Archive pour la Catégorie 'Monde animal'

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L’élément N et le végétal (5)

 cycle

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« Tout organisme est une mélodie qui se chante elle-même. »
« Chaque espèce vit dans un environnement unique, qui est ce qui lui apparaît  déterminé par son organisation propre. »
« Chaque cellule vivante est un mécanicien qui perçoit et agit (…) [l’organisme le fruit de la] collaboration de l’ensemble de ses mécaniciens. »
Jakob von Uexküll

« Un champ d’espace-temps a été ouvert : il y a là une bête. »
Maurice Merleau-Ponty

« Des nuages d’intelligibilité flottent autour de nous et s’entrecroisent, s’étendent, se rétractent. Le déploiement d’un Umwelt, écrit Von Uexküll, c’est une mélodie, une mélodie qui se chante elle-même : la mélodie est à la fois chant proféré et chant entendu à l’intérieur de soi. Chaque animal a en lui le chant de son espèce et commet sa variation. Ce chant varié décrit un paysage, autrement dit une lecture du paysage, un parcours, une traversée, une captation, une remémoration. Il en est des animaux grégaires, au champ d’espace-temps circonscrit, il en est d’autres qui l’étendent, et pour les migrateurs, sur des distances considérables : dans la scène d’école où la fin des vacances se marque pour les enfants par les réunions d’hirondelles, ce sont les hirondelles qui ont le champ d’espace-temps le plus vaste. Mais dans tous ces cas, la pelote formée avec le monde sera un territoire, et « monde » n’est rien d’autre que l’interférence de tous ces territoires entre eux, que « l’enveloppement des Umwelten les uns dans les autres. »
Jean-Christophe Bailly

L’élément N et le végétal (5) dans Ecosystemique image0014

« La plante est fixe, c’est un fait, et cela signifie qu’elle affronte l’adversité au lieu de la fuir, comme le fait si fréquemment l’animal. En conséquence, elle a dû développer d’énormes capacités de résistance, dont une bonne part lui vient de sa plasticité génétique. Organisme peu intégré, elle met à profit le fait qu’elle est, selon l’expression de Tsvi Sachs, de l’université de Jérusalem : «  une population d’organes redondants qui sont en compétition les uns avec les autres  », pour promouvoir le génome le mieux adapté aux conditions du moment; si les conditions changent, elle met en œuvre une variante du génome initial, mieux adaptée au nouvel environnement. »
« Essayez, de passer votre vie entière le pied dans l’eau, avec pour toute nourriture le gaz carbonique et la lumière solaire ; de toute évidence, vous n’y parviendrez pas. Le riz, lui, en est capable, grâce à son génome beaucoup plus complet que celui de l’être humain; ce dernier, comme les autres animaux mobiles, vit dans des conditions faciles et relativement à l’abri des contraintes. »
« Si l’on se place sur le plan de l’évolution biologique, celle de Darwin, alors l’évolution de la plante et celle de l’animal, sont très différentes. Evoluer pour les animaux, c’est se dégager de mieux en mieux des contraintes du milieu, et en ce sens, l’homme est bien placé au sommet de la pyramide, parce que pour nous à la limite, on ne sait même plus ce qu’est le milieu. Evoluer pour une plante, c’est se conformer de mieux en mieux aux contraintes du milieu, cela consiste donc, non pas à échapper mais au contraire à se dissoudre dedans, à disparaître d’une certaine manière. C’est en quoi la plante m’est apparue immanente, alors que l’animal serait transcendant. »
Francis Hallé, sources diverses dont « l’éloge de la Plante », Éd. du Seuil, collection sciences 1999

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Cycles des éléments, compartiments et temps des formes …

image004 dans Energie

Au cours de son cycle, un élément traverse différents réservoirs ou volumes qui correspondent à ses temps et lieu de capture sous l’une ou l’autre de ses formes. Avatars diraient les Indous, l’élément N étant tantôt pour le végétal une sorte de divinité fertile sous sa forme NO3-, tantôt un porteur de chaos sous sa forme NO2-.
La notion de temps de résidence fait ainsi appel à la durée et au lieu des métamorphoses combinatoires successives d’un élément. Autrement dit, sous quelle forme et combien de temps celui-ci demeure-t-il dans le sol, l’eau ou l’air. Le schéma ci-dessus laisse apparaître les différentes formes de l’élément N et les différents mouvements de passage (nitrification, ammonification, etc.) entre ces mêmes formes. Au niveau des réservoirs, sont ici représentés l’humus des sols, les sols eux-mêmes, la biomasse des différents organismes vivant, la sédimentation dans les océans, les eaux de surface et indirectement la basse atmosphère lieu d’accueil du gaz diazote (N2). Afin de précision il conviendrait d’ajouter à cette liste les eaux souterraines en tant que réservoir collecteur, et plus généralement toute activité capturant de l’azote dans sa production.
Le cycle de l’azote, comme celui du carbone ou de l’eau concerne les trois compartiments air-sol-eau. Le réservoir eau étant plus que les autres sensible aux activités anthropiques. Compte-tenu de l’aspect cyclique, tout puits à azote est également source d’azote. Tel puits capture une forme pour la fixer sous une autre, sa forme d’azote utile, avant de la restituer au puits suivant sous une certaine forme, qui comme nous l’avons vu dépend de certains des paramètres du milieu (pH, oxygénation, et autres variables susceptibles d’influencer les métamorphoses combinatoires).
Ainsi selon les conditions du sol, l’azote issu de la dégradation de la matière organique en décomposition (NH3) sera restituée tantôt sous la forme d’ammonium (NH4+), tantôt sous la forme de nitrate (NO3-), ou encore volatilisé sous la forme de diazote (N2).

