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Source audio d’après extraits de l’Esprit Public, France Culture, émission du 20 juillet 2008. Avec Sylvie Brunel, professeur de géographie à Paris IV Sorbonne, ancienne Présidente d’Action contre la faim.
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Agriculture et écologie
L’écologie – science et(:)ou art des agencements -, celle-ci tente de nous présenter les dynamiques de notre monde du dedans : l’homme partie prenante d’un système complexe incertain fait de séquences entremêlées d’agencement (chemins), de potentiels de combinaisons (émergence). Avec elle nous définissons un écosystème comme une communauté d’êtres vivants composée d’équilibres délicats de dépendances et de compétitions entre les vivants:
- dans un espace donné (milieu) où s’entremêlent des relations réciproques entre les vivants qui le produisent (transformation et rétroaction), comme en sont le produit (production de niches écologiques);
- dans un temps donné, l’écosystème ayant comme une biographie, passant dans le temps d’une stratégie de reproduction quantitative à une stratégie de survie qualitative à mesure que celui-ci mature. Cette stratégie de survie qualitative s’opère par une complexification et hiérarchisation des relations, une multiplication des agencements entre les espèces et le milieu. Cette diversification fonctionne alors comme autant de possibilités ouvertes au développement de formes de vie nouvelles (biodiversité), comme elle garantie la stabilité de l’écosystème dans le temps (résilience et redondance des cheminements des flux de matière, énergie et information).
Or l’activité agricole consiste justement à stopper cette dynamique de maturation des écosystèmes. Le rajeunissement annuel opéré par la récolte ayant pour effet de les conserver dans une stratégie de reproduction quantitative, en ne sélectionnant et n’alimentant que très peu des agencements possibles.
Plus l’activité agricole se développe sur le globe, plus sa surface devient pauvre en agencements, en diversité du vivant, plus les écosystèmes sont jeunes, et donc vulnérables aux changements des milieux.
Concernant les biocarburants, la question n’est donc pas tant de savoir si ceux-ci sont bons ou mauvais « par essence », ou si nous devons attendre du mieux de la seconde génération, etc. Car au-delà de toute les évaluations quantitatives possibles des uns et des autres (SAU disponible, capacité de production, état des stocks et autres chiffres, voir ci-dessous), la question est bien de savoir où placer le curseur d’arrêt au défrichement des forêts – ces écosystèmes matures complexes à grande biographie -, donc à l’appauvrissement généralisé des agencements du vivant. La question agricole est d’abord une question de surface d’occupation, avant d’être une question d’usages.
A la question de savoir si nous avons le potentiel de terres pour assurer tel ou tel niveau de production de biocarburants tout en mangeant à notre faim, on peut sans doute répondre oui en dehors des cas de spéculation massive. Voir notamment l’exemple mexicain ci-dessous, comme le rapport de la FAO concernant l’agriculture biologique et sécurité alimentaire ou encore l’article sur les 12 mythes sur la faim dans le monde .
Le plus inquiétant, c’est bien de commencer par formuler une telle question, celle-ci faisant implicitement l’économie des conséquences de la mise en culture du monde, sur le monde. Le problème des biocarburants n’est pas celui de la nourriture pour l’homme, mais bien plus celui de la nourriture des agencements potentiels de l’ensemble du système terre.
http://www.dailymotion.com/video/x59ilt
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Agriculture : chiffres et facteurs
Facteurs de pression sur l’offre agricole (capacités de production) :
– conditions climatiques ;
– subvention, rentabilité de l’activité (niveau de prix et répartition des profits entre producteurs et distributeurs) et incitation à la mise en culture ;
– surface agricole utile, état productif des sols, potentiel de croissance des terres arables ;
– stocks tampon disponibles ;
– progrès technologique et productivité agricole ;
– coût et disponibilité des moyens de production (intrants, eau et énergie, transport, …) ;
– concurrence des usages du sol (tourisme, environnementalisme).
Facteurs de pression sur la demande agricole :
– démographie ;
– spéculation financière (libération des filières agricoles et abandon des stocks de régulation publics) ;
– concurrence des destinations (agrocarburants et alimentation) ;
– développement économique (Chine, Inde, etc.), modification des régimes et montée dans la chaîne alimentaire (consommation de calories animales).
* En 2007, la hausse mondiale des prix agricoles a été de 40% en moyenne selon la FAO, tendance qui s’est exacerbée début 2008. Selon la Banque mondiale, le prix des produits de première nécessité a progressé de 80% depuis 2005. Dans les pays riches la part de l’alimentation dans les revenus se situe entre 10 et 20%, et atteint de 60 à 90% dans les pays en développement.
* Les stocks de blé étaient d’environ 200 millions de tonnes à la fin de la campagne 2000-2001, ils ne sont plus aujourd’hui que de 111 millions de tonnes. Si l’on compare le niveau du stock à la production annuelle de 614 millions de tonnes, cela correspond à 66 jours de consommation, si l’on compare avec les volumes du commerce mondial les stocks disponibles ne représentent plus qu’un an de marché.
* Le prix du riz a presque doublé sur les marchés internationaux au cours des trois derniers mois. La Chine, l’Inde ont augmenté les taxes à l’exportation ; le Vietnam et le Cambodge ont interdit temporairement toutes leurs exportations, le Brésil cherche à faire de même ; les Philippines ont, comme le Bangladesh, supprimé les taxes à l’importation et demandé en urgence la livraison de 1,5 millions de tonnes au Vietnam; la Thaïlande a décidé de vendre son marché intérieur du riz 40% moins cher que le prix mondial.
* L’agriculture manuelle représente encore aujourd’hui 1 200 millions de producteurs, l’agriculture attelée 300 millions, l’agriculture mécanisée, 50 millions.
* La Banque mondiale vient d’avouer n’avoir consacré que 12% de ses prêts à des projets agricoles en 2007, contre 30% dans les années 1980. Elle souligne également que 4% seulement de toute l’aide publique au développement va aujourd’hui à l’agriculture.
* D’après l’UNCCD, un tiers de la superficie des terres émergées du globe - 4 milliards d’hectares, soit l’équivalent de la surface forestière – est menacé par la désertification. Plus de 250 millions de personnes sont directement affectées par ce problème. 24 milliards de tonnes de sols fertiles disparaissent chaque année.
* D’après la FAO, la dégradation des sols s’étend chaque année sur 5 à 7 millions d’hectares de terres agricoles de plus. Près de 2 milliards d’hectares de terres agricoles et de pâturages souffrent d’une dégradation modérée à grave – soit une étendue à peu près égale à la superficie combinée du Canada et des Etats-Unis. Dans certains endroits, la couche superficielle fertile est épuisée 300 fois plus vite que la nature ne peut la reconstituer. Au Khazakstan, par exemple, près de la moitié des terres agricoles seront perdues d’ici à 2025, si on en croit l’Institut national de gestion des sols.
* De nouvelles surfaces ont été dédiées à l’agriculture en Amérique latine et en Russie, expansion compensée par l’urbanisation de l’Europe et de l’Asie. Dans les dix dernières années, 8 millions d’hectares cultivés ont ainsi disparu en Chine, soit les deux tiers de toute la surface arable de l’Allemagne. Nous venons tout récemment de franchir le seuil de 50% de la population mondiale vivant dans des villes. En 1950, le chiffre n’était que de 30%.
