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A travers son ouvrage « l’éloge de la plante[1] », Francis Hallé, botaniste spécialiste des tropiques ayant dirigé les missions du désormais célèbre radeau des cimes, invite les animaux que nous sommes à une profonde méditation sur la puissance du règne végétal. |
Force est de constater avec l’auteur que notre connaissance du domaine végétal demeure encore très embryonnaire. La raison à cela ? Pour Hallé, celle-ci serait à rechercher du côté d’un sentiment de supériorité de l’animal, sentiment qui prendrait sa source dans sa capacité de mouvement ou de fuite, ainsi que dans la persistance d’un rapport mangeur/mangé.
Pourtant que de surprises quand nous découvrons l’hétérogénéité des génomes au sein d’un même arbre, l’existence de transferts d’information génétique entre espèces différentes par des voies non sexuelles, ou encore que les arbres sont soumis à des marées d’amplitude mesurable ! Quand le génome humain, organisme que nous imaginons comme étant le plus évolué de tous, compte 26 000 gènes, celui du riz en contient 50 000.
Sur ce dernier point, écoutons le point de vue du généticien Axel Kahn tel que rapporté par Hallé : «essayez, de passer votre vie entière le pied dans l’eau, avec pour toute nourriture le gaz carbonique et la lumière solaire ; de toute évidence, vous n’y parviendrez pas. Le riz, lui, en est capable, grâce à son génome beaucoup plus complet que celui de l’être humain; ce dernier, comme les autres animaux mobiles, vit dans des conditions faciles et relativement à l’abri des contraintes. »
Ainsi : « la cellule végétale est probablement plus perfectionnée que la cellule animale. Elle réalise la quasi-totalité des fonctions en y ajoutant la clé de toute la biologie : la photosynthèse. » C’est en effet cette dernière fonction qui confère aux plantes leur rôle de producteurs primaires. A savoir qu’elles sont les seuls organismes capables de synthétiser de la matière organique à partir de l’énergie solaire, matière organique qui devient alors la base alimentaire de l’ensemble des espèces animales. Ces dernières ne sont quant à elles que des transformateurs secondaires qui capturent, digèrent et rejettent. En un certain sens, on pourrait dire que l’animal disperse, remet en circulation ce que la plante concentre.
Autre caractéristique fascinante de la cellule végétale, celle-ci conserve dans le temps la capacité de se différencier en tous les types cellulaires. Autrement dit, une seule cellule est capable de refaire la plante dans son intégralité, ce dont la cellule animale n’est évidemment pas capable. On appelle cette propriété la totipotence des cellules végétales. Celles-ci peuvent redevenir des cellules simples, non spécialisées et se différencier ensuite pour donner à nouveau les différents types de cellules spécialisées.
« L’éloge des plantes » est une invitation au voyage, à une immersion pas à pas dans cet univers méconnu du monde végétal. Une visite guidée très complète et toujours accessible. Si le livre n’est pas à conseiller aux seuls végétariens, sous peine de voir leur régime remis en question, il l’est sûrement à tous ceux qui souhaiteraient remettre à plat leurs connaissances en biologie végétale (histoire, concepts clés, axes de recherches actuel).
« La plante est fixe, c’est un fait, et cela signifie qu’elle affronte l’adversité au lieu de la fuir, comme le fait si fréquemment l’animal. En conséquence, elle a dû développer d’énormes capacités de résistance, dont une bonne part lui vient de sa plasticité génétique. Organisme peu intégré, elle met à profit le fait qu’elle est, selon l’expression de Tsvi Sachs, de l’université de Jérusalem, une «population d’organes redondants qui sont en compétition les uns avec les autres », pour promouvoir le génome le mieux adapté aux conditions du moment; si les conditions changent, elle met en œuvre une variante du génome initial, mieux adaptée au nouvel environnement. »
[1] Édition du Seuil, collection sciences 1999