Accélération du rythme des tambours sur la galère terre …

Ce qu’il est important de souligner à présent, c’est que l’accélération des rythmes, que le développement des activités humaines impose à la biosphère, affecte en premier lieu les temps de résidence des différents éléments au sein de leur cycle.
A titre d’exemple, l’eau se déplace de manière cyclique sous des formes et dans des volumes qui se modifient à mesure du rythme des activités humaines. Aujourd’hui, et pour le dire très vite, les volumes d’eau stockés sous les formes de glace et de neige se réduisent sous l’effet du réchauffement. Il en va de même pour l’eau liquide stockée dans les sols et sous-sols du fait de leur imperméabilisation, route ou urbanisation, et/ou des pratiques de drainage agricoles dans le sens de la pente, des barrages, des dérivations, endiguement et canalisation des cours d’eau, etc. Il en va donc de même pour une biomasse qui puise là sa ressource en eau et vient à manquer, et qui de plus, voit son volume évoluer lui-même négativement à mesure de la déforestation et de la désertification (surpâturage), ces deux phénomènes étant liés.
En effet, dans certains pays relativement éloignés de la mer comme l’Allemagne, seulement la moitié des précipitations atmosphériques proviennent directement de la mer, le reste étant recyclé de proche en proche par la végétation. En moyenne annuelle, 65% des précipitations qui arrivent sur les continents s’évaporent directement, 24% ruissellent vers les cours d’eau et 11% s’infiltrent dans les sols pour alimenter les nappes souterraines. Plus l’eau coule vite à la mer, et plus on surpompe pour ralentir la fuite. 
Rien ne se perd, rien de se crée, l’eau perdue sur et sous terre se retrouve donc dans des océans dont les volumes montent. Réchauffement et hausse du niveau des eaux superficiellex des océans pourraient donc conduire à une augmentation des stocks de vapeur d’eau dans l’air. Bien que le temps de résidence de l’eau soit faible dans l’atmosphère, on pose d’ailleurs ce stock comme constant jusqu’à ce jour, il est à noter que la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre extrêmement puissant. On l’estime d’ailleurs responsable d’environ 60% de l’effet  de serre naturel.

rétroactions du cycle de l'eau

Actuellement on estime l’effet de serre non naturel provoqué à :
→ 69.6% par le dioxyde de carbone (CO2);
→ 15,8% par le protoxyde d’azote (N2O);
→ 12,4% par le méthane (CH4) ;
→ 2,2% par les gaz fluorés (CFC ou chlorofluorocarbures).

Conclusion de transit, il n’est pas forcement besoin de produire du CO2 pour participer à accentuer l’effet de serre. Par ailleurs toutes les émissions de GES n’ont pas le même pouvoir de réchauffement, que celles-ci soit effectuées au niveau des pôles ou au niveau de l’équateur, ceci étant du à l’angle d’incidence du rayonnement solaire. Si les émissions de GES seraient ainsi à contextualiser en fonction de leur lieu d’émission, il est cependant à noter, du fait du brassage de l’atmosphère par les vents, que les lieux d’émission des gaz à effet de serre sont au final de moindre importance. On estime ainsi le temps qu’il faut pour qu’une partie d’un gaz émis en Australie se retrouve au-dessus de New-York de quelques mois à une année.
Plus généralement, le pouvoir de réchauffement global (PRG) d’un GES correspond à la puissance radiative que celui-ci participe à réfléchir vers le sol. Dans l’échelle des mesures, le PRG du CO2 est établi à 1 par convention. La contribution d’un GES au renforcement de l’effet de serre dépend ainsi, et principalement, de trois facteurs :
→ du PRG du GES en question ;
→ de son temps de résidence dans l’atmosphère ;
→ de sa concentration.

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Pour continuer à dévier joyeusement sur le sujet climatique, et puisque tout est lié à différentes échelles, il n’est pas inutile non plus de remarquer que les humains se retrouvent dans le même temps confrontés à la nécessité de réduire leur consommation énergétique, du fait de l’épuisement des ressources fossiles, de l’autre, à lutter contre le surplus énergétique global qu’est le réchauffement de la planète. Celui-ci étant induit en partie par la production d’une énergie utile à partir des combustibles fossiles. S’il y a bien un endroit où l’ingénierie végétale surpasse en tout point celle des humains, c’est bien dans la captation et production d’une énergie utile.
Néanmoins, on aura pu le saisir, et sous un aspect véritablement technophile, le réchauffement global est aussi et peut-être la solution à nos besoins énergétiques. Passons.

image009 dans Monde végétal

La hausse de la température induite par le changement climatique influe sur l’activité bactériologique, et donc sur le cycle de l’élément N. Lorsque la température des sols augmente certaines réactions chimiques voient leur vitesse augmenter, ce qui produit différents effets de retour sur les cycles des éléments, comme le niveau du réchauffement climatique.
Ainsi, une hausse des températures du sol augmente l’azote mis à disposition des végétaux par le travail des micro-organismes, sa minéralisation augmentant avec la température et l’humidité du sol jusqu’à des niveaux optimum situés entre 21 et 31°C, et une saturation en eau de l’espace poral du sol de l’ordre de 50 à 70%.
La hausse du rythme de la nitrification (oxydation de l’ammoniac NH3 en nitrate NO3-), toute chose égale par ailleurs, favorise la croissance de la biomasse végétale, et avec elle, la capture du CO2 atmosphérique à travers la photosynthèse. Saut à manquer des autres facteurs limitants de la croissance végétale (eau, Ca2+, K+, PO43-, O2, etc.) on peut donc penser que cette rétroaction négative puisse limiter la concentration de CO2 atmosphérique, et donc la hausse des températures.
Seulement une matière organique des sols plus rapidement dégradée contribue également, et sous certaines conditions, à augmenter les émissions de CO2, ce dernier étant aussi l’un des sous-produits de la dénitrification avec le N2O (protoxyde d’azote), un gaz à très fort PRG.
Si la nitrification est réalisée par des bactéries aérobies, la dénitrification est le fait de bactéries anaérobies. Celles-ci puisent en effet dans les molécules de nitrates (NO3-) l’oxygène dont leur métabolisme a besoin. Un tel processus est donc notamment favorisé par une sursaturation des sols en eau qui crée les conditions d’une faible oxygénation. Les nitrates NO3- sont alors réduits (gain d’électron) en nitrites (NO2-). Par suite, le nitrite devient successivement NO (monoxyde d’azote), puis N2O, et enfin lorsque la réaction est complète, diazote N2 qui retourne à l’atmosphère par volatilisation. Cependant, si le taux de dioxygène devient suffisant pour satisfaire aux besoins des bactéries, la dénitrification peut-être arrêtée aux stades NO ou, plus souvent, N2O.

image011 dans Oikos

Le couplage entre cycle du carbone et cycle de l’azote se fait au niveau des microorganismes.