* A l’échelle du globe, les pertes de surfaces arables (terre qui peut être labourée ou cultivée) sont estimées à une fourchette comprise entre 70 000 et 140 000 km2 par an (soit -à titre de comparaison entre 12 et 25% du territoire français). Ce chiffre est estimé à plus de 100 000 km2 par B. Sundquist de l’Université du Minnesota dans son étude synthétique publiée en 2000, Topsoil loss – Causes, effects and implications: a global perspective.
* En Europe, il est prévu que les combustibles issus de la biomasse couvrent 5,75 % des besoins en carburants routiers en 2010 et 20 % en 2020. L’Europe serait ainsi tenue de mobiliser 70 % de ses terres arables pour tenir cet objectif.
* L’irrigation agricole représente 70% des prélèvements mondiaux en eau douce, 90% de la consommation. On estime que la construction des grands barrages a permis d’exploiter de 30 à 40% supplémentaires des terres de la planète. Il n’y a pas de produit de substitution à l’eau dont il faut mobiliser en moyenne 1000T pour produire 1T de céréale.
* Dans le monde, 277 millions d’hectares sont irrigués (année 2002, source FAO) sur 1,4 milliard d’hectares de terres arables au total. Ils fournissent environ 1/3 de la production alimentaire mondiale. Trois pays (Inde, Chine, États-Unis) représentent 50 % des surfaces irriguées totales. 80 % de la nourriture produite au Pakistan provient de terres irriguées, 70 % pour la Chine, mais moins de 2 % pour le Ghana, le Mozambique ou le Malawi.
* Selon des estimations de la FAO, l’accumulation de sel dans le sol a gravement endommagé 30 millions d’hectares de terres irriguées. La salinisation, conjugée à la saturation par l’eau, affecte une autre tranche de 80 millions d’hectares.
* L’objectif des biotechnologies est d’obtenir des plantes capables de produire dans des situations de manque d’eau modéré, la perspective de plantes poussant sans eau restant illusoire.
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Cas d’école
Traduction anglaise d’un article de La Jornada de Mexico qui analyse les différents facteurs qui ont conduit à la crise mexicaine de la tortilla (http://mexfiles.wordpress.com/category/food-and-drink/tortillas/). Merci à Tilleul du forum effets de terre.
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Mexico is the fourth largest corn producer in the world. Last hear, it harvested 22 million tons, mostly – although not exclusively – white conn. The volume is much lower than the United States: 280 million tons in 2005, though most is yellow corn. That county controls 70% of the world market. One difference between the other major producers and Mexico, which is important in Latin America, is that Mexican corn is grown for human consumption. We are a culture born from corn.
The fall of Mexican corn
For decades Conasupo ( Compa ñía Nacional de Subsistencias Populares ) played a fundamental role in regulating the national market, stockpiling, importing and distributing grain. As a result of signing the North American Free Trade Agreement (NAFTA), the program was terminated.
Between 1994 and 1998, Conasupo was the seller of last resort. In 1998, Eresto Zedillo said that the major corporate sellers (Maseca, connected with ADM; MINSA, associated with Corn Products International, Arancia and Cargill, and merged with Continental) were in charge of the national market. The former state monopoly,which despite corruption functioned reasonably well, was transferred to private monopolies which had the objective of making rapid returns on their investments.
Dismantling Conasupo was an essential step in privatizing the corn and tortilla market. Other government measures were freeing the price of tortillas in 1999 and closing down Fidelist, a a subsidy program which provided food for 1.2 million families in poor urban areas.
Another major change in production was to modify the form in which corn was processed. For many years, tortillas were made though a process of nixtamalization [mixing “cal” — limestone, which frees essential amino acids in the corn – in with the grain] which was an key process in milling producing tortillas. This started to change during Carlos Salinas de Gortari’s administration (1988-1994), when tortillas made with processed wheat flour were substituted for nixtamal.
Changing the method of production provoked a strong conflict between the economic actors involved, and was known as “the tortilla war.” Legal battles drastically reduced the importance of the mill and tortilleria owners. In 2003, 49% of tortillas were produced by the major industrial producer. Grupo Maseca had control of 70% of this market. An alliance of the major producers has, in the last five years, grown their market share significantly.
From a national to international price
Commercial producers in Mexico were simultaneously storing local grain and importing it. My controlling inventory, they could demand that prices be lowered or raised according to their needs. They acquired a substantial part of the spring and fall Sinaloa harvest (by far the most important in the Republic, accounting for almost 10 tons in the last spring and fall cycle) at a price of $350 pesos ($30 US Dollars) per ton per ton. They could already count on having nearly a million tons of corn, enough on hand to get into speculation, hold back supplies to articificially raise the prise. Those same ten tons from Sinaloa, sold for 3,500 pesos a ton (US$320) in Mexico City: 2,150 pesos (US$197) over what was paid.
True, the price of corn in the world market had risen in recent months, as a result of the use of corn for distillng ethanol But those increases had no relation to the price of corn in Mexico. On the Chicago Mercantile Exchange, bids reached almost US$ 144 a ton, but this is less than half the price corn was sold for in Mexcico City.
The costs of diesel, gasoline and electricity, the overhead costs for transport and processing, rose during the last months of the Vicente Fox administration. This affected the consumer price of tortillas, but overhead only accounts for 30% of the cost of production.
There was absolutely no justification for the jump in the price of tortillas. Neither rising energy costs, nor the jump in prices on the international market justified the consumer price. The central problem was speculation by the elevator owners.
Speculation is the favored market model of those that believe in fully bringing in the NAFTA regulations, dismantling the state development agencies and businesses though savage privatization. The result is a clearly inefficient market, for all intents and purposes, a speculative monopoly. Thanks to politicians like Luis Téllez y Santiago Levy, the Mexican government has cut off its hands when it comes to intervening to create order in the market.
Cargill can’t lose in México
When the price of tortillas goes sky-high, the multinational Carill wins. IF they import corn from the United States, they benefit. If, on the other hand, they export to other countries, they receive subsidies. When they seek approval for the use and explotation of grain terminals in ports, they maintain their profit margin.
Cargill, a 140 year old company, is the second largest privat ecompany in the world, and has 149,000 employees in 72 countries. Fortune magazine lists it as the 20th most important company on the planet. It buys, processes and distributes grain and other agricultural products, describing itself in its literature as: “the flour in your bread, the wheat in your noodles, the salt in your la harina en su pan, el trigo en sus tallarines, la flavor in your food. We are the corn in your tortillas, the chocolate in your dessert, the additives in your gasoline. We are the oil in your salad dressing, and the meat, pork or chicken you have at dinner. We are the cotton in your clothes, the stuffing in your sofa and the fertilizer in your field.”
The multinational has had a presence in Mexico for more than 80 years, beginning with forestry operations in the Northeast. In 1972 it opened it’s first office in the country with six employees. When NAFTA came in and after Conasupo ceased operations, there was a huge gap in the Mexican market, which the international giant was poised to fill. It’s presence in Mexican agriculture is overwhelming.
Under NAFTA, corn imports from the United States were subject to yearly caps, with imports over the yearly amount subject to tariffs. However, the Mexican government unilaterally eliminated this protection, permitting any amount of grain to come in without penalties. Between 1994 and 2001, the import quota rose to nearly 13 million tons. The two major agricultural corporations, Cargill and ADM sold most of the U.S. corn sold in Mexico, and benefited enormously from the end of tariffs. In addition, they also benefited from the indirect subsidy they received from Washington in the form of export credits.
