, leur intériorité est comme retournée vers le dehors, les lieux de stockage qu’il propose, c’est à dire ces vastes parties du réseau la pensée qui situées hors des corps bleus individués collectent de manière non centralisée des traces mémorielles, des « codes génétiques » hétérogènes capables de cohabiter et de coévoluer.
La nature est alors, et pour ainsi dire, un super système d’information où la notion d’information renverrait à une certaine structuration pour concentration des énergies. Dès lors, si l’homme bleu connecté sélectionne, prélève, capture, les produits de ses transformations du monde pandorien sont restitués sous forme de traces mémorielles au super système d’information naturel.

Principe hologrammique

Principe hologrammique, la partie est dans le tout, le tout est inscrit dans la partie

Habiter dans un certain rapport de participation au dehors forme donc le point de stabilité de l’homme bleu. Le jongle se remplit de leurs pensées, leurs corps s’impriment de la jongle. A l’inverse, pour des humains dont le dedans égotique forme le point de stabilité, ceux-ci sont exposés à un dehors jongle qu’ils ne visitent que depuis leur dedans. Jongle intraductible sous ce rapport, ils ne cessent donc de vouloir s’en protéger, s’en couper, s’affronter.

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Pourquoi tout cela ne tient-il pas ensemble ?

Tenir ensemble

A l’envers de nulle part …

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(…) Nous appelons longitude d’un corps quelconque l’ensemble des rapports de vitesse et de lenteur, de repos et de mouvement, entre particules qui le composent de ce point de vue, c’est-à-dire entre éléments non formés. (…) Nous appelons latitude l’ensemble des affects qui remplissent un corps à chaque moment, c’est-à-dire les états intensifs d’une force anonyme (force d’exister, pouvoir d’être affecté). Ainsi nous établissons la cartographie d’un corps. (…) Vous allez définir un animal, ou un homme, non pas par sa forme, ses organes et ses fonctions, et pas non plus comme un sujet : vous allez le définir par les affects dont il est capable (…)  
L’éthologie, c’est d’abord l’étude des rapports de vitesse et de lenteur, des pouvoirs d’affecter et d’être affecté qui caractérisent chaque chose. Pour chaque chose, ces rapports et ces pouvoirs ont une amplitude, des seuils (minimum et maximum), des variations ou transformations propres. Et ils sélectionnent dans le monde ou la Nature ce qui correspond à la chose, c’est-à-dire ce qui affecte ou est affecté par la chose, ce qui meut ou est mû par la chose. Par exemple, un animal étant donné, à quoi cet animal est-il indifférent dans le monde infini, à quoi réagit-il positivement ou négativement, quels sont ses aliments, quels sont ses poisons, qu’est-ce qu’il « prend » dans son monde ? (…) Jamais donc un animal, une chose, n’est séparable de ses rapports avec le monde : l’intérieur est seulement un extérieur sélectionné, l’extérieur, un intérieur projeté ; la vitesse ou la lenteur des métabolismes, des perceptions, actions et réactions s’enchaînent pour constituer tel individu dans le monde. Et, en second lieu, il y a la manière dont ces rapports de vitesse et de lenteur sont effectués suivant les circonstances, ou ces pouvoirs d’être affecté, remplis. Car ils le sont toujours, mais de manière très différente, suivant que les affects présents menacent la chose (diminuent sa puissance, la ralentissent, la réduisent au minimum), ou la confirment, l’accélèrent et l’augmentent : poison ou nourriture ?
(…) Comment des individus se composent-ils pour former un individu supérieur, à l’infini ? Comment un être peut-il en prendre un autre dans son monde, mais en en conservant ou respectant les rapports et le monde propres ? Et à cet égard, par exemple, quels sont les différents types de sociabilité ? Il ne s’agit plus d’un rapport de point à contrepoint, ou de sélection d’un monde, mais d’une symphonie de la Nature, d’une constitution d’un monde de plus en plus large et intense. Dans quel mesure et comment composer les puissances, les vitesses et les lenteurs ?

Extraits de Spinoza, Philosophie pratique, Editions de Minuit; Édition : [Nouv. éd.] (1 avril 2003) Collection : Reprise.