Selon les conditions, les sols peuvent donc se comporter tantôt en tant que puits à carbone, tantôt en tant que source nette de gaz à effets de serre. Voilà une conclusion qui nous renvoie une fois encore à cette nécessaire contextualisation qu’appelle l’appréciation des phénomènes écologiques. Ou pour le dire autrement : « (…) le rôle que joue la nature en tant qu’objet dans les différents milieux est contradictoire (…) si l’on voulait rassembler ses caractères objectifs, on serait devant un chaos (…) » Jakob von Uexküll

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http://www.dailymotion.com/video/x9uz17

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Imposer ses formes à l’élément N

Des modifications rythmiques affectent donc le flux des métamorphoses de l’eau ou du carbone. Les cycles des différents éléments étant couplés, le changement de rythme global, il en va de même pour l’azote (N), le phosphore (P), le potassium (K), etc.
Concernant l’élément N, son principal réservoir est l’atmosphère qui contient à l’état gazeux une quantité environ 100 fois supérieure à celle stockée par la biomasse au cours de sa croissance. Aujourd’hui, certaines activités humaines peuvent altérer les rythmes de son cycle de différentes façons :
→  1) en introduisant dans les agrosystèmes des excès d’engrais enrichis en azote minérale (NO3-, NH4+), et dont la fraction nitrate abouti dans les eaux (toxicité de l’eau potable,
eutrophisation des eaux de surface);
→  2) en relâchant dans les écosystèmes des eaux usées domestiques concentrées en azotes (urée, matière fécale, etc.), et donc en pratiquant l’élevage intensif à proximité des cours d’eau;

Les plantes de cultures puisent dans le sol de 160 à 200 kg d’azote par hectare. Concernant l’élément N, nous augmentons par les apports d’engrais les stocks de nitrate et/ou d’ammonium afin de maintenir des rendements agricoles croissants sur des sols qui s’épuisent. Le stock organique croît en retour du fait de la portion d’azote minéral ainsi assimilée par la biomasse (croissance végétale et élevage intensif sur de petites surfaces). Par ailleurs les nitrates, du fait de leur lessivage par les eaux de pluie, se concentrent dans les eaux de surfaces et souterraines.

image013 dans Ressource en eau

Bilan azoté mondial (millions de tonnes) pour la production végétale et la production animale (Van der Hoek 1998).

Augmentation des stocks de nitrites et de nitrates dans les eaux entraînent des phénomènes d’eutrophisation : surconcentration d’éléments nutritifs dans les eaux → surproduction végétale → asphyxie de la faune aquatique, manque de lumière, bloom d’algues toxiques (cyanobactérie), difficulté à potabiliser les eaux, etc.
De même nous augmentons le stockage de l’azote sous forme de NH3. La quantité de déjection rejetée dans les milieux dépasse la capacité de minéralisation des sols. Rappelons que l’ammoniac (NH3) est le produit la décomposition de la matière organique azotée par les bactéries saprophytes.
En milieu bien oxygéné, la formule de la minéralisation de l’azote par nitrification est la suivante :
a) NH3 + O2 → NO2− + 3H+ + 2e− (ammoniaque devient nitrite)
b) NO2− + H2O → NO3− + 2H+ + 2e− (nitrite devient nitrate)
Notons également la possibilité de volatilisation de l’ammonium sous la forme de gaz ammoniac NH3processus chimique de réduction (gain d’électron) qui opère surtout dans les sols alcalins.
Au final, les émissions d’ammoniac sont à 95% d’origine agricole, dont 80% proviennent de l’élevage.

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Bilan des modes d’action, des conséquences et des modifications entraînées par les dépôts (secs ou humides) d’azote ammoniacal (Bonneau 1989, Van Dijk et al 1989, Probst et al 1990, Egli et Fitze 1995, Duchaufour 1997).

3) en brûlant des combustibles fossiles qui libèrent des oxydes d’azote (NOx) dans l’atmosphère. De 30 à 60% des composés azotés présents dans le combustible sont convertis en NOX, 90-95% des volumes émisle sont sous la forme de NO (monoxyde d’azote).
Si les deux premiers points augmentaient la concentration d’azote dans les sols et les eaux, le dernier implique l’air. Les oxydes d’azote (NOx) qui sont relâchés dans l’atmosphère, principalement par combustion des énergies fossiles (automobile, centrales thermiques, etc.), génèrent quant à eux différents effets selon les conditions météorologiques.
En altitude, ils se combinent avec l’eau de l’atmosphère pour former de l’acide nitrique (HNO3) qui retombe sur terre avec les précipitations. Cet acide modifie alors non seulement le pH des sols et des écosystèmes aquatiques, mais il augmente également le taux d’azote dans les eaux de surface. En conditions chaudes et peu venteuse, les NOx demeurant dans les très basses couches de l’atmosphère, ceux-ci se combinent alors avec l’oxygène (O2) de l’air pour former de l’ozone (O3).
2 NO + O2 → 2 NO2 (dioxyde d’azote)
NO2 + O2 + energie solaire O3 + NO
2 NO + O2 → 2 NO2 (dioxyde d’azote)
A noter que l
e dioxyde d’azote est un agent oxydant (accepteur d’électron). Son inhalation par les animaux donne une réaction instantanée avec l’eau de la muqueuse interne de leurs poumons, conduisant à la production d’acide nitrique.

Les conséquences de ces trois points sont donc une modification la balance écologique de l’élément N telle que présentée ci-dessous (comptabilité des flux et des stocks de formes).

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« Car ce n’est pas par réflexion, ni sous l’empire d’une pensée intelligente que les atomes ont su occuper leur place ; ils n’ont pas concerté entre eux leurs mouvements. Mais comme ils sont innombrables et mus de mille manières [...] et qu’ils s’abordent et s’unissent de toutes façons pour faire incessamment l’essai de tout ce que peuvent engendrer leurs combinaisons, il est arrivé qu’après avoir [...] tenté unions et mouvements à l’infini, ils ont abouti enfin aux soudaines formations massives d’où tirèrent leur origine ces grands aspects de la vie : la terre, la mer, le ciel, les espèces vivantes. »
Lucrèce,
de natura rerum.

« (…) le monde que nous propose Spinoza. Il voit le monde comme ça. Il nous dit en effet que chaque corps est composé à l’infini par des infinités de parties qu’il appelle les corps les plus simples. Qu’est-ce qui fait que ces corps les plus simples, que tel ensemble infini appartient à tel individu plutôt qu’à tel autre ? Il dit que ces corps les plus simples, que ces particules sont toujours, dans un certain rapport de mouvement et de repos, de vitesses et de lenteurs, et ce rapport caractérise un individu. Donc un individu n’est pas défini par sa forme, que ce soit une forme biologique, une forme essentielle, n’importe quel sens su mot forme, un individu est défini par un rapport plus ou moins composé, c’est à dire un ensemble de rapports, faits de mouvements et de repos, de vitesses et de lenteurs, sous lesquels des infinités de parties lui appartiennent. Enfin, chaque individu est un collectif, chaque individu est une meute. »
Gilles Deleuze, cours sur Spinoza du 15/02/77.