Recources under the export credit program were for shareholder costs, storage, handling, transport and cabotage * for transporting Sinaloa grain, as permitted under the regulations of the time, were generous to Cargill. When, as it happened in 2006, the multinational exported hundreds of thousands of tons of grain to other countries, it received export subsidies from the government.
Commercial white corn producers in this country receive what is called an “objective price”. For most of the internatinonal market, the “indifferent price” is used, calculated on the international market by reference to the costs of storage and transport from grain elevators in New Orleans to the ultimate Mexican consumer. The difference between the “objective” and “indifferent” p[rice can fluctuate between 450 and 500 pesos (US$ 40-45) per ton, which is paid by the government, and not by the commercial enterprise, which only receives the “indifferent” price. Cargill, as one of the most important grain elevator operators, receives an important indirect subsidy this way.
En 2002 the Comisión Federal de Competencia [Mexican equivalent of the Federal Trade Commission] authorized Cargill to develop, use and exploit a private port in Guaymas, Sonora, together with Grupo Contri, whose main activity is buying, storing and selling other grains – mostly wheat, corn and sorghum. The giant company also controls the principal grain port in Veracruz.
Cargill was little known of in Mexico until in 2001 Congress approved a special tax on the production and importation of fructose, a corn-based sweetener. The multinational imports around 385,000 tons annually. The affair was a disaster in international commercial courts.
Mexico lost their case for the tax
Cargill is considered responsible for the rise in tortilla prices, having bought and stored 600,000 tones of Sinoloa corn for 650 pesos a ton (US$60) which it turned around months later at 3,500 pesos per ton (US$320). The response was to lift import caps on cereal grains, which is supposed to lower prices and bring benefits. Lorenzo Mejía, president of the Unión Nacional de Industriales de Molinos y Tortillerías (Milling and Tortilla Industrial Union) says: “the millers cannot import grain and use Cargill’s services“.The company has rejected the indignant wave of accusations it has faced. It denies being “the corn in your tortillas” – as it says in its consumer brochures – and, in a press release, claimed, like consumers, masa-produers and tortilla vendors, to be worried by the high price of corn. Cargill blames the price rise on the free market and tells the Mexican public that the rise is due to purchasing by pork producers.
The bankruptcy of a model
The rise in the price of tortillas has demonstrated the weakness of the Mexican state against the monopolies. They control the marketing and production of corn, and can set off a round of inflation without impunity. The Executive has no arms to fight this war.
The federal government’s response to the rise has been pathetic. It closed a few tortillerías, and made a media show of the offensive against abuse and blamed the vendors. It announced no measures to control the price of production, or to alter the basic rules. While the producers approve of the government’s response, claiming they are not responsible for the price jump.
The President has announced that it will allow white corn to be imported without tariffs. But those acquiring the cereal are the same ones responsible for the price increases, and who already control the inventory. And these imports are a blow to Mexican farmers, worried about the country being flooded with bad quality grain, likely to contaminate their seed with transgenetic varieties or seed infected with aflatoxina.
Of course, the Calderón administration has buried the information on the speculators. ASERCA 1 has a detailed report detailed. The present system, in which the federal government subsidizes commercial storage and sale of corn, requires accurate reporting and the ability to control reserves. In spite of this, we only hear of the governments inability to inject itself into the market. The President is not interested in the crisis, except that it gives his government a opening to project legitimacy to the poor. Or, to appear decisive if he steps in to control inflation.
Since the start of NAFTA in January 1994, tortilla prices have risen by 738%. The result has been less consumption, of worse quality.
Mexican food supply now depends much more on the United States. Native seeds have been infected with imported transgenetic varieties. Rural migration has left many rural communites deserted except for the old, woman and children. A substantial part of the cereal production region is at risk, or could be turned to other crops. These other crops will also face a price drop as corn fields are converted to more profitable harvests.
Today we are living through a new tortilla war, different than that in the 90s when different businesses faced off. Now, it is the big argo-businesses against the poor. In this war, the government of Felipe Calderón has clearly sided with the monopolies who helped him gain the Presidency.
Petite compilation de ressources et rencontres diverses.
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Reproduction clonale (bouture) versus reproduction sexuée? Comment entretenir la diversité génétique chez les plantes afin de préserver leur « potentiel adaptatif » dans un environnement changeant? Entretient avec Doyle McKEY chercheur au centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) et récent lauréat du prix « Terra Ficaria » récompensant un travail de recherche portant sur une plante et sur ses effets positifs pour la société humaine. Autour du manioc s’établit tout un microcosme révélateur des interactions possibles entre plantes et animaux. Où comment des fourmis « semeuses » participent à la diversité génétique du manioc, contrebalançant ainsi les effets de la sélection humaine pour les cultures.
Télécharger le podcast audio de l’émission (30.9 Mo) et visiter le site de Canal Académie.
Mes recherches [Doyle McKEY] portent sur les interactions entre plantes et animaux en milieux tropicaux, en particulier sur l’écologie évolutive des mutualismes de protection. J’étudie deux types de systèmes, qui diffèrent dans leur histoire naturelle mais qui se ressemblent à un degré frappant dans leur fonctionnement et dans leur dynamique évolutive : les mutualismes plantes-fourmis, dans lesquels les plantes offrent nourriture et sites de nidification contre la protection par les fourmis, et les mutualismes de domestication, dans lesquels les plantes offrent nourriture contre l’habitat et la protection fournis par les agriculteurs.
Mutualismes de protection plantes / fourmis. Dans le premier type de système, les myrmécophytes (« plantes à fourmis ») abritent des « fourmis à plantes » qui leur sont inféodées [...] Dans ces systèmes, les plantes qui investissent plus dans leur colonie de fourmis reçoivent plus de protection, et les fourmis qui protègent bien leurs hôtes reçoivent plus de nourriture et de sites de nidification. La coévolution a donc produit des symbioses très élaborées. Cependant, plante et fourmis se reproduisent et dispersent indépendamment, et la symbiose entre les deux est reconstruite chaque génération. La transmission de la symbiose est donc horizontale (à l’opposé de la transmission verticale, où les descendants héritent des symbiontes de leurs mères). Comme dans d’autres mutualismes à transmission horizontale, il existe le potentiel pour des conflits évolutifs entre les partenaires. Pour les fourmis, par exemple, l’investissement dans la protection (production d’ouvrières) puise dans le même pool limité de ressources que la reproduction (production de sexuées) [...]
Mutualismes de domestication plantes / hommes. Depuis Darwin, les plantes et les animaux domestiqués n’ont pas cessé de fournir un éclairage pour l’étude de l’évolution. J’analyse l’évolution des mutualismes de domestication dans le même cadre conceptuel coévolutif que j’applique aux systèmes plantes / fourmis : Les plantes qui apportent le plus de bénéfices aux agriculteurs, et les pratiques agricoles qui apportent le plus de bénéfices aux plantes, sont toutes les deux favorisées, conduisant à une coévolution entre gènes (de la plante) et culture (des agriculteurs), avec augmentation réciproque des bénéfices [...] La forte sélection exercée par l’homme conduit à une évolution rapide, ce qui fait que les plantes domestiquées sont des modèles pertinents pour l’étude de nombreuses questions générales en la biologie évolutive. J’utilise les plantes domestiquées comme systèmes modèles pour étudier l’évolution du sexe, en particulier chez les plantes propagées clonalement par les agriculteurs. Chez ces plantes, l’investissement dans la reproduction sexuée peut imposer un fort coût d’allocation, diminuant le rendement des tubercules ou d’autres organes récoltés. De plus, par propagation clonale, certains génotypes sont multipliés à très forte fréquence, conduisant à la limitation pollinique chez ces plantes majoritairement allogames et diminuant ainsi les bénéfices du sexe. La coévolution entre pratiques agricoles et système de reproduction de la plante peut conduire même à la perte de la sexualité, avec des conséquences durables pour la dynamique du système. Les particularités de ces systèmes en ce qui concerne les coûts et bénéfices du sexe en font un modèle précieux pour explorer l’évolution du sexe.