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Entre les blancs et les bleus, des relations dedans/dehors qui diffèrent déterminent un certain rapport au temps, une certaine gestion de l’énergie, mode d’occupation de l’espace, l’insertion dans des machines naturelles ou dans la fabrication d’artefact technico-guerriers, etc. Et tout s’oppose pour faire histoire.
Problème ?
Quelque chose ne colle pas chez les hommes bleus. Très précisément le rapport au temps et à l’espace qu’on serait en droit d’attendre au regard de leur connectique au super réseau naturel.
Question initiale avant développement : pourquoi le personnage bleu féminin est-il de loin le personnage qui fonctionne ou fictionne le mieux ? Autour de cette interrogation simple on s’aperçoit bien vite que le film en reste le plus souvent à des intentions artificielles et confuses, et que ces hommes bleus ne sont finalement que ces hommes blancs débarrassés de quelques uns des encombrants soulignés par l’époque.

Ce qui choque, ce qui ne colle pas, c’est le manque de lenteur(s) de l’homme bleu. La lenteur, c’est-à-dire l’expression de la valorisation d’un certain style d’énergie en résistance à la dissipation brutale des forces. Un style d’intégration végétale au dehors que seule porte par instant le personnage bleu féminin.
Quand la vitesse maximale de leurs connexions au réseau naturel devrait renvoyer à la limite à une forme d’immobilité dans l’environnement, l’homme bleu reste enfermé par le film dans un éloge de la vitesse visible et de la communication.
Humain trop humain, on reste tous blanc : vitesses spectaculaires, vols héroïco-deltaplanesques et sports de l’extrême où la vie est plus forte car plus rapide, plus d’adrénaline et de pulsion de fuite.
Pour le dire autrement, dans son rapport à la nature de la jongle, son niveau d’intégration à la machinerie naturelle tel que présenté sous l’aspect de ses connectiques rhizomiques, l’homme bleu nous apparaît le plus souvent comme animés par des affects étrangers à ce rapport, de sorte que toute sa végétalo-cybernétique devient simple gadget. Si l’homme bleu habitait réellement le mode d’existence singulier qui nous est proposé, alors il ne pourrait faire ceci et cela, à commencer par courir dans tous les sens du dehors.

Nous voilà donc comme confronté à un problème d’ordre éthologique relatif aux vitesses et aux lenteurs des formes de vie qu’on invente, et dont l’organisation interne et le degré d’intégration au dehors ne colle pas aux affects qu’on lui attribue pour les besoins de l’histoire.
Cette imcompossibilité, que l’on pourrait qualifier de rythmique, produit incohérence et indifférence dans le récit. Dans l’opposition des mondes telle que posée initialement, l’homme bleu à la stratégie et connectique « végétale », celui-ci ne peut avoir les mêmes rythmes que l’homme blanc « volumique animal ». Et si les rythmes des hommes bleus ne cohabitent pas avec ses affects supposés, à contrario, humains et bleus ayant des vitesses tout à fait communes, ceux-ci devraient donc pouvoir coexister.

Le mode d’existence de l’homme bleu est un faux, situé à la bonne mi-distance classique de l’anthropocentrisme et de l’ethnocentrisme. La question du film se pose alors ainsi. Si l’homme bleu n’est qu’un homme amélioré par une sorte de super connectique végétale, en est-il une figure du passé ou de l’avenir ? Faut-il devenir ou revenir bleu ?
C’est à cette question centrale que le syncrétisme tout azimut du film n’apporte précisément aucune réponse, sauf celle d’une coexistence impossible.

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 (Re)(De)venir des bleus ?

Intention

C’est quoi le programme ?

A propos de Thoreau, Fréderic Gros soulignait (en marchant) cette idée du grand Ouest : le sauvage ce sont les forces de l’avenir. Ce qui est le plus primitif, ce qui déborde de l’humain représente en même temps la source de renouveau, les forces du futur.
Finalement, bien peu de traces du primitif sur Pandora, seules quelques bêtes sauvages. Mais persiste néanmoins cette idée du renouveau par un primitif dont différentes symboliques nous sont jetées en mélange sur la pellicule.
Car par ailleurs, il semble bien qu’il n’y ait pas de revenir possible. Il faut devenir bleu. Un peu par la grâce de l’ignorance, du saint esprit cybernétique de la forêt, mais sans oublier pour autant de posséder les quelques vertus cowboys nécessaires à son initiation.
C’est ainsi que les méchants humains, exception faite du happy few des heureux élus, sont priés de retourner sur leur planète dite agonisante. Quant à notre paralytique idiot, il quitte sa forme humaine pour devenir bleu.
Si l’on voulait retrouver un peu de cohérence dans le propos, on dirait qu’il gagne en intensité au fil de ses croisements bleus, accédant ainsi au stade d’une sorte de surhomme végétalo-cybernétique. L’homme blanc n’était donc ainsi qu’un avatar préparatoire à l’homme bleu dans l’histoire.
L’homme blanc doit mourir, il est maintenant bleu. Reste qu’il n’y aurait donc pas d’autres alternatives que de devenir bleu. Et cette curieuse alchimie, elle tombe toujours du ciel ?