« (…) à partir d’un début si simple, des formes infiniment belles et magnifiques ont évolué et évoluent encore.»
Charles Darwin,
l’origine des espèces.

« (…) Quelqu’un a inventé ce jeu
Terrible, cruel, captivant
Les maisons, les lacs, les continents
Comme un légo avec du vent
(…)
Pourquoi ne me réponds-tu jamais
Sous ce manguier de plus de dix mille pages
A te balancer dans cette cage ?
A voir le monde de si haut
Comme un damier, comme un légo
Comme un imputrescible légo
Comme un insecte mais sur le dos (*)
(…) » Alain Bashung – Comme Un Lego

(*) En 1822 Etienne Geoffroy St. Hilaire remarque que le plan d’organisation du homard est le même que celui d’un vertébré si le premier est inversé (sur le dos).

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http://www.dailymotion.com/video/x2gjky

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Le besoin nutritif des plantes et leur développement

Avec Michel Caboche, de l’Académie des sciences, avec Laurent Nussaume et Jan Traas.
Toute plante a son architecture propre, de la pointe des racines à celle des feuilles. Comment les racines perçoivent-elles la présence des sels minéraux nutritifs et comment réagissent-elle à leur carence ? Comment le sommet de la tige choisit-il d’initier un rameau, une feuille ou une fleur ?
Partie 1 :
rôle du Phosphore (élément P) et des autres nutriments
Partie 2 : rôle des hormones végétales et contrôle de la ramification

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L’artifice de la photo-synthèse (:)

« Ils [les arbres] ne sont qu’une volonté d’expression. Ils n’ont rien de caché pour eux-mêmes, ils ne peuvent garder aucune idée secrète, ils se déploient entièrement, honnêtement, sans restriction [...], ils ne s’occupent qu’à accomplir leur expression : ils se préparent, ils s’ornent, ils attendent qu’on vienne les lire. » 

Francis Ponge

 Flèche ecologie

Action quand vous voulez … pour savoir il faut s’imaginer.

S’il manque d’idées dans l’écologie des idées, il ne manque pas de flèches ou d’affinités, mais bien d’archers. Un archer ? Celui qui se fabrique une configuration du réel qui ne l’épuise pas à l’avance, technicien de ses branchements sur le monde qui y puiser là sa puissance d’agir, la force de tirer sa flèche.

Alors sans doute existe-t-il là aussi autant de techniques de tir que d’intestins. Mais celles-ci ont toujours cela de commun qu’elles ne se réfugient pas derrières de nouveaux murs afin d’éviter les bombardements passifs de ces invasions barbares des images d’un monde commun … qui fait au final bien peu communauté.

Parmi les branchements possibles de l’archer, expérimenter son propre cinéma est peut-être bien l’une de ces techniques de digestion au coeur de l’époque.

Comme proposé précédemment, si la production matérielle crée les moyens nécessaires à la vie sociale, la production immatérielle (images, idées, mode de relations, etc.) celle-ci tend à créer la vie sociale elle-même.

Pour mieux le comprendre, ou tout du moins le voir autrement, faisons une nouvelle fois appel à l’analogie végétale.

Le végétal est de très loin le plus important producteur primaire d’énergie sur la planète. On le dit autotrophe, son travail « matériel » consistant à capturer des photons solaires pour in fine transformer et stocker cette énergie sous la forme de liaisons chimiques exploitables par le reste du vivant. C’est la photosynthèse.

Par suite, la vache mâche de l’herbe, en produit le lait et ou la viande que nous buvons. Sur ce plan « matériel », l’homme est un animal hétérotrophe consommateur et dissipateur d’énergie. Il n’incorpore qu’une petite partie de l’énergie contenue dans la viande comme le lait, le reste étant dissipé sous forme de déchets, consommé dans l’activité même de digestion.

Imaginons un instant que l’émergence du système mental de l’homme puisse être vue comme une activité « photo-synthétique » singulière. Il ne s’agirait plus ici de produire une énergie exploitable concentrée sous la forme de liaisons chimiques, mais cette fois de  plier des photons dans des images.

Des images nourricières à mettre en circulation dans l’espace et le temps. Dans le monde des hommes dans un premier temps, dans le monde des choses par la suite du fait des nouvelles pratiques et usages qui découlent de leur manipulation.

Nous retombons alors sur cette production « immatérielle » qui nourrit le commun de la banque d’image sociale, produit en retour la vie sociale elle-même à mesure que les images des uns deviennent la matière première de celles des autres membres du réseau de l’écologie des idées.

Car produire une image c’est capturer, sélectionner, condenser et établir certaines liaisons dans le monde. Et de leur manipulation, recombinaison et déploiement par les autres membres de l’essaim social, ces images libèrent une certaine énergie de production immatérielle.
Ainsi pouvons nous dire que dans l’immatériel, l’homme est un producteur primaire d’énergie, et sans doute lui aussi à partir d’une certaine photosynthèse lumineuse. Sa production synthétise en pliant des potentiels d’énergie immatérielle dans des images.

L’animal avec ses antennes tactiles capturantes fonctionne tel un producteur d’image primaire. Emerge de son système mental comme une certaine capacité à photo-synthétiser. L’animal, et tous particulièrement l’homme, condense à sa manière les photons. Il établit des liaisons dans le monde sous la forme d’images, images dont le déploiement libère une certaine énergie de production immatérielle, c’est-à-dire de production de vie sociale.

Conclusion de cette petite analogie, produire de la vie sociale revient à produire de nouvelles surfaces d’échange, comme à maximiser celles déjà existantes.

« [...] nous reconnaissons dans tous les objets dont nous avons appris à nous servir l’action que nous accomplissons à leur aide, avec la même sureté que leur forme et leur couleur [...] toute nouvelle expérience active entraine de nouvelles attitudes vis-à-vis de nouvelles impressions. De nouvelles connotations d’activité servent alors à créer de nouvelles images actives. »

Jacob von Uexküll

Masques ecologie

« Aussi longtemps que nous ne sommes pas dominés par des sentiments qui sont contraires à notre nature, la puissance de l’esprit, par laquelle il s’efforce de comprendre les choses, n’est pas empêchée, et par conséquent il a le pouvoir de former des idées claires et distinctes et de les déduire les unes des autres. »

Spinoza, Ethique 5, démonstration X


Parmi tout ce qui empêche cette croissance des surfaces d’échanges, la difficile question des droits d’auteurs. En n’autorisant pas le réusage des images, tout du moins de certains de leur fragments à des fin de recombinaison digestives, matières premières des nouvelles créations dans ce que l’on pourrait appeler à la suite de Gregory Bateson une écologie des idées, nous privons ainsi l’individu d’une grande partie de ses capacités d’appropriation comme de branchement au monde.

