Ouvrons ici un nouveau chantier afin de sortir un peu de la tentative artistico-politico-bidouillage étendue, et revenons sur du plus méthodique et du quotidien pratique ! L’économie est-elle un sous-système de la biosphère, la biosphère est est-elle un sous-système de l’économie, ici nulle question du genre. Pas d’œuf, pas de poule et encore moins de poupées russes. Place au concret et retour à l’équation! Au sens où l’économie et son langage interrogent les pratiques humaines, tout autant qu’elle peut les figer par ailleurs, elle est aussi et sûrement un moyen d’approcher certains des probèmes de la biosphère… une fois dit que l’homme qui baigne dedans n’est heureusement pas un être idéal!
Environmental management
Comme le montre le schéma ci-dessus, dans sa pratique, la gestion de l’environnement comprend trois axes bien distincts. Tout d’abord la régulation, principalement publique, c’est-à-dire l’élaboration de règles et de normes qui s’imposent, ou que s’imposent les différents acteurs de la vie de la cité.
Secundo, les instruments économiques qui viennent grever le calcul de rentabilité des différents agents afin que ceux-ci intègrent les coûts réels, ou tout du moins, soit inciter au changement de pratique (taxes, permis échangeable…).
Enfin dernier point, tout ce qui du domaine de la recherche, de l’information et de la communication, est susceptible de venir appuyer sensibilisation aux bonnes pratiques, modification des perceptions et croyances, amélioration des prises de décision…
Sur les axes deux et trois, et si ce blog se veut réellement étendu, il est donc grand temps pour lui de présenter à nouveau quelque uns des outils d’analyse des interactions entre l’économique et l’environnement.
Définitions
Quelques petites définitions introductives pour commencer. L’économie ? Vaste chantier! En voici donc une définition parmi bien d’autres: l’économie est un certain type de prise de décision qui concerne l’allocation des ressources rares ou limitées, dans l’intention de maximiser le bien être social.
Soit une décision qui se construit à partir d’une analyse économique, analyse elle-même indissociable de la notion de coût d’opportunité. Car imaginons que je choisisse d’utiliser telle ressource ici et que ce choix me rapporte tant. Si je suis un économiste, pour obtenir mon véritable bénéfice il m’est alors nécessaire de soustraire de ce gain, en plus des divers coûts de production et d’investissement, le coût du choix de cette allocation, c’est à dire de l’abandon d’une autre. Autrement dit le gain potentiel autre que j’aurai pu avoir en plaçant cette ressource ailleurs.
Ainsi nous ne pouvons utiliser ou consommer un bien, ou recevoir un bénéfice quelconque, sans abandonner une opportunité et générer par la même des coûts de sacrifice. Et c’est précisement en ce sens que l’analyse économique diffère de l’analyse commerciale des profits et pertes monétaires immédiats, tout comme de l’analyse financière qui concerne pour sa part les transferts monétaires entre les différents agents sociaux (taxes, inflation, taux d’intérêt, crédit…).
http://www.dailymotion.com/video/x363wm
Tous les agents qui font des choix économiques, qui ont des décisions à prendre, sont regroupés sous le terme pluriel et pourtant singulier de marché. C’est ce dernier qui sous certaines conditions de la libre concurrence non faussée (transparence des informations, atomicité de l’offre, échange de biens appropriables…) réalise avec succès la rencontre de l’offre et de la demande. C’est à dire qu’il fixe le juste prix de la ressource qui maximise l’utilité de chacun des agents, et par une voie de conséquence détournée d’un revers de main invisible, de l’ensemble qui maximise ainsi son bien être social.
De ce que nous disons, le but de l’économie est donc de tendre vers une allocation optimale des ressources rares. Pour ce faire je dois donc pouvoir valoriser les différentes ressources, c’est-à-dire être capable de les comparer grâce à une même unité de mesure monétaire, tout comme je dois par suite envisager les coûts/avantages des différents scénarios d’allocation possibles. Question: le marché peut-il nous révéler le juste prix des services rendus gratuitement, du fait de sa simple existence, par une forêt ?