Arrivé à ce stade, on ne sait plus ce que le film propose ou ne propose pas d’ailleurs. Est-on choisit par l’esprit cybernétique qui habite les lieux ? Si oui suffit-il d’être idiot au sens socratique pour être élu ? Doit-on redevenir indien ou devenir quelque chose d’autres dont on nous mélange des traces à l’écran ? Comment se brancher ? Par où ça commence ? Un retour au primitif et un oubli de quoi dans les mémoires ? Pourquoi doit-on être adoubé par les hommes bleus pour ce faire ? Sont-ils les gardiens mot de passe d’un nouveau temple ?

L’absence de proposition qui caractérise ce film semble néanmoins satisfaire un public qui se lève comme un seul homme. Soudainement conquis par la cyberbotanique et les joies du jardinage, il s’en vient à applaudir à sa propre expulsion. Quoi en penser ?

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Les hommes qui plantaient des arbres …

Du médecin, symptôme, au pharmacien, dose. De 1987 à 2009, quelques fragments d’images révélateurs de l’évolution de notre capacité à englober les « artefacts » dans une vision littéraire du monde.
2009, des images outils de « désinfection » en batterie pour lutter contre la désaffection et la désaffectation ? Curieuse et triste dépoétisation pour lavement, culte du propre qui déshabille les traces comme les sons.
Motivations. Trier sa poubelle, une conséquence de quoi ? De quel récit, de quelle littérature, de quel (re)montage du monde ? Dans l’infinité des causes et des effets d’un plan de composition, de la nécessité de la perspective esthétique du geste, du synthétique et de l’englobant.
De l’utilité de la littérature et des conséquences de sa raréfaction dans nos écologies mentales, nos modes de (se) représenter, aborder.
Des chiffres de la mécanique mimétique des gestes qui tombent du ciel, le syncrétisme des maux mélangés, trop de sans mots, de coupables usurpateurs qui avouent comme désin-désaf-fectent à moindre coût, bien facilement.

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 1987 …

http://www.dailymotion.com/video/x3e5hj Film d’animation de Frédéric Back, l’homme qui plantait des arbres, texte de Jean Giono (1953), première partie.

http://www.dailymotion.com/video/x3e5ki Film d’animation de Frédéric Back, l’homme qui plantait des arbres, texte de Jean Giono (1953), seconde partie.

2009 …

http://www.dailymotion.com/video/x8mo9e Bande annonce de Home de Yann Arthus-Bertrand.

http://www.dailymotion.com/video/xai892 Bande-Annonce du Syndrôme du Titanic de Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre.

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http://www.dailymotion.com/video/x71djv Habiter techniquement la nature, naturellement la technique …

Ampoule, chou, fil à plomb [un geste pour la planète®], qui parle à qui et de quoi ?

Ampoule, chou, fil à plomb [un geste pour la planète®], qui parle à qui et de quoi ? dans Ecosysteme TV.fr image0012

Lampe à basse consommation: un geste pour la planète®
N’imprimer ce mail que si nécessaire : un geste pour la planète®
Regarder Michel Drucker en mode Xanax sur canapé : un geste pour la planète®
Connaissance par ouï-dire : un geste pour la planète®
Eteindre les Lumières : un geste pour la planète®

Plus on parle et moins on sait de quoi on parle. Que veulent dire les mots ? « Pour la planète », ça veut dire quoi ?

Première option : « pour la » = au nom de

Révolution de la pensée, il n’y aurait donc qu’une seule planète possible, mieux, celle-ci parlerait à des Jeanne d’Arc de l’« avant moi le déluge ». Heureuses élues de la voie et des voix, charge à elles de relayer quelques certitudes labélisées en batteries « au nom de la planète ».
Si l’on regardait dans le rétroviseur de l’histoire, sans doute serait-on surpris du parcours de toutes ces « avant-gardes » autoproclamées ayant tour à tour de passe-passe copyrightées leurs discours « au nom » du grand Un. De la planète, de Dieu, du peuple, etc., et hop, d’un lit de l’Un à l’autre pour de beaux draps.

