[ Un environnement ? Une configuration dynamique, un organe sensoriel décentralisé: un modèle de danse qui capture d’autres modèles de danse. ] Gregory Bateson
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http://www.dailymotion.com/video/k3urLHLoGI73X0zTgG De l’art et de la science, ou des interférences. Jean Claude Ameisen.
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On me dit, très cher monsieur, vous mélangez tout sur ce blog.
L’écologie n’est sûrement pas ceci, mais sûrement cela.
Vous ne pouvez donc pas sérieusement écrire ceci autrement que comme cela : l’écologie est une science qui, tel le cosmonaute, entend piloter les choses du vivant, transferts des matières et des énergies, d’en haut.
Ceci ou cela répondons que notre récit du monde est simplement moniste, et qu’ainsi écologie des corps et des idées forment deux aspects parallèles d’une seule et même question « écologique ». Deux versants d’un même fait, où pour l’articuler autrement à la manière d’un Bateson : « Nos idées sont immanentes dans un réseau de voies causales (système d’information) dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience. »
Et après tout, pour le dire plus simplement, l’écologie est une pile de savoirs constituée du jeu des idées que nous nous faisons du monde, celles-ci exprimant bien plus une certaine perspective sur ce dernier, perspective née de l’histoire de nos rencontres avec, que les propriétés de ce monde. Parler d’écologie, c’est donc avant tout parler de celui qui en parle, sous la forme d’idées comme d’images, à savoir l’homme. De l’étude de la Nature, il ne peut tirer avant toute chose qu’une connaissance de sa propre nature.
Nous disons perspective car l’écologie plus qu’une science est avant tout une certaine manière de percevoir le monde. De le plier dans une représentation proprement écologique, des plis correspondant à certaines relations d’un type nouveau (rétroactions, coévolution, …).
A cette manière de voir correspond un mode d’existence, c’est à dire l’art de vivre en rapport avec cette représentation. Coprésence au monde et à soi, coévolution des rapports entre le monde et soi.
Perspective écologique dont nous essayons très maladroitement d’explorer ici quelques uns des contours, faute d’être satisfait par les propositions actuelles et les usages qui en découlent.
Les propositions actuelles, quelles sont-elles au fond ? Dualisme, happy triolisme, transcendance new age, sado anthropomorphisme, psychanalyse du pingouin et culte des manchots qui ne transforment pas le monde à coup de marteau ? Etc, etc, soit grosso-modo l’asile d’une flopée de superstitions savamment réactualisées dans les habits d’une nouvelle morale naturée. Morale qui, parlant au nom de la terre mère à la manière d’un coucou, colonisent le nid d’une science encore à venir pour en chasser les petits Fourrier.
Faire des arbres des puits à carbone à produire sur un même mode que celui des automobiles n’en est qu’un exemple assez facile. Ici l’absence de perspective nouvelle excuse de facto celle du projet pédagogique. On gère le carbone comme l’aluminium dans une même équation. Un des termes change, mais pas la nature des relations. Il en va de même de l’absence des singularités dans les discours. Pourtant, ceux-ci ne manquent pas de nous ceci, nous cela.
En retour ? Toujours aussi peu d’autonomie dans le possible, et des grilles qui pleuvent sur des diagrammes qui s’assèchent. Mais quelle représentation du monde, quels hommes dedans, quels modes d’accès à la connaissance ? Des utilisations et captures individuelles aux sociabilités et ainsi de suite, nous ne repensons le monde que bien peu aujourd’hui. Question de vitesse, question de savoir plier (dans la complexité) plus que d’extraire également.
Mais quelles ontologie, anthropologie, épistémologie et tous ces gros mots réunis pour l’agir écologique ? Celui-ci bénéficie-t-il d’un laisser-passer à ces endroits, ou bien l’homo ecologicus n’est-il finalement qu’un reflet inversé de l’œconomicus ?
Filet à papillons et surface d’inscription, de nôtre petit côté, tâtonnant au fil des rencontres, insatisfait des représentations communément proposées au recyclage, et ne cherchant pas à séparer la question écologique de celle du bonheur humain (en tant que celui s’articule également autour des modalités sociales de cohabitation des joies individuelles dans les usages que nous faisons du monde des choses bien qu’habitant celui des hommes), nous avons ainsi pu capturer ici et là quelques fragments de code.