+ Coup d’oeil aux publications du CEFE
+ A écouter en complément, Axel Kahn : Nature et humanité, qui contrôle qui ?
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En complément du documentaire « le monde selon Monsanto » de Marie Monique Robin diffusé le 11 mars sur ARTE à 21h, l’émission du grain à moudre du mardi 11 mars 2008 nous proposait l’interrogation suivante: Biotechnologie: les lobbies pèsent -ils sur les résultats de la recherche ?
Autour de la table:
- Marie Monique Robin, journaliste réalisatrice du documentaire « Le monde selon Monsanto« .
- Pierre Henri Gouyon, ancien directeur du laboratoire UPS-CNRS-ENGREF d’Écologie, Systématique et Évolution et actuellement professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle.
- Christian Vélot, maître de conférence en génétique moléculaire à l’Université de Paris Sud.
- Michel Fok, agronome économiste Chercheur au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement).
Au delà des arguments déjà standardisés et re(dé)battus par chacun, soulignons ici un point plus rarement avancé. Les OGM révèleraient d’une vision tout à fait mécanique du vivant. A rebour des notion de cadre et d’interaction qui président actuellement aux démarches de la gestion environnement à l’écologie, le gène est ici pensé comme comme une pièce isolée de tout contexte, comme autonome. Le petit texte suivant illustre cette option.
» Aujourd’hui, plus on en sait sur les gènes, plus la notion de gène devient flou (Le Guyader, 2003). En effet, le génome semble fait de conflits entre gènes, des gènes qui changent de place (les transposons). En clair, les sélectionneurs qui introduisent des gènes étrangers dans une cellule ne savent pas où et comment le gène se place et fonctionne. Depuis la compréhension du fonctionnement de l’opéron lactose (une boucle de régulation constituée de plusieurs gènes), on sait que l’environnement de la cellule est déterminant pour l’expression des gènes. Le gène ne peut donc pas être considéré comme un élément isolé de son contexte. Voilà pourquoi, le transgène pour qu’il s’exprime est isolé du génome par des séquences non codantes (des « isolateurs » selon Frey, 2001) pour le préserver de son environnement chromatinien. La chose est claire : la transgénèse ne fonctionne bien que si le transgène n’est pas intégré fonctionnellement au génome de l’organisme. On voit là le côté artificiel et l’aspect « bricolage » de cette technique. Les OGM semblent plus être un bluff technologique (Larrère, 2001) qu’une technologie précise et maîtrisée. »
D’après source: http://pagesperso-orange.fr/agribio/ogm2.html
+ La dissémination des OGM est -elle un véritable danger ? Du grain à moudre, émission du mercredi 16 avril 2008.
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La gestion de l’environnement réside pour beaucoup dans la résolution des conflits d’usages pour une même ressources. Conflits d’usages entre les différents groupes humains en concurrence (l’eau pour l’urbain, l’agriculteur, le touriste, l’industriel…), mais aussi entre les humains et l’environnement (l’eau pour la bonne santé des écosystèmes). Bien des interactions sont encore à découvrir en la matière, bien des mécanismes de gouvernance encore à inventer. Deux émissions de Planète Terre abordaient ainsi et plus où moins directement cette question à l’occasion du débat sur les muniscipales et les enjeux locaux.
* L’émission du mercredi 5 mars 2008:
Série Les enjeux géographiques de la politique locale, n°1 : le fer, la terre, l’eau et le proprio. La pollution et les stratégies d’appropriation foncières et des sols au cœur des transformations territoriales des petites villes et des cantons ruraux et industriels. Avec: Romain Garcier (géographe à l’Université de Sheffield) et Sylvie Duvillard (Maître de Conférence à l’Université Pierre Mendes France de Grenoble).
* L’émission du mercredi 12 mars 2008:
Série Les enjeux géographiques de la politique locale, n°2 : rivalités pour les ressources : l’eau et l’électricité. Contraintes environnementales et gouvernance des territoires avec Guillaume Bouvier (chercheur à l’Institut français de géopolitique, Université Paris VIII) et Eric Grujard (chercheur à l’Institut français de géopolitique).
+ Signalon en complément le site de la revue de géographie et géopolitique Hérodote, le numéro du troisième trimestre 2003 Pouvoirs locaux, l’eau, les territoires, la Présentation du numéro et notamment l‘article Les pouvoirs locaux, l’eau, les territoires par Béatrice Giblin.
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+ Comment gérer les ressources en eau de la France ? Science publique, émission du vendredi 21 mars 2008.
+ Faut-il abandonner les biocarburants ? Science publique, émission du vendredi 15 février 2008.
+ La géographie des fleuves aujourd’hui. Planète terre, émission du mercredi 9 janvier 2008.
+ Les réfugiés climatiques. Planète terre, émission du mercredi 23 janvier 2008.
Article [anoté et illustré] d’après le Monde du 13/02/08, Laurence Caramel, forêt de Caillebert (Sarthe, 72)
Gilles Cardot ne regardera plus jamais pousser ses arbres comme avant. Avant, c’était quand ce forestier, responsable de 25 000 hectares dans l’ouest de la France, croyait avoir l’éternite devant lui. Tout a changé en 2003. « Au lendemain de la canicule, nous avons décidé que, malgré toutes les incertitudes, il etait plus raisonnable de croire au changement climatique et de commencer à agir« , explique son directeur, Laurent Piermont. Les deux hommes travaillent pour la Societe forestière, qui gère en France 250 000 hectares de forêts privées pour le compte de grandes institutions bancaires ou de sociétés d’assurances.
[ Ajoutons également le rôle des tempêtes de l’hiver 1999 dans cette prise de conscience par étape : « [...] De mémoire d’homme, les deux tempêtes qui ont traversé la France au cours de l’hiver 1999 constituent la plus forte perturbation naturelle ayant jamais frappé les forêts françaises. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 500 000 hectares touchés, 350 millions d’arbres abattus, 140 millions de m3 de bois à terre, plus de 4 milliards d’euros de perte… Mais, plus encore que leur ampleur, les tempêtes ont surtout servi de catalyseur à un vaste débat sur les différents rôles écologique, économique, mais aussi social qu’il faut désormais assigner à la forêt. Jean-Marc Brézard, chargé de mission pour l’environnement à l’Office national des forêts (ONF), le reconnaît : « Les tempêtes ont rendu la société plus attentive à la pression qui s’exerce sur les milieux naturels. » ]
Par ce matin gelé de janvier, ils ont chaussé leurs bottes pour passer en revue la forêt de Caillebert, dans la Sarthe. Cette forêt de 250 hectares est devenue un laboratoire de l’adaptation aux effets du réchauffement. A cause de la pauvreté de ses sols sableux, des essences réputées résistantes y ont été introduites depuis longtemps. Le plan de gestion, qui constitue la mémoire du travail accompli, en témoigne. Celui de Caillebert offre une rare diversité entre les futaies de chênes, de chataigniers, de pins, de peupliers… « Ici, nous ne replanterons pas de pins maritimes, nous allons faire un essai avec un robinier sélectionné en Hongrie pour sa resistance a la secheresse« , explique M. Cardot devant une friche fraichement coupée de 7 hectares. Le choix de ce cultivar hongrois ne tient pas au hasard : la plaine du Danube connait aujourd’hui les étés caniculaires que la France pourrait subir dans quelques décennies. L’évolution des forêts australiennes, soumises depuis plusieurs années à des épisodes de sécheresse exceptionnelle, est également observée avec attention.