Agissant de la sorte, nous lui signifions juste qu’il se doit de digérer, comme ça et pas autrement, ce que quelqu’un d’autre a déjà recombiné du réel, dans un collectif, dans la toile d’agencement des diverses gratuités du monde. First in – last out.

De la multitude co-existante à toute création individuelle, comme du développment des techniques qui le soulignent, il semble évident que la question de l’auteur se doit d’être aujourd’hui très largement repensée. Nous sommes ici dans l’univers du difficile calcul de l’équivalent des travaux, ou comment rémunérer ce que chacun apporte à la société. Une question dont les termes sont déjà solidement fixés par Aristote dans le livre cinq de l’éthique à Nicomaque.

Pour ce qui est de notre époque, et là où les discours autour de la figure de l’auteur ne peuvent que tourner en boucle, c’est précisément que ceux que nous avons appelé les individus-adultes-voitures de masse, ceux-là sont produits privés en eux-mêmes de l’accès à la production comme à la recombinaison des images. Cette qualité ou capacité demeure à conquérir de force.

http://www.dailymotion.com/video/k5vIt2pYxYpvgKCe7vMontage archives cinématographiques, perspective individus-adultes-voitures de masse

Mais ce qu’il faut bien entendre, c’est que nous ne parlons surtout pas ici de compétences techniques mais de technique de soi.
Il ne s’agit pas de devenir cinéaste pour de vrai, il s’agit d’apprendre à apprendre à digérer, rendre compatible avec notre nature, ces images qui nous bombardent du dehors.
Soit savoir pratiquer une certaine technique d’incorporation à travers la mise en place d’artifices, reconnus comme tel, mais qui vont produire leurs effets dans le réel en participant à cette photo-synthèse, petite danse de soi nourrissant cet accroissement des surfaces d’échange qui coproduit de la vie sociale.

L’artifice du faire son cinéma, c’est réaliser son propre montage du réel, désirer y découvrir quelque chose de soi et du monde. Visualiser sa maison d’époque en simulant la sélection, la découpe permanente que nous faisons du monde des choses.
C’est aussi se dédoubler sous la forme d’un récit-montage de ses propres archives cinématographiques, précisement afin de rendre perceptibles à l’écran ces affinités qui nous animent.

Proust visionnaire d’un temps retrouvé : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la littérature. Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l’artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu’ils ne cherchent pas à l’éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d’innombrables clichés qui restent inutiles parce que l’intelligence ne les a pas développés. Notre vie ; et aussi la vie des autres car le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique, mais de vision. »

L’archer fait son cinéma, une certaine technique de digestion de ses archives cinématographiques. De ces innombrables clichés qui restent inutiles parce que l’intelligence ne les a pas développés, il tente de les déplier en tant que préalable à une certaine vision de ses actions dans le monde.
Il participe ainsi de ce recyclage nécessaire de l’écologie des idées, aération et accroissement des surfaces d’échanges et de contacts, participant ainsi à son échelle à cette production immatérielle de la vie sociale.

Un montage ? Un environnement ? Une configuration dynamique, un organe sensoriel non localisé: un modèle de danse qui capture d’autres modèles de danse.

http://www.dailymotion.com/video/k6U7OswF6ts3CcSz63Montage archives cinématographiques, perspective sur les arrières goûts de l’affect « digestif » mélancolie

Paysage éthique

http://www.dailymotion.com/video/k2TvJUhAfjFRYYPApC
Vid: d’après le film documentaire la planète bleue. Audio: d’après Gilles deleuze, cours sur Spinoza. Fond sonore : Arno, la vie est une partouze.

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Faire son écologie dans un paysage éthique ? Un paysage dans lequel on ne peut définir un animal, un homme ou une chose par sa forme, ses organes ou ses fonctions, mais par les affects dont il est capable. A quoi tel ou tel corps est-il indifférent dans le monde infini, à quoi réagit-il positivement ou négativement, quels sont ses aliments, quels sont ses poisons, qu’est-ce qu’il prend dans son monde ?
Capacité à affecter et à être affecter des corps, chimie des modes d’existence sur un plan naturel d’immanence qui ne cesse d’être composé et recomposé par les puissances en acte des individus et collectivités existantes.

Petite visite fragmentaire de cette singulière cartographie des corps d’après les cours de Deleuze sur Spinoza – la voix de Gilles Deleuze en ligne.

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Cours 2 du 09/12/1980 – 1 (transcription de Lucie Fossiez)

« (…) Lorsqu’on parle d’une éthologie à propos des animaux, ou même d’une éthologie à propos de l’homme, il s’agit de quoi ? L’éthologie au sens le plus rudimentaire c’est une science pratique, de quoi ? Une science pratique des manières d’être.

(…)

Mon hypothèse, c’est que le discours de l’éthique a deux caractères : elle nous dit que les étants ont une distinction quantitative de plus et de moins, et d’autre part, elle nous dit aussi que les modes d’existence ont une polarité qualitative, en gros, il y a deux grands modes d’existence. Qu’est-ce que c’est ?

Quand on nous suggère que, entre vous et moi, entre deux personnes, entre une personne et un animal, entre un animal et une chose, il n’y a éthiquement, c’est à dire ontologiquement, qu’une distinction quantitative, de quelle quantité s’agit-il ? – Quand on nous suggère que ce qui fait le plus profond de nos singularités, c’est quelque chose de quantitatif, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Fichte et Schelling ont développé une théorie de l’individuation très intéressante qu’on résume sous le nom de l’individuation quantitative. Si les choses s’individuent quantitativement, on comprend vaguement. Quelle quantité ? Il s’agit de définir les gens, les choses, les animaux, n’importe quoi par ce que chacun peut.

Les gens, les choses, les animaux se distinguent par ce qu’ils peuvent, c’est à dire qu’ils ne peuvent pas la même chose. Qu’est-ce que c’est ce que je peux ? Jamais un moraliste ne définirait l’homme par ce qu’il peut, un moraliste définit l’homme par ce qu’il est, par ce qu’il est en droit. Donc, un moraliste définit l’homme par animal raisonnable. C’est l’essence. Spinoza ne définit jamais l’homme comme un animal raisonnable, il définit l’homme par ce qu’il peut, corps et âme. Si je dis que « raisonnable » ce n’est pas l’essence de l’homme, mais c’est quelque chose que l’homme peut, ça change tellement que déraisonnable aussi c’est quelque chose que l’homme peut.