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http://www.dailymotion.com/video/k657hrwUlxdosMOROk Perspective esthétique et micropolitiques désirantes, Félix Guattari: « L’écologie est un grand tournant, à condition que cette écologie soit mariée à la dimension sociale et économique, avec toute forme d’altérité, pour former une idéologie douce, qui fasse sa place aux nouvelles connaissances. »
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Alors on touche et on expérimente là dedans des bidouillages partiels qui n’appellent qu’à leurs propres transformations, pour peut-être certains usages dans des ailleurs.
On tourne, on tourne autour. On se répète dans un mouvement centrifuge qui peut-être un jour fera apparaître une nouvelle poterie, par expulsion sélective des trops perçus. En attendant, petite tentative de synthèse très incomplète et dans le désordre.
La perspective écologique, l’art des agencements ou des frontières mobiles. L’individu est une configuration singulière qui ne prend forme qu’en rapport à d’autres configurations singulières, lesquelles ne se comprennent que dans un contexte très dynamique.
L’homme, sous-système de systèmes, ne compose toujours qu’un arc dans un circuit plus grand qui toujours le comprend lui et son environnement (l’homme et l’ordinateur, l’homme et la canne…). Gregory Bateson : « L’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense, agit et décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience ». Alors de quoi je suis capable (mode d’existence) dans tel agencement, dans tel circuit ? Comment je m’insère dans ces réseaux de réseaux ? Soit la compréhension des différents circuits dans lesquels s’insère et racine l’âme humaine.
Comme ces relations et compositions sont plus ou moins inaccessibles à notre mode de pensé actuel (linéaire et séquentiel), notre hypothèse est bien que l’art en est l’une des principale portes d’entrée.
Coévolution, interaction, rétroaction, etc., autant de concepts issus de la systémique et qui forment aujourd’hui les bases de la pensée écologique scientifique. L’approche écosystémique est donc une façon de percevoir à la fois l’arbre et la forêt, sans que l’un ne masque l’autre. L’arbre est perçu comme une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la forêt, elle-même association d’arbres dont les interactions produisent leur propre niche écologique individuelle.
Tout système peut se représenter comme une différenciation interne entretenue par un flux énergétique (matière, information) externe qui le traverse. Ce flux détermine donc un intérieur différencié et un extérieur qu’on appelle environnement. C’est-à-dire un système plus ouvert à la circulation des flux et qui assure la régulation de l’ensemble. Tout système est donc relié à un environnement (à un autre système plus ouvert), à une écologie (à des relations entre systèmes).
Nous ne pouvons donc pas donner à comprendre clairement l’écologie par des approches pédagogiques classiques, linéaires et exclusives.
Le projet de l’œuvre d’art est un projet intégrateur qui rencontre précisément cet objectif de la pensée écologique. Comme le disait Nietzsche, le corps dansant a le pouvoir d’unir les contraires et « nous avons l’art, afin de ne pas mourir de la vérité ». Une vérité entendue au sens d’un mode de pensée qui préfigure des frontières fixes (individu/collectivité, artificiel/naturel…), et épuise le réel à l’avance.
« La monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux niveaux individuel, familial, national et international – la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous – ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature. » Gregory Bateson.
Aujourd’hui, l’individu cherche à combiner et expérimenter les approches de toute nature dont il a les « échos » permanents dans la société informationnelle au sein de laquelle il pousse (scientifiques, industrielles, médiatiques, artistiques…). Mais sa conscience n’est qu’une petite partie systématiquement sélectionnée et aboutit à une image déformée d’un ensemble plus vaste, le réel. Gregory Bateson : « La vie dépend de circuits de contingences entrelacés, alors que la conscience ne peut mettre en évidence que tels petits arcs de tels circuits que l’engrenage des buts humains peut manœuvrer. » Ignorant ces circuits plus vastes, l’individu sample des entités à partir d’un mode de pensée atomiste. Le poulet en batterie est un sample du poulet naturel. C’est-à-dire une entité extraite de son environnement (circuit initial), tout comme on extrait un son d’un ensemble musical. Le sample n’a évidement plus les mêmes capacités que l’original dans son contexte, mais à en rester à la forme on dira que c’est toujours un poulet et on pourra le multiplier à l’infini (copier/coller…).