Le changement climatique agit de facon paradoxale sur les arbres. D’un côté, la teneur plus élevée de CO2 dans l’atmosphere stimule leur croissance, de l’autre, le manque d’eau lié aux fortes chaleurs estivales met en péril leur survie. Pour anticiper les effets du rechauffement, les forestiers s’appuient sur les scenarios du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), complètes par les travaux menés plus localement par Meteo France ou l’Institut national de recherche agronomique (Inra).
Selon leurs prévisions, l’avenir des arbres francais se jouera apres 2050, quand la fréquence des canicules augmentera. « Plus que la multiplication des tempetes ou l’apparition de gelees precoces, la repetition des canicules represente la vraie menace pour la foret« , souligne M. Piermont. Pour anticiper ce bouleversement, la Societe forestiere a divisé ses arbres en deux categories. D’un cote, ceux dont l’esperance de vie ne va pas plus loin que le milieu du siècle. Pour eux, l’intervention se limite a alleger la densité des plantations, pour s’adapter aux moindres réserves des sols en eau, et a programmer des coupes plus précoces. Les pins laricio, par exemple, ne seront plus recoltés a soixante-dix ans mais à cinquante. De l’autre, tous les arbres qui devront encaisser de plein fouet les coups de chaud estivaux annonces apres 2050. « La, nous entrons dans une zone d’incertitudes« , reconnait le directeur de la Societe forestiere.
Certaines essences sont d’ores et deja placées sur la liste des espèces menacées, comme l’epicea commun, le sapin de Vancouver, le hêtre ou le chêne pédonculé. « Nos chenes végètent« , confirme Gilles Cardot en montrant des spécimens aux troncs anormalement étroits pour leur âge. Certains n’ont pas resisté aux secheresses de la fin des annees 1980 puis de 2003 et offrent le spectacle de longs futs décharnés. Ils seront peu a peu remplacés par des chataigniers ou des robiniers, deux essences que la Societe forestière a retenues dans sa liste des variétés de transition, capables de survivre dans les conditions climatiques prévues apres 2050. Ces espèces, parmi lesquelles se trouvent aussi le tilleul, le cèdre, le pin laricio ou le chêne sessile, seront progressivement confortées ou introduites à Caillebert et ailleurs en France.
La diversification des essences offre pour l’instant la seule parade au changement climatique. Mais les forestiers avancent sur ce terrain avec modestie, car ils ne sont certains que d’une chose : « La nature ne repond jamais comme les hommes pourraient s’y attendre. »
Alors que le rapport de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) concernant l’agriculture biologique et sécurité alimentaire (2007) déclarait que: » (…) une conversion planétaire à l’agriculture biologique, sans défrichement de zones sauvages à des fins agricoles et sans utilisation d’engrais azotés, déboucherait sur une offre de produits agricoles de l’ordre de 2640 à 4380 kilocalories par personne et par jour (…) »
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Fourchette à rapporter aux dépenses de base de l’organisme (respiration, régulation thermique, digestion, etc.), qui s’évaluent à environ 1 600 calories par jour. Et sachant que, d’après l’article de synthèse »alimentation et santé » du site vivre-au-quotidien.com, les besoins alimentaires de l’individu se divisent en deux groupes : les besoins d’énergie d’une part, les besoins en protection de l’autre. Les premiers sont couverts par les glucides et par les lipides, les seconds par les protides, les vitamines et les sels minéraux. Rappelons que pour les glucides (sucres) et les protéines (matières azotées) , 1 g de matière restitue 4 calories, tandis que chez les lipides (graisses), 1 g donne 9 calories.
Nous consommons de l’énergie en permanence comme le simple fait de respirer use des calories. Ainsi si notre ration énergétique, ou calorique, est insuffisante, nous brûlons nos propres tissus pour nous procurer les calories nécessaires. Les besoins énergétiques varient donc selon notre sexe, notre âge, notre taille, notre ossature, notre activité. On peut donc envisager qu’il existe pour chacun un poids idéal, auquel correspond un apport calorique précis (ou presque). Une femme de taille moyenne, 165,1 cm, d’ossature fine, devrait avoir un poids moyen de 55 kg.
Le U.S. Board of Nutrition a ainsi établi une échelle individuelle par tranches d’age fixant le nombre de calories souhaitable en fonction du poids idéal à 25 ans. Calories nécessaires : pour un homme de 25 ans : 725 + 31 fois le poids idéal; 45 ans : 650 + 28 fois le pi; 85 ans : 550 + 23,5 fois le pi - pour une femme de 25 ans : 525 + 27 fois le pi; 45 ans : 475 + 24,5 fois; 65 ans : 400 + 20,5 fois le pi. Ceci étant dit afin de fixer les ordres de grandeur à minima.
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Le rapport de la FAO de continuer comme suit:
» (…) dans les pays en développement, l’intensification durable de la production agricole par le biais de pratiques biologiques permettrait d’accroître la production de 56 pour cent. En moyenne, le rendement des cultures biologiques est comparable à celui des cultures conventionnelles. On observe cependant une diminution effective des rendements lors du passage de modes de production à fort coefficient d’intrants à des systèmes de production biologique. À l’inverse, les rendements agricoles sont pratiquement multipliés par deux dès lors que l’on passe de systèmes de production à faible apport d’intrants à des modes de production biologique (…)«
Dans ce contexte, comment apprécier l’article de Frédéric Lemaître « Une crise alimentaire majeure se profile » publié dans Le Monde du 08.02.08 ?
Extraits [annotés] :
« Une crise alimentaire majeure se profile »
(…) Ces mouvements [hausse du prix de la galette de maïs au Mexique et des pâtes en Italie, janvier et septembre 2007] sont en fait le reflet d’une crise majeure : les difficultés accrues que rencontrent de par le monde des centaines de millions de personnes pour se nourrir.
La raison est simple : viande et céréales sont devenus inabordables pour les plus modestes, dans les campagnes mais aussi dans les villes, un phénomène nouveau. Le Mexique et l’Italie ne sont pas des cas isolés. Les émeutes de la faim se multiplient. Le Maroc, l’Ouzbékistan, le Yémen, la Guinée, la Mauritanie et le Sénégal ont également été le théâtre de manifestations directement liées à l’augmentation du prix de produits alimentaires de première nécessité. « Ce phénomène inquiète bien davantage les gouvernements que l’augmentation du prix de l’essence », confiait, au Forum de Davos en janvier, le responsable d’un grand organisme international.
Signe de l’inquiétude grandissante : alors que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) tente de boucler dans les semaines à venir un accord libéralisant les échanges de produits agricoles, les pays sont, au contraire, de plus en plus nombreux à limiter les exportations de céréales, en instaurant des quotas ou en relevant les taxes de manière parfois prohibitive. Après l’Argentine et l’Ukraine, la Russie et la Chine (exportatrice de maïs) viennent d’adopter de telles politiques restrictives. Leur objectif est clair : privilégier le marché intérieur pour éviter les tensions sociales.