On définit les choses par ce qu’elles peuvent, ça ouvre des expérimentations. C’est toute une exploration des choses, ça n’a rien à voir avec l’essence. Il faut voir les gens comme des petits paquets de pouvoir. Je fais comme une espèce de description de ce que peuvent les gens.

Du point de vue d’une éthique, tous les existants, tous les étants sont rapportés à une échelle quantitative qui est celle de la puissance. Ils ont plus ou moins de puissance.

Cette quantité différenciable, c’est la puissance. Le discours éthique ne cessera pas de nous parler, non pas des essences, il ne croit pas aux essences, il ne nous parle que de la puissance, à savoir les actions et passions dont quelque chose est capable. Non pas ce que la chose est, mais ce qu’elle est capable de supporter et capable de faire. Et s’il n’y a pas d’essence générale, c’est que, à ce niveau de la puissance tout est singulier. On ne sait pas d’avance alors que l’essence nous dit ce qu’est un ensemble de choses. L’éthique ne nous dit rien, ne peut pas savoir. Un poisson ne peut pas ce que le poisson voisin peut. Il y aura donc une différenciation infinie de la quantité de puissance d’après les existants. Les choses reçoivent une distinction quantitative parce qu’elles sont rapportées à l’échelle de la puissance.

(…)

J’ai telle ou telle puissance et c’est cela qui me situe dans l’échelle quantitative des êtres. Faire de puissance l’objet de la volonté c’est un contresens, c’est juste le contraire. C’est d’après la puissance que j’ai que je veux ceci ou cela. Volonté de puissance ça veut dire que vous définirez les choses, les hommes, les animaux d’après la puissance effective qu’ils ont. Encore une fois, c’est la question : qu’est-ce que peut un corps ?

C’est très différent de la question morale : qu’est-ce que tu dois en vertu de ton essence, c’est qu’est-ce que tu peux, toi, en vertu de ta puissance. Voilà donc que la puissance constitue l’échelle quantitative des êtres. C’est la quantité de puissance qui distingue un existant d’un autre existant. Spinoza dit très souvent que l’essence c’est la puissance.

(…)

Cours du 09/12/80 – 2 (transcription de Christina Roski)

S’il est vrai que toute puissance est en acte, ça veut dire à chaque instant elle est effectuée. Jamais vous en aurez un instant où ma puissance aura quelque chose d’ineffectuée. En d’autres termes vous n’aurez jamais le droit de dire : » il y avait en moi quelque chose de mieux de ce que j’ai fait ou de ce que j’ai subit « . A chaque instant tout est en acte. A chaque instant ma puissance est effectuée. Elle est effectuée par quoi ? Si toute puissance est en acte – vous voyez je fais une série de notions d’identité, de concepts. Je dis puissance = acte pour Spinoza. Dès lors, toute puissance, à chaque instant, est effectuée. D’où la question, qu’est-ce que ce qui est effectue à chaque instant

La puissance ? Là il y a une question de terminologie de Spinoza très importante. Spinoza appellera     » affect « , ce qui effectue la puissance. Le concept de puissance chez Spinoza sera en corrélation avec le concept d’affect. L’affect, ça se définit exactement comme ceci :  » ce qui à un moment donné remplit ma puissance, effectue ma puissance « . Donc vous voyez, dire que ma puissance est effectuée c’est dire qu’elle est effectuée par des affects. Ca veut dire, à chaque instant des affects remplissent ma puissance. Ma puissance est une capacité qui n’existe jamais indépendamment des affects qu’il effectue

(…)

Donc tant que je restais au concept de puissance je pouvais vous dire qu’une chose : à la rigueur, je ne comprends pas comment, mais les existences se distinguent quantitativement parce que la puissance est une quantité d’un certain type. Donc, ils ont plus ou moins de puissance. Mais, deuxièmement, je vois que la puissance est une notion qui n’a de sens qu’en corrélation avec celle d’affect. Puisque la puissance est ce qui est effectuée et c’est l’affect qui effectue la puissance. Cette fois-ci, sans doute, ce sera du point de vue des affects qui effectuent ma puissance que je pourrais distinguer les modes d’existence. Si bien que deux idées deviendraient très cohérentes : dire à la fois, il n’y a qu’une distinction quantitative selon la puissance entre les existants et dire il y a une polarité qualitative entre deux modes d’existence, la première proposition renverrait à la puissance acte, la seconde proposition renverrait à ce qui fait de la puissance un acte c’est-à-dire ce qui effectue la puissance, c’est-à-dire l’affect.

Il y aurait comme deux pôles de l’affect, d’après lesquels on distingue les deux modes d’existence. Mais l’affect, à chaque moment, remplit ma puissance et l’effectue. Qu’est-ce que ça veut dire ça, l’affect, à chaque moment, remplit ma puissance et l’effectue ? Là Spinoza insiste beaucoup sur les choses, il tient énormément à la vérité littérale de ça. Un aveugle alors, ce n’est pas quelqu’un qui a une vue potentielle. Là aussi il n’y a rien qui soit en puissance et non effectué. Tout est toujours complètement effectué. Ou bien il n’a pas de vue du tout, c’est-à-dire il n’a pas la puissance de voir. Ou bien il a gardé des sensations lumineuses très vagues et très floues. Et c’est les affects qui effectuent sa puissance telle qu’elle est. Il y a toujours effectuation de la puissance. Simplement voilà, ça n’empêche pas. Donc vous comprenez bien cette idée de l’affect. L’affect c’est qu’il va remplir ma puissance. Je peux, je me définis par un pouvoir, une puissance. Les affects, c’est à chaque moment ce qui remplit ma puissance.

Alors, l’affect ce sera quoi ? Ca peut être des perceptions. Par exemple des perceptions lumineuses, des perceptions visuelles. Des perceptions auditives. C’est des affects. Ca peut être des sentiments, ce sont des affects aussi. L’espoir, le chagrin, l’amour, la haine, la tristesse, la joie, c’est des affects. Les pensées sont des affects. Ca effectue ma puissance aussi. Donc je m’effectue sous tous les modes, perceptions, sentiments, concepts, etc. Ca, ce sont des remplissements, des effectuations de puissance. Alors peut-on dire est-ce que cela veut dire que les affects ont deux pôles ? Là Spinoza essaie d’expliquer quelque chose que je veux esquisser là puisqu’on le reprendra la prochaine fois, ça serait trop difficile d’en parler maintenant. Il dit : en gros, il y a deux pôles de l’existence. Les deux pôles c’est la tristesse et la joie. Ce sont les deux affects de base. Il fait toute une théorie des passions, où la tristesse et la joie sont les deux affects de base. C’est-à-dire tous les autres affects dérivent de la tristesse et de la joie.