Dans un monde complexe, il ne s’agit plus de chercher à dénouer ou extraire, mais bien à nouer. L’ensemble de l’esprit est un « réseau cybernétique intégré » de propositions, d’images, de processus etc. etc…., la conscience, un échantillon des différentes parties et régions de ce réseau. Gregory Bateson : « si l’on coupe la conscience, ce qui apparaît ce sont des arcs de circuits, non des pas des circuits complet, ni des circuits de circuits encore plus vaste. ». Ainsi plier le papier, notre conscience, pour en rapprocher les bords.
L’écologie, en tant que concept intégrateur, celle-ci vise à la cohabitation des perspectives et usages du monde, du poétique au productif, et s’occupe donc de la gestion du multiple bien plus que de la rareté. Le multiple étant ici entendu au sens d’une multitude de désirs singuliers, non comme des collectifs institutionnels ou des classifications.
L’homme coévolue avec le naturel comme l’artificiel, cette distinction n’étant le fruit que d’une perception limité (prélèvement). Cette proposition pourrait également s’entendre comme suit : l’homme habite techniquement la nature et naturellement la technique sur un seul et même plan d’immanence qui est un plan de composition (un modèle de danse qui capture d’autres modèles de danse). Rencontre à ce stade avec Michel Puech, comme avec le Deleuze du petit texte intitulé » Spinoza et nous ».
Gilles Deleuze : « L’artifice fait complètement-partie de la Nature, puisque toute chose, sur le plan immanent de la Nature, se définit par des agencements de mouvements et d’affects dans lesquels elle entre, que ces agencements soient artificiels ou naturels [...] une composition des vitesses et des lenteurs, des pouvoirs d’affecter et d’être affecté sur ce plan d’immanence. Voilà pourquoi Spinoza lance de véritables cris : vous ne savez pas ce dont vous êtes capables, en bon et en mauvais, vous ne savez pas d’avance ce que peut un corps ou une âme, dans telle rencontre, dans tel agencement, dans telle combinaison. »
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http://www.dailymotion.com/video/k3nS3J7O5wL1n2NBjR Michel Puech sur France Culture : « l’homme habite techniquement la nature et naturellement la technique ».
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L’actuelle mise en réseau du monde implique un certain devenir végétal, à un certain niveau de nos stratégies organisationnelles : gestion du temps et occupation de l’espace en premier lieu, mais également à une plus grande fluidité des sujets, psychologique, voire même aujourd’hui génétique.
Car mise en réseau, c’est-à-dire modification des rapports des vitesses et des lenteurs de chacun, des modes d’individuations et d’affectation des corps sur ce même plan d’immanence, avec pour conséquence une croissance des surfaces d’échange et l’émergence de nouveaux collectifs fluides respectant les singularités. Soit de nouvelles sociabilités.
Dans la mesure où plus aucun des territoires de la planète ne porte pas une trace de moi-même (les mêmes pesticides dans les glaces polaires et dans mes testicules…), pulsion de fuite et mouvement perdent de leur intérêt stratégique. Dès lors, en pensant le rapport animal et végétal sur la base de stratégies de captation de l’énergie différenciées, l’une en mouvement, l’autre non, peut-on imaginer que le développement des humains adopte un modèle plus végétal ? Un mode où à l’image de la plante pour la lumière et l’eau, l’individu étendrait en surface ses capteurs d’information dans le réseau sociétal, à la recherche de sens composites (informations, énergie).
En contrepoint, il délaisserait la construction de son intériorité au profit d’un nouveau type de croissance : en extérieure, en surface, par réitération et redondance, en multipliant les chemins de circulation de l’information. Parallèlement, ce dernier ne pourrait plus se satisfaire du substrat traditionnel des connaissances : analytique, linéaire et séquentielle.
Rencontre ici avec Francis Hallé et Raphaël Bessis autour de la question de l’homme coloniaire.