[Un phénomène cyclique, jusqu’ici le plus souvent lié aux alés climatique si l’on se rappelle, entre autre, que :
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entre 1972, l’URSS anticipant de mauvaises récoltes de son blé intérieur, entre secrètement sur le marché mondial et réussi à s’approprier la quasi-totalité des surplus exportables. Associé à une production mondiale moyenne sur les deux années suivante, cette manœuvre a conduit à un doublement du prix du blé sur le marché mondial. Durant cette période, des exportateurs tels que les USA (50%) durent sélectionner la destination de leur surplus, privilégiant les pays «amis».
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Plus près de nous, de 1995 et 2000, la Chine, jusque-là autosuffisante en soja, est devenue brutalement le plus grand importateur du monde, à hauteur de plus de 40 % de son approvisionnement.
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Suite à la vague de chaleur de l’été 2003 en Europe, toutes les exportations de blés ont été gelées le temps d’évaluer les pertes.
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Par peur d’une explosion du prix intérieur de son riz face à la demande croissante de la Chine (chute de la production de 10 millions de tonnes sur 2004), le Vietnam (2ème exportateur mondial) bloque ses exportations vers la Chine entre fin 2004 et mi 2005.]
L’envolée des prix en 2007 est, il est vrai, impressionnante. Sur un an, l’indice de la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, a bondi de près de 36 %. « En valeur absolue, nous ne sommes pas à des records historiques, mais on a rarement vu de telles variations« , constate Abdulreza Abbassian, économiste à la FAO.
Plusieurs facteurs se conjuguent. L’augmentation de la demande, la stagnation de l’offre et les coûts croissants du transport maritime.
L’augmentation de la demande est une bonne nouvelle. En s’embourgeoisant, Brésiliens, Chinois et Indiens adoptent de nouveaux goûts alimentaires. En moins d’une génération, la consommation de viande par Chinois est passée de 20 à 50 kilos, ce qui a une incidence directe sur la demande de céréales fourragères [nécessaire pour l'alimentation du bétail]. Vue la croissance économique des pays émergents, tout indique que ce phénomène va se poursuivre. Comme on dénombre par ailleurs 28,5 millions de bouches supplémentaires à nourrir par an – la population doit passer de 6,5 milliards aujourd’hui à environ 9 milliards dans la deuxième moitié du siècle -, la demande n’est pas près de diminuer.
De son côté, l’offre est à la peine. En raison d’aléas climatiques, les récoltes ont souvent été médiocres voire mauvaises dans plusieurs greniers de la planète comme l’Ukraine et l’Australie [déforestation et sécheresse en Autralie]. Les stocks n’ont jamais été aussi bas depuis trente ans. L’Europe, qui croulait jadis sous ses réserves, devrait cette année importer 15 millions de tonnes de céréales. Un record.
La flambée des cours du pétrole provoque, de son côté, un double effet négatif : elle renchérit le coût du transport maritime, qui représente désormais le tiers du prix des céréales. [30 millions d'agriculteurs utilisent du pétrole, 300 Millions des attelages, 1 milliard travaillent à pied, donc le prix du pétrole ?]Surtout, elle rend les biocarburants de plus en plus attractifs. Sucre, maïs, manioc, oléagineux sont donc détournés de leur finalité nourricière.
(…) Pression démographique, croissance économique, réchauffement climatique… A ces trois raisons souvent mises en avant s’en ajoute une quatrième, tout aussi fondamentale : l’erreur des politiques menées jusqu’à présent. Dans son rapport sur le développement publié en octobre 2007, la Banque mondiale le reconnaît sans fard : pendant vingt ans, les responsables ont tout bonnement oublié l’agriculture. Alors que 75 % de la population pauvre mondiale vit dans les espaces ruraux, seulement 4 % de l’aide publique va à l’agriculture dans les pays en développement. Prenant le contre-pied de la politique privilégiée jusqu’ici par le Fonds monétaire international (FMI) et par elle-même, la Banque mondiale reconnaît que la croissance de l’agriculture et donc la réduction de la pauvreté dépendent d’investissements publics dans les infrastructures rurales (irrigation, routes, transports, énergie…).
Ces efforts seront d’autant plus nécessaires que le réchauffement climatique constitue, d’après les experts, un danger majeur pour l’agriculture mondiale. « Les zones touchées par la sécheresse en Afrique subsaharienne pourraient augmenter de 60 à 90 millions d’hectares (…) d’ici à 2060. (…) Le nombre de personnes souffrant de malnutrition pourrait augmenter de 600 millions d’ici à 2080″, prévoyait l’ONU en 2007. (…) Le 1er février, la revue Science a publié les prévisions de l’université Stanford de Californie selon lesquelles le sud de l’Afrique pourrait perdre plus de 30 % de sa production de maïs, sa principale récolte, d’ici à 2030. De leur côté, l’Indonésie et l’Asie du Sud-Est verraient leurs principales cultures diminuer d’au moins 10 %. « C’est inquiétant. On ne pensait pas que cela irait si vite », reconnaît la FAO.
Il va donc falloir produire davantage. Certains préconisent d’augmenter les surfaces agricoles, mais le réchauffement climatique et l’urbanisation croissante vont plutôt réduire l’espace disponible. Accroître le rendement est également possible. Mais l’agriculture intensive consomme davantage d’eau, un bien qui devient rare et précieux. Reste le développement des organismes génétiquement modifiés, mais leur utilisation est, on le sait, contestée.
[ En relation avec ce dernier paragraphe, la vidéo suivante reprend certains extrait de l’émission “Comment nourrir la planète“, du grain à moudre, France Culture]
http://www.dailymotion.com/video/x3nwef
[Ajoutons que d’après l’UNCCD, un tiers de la superficie des terres émergées du globe - 4 milliards d’hectares, soit l’équivalent de la surface forestière – est menacé par la désertification, que plus de 250 millions de personnes sont directement affectées par ce problème, et que 24 milliards de tonnes de sols fertiles disparaissent chaque année. Principales causes: l’agriculture et l’élevage qui quand intensifs conduisent à la déforestation, au surpaturage et à l’accélération de l’érosion des sols]
http://www.dailymotion.com/video/x3qpxk
Source : http://www.earth-policy.org/Indicators/
[Et l'article de conclure] A l’aube du XXIe siècle, l’agriculture est donc redevenue un problème majeur pour l’humanité.
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A la suite de cet article, il n’est sans doute pas ininterressant de s’attarder quelque peu sur l’article « 12 mythes sur la faim dans le monde » dont la traduction française est disponible à cette adresse: http://taraquebec.org/a-mythes.html
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Mythe n° 1, il n’y a pas assez de nourriture pour tous: En réalité il y a abondance et non pénurie. La production mondiale de blé, riz et autres céréales est suffisante pour fournir à chacun 3 500 calories par jour, sans compter les féculents, légumes, noix, racines, fruits, viande et poisson. Nous pouvons apporter l’équivalent de 2 kg de denrées, par jour et par personne, à toute la planète: 1,2 kg de céréales, graines et noix, environ 450 g de fruits et légumes, et presque autant de viande, lait et oeufs. C’est suffisant pour rendre tout le monde obèse! La difficulté est que beaucoup sont trop pauvres pour acheter ces denrées. Même les pays qui souffrent de famine endémique auraient aujourd’hui la capacité de nourrir leur population, beaucoup d’entre eux étant des exportateurs agricoles!