Comment se distinguent ces deux affects de tristesse et de joie ? Vous comprenez, c’est juste là ça devient un petit peu difficile. Alors il faut la vivre. Quand c’est difficile à penser il faut essayer de le vivre. Il nous dit, tous les deux, les tristesses comme les joies effectuent ma puissance, c’est-à-dire remplissent mon pouvoir. Ca l’effectue et ça l’effectue nécessairement. Au moment où j’ai compris l’affect il n’est pas question que ma puissance puisse être effectuée d’une autre façon. L’affect qui vient, lui, c’est lui qui remplit ma puissance. C’est un fait, c’est comme ça. Vous ne pourrez pas dire, quelque chose d’autre aurait pu arriver. Non, c’est ça qui remplit votre puissance. Votre puissance, elle, est toujours remplie mais par des affects variables. Je suppose que ce soit une tristesse qui vous remplisse, qui remplisse votre puissance. Qu’est-ce qui se passe ? Voilà l’idée très curieuse de Spinoza. La tristesse, elle remplit ma puissance mais la remplit de telle manière que cette puissance diminue. Ca, il faut comprendre. Ne cherchez pas une contradiction. Il y a des manières. Je vais procéder par ordre.

Ma puissance est supposée être une certaine quantité, quantité de puissance. Deuxième proposition, elle est toujours remplie. Troisième proposition, elle peut être remplie par des tristesses ou des joies. Ce sont les deux affects de base. Quatrième proposition, quand elle est remplie par la tristesse, elle est complètement effectuée mais elle est effectuée de manière à diminuer. Quand elle est remplie par des joies, elle est effectuée de manière à augmenter.

Pourquoi ça ? On le verra la prochaine fois, pourquoi il dit tout ça. J’essaie de dire ce qu’il dit pour le moment ou ce qu’il me semble bien qu’il le dit. On sent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Mais si on comprenait ce qui ne va pas, on comprendrait en même temps quelque chose d’étonnant. Il nous dit à chaque instant ma puissance est tout ce qu’elle peut être, elle est toujours effectuée, mais elle était effectuée par des affects dont les uns la diminuent et les autres l’augmentent. Cherchez bien, il n’y a pas de contradiction. Il y a plutôt un étonnant mouvement de pensée parce que là aussi c’est bien. Quand je disais tout concept philosophique a plusieurs épaisseurs, a plusieurs niveaux, jugez-le à un niveau, vous ne l’aurez pas épuisé il y a un autre niveau. Au premier niveau, je dirais Spinoza nous dit : « il faut bien procéder du plus simple au plus compliqué. Dans tous les arts, on fait comme ça, et dans toutes les sciences, on fait comme ça ». Spinoza, à un premier niveau, nous dit : « Je définis les choses, les êtres etc. par une quantité de puissance. Il ne veut pas en dire trop, il ne veut pas s’expliquer complètement. Et le lecteur comprend tout seul que cette quantité de puissance c’est comme une quantité absolue pour chacun.

Deuxièmement, il dit que ce qui remplit la puissance à chaque instant ce sont des affects, ou de tristesse ou de joie. Troisièmement, or les affects de tristesse effectuent ma puissance de telle manière que ma puissance est diminuée, les affects de joie effectuent la puissance de telle manière que la puissance est augmentée. Qu’est-ce qu’il est en train de nous dire ? C’est comme s’il parlait, écoutez bien, il parle par ma bouche. Il vous dit : « J’avais bien être forcé de faire dans la première proposition comme si la puissance était une quantité fixe mais en fait et c’est déjà par là que la puissance est une quantité très bizarre, la puissance n’existe que comme rapport entre des quantités. La puissance en elle-même n’est pas une quantité, c’est le passage d’une quantité à l’autre. Je dirais à la lettre, là j’invente un mot parce que j’en ai besoin, c’est une quantité transitive. C’est une quantité de passage.

Dès lors, si la puissance est une quantité de passage, c’est-à-dire c’est moins une quantité qu’un rapport entre quantités, Il est bien forcé que ma puissance soit nécessairement effectuée mais que quand elle est nécessairement effectuée, elle ne peut être effectuée que dans un sens ou dans l’autre, c’est-à-dire de telle manière qu’en tant que passage elle soit passage à une plus grande puissance ou passage à une puissance diminuée. C’est beau ça. C’est bien. Là il vit quelque chose de très profond concernant ce qu’il faut appeler puissance. Donc, être une manière d’être c’est précisément être un passage. Être un mode, une manière d’être c’est ça. La puissance n’est jamais une quantité absolue, c’est un rapport différentiel. C’est un rapport entre quantité de telle manière que l’effectuation va toujours dans un sens ou dans l’autre. Dès lors, vous aurez deux pôles de l’existence, deux modes d’existence. Exister sur le mode ou je remplis ma puissance ; j’effectue ma puissance dans de telles conditions que cette puissance diminue et l’autre mode d’existence, exister sur un mode ou j’effectue ma puissance de telle manière que cette puissance augmente (…) »

Animal aux aguets

Le récit de Darwin

Le récit de Darwin, ou l’émergence d’un nouveau regard possible sur le monde. Le penser, mais aussi le regarder et le représenter. De l’arbre au rhizome en passant par le corail, tout ce grand jeu des correspondances. Dans la lignée des Lucrèce et autre Spinoza, Darwin nous propose une narration et représentation non finaliste du monde qui fait place à l’histoire singulière. 
Incombe sans doute aujourd’hui à ses  »enfants » de se demander par, dans quel climat ou configuration singulière un tel regard a-t-il bien pu émerger ? Comment a-t-il contaminé, colonisé le terreau des pensée de sorte à constituer cette
 nouvelle « brique » majeure (de décentrement) au sein de l’écologie des idées et des représentations que se font les hommes de leurs rencontres avec le monde.

http://www.dailymotion.com/video/k53gt5sKfZnU58MxNm

Extraits sonores d’après: les vendredis de la philosophie, émission du vendredi 26 septembre 2008, la pensée Darwin. Avec :
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Jean-Claude Ameisen : professeur d’immunologie à l’université de Paris 7 et à l’hôpital Bichat, Il est président du comité d’éthique de l’Inserm et membre du comité consultatif national d’éthique.
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Jean-Marc Drouin : professeur de philosophie et d’histoire des sciences au Muséum national d’histoire naturelle.
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Dominique Lecourt : professeur de philosophie des sciences à l’université de Paris 7, directeur du centre Georges Canguilhem.

http://www.dailymotion.com/video/k57U0KPpTuj5pKIk0l

µ(:)dauphins

µ(:)dauphins dans Art et ecologie dolphin

Citations d’après article « problèmes de communication chez les cétacés et autres mammifères » Grégory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, tome II, Editions du seuil, Paris, 1980, p.137 et suivantes. Source des fichiers sons et images: http://neptune.atlantis-intl.com/dolphins/

Le langage des dauphins

Suite aux travaux du naturalite Jacob Von Uexküll, nous savons maintenant que les animaux ont un monde. Bulle de réalité et biographie propre dont nous ne rencontrons peu ou presque, trop occupés que nous sommes à reconnaître dans la nature des similitudes, des formes plutôt que des affects.