Au nom de, ce mode de communication [un geste pour la planète®] devient alors l’exact inverse de ce à quoi devrait nous conduire l’écologie : la reconnaissance d’un ensemble monde incertain, complexe et multiple, duquel émerge un homme qui ne lui est pas nécessaire. Un monde humain qui se proposerait d’éduquer à attention et non d’étouffer les siens par la diffusion en boucle ouï-dire de notions prescriptives. Un monde humain de liaisons et non d’opposition entre des « avant moi le déluge » sans histoire et des « après moi le déluge » qui eux en ont fait leur deuil. Pile ou face choisissez votre camp, comme noir s’exprime comme blanc.

Seconde option : « pour la » = à la place de

Si les mots ont encore un sens, peut-être qu’une certaine rigueur commanderait d’oser avancer « parler à la place de la planète ». Chose qui relève d’une activité d’écriture et de traduction des mondes que l’homme pratique depuis un peu plus hier, à ses façons. Mais on devine que celui qui entend « parler à la place de la planète » n’engage pas une même responsabilité que celui qui prétend bavarder « en son nom ». Ce dernier n’étant après tout qu’un praticien du buzz-relais des idées courantes.

Si vous prétendez parlez « à la place » de la planète, vous avez beaucoup de talents, une joyeuse science de l’attention. Si vous prétendez parlez « au nom » de la planète, le principe de précaution « commanderait » de vous taire, urgemment si vous prétendez incarner un changement de drap.

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http://www.dailymotion.com/video/x31hn7 La joie de celui qui ne croit en rien

http://www.dailymotion.com/video/x3k70s Intégration de la partie, récits et représentation, etc.

http://www.dailymotion.com/video/x49ieh Rabattage des moi, d’émoi …

http://www.dailymotion.com/video/x3im00 A la place de …

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Pour savoir, il faut s’imaginer, pour s’imager, il faut …

Pour savoir, il faut s'imaginer, pour s'imager, il faut ... dans André Gorz image001

Ecarter, désynchroniser, création de zones grises pour capture et/ou déverse.

Pour savoir, il faut s’imaginer, pour s’imager, il faut … démon-remonter.

Petite mise en code barre parallèle.
Coupure entre production et reproduction chez les plantes photosynthétiques, droit de propriété collé dans les semences et limitation des possibilités de sélections et de croisements pour l’agriculteur.
Coupure entre production et reproduction chez les hommes « photo-synthétique », droit de propriété collé dans les images et limitation des possibilités de sélections et de (re)montages pour le spectateur.

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« (…) pour réfléchir sur une perception l’image que nous en avons reçue, il faut que nous puissions la reproduire, c’est-à-dire la reconstruire par un effort de synthèse. On a dit que l’attention était une faculté d’analyse, et l’on a eu raison ; mais on n’a pas assez expliqué comment une analyse de ce genre est possible, ni par quel processus nous arrivons à découvrir dans une perception ce qui ne s’y manifestait pas d’abord. La vérité est que cette analyse se fait par une série d’essai de synthèse, ou, ce qui revient au même, par autant d’hypothèses : notre mémoire choisit tour à tour diverses images analogues qu’elle lance dans la direction de la perception nouvelle. Mais ce choix ne s’opère pas au hasard. Ce qui suggère les hypothèses, ce qui préside de loin à la sélection, ce sont les mouvements d’imitation par lesquels la perception se continue, et qui serviront de cadre commun à la perception et aux images remémorées. »

Henri Bergson. Matière et mémoire, essai sur la relation du corps à l’esprit. Édition électronique a été réalisée par Gemma Paquet, réalisée à partir de Matière et mémoire. Première édition : 1939. Paris: Les Presses universitaires de France, 1965, 72e édition, 282 pp. Collection: Bibliothèque de philosophie contemporaine, p. 61.

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Bergson, pour réfléchir sur une perception l’image que nous en avons reçue, il faut que nous puissions la reproduire, c’est-à-dire la reconstruire par un effort de synthèse.
Accès à la connaissance par le remontage, reconstruction et simulacre mimétique de cette activité de sélection que nous opérons en permanence dans la fourmilière du réel. Chimie de synthèse, se donner à percevoir nos nourritures, nos poisons, utile propre variable selon les coordonnées de tel ou tel corps.