Mythe n° 3, la surpopulation: En réalité, les taux de natalité sont en train de décroître rapidement au niveau mondial, alors que les dernières régions du tiers monde à parvenir à ce stade amorcent leur transition démographique – lorsque le taux de natalité chute en réponse au déclin de la mortalité. Bien que la croissance démographique reste une préoccupation sérieuse dans nombre de pays, on ne peut, en aucun cas, justifier la faim qui y sévit par la densité de la population. Face à des pays comme le Bangladesh, surpeuplé et pauvre en ressources, nous trouvons le Nigeria, le Brésil ou la Bolivie, où la faim coexiste avec d’abondantes ressources alimentaires. Le Costa Rica, avec une surface cultivée par habitant de moitié inférieure à celle du Honduras, a une espérance de vie moyenne de onze ans supérieure à celle de son voisin. Elle approche des normes occidentales et c’est assurément un indicateur du degré de nutrition de la population. La démographie galopante n’est pas la cause première de la faim (…)
Mythe n° 4, augmenter la production alimentaire peut nuire à l’environnement: Nous devrions certes nous inquiéter d’une crise écologique qui menacerait notre production alimentaire; mais les besoins mondiaux ne sont pas tels qu’il nous faille sacrifier l’équilibre de la planète. Ce ne sont pas nos efforts visant à nourrir les affamés qui peuvent être la cause d’une catastrophe écologique. Les principaux responsables sont les multinationales qui pratiquent la déforestation dans les pays pauvres et soutiennent la demande artificielle qu’elles ont créée dans les pays riches pour les bois tropicaux, les fruits exotiques et les légumes hors-saison. La plupart des pesticides utilisés dans le tiers monde concernent les productions agricoles d’exportation, ce qui ne contribue guère à lutter contre la faim. Aux Etats-Unis, les pesticides permettent d’offrir au consommateur des denrées plus appétissantes que nature, mais n’améliorent en rien leur valeur nutritionnelle. Pourtant, il existe déjà de nombreuses alternatives en matière de culture saine, et bien d’autres encore sont à l’étude. Le succès de l’agriculture biologique, aux Etats-Unis, laisse augurer des changements positifs. Les résultats spectaculaires de Cuba, sorti de la crise alimentaire de ces dernières années par l’application d’une politique agricole autosuffisante sans utilisation de pesticides, constitue également un exemple. Les alternatives agricoles respectueuses de l’environnement sont plus productives que les techniques destructrices.
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A cette dernière phrase sans doute faudrait-il ajouter à long terme, et cela selon le type de culture. Mais finalement quels enseignements tirer de ces différentes sources d’information, pas toujours convergentes. L’activité agricole s’appuie sur un socle physique, un climat et une surface de terre cultivable, un socle biologique, le renouvellement et l’aération des sols productifs. Le commerce agricole s’appuie quand à lui sur la rencontre d’une offre - dont les capacités sont principalement déterminées par les deux socles précédents auxquels on ajoutera l’aléa climatique, les aides à la production et plus généralement l’organisation et administration de cette dernière – et d’une demande tirée quand à elle par une démographie et un revenu moyen à rapporter aux prix à la consommation. Prix eux-mêmes déterminés par les capacités de l’offre (prix de production), la solvabilité de la demande exprimée en fonction de facteurs aussi divers que les coûts de transport et de main d’œuvre, de la marge des distributeurs, et ainsi de suite. Alors si le système semble bien fuir de quelque part, où peuvent se situer là ou les pièces défectueuses ? Quelques éléments de réponse. A court terme, la crise actuelle semble plus économique qu’écologique, la victime, le petit producteur agricole plus que l’environnement. Jusqu’à la suite…
En moyenne, seulement 15% de la production agricole s’échangent à l’international – Café 45 %, Thé 40 %, Sucre 20 %, Blé 19 %, Lait 10 %, Viande 9 % – à un prix mondial fortement volatil – par exemple si la quantité de lait baisse de 10%, son prix monte de 20 à 30%, c’est »l’effet de King » - et souvent déprimé, c’est à dire ne couvrant pas les coûts de production de la plupart des producteurs.
Le marché mondial n’est pas un marché concurrentiel, l’espace économique international étant tout sauf homogène. L’agriculture manuelle représente encore aujourd’hui 1 200 millions de producteurs, l’agriculture attelée 300 millions, l’agriculture mécanisée, 50 millions. Globalement, les rendements de l’agriculture manuelle « traditionnelle » représentent environ 10 quintaux/actif /an, contre 10 000 quintaux /actif/an pour l’agriculture mécanisée »moderne ».
Or ces échanges sur les marchés internationaux concernent au premier chef les pays pauvres les plus dépendants de leurs exportations agricoles, et dont les marchés intérieurs non protégés demeurent très peu solvables. Blandine Cheyroux de l’Institut national agronomique de Paris : « Un petit producteur Malien de coton se retrouve alors sur le même marché que l’industriel américain. Le Malien va cultiver 1 hectare avec un rendement d’1, 5 tonnes à l’hectare par an, l’Américain suréquipé : 1250 tonnes par an. Il y a 850 fois plus de travail dans une balle de coton malien qu’américain, on rémunère 1000 fois moins cher le paysan malien que l’Américain, sans compter les subventions à l’importation.« Cet exemple se généralise sur l’ensemble des productions, de sorte que 75 % des personnes qui souffrent de la faim dans le monde sont des agriculteurs.
« Très curieusement, ceux qui ont faim ne sont pas des consommateurs acheteurs qui n’auraient pas assez d’argent pour acheter leur nourriture, ce sont des consommateurs producteurs de produits agricoles et de nourriture. 75% sont des ruraux. Parmi eux, 9/10e sont des paysans pauvres, des ouvriers agricoles mal payés et leur famille. Les 25% restants sont des paysans pauvres et affamés, récemment condamnés à l’exode par la pauvreté et la faim, qui vivent dans les camps de réfugiés ou les bidonvilles. » Marcel Mazoyer
S’il existe bien une offre et une demande agricole internationale, s’y tenir pour fixer un prix mondial universel implique nécessairement une politique de moins disant avec des prix bas compensés par des aides dont ne profitent que les paysans des pays les plus développés (PAC en Europe, Fair Act aux USA).
Sans doute faut-il donc retenir au final que nous vivons dans une économie de marché où l’agriculture est pilotée par l’aval dans le monde entier. Or à l’aval de l’aval, on trouve toujours le consommateur, et sa subjectivité.