L’homme « photo-synthétiseur » est un producteur primaire (plus ou moins autonome, plus ou moins affirmatif) d’images à dédoubler, articuler et recycler collectivement dans des récits du monde. Littérature, poésie ou toute la question du rôle de l’art dans dans l’éducation, les fonctions de contrôle et de sagesse au sens d’un Bateson, la présence au monde d’un Thoreau.
« [...] L’art, à une fonction positive, consistant à maintenir ce que j’ai appelé « sagesse », modifier, par exemple, une conception trop projective de la vie, pour la rendre plus systémique [...] ce que la conscience non assistée (par l’art, les rêves, la religion…) ne peut jamais apprécier, c’est la nature systémique de l’esprit. » Grégory Bateson
Rencontre ici avec l’accès à la connaissance des devenirs du monde sur un mode cinématographique, Bergson (le cinéma fait voir le mouvement, les rapports de mouvement, les interactions qui passent – jaillissent - entre les choses).
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http://www.dailymotion.com/video/k5a8Z8wuAyBpnBM0Mg Bergson, image cinématographique, et appréhention de l’abondance des devenirs du monde.
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Penser la diversité ne requière pas que les choses aient une valeur en elles-mêmes. L’attribution d’une valeur esthétique, d’un usage, etc, est avant tout fonction du déploiement d’un désir singulier. Ce n’est pas parce que cette chose est aimable que je l’aime, c’est parce que je l’aime que cette chose est aimable.
Ce que la diversité mets ainsi en jeu, ce sont donc des potentiels de liaison et de déliaison dans le tissu du monde, ces agencements mobiles permettant des gains de puissance dans une communauté faite de multiples systèmes en coévolution. L’extinction d’un individu singulier est en ce sens la perte pour tous les autres d’une liaison, d’un mode de connexion possible, d’un modèle ou mouvement de danse dans lequel peut se glisser un moi. Soit une perte en conjugaison ou en grammaire du monde. Toujours Spinoza, toujours Deleuze et un zest de Misrahi aux commentaires.
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http://www.dailymotion.com/video/k5q5KaPOMSGW7arBNA Gilles Deleuze sur l’Ethique de Spinoza, lecture de « Spinoza et nous »
http://www.dailymotion.com/video/k6dBvXQ94T6qvyymWu Bodiversité, tissu du vivant et pouvoir de transformation (Elias Canetti)
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Pour décliner tout cela plus concrètement, d’un point de vu politique et quotidien, se pose donc la question de l’accès pour le plus grand nombre aux territoires, à ses flux de matières et d’informations avec lesquels il est nécessaire ou possible qu’ils se combinent pour devenir humain (l’eau, l’air, etc.) et plus encore (l’information, l’éducation, les surfaces d’écriture et de lecture que sont les arbres, les paysages, l’éthologie animale, etc.).
Mais une fois dit cela, constatons que nous n’avons rien inventé de bien nouveau. Tout juste actualisé quelques très vieilles questions : occupation des territoires, rémunération des équivalents travaux de chacun, etc.
A ceci près, outre le cheminement personnel qui nous amène à réinterroger ces questions sous tel ou tel angle d’incidence, à ceci près donc que le capital énergétique d’un individu humain, c’est à dire son pouvoir de transformation mécanique du monde, est à présent à un niveau sans doute jamais atteint par l’espèce. On pourrait peut-être d’ailleurs imaginer qu’il en va de l’inverse quant à son pouvoir de transformation psychique.
A ceci près toujours que l’heure est à la maîtrise de notre propre maîtrise ou puissance, grâce aux connaissances aujourd’hui acquises sur les rapports entre les flux : cycles, transferts, conditions de reproduction des matières et des énergies.
Modification des vitesses et réactualisation des liens, tout cela nous ramène d’une certaine manière à la question éthique telle que posée par Spinoza : comment rendre désirables ou « activer » ces connaissances nouvelles, comment articuler autonomie individuelle et communauté de raisonnable ?
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http://www.dailymotion.com/video/k4BHxtdZ4qyPkhTwrz Robert Misrahi sur Spinoza. De la recherche de l’autonomie au « Rien n’est plus utile à l’homme qu’un autre homme vivant sous la conduite de la raison »
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