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« L’imagination avec le montage : l’imagination est d’emblée un montage, de par les images qu’elle associe, qu’elle saisit et qu’elle laisse ressurgir, remonter. Une part du travail de l’imagination est ainsi consciente, articulée à la raison, à l’organisation de la pensée. Une autre part en est l’inconscient, le condensé, le symptôme, si bien que l’imagination agence les images suivant des relations, des correspondances et des rythmes – entre ressemblance et dissemblance, liaison et déliaison, synthèse et déconstruction – qu’il s’agit finalement d’arrêter, de monter, ne serait-ce que pour les exposer, les traduire. Le montage serait le moment éthique et esthétique de l’imagination, parce qu’il est travail sur la forme et mise en forme. Il est principe d’écriture des images. » 
Mathilde Girard, Imaginer, monter – facultés politiques.

http://www.dailymotion.com/video/x5f9w9 (Re)Montage, dedoublage, mise en perspective de ses archives.

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Cette séparation entre production et reproduction, plantes, images, etc., ouvre à un devenir hacker. La nature ayant horreur du vide, cette séparation produit l’espace, habitat ou niche « écologique » d’occupation pour ces populations de hackers.
Hackers ou petits démons-remonteurs, ceux dont la fonction est de casser des liaisons. Par exemple celles condensées dans des images, libérant ainsi une énergie immatérielle qui, (re)mise en circulation devient énergie sociale potentielle. Le hacker décomposeur – décodeur occupe ainsi une fonction de pré-recyclage dans la chaine socio-alimentaire des images, des idées, nourrissant les saprophages de l’essaim social, et par suite, le terreau de la banque des images, le sol de nos idées.
Séparation entre production et reproduction, nous assistons aujourd’hui à de multiples « pesticides » tentatives de désaffection comme de désinfection de l’espace ainsi crée.
A bien des égards, Hadopi est un puissant pesticide social, celui-là même qui est en charge de priver de vie cet espace qu’un certain mode du penser [ouvre-écarte-arrache-insère] entre production et reproduction, des plantes, des images, des idées, etc.

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André Gorz, la sortie du capitalisme a déjà commencé, extrait de la version remaniée

« Ce qui importe pour le moment, c’est que la principale force productive et la principale source de rentes tombent progressivement dans le domaine public et tendent vers la gratuité ; que la propriété privée des moyens de production et donc le monopole de l’offre deviennent progressivement impossibles ; que par conséquent l’emprise du capital sur la consommation se relâche et que celle-ci peut tendre à s’émanciper de l’offre marchande. Il s’agit là d’une rupture qui mine le capitalisme à sa base. La lutte engagée entre les logiciels propriétaires et les logiciels libres (libre, free, est aussi l’équivalent anglais de gratuit) a été le coup d’envoi du conflit central de l’époque. Il s’étend et se prolonge dans la lutte contre la marchandisation de richesses premières – la terre, les semences, le génome, les biens culturels, les savoirs et compétences communs, constitutifs de la culture du quotidien et qui sont les préalables de l’existence d’une société. De la tournure que prendra cette lutte dépend la forme civilisée ou barbare que prendra la sortie du capitalisme.
Cette sortie implique nécessairement que nous nous émanciperons de l’emprise qu’exerce le capital sur la consommation et de son monopole des moyens de production. Elle signifie l’unité rétablie du sujet de la production et du sujet de la consommation et donc l’autonomie retrouvée dans la définition de nos besoins et de leur mode de satisfaction. L’obstacle insurmontable que le capitalisme avait dressé sur cette voie était la nature même des moyens de production qu’il avait mis en place : ils constituait une mégamachine dont tous étaient les serviteurs et qui nous dictait les fins à poursuivre et la vie a mener. Cette période tire à sa fin. Les moyens d’autoproduction high-tech rendent la mégamachine industrielle virtuellement obsolète. Claudio Prado invoque l’appropriation des technologies parce que la clé commune de toutes, l’informatique, est appropriable par tous. Parce que, comme le demandait Ivan Illich, chacun peut l’utiliser sans difficulté aussi souvent ou aussi rarement qu’il le désire… sans que l’usage qu’il en fait empiète sur le liberté d’autrui d’en faire autant ; et parce que cet usage (il s’agit de la définition illichienne des outils conviviaux) stimule l’accomplissement personnel et élargit l’autonomie de tous. La définition que Pekka Himanen donne de l’Ethique Hacker est très voisine : un mode de vie qui met au premier rang les joies de l’amitié, de l’amour, de la libre coopération et de la créativité personnelle. »

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http://www.dailymotion.com/video/x6mo0t

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