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Plus loin:
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Les différents travaux de Marcel mazoyer;
» (…) Il faut d’abord comprendre ce que sont les prix internationaux : c’est le prix des excédents vendables par les pays qui ont soit la meilleure productivité, soit les plus bas salaires, soit les plus fortes subventions. Le prix international permet à un capitaliste argentin de tourner avec des ouvriers à mille dollars par an. Il permet aussi à un agriculteur américain de tourner avec cent mille francs de subventions par actif et par an, et à peu près la même chose en Europe. Bref, ces prix internationaux sont inférieurs aux prix de revient pratiqués à l’intérieur du pays, car ils prennent notamment en compte les délocalisations. J’ai lu dans Le Monde récemment qu’une fameuse société française de poulets, dont la moitié des volailles est produite à dix francs le kilo en France, produit une autre moitié à sept francs le kilo au Brésil, avec des salaires quatre ou cinq fois moindres. Et tenez-vous bien, c’est la production brésilienne qu’ils vendent en Europe. Du coup, ils sont obligés d’exporter la production française avec une subvention. Bref, plus ils importent du Brésil, plus ils touchent de subventions à l’exportation. Peut-on imposer de tels prix à trois milliards de paysans? Peut-on prendre le risque en Europe de voir les prix s’imposer et des subventions menacées pour cause de rigueur budgétaire ? «
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L’agriculture biologique peut-elle nous nourrir tous ? Un article de Brian Halweil pour le Worldwatch Institute.
http://www.dailymotion.com/video/3JB5SiXAEmODOpOUT
Source audio d’après : « Comment nourrir la planète« , du grain à moudre , France Culture
Source vidéo d’après : « Salomé« , de Carlos Saura
+ Ecouter en ligne : Comment expliquer la pénurie agricole ? Science publique du 14/12/2007 - France culture.
http://www.dailymotion.com/video/2J18AEd9SYfLXlPjm
Au-delà des réseaux/rhizomes (télécommunications, villes…) que nous construisons et dans lesquels nous nous diluons/lions à la manière d’une structure végétale qui bâtirait son propre terreau pour y vivre, l’évolution de nos techniques pourrait également répondre à une certaine forme de devenir végétal.
A des techniques visant autrefois à la maîtrise d’une nature « extérieure » afin de l’adapter aux besoins humains (mouvement et pulsion de fuite animale), se substitue aujourd’hui une nouvelle classe de techniques visant cette fois non plus à adapter l’environnement, mais l’homme lui-même. A lui permettre de gérer l’immobilité en tant que nouvelle réponse à un monde fait d’accélérations, de fluctations laissées de plus en plus libres. Comment ? Précisément grâce à la possibilité se reconstruire sur soi-même à travers la greffe de technologies/structures décentralisées et autonomes.
http://video.google.com/videoplay?docid=-202217044031625400
Alors peut-être retrouverait-on ici l’une des caractéristiques de la stratégie de construction végétale. Celle dont l’objet serait d’assurer une transformation intérieure, immobile, permanente et immanente. Transformation au nom de laquelle le végétal capture, extrait, construit et renouvelle sans cesse sa boîte à outil (ADN, structures) indispensable à son immobilité. C’est à dire à sa gestion spécifique du temps. Faute d’une capacité de mouvement, l’organisation végétale dilue, tamponne et absorbe les accélérations d’un environnement changeant. De son côté, l’organisation animale parie sur le déplacement, la fuite, mode opératoire auquel l’organisation humaine ajoute la possibilité de création d’institutions extérieures de régulation sociale.
http://www.dailymotion.com/video/yCIPx3b6dKaIilU8Q
Or nos sociétés modernes étant maintenant prises dans un tel niveau d’accélération de l’ensemble des échanges que le différentiel de « vitesse » devient peut-être à présent ingérable à la structure animale que nous sommes encore pour l’heure, tout comme nos institutions tampons semblent incapables de faire face.
Accélérer l’évolution végétale à travers les OGM, accélérer la radioactivité naturelle à travers exploitation de l’énergie nucléaire, accélérer l’écoulement des eaux à travers l’imperméabilisation des sols, accélérer les variations climatiques, accélérer la circulation de la monnaie, accélerer la rotation des stocks de marchandise, accélerer notre propre évolution…
Alors arrivé à un certain seuil, peut-être que seules deviennent possibles les stratégies végétales de gestion du temps, c’est à dire certains modes de rapports de vitesse et de lenteurs avec son environnement. Le temps disponible à la rencontre « animale » étant aujourd’hui fortement « réduit », adviendrait alors le temps de la rencontre, d’une connexion au monde de type « végétale »…
Question connexe : quels rapports nouveaux à l’éducation ? Quelles conséquences de ces accélérations sur nos formes d’apprentissage ? Ici ferait place une certaine intuition. Les travaux de Bateson sur les catégories d’apprentissage pourrait peut-être nous aider à voir plus clair dans tout ça. Faute de temps, et plus générallement des capacités necessaires à traiter ce genre de problème, en voici quelques fragments.
Bateson proposait de distinguer une suite hiérarchisée de quatre catégories d’apprentissage classées le long d’une échelle de type logique. Il existe ainsi différents niveaux pour lesquels chaque niveau supérieur est la classe des niveaux subordonnés. D’une manière générale, plus le niveau est élevé et moins nous « comprenons » le processus de changement des contextes, plus il est difficile à l’esprit de »manœuvrer » avec. Le changement implique un processus, mais les processus eux-mêmes sont soumis au changement. D’un point de vue pédagogique, pour comprendre l’idée de changement, il n’est pas inutile de se référer à sa forme la plus simple et la plus familière : le mouvement, .
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L’apprentissage de niveau 0 correspond à la position d’un objet. Il correspond à l’arc réflexe, à savoir : un stimulus, une réponse possible.
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Englobant le précédant, l’apprentissage de niveau 1 correspond à la vitesse de l’objet quand il bouge. Il correspond au conditionnement du chien de Pavlov, soit à un changement dans l’apprentissage de niveau 0.
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Englobant le précédant, l’apprentissage de niveau 2 correspond à l’accélération ou à la décélération, soit au changement dans la vitesse de l’objet mobile. A ce niveau, il n’y a plus simple apprentissage d’une réponse systématique à un stimulus, mais transfert du même apprentissage à d’autres contextes. Le sujet apprend a apprendre et est capable de transposer ce qu’il a appris à d’autres contextes.
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Englobant le précédant, l’apprentissage de niveau 3 correspond à un changement dans le rythme de l’accélération ou de la décélération, soit un changement dans le changement du changement de la position de l’objet. D’après Bateson, l’homme peut parfois atteindre à ce dernier niveau, par surprise, rencontre ou intuition…Mais sûrement pas sans risque, le niveau 3 peut-être très dangereux. L’être vivant n’y etant amené que par des contradictions engendrées au niveau 2, y accéder relève necessairement d’une réinterprétation de la réalité interactionnelle des différents contextes de blocage. C’est à dire que ce niveau ne peut être atteint par un effort commandé par la seule volonté qui ferait l’économie d’une reconstruction de la réalité accompagnée d’une redefinition de soi-même en vue de réorienter ses comportements dans des contextes à présent reconnus comme plus appropriés. A ce dernier niveau, on rencontre des psychotiques incapales d’employer le mot « je », d’autres dont les apprentissages de niveau 2 se sont éffondrés – j’ai faim, je mange – et enfin les très rares qui arrivent à fondre leur identité personnelle avec l’ensemble des processus relationnels. Pour ces-derniers, chaque détail du monde est alors perçu comme offrant une vue de l’ensemble.
Bateson : « [...] La question relative à tout comportement n’est pas : « est-il appris ou inée? », mais plutôt : »jusqu’à quel niveau niveau logique supérieur d’apprentissage agit-il ? », et, en sens inverse, jusqu’à quel niveau la gnétique peut-elle jouer un rôle déterminant ou partiellement efficace ? » Dans cette perspective l’histoire générale de l’évolution de l’apprentissage paraît avoir lentement repoussé le déterminisme génétique vers des niveaux supérieurs [...]«
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Compléments :
- Article de Jean-Jacques WITTEZAELE : L’écologie de l’esprit selon Gregory Bateson
- Article du Blog Chroniques d’un scybernéthicien sur les Eco-techno-logie des esprits
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The Century of the Self - Les machines du bonheur
http://video.google.com/videoplay?docid=-263763536519142817
The Century of the Self - L’ingénierie du consentement