Défaillance de marché et liens éco-environnementaux
L’économie dite environnementale reconnait des fonctions à l’environnement, soit la capacité des divers composants et processus naturels à fournir des biens et services nécessaires à satisfaire directement ou indirectement les besoins humains. Les fonctions de l’environnement (services rendu par l’environnement à l’économie) peuvent être classés selon différentes catégories:
- Fonction de régulation et de transport: réserve, évacuation, recyclage, traitement, absorption, maintien, prévention, protection, écoulement…
- Fonction de production: biomasse, engrais…
- Fonction d’information: scientifique, éducative, historique, religieuse, culturelle, artistique…
Le schéma ci-dessous reprend la classification des services du Millennium Ecosystem Assessment :
Celui-ci présente les services fournis selon les différents types d’écosystème :
Enfin ce dernier présente les liens éco-environnementaux:
Un échec de marché, la force de l’économie libérale dont nous parlons réside aussi dans sa capacité à penser contre elle-même, une défaillance de marché consiste donc à ne pas pouvoir valoriser justement les services écologiques collectifs de supports (épuration naturelle des eaux, rôle de la forêt dans la régulation climatique, apport de la biodiversité à la pharmacopée and so on …) sur et grâce à un marché.
En effet, et dans la mesure où ne se réalisent jamais les conditions de la concurrence parfaite du fait de la nature même de ces biens et services qui ne sont pas des biens échangeables, divisibles, appropriables…, alors l’allocation rationnelle de ces ressources par le marché est impossible. Ce dernier ne cessant pas de renvoyer par l’intermédiaire de prix sous-évalués des signaux erronés sur la rareté relative des différents biens et services.
Externalités et problème de la valeur d’un bien naturel
Un échec de marché reconnu est déjà la piste d’une solution. Il faudra donc tenir compte des externalités pour corriger la défaillance. Les externalités ? Voilà le terme économique curieux qui se cache derrière le principe du pollueur/payeur.
Quand celles-ci sont dites négatives, elles permettent de tenir compte de la pollution née d’une décision économique affectant des personnes non impliquées par les produits de cette décision. Autrement dit, et pour reprendre l’exemple tarte à la crème, le cas de l’agriculteur maximisant sa production à grand renfort d’engrais d’un côté, le pauvre pêcheur de l’autre. On voit bien que ce dernier est non impliqué dans les résultats de la production agricole, alors même qu’il voit ses eaux se remplir de nitrate et par là se dépeupler.
Finalement l’externalité négative représente bien le coût de transfert des pollutions du pollueur vers les autres utilisateurs d’une même ressource affectées. Si l’agriculture, l’industrie, la publicité et bien d’autres activités de type Jean-Pierre Pernaud-Ricard produisent des externalités négatives, d’autres produisent à l’inverse des externalités positives. A ce sujet, l’un des enjeux de la conception d’un environnement « éco-industriel » serait justement de permettre la transformation d’externalités négatives (i.e. les déchets résiduels que je produis et que je jette ou que j’élimine coûteusement) vers des externalités positives (i.e. les déchets résiduels que je produis, et qui deviennent maintenant des matières premières pour d’autres activités).
Mais quand bien même les externalités nous fourniraient un concept fonctionnel propre à corriger les insuffisances du marché quant à la juste valorisation des services collectifs de l’environnement, reste encore à évaluer le coût d’une pollution ! Autrement dit, comment estimer la valeur affectée des bénéfices tirés des biens et services produits par l’environnement ?
Pour ce faire, nous disposons d’un ensemble de technique d’évaluation/estimation de la valeur économique totale d’un bien naturel. Imparfaites, celles-ci peuvent néanmoins devenir, entre de bonnes mains, une aide précieuse à la prise de décision. Citons ici très rapidement trois méthodes avant de revenir dessus dans un prochain article.
- La transaction directe dans le marché. Celle-ci est observable par rapport aux choix des agents sur un marché reflétant leur volonté de payer pour le bien naturel (WTP). Le prix du marché est alors une valeur minorée qui nécessite l’adjonction du surplus du consommateur. A l’inverse, le prix du marché est majoré si le marché reflète leur volonté de donner l’accès au bien naturel qu’ils détiennent (WTA).
- Le marché de substituts pour des services indirectement consommés. La valeur est ici à estimer à partir du lien entre consommation d’un bien marchand et celle d’un service environnemental non marchand correspondant (pollinisation manuelle ou mécanique versus pollinisation des abeilles).
- Le marché artificiel, soit un sondage auprès d’une population cible en vue de déterminer sa WTP.
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En guise de conclusion sommaire à cette première étape, le schéma suivant résume les différents composants de la valeur économique totale d’un bien (TEC). Celle-ci se décompose en deux axes principaux :
- la valeur active ou d’usage, et qui correspond aux avantages tirés des ressources et services de l’environnement. Elle correspond au prix de marché.
- la valeur passive ou de non usage, ou encore la valeur intrinsèque qui correspond à la willingness to pay (WTP) qui lui est liée. C’est donc cette partie de la valeur économique totale qui n’est révélée que très partiellement par le marché.