La note suivante présente une petite histoire de dauphin. Petite histoire dont la morale pourrait-être celle d’une plus juste distance de regard entre les mondes.

En 1962, « l’anthropologue » Gregory Bateson quitte l’école de Palo Alto pour Virginia Islands afin d’étudier la communication chez les dauphins.

« Ce mammifère [i.e. le dauphin] m’intéresse plutôt par son système de communication et par ce que nous appelons son comportement, considéré comme un ensemble de données perceptibles et signifiantes pour les autres membres de son espèce. Ce comportement est signifiant, d’abord, dans la mesure où il affecte le comportement d’un animal récepteur et, ensuite, dans celle où un échec manifeste dans la transmission de cette « signification » affectera le comportement des deux animaux. (…) Si nous voulons comprendre le langage des dauphins, une des première chose que nous devons éclaircir, c’est l’interprétation que donne un cétacé de l’utilisation du sonar par un autre membre de son espèceGrégory Bateson

Spottet Dolphins 

Pour aborder d’un point de vue méthodologique l’étude du comportement des dauphins, Bateson mobilise sa théorie de l’analyse transactionnelle du comportement, une théorie composite dégagée au fil de ses différents champs d’études (anthropologie, éthologie animale et psychiatrie).

Une théorie dont il résume les prémisses de la sorte :

1. Une relation à deux (ou plusieurs) organismes est, en fait, une séquence des séquences S-R (stimulus-réponse), à savoir un contexte où se réalise l’apprentissage primaire (proto-learning).

2. L’apprentissage du deuxième degré (deutero-learning), ou «apprendre à apprendre», consiste à acquérir des informations sur les modèles possibles de contextes où se réalise l’apprentissage primaire.

3. Le «caractère» de l’organismeest le résulta de l’ensemble de son apprentissage de deuxième degré et reflète par conséquent, les modèles contextuels de l’apprentissage primaire antérieur.

Bateson précise : « Ces prémisses ne sont qu’une structuration hiérarchisée de la théorie de l’apprentissage, selon les critères fournis par la théorie des types logiques de Russel et Whitehead, qui n’avaient prévu de n’appliquer ces prémisses qu’à l’étude de la communication digitale. »

Risso’s Dolphin (whistle and sonar) 

Bateson se demande alors jusqu’à quel point de tels prémisses sont applicables à la communication analogique, ou aux systèmes qui combineraient analogique et digitale. C’est dans ce sens que Bateson orientera ses recherches sur la communication des dauphins.

Dès lors ses hypothèses sont les suivantes:

« On peut donc logiquement envisager l’hypothèse que la vocalisation des dauphins est une expression digitale des fonctions µ. »

C’est-à-dire une communication d’un type tout à fait inhabituel et de laquelle il précise immédiatement:  

« (…) J’ignore quels peuvent être les aspects d’un système digital primaire, dont l’objet serait la communication sur des modèles de relation ; il y a cependant, de fortes chances qu’il offre des aspects différents de ceux d’un langage sur les choses, et sans doute se rapprocherait-il davantage de la musique. »

Risso’s Dolphin (just the « whistle) 

Digital et analogique

Dans une communication digitale, il ne s’agit pas de grandeurs mais seulement de noms (codes) désignant des positions dans une matrice.
Dans une communication analogique, on utilise à contrario des grandeurs réelles qui correspondent à des grandeurs réelles au niveau de l’objet du discours.

« Nous savons pourquoi les gestes et les intonations nous sont partiellement compréhensibles, et pas les langues étrangères : c’est parce que le langage est digital, tandis que la kinésie ou les signaux paralinguistiques [i.e. l'expression faciale, le remuement de la queue, le serrement du poing, la supination de la main, le gonflement des narines...] sont analogiques »

Exemple. Imaginons un texte scientifique pubié en japonais. Les idéogrammes, aujourd’hui devenus digitaux, nous seront donc par là même intuitivement incompréhenssibles sans la maîtrise de la langue japonaise (code).
A l’inverse, nous pourront comprendre partiellement les courbes cartésiennes qui illustrent ce texte, dans la mesure où celles-ci sont analogiques.

« Le langage verbal, lui, est purement digital dans presque tous ses éléments. Le mot grand n’est pas plus grand que le mot petit, en général, on ne trouve rien, dans le schéma du mot table, (c’est-à-dire dans le système de grandeurs qui lui sont corrélatives), qui pourrait correspondre au système de grandeurs corrélatives qu’il désigne. Au contraire, dans la communication kinésique et paralinguistique, l’ampleur du geste, la profondeur de la voix, la longueur de pause où ou la tension du muscle correspondent (directement ou inversement) aux grandeurs de relation qui font l’objet du discours. »

http://www.dailymotion.com/video/x2l935 « Le langage digital baigne dans une véritable glu analogique »

Dans sa traduction du digital et de l’analogique de Bateson, Deleuze présentera le langage digital comme un langage articulé codé (conventions) portant sur les états de chose, le langage analogique, par un langage non articulé portant sur les relations – essentiellement de dépendances – entre un émetteur et un récepteur. Ainsi, d’un langage analogique je déduis les états de chose, d’un langage digital, j’induis des relations.

dolphin2 dans Bateson

Common Dolphin (lots of sonar) 

Fonction µ

Le langage analogique, où le comment s’expriment les relations de dépendances. Chez les mammifères à communication préverbale, l’hypothèse de Bateson est la suivante: le discours porte d’abord sur les règles et les aléas des relations. Le discours a pour tout premier objet la relation. 
Les mammifères à communication préverbale s’exprimant en termes de modèle et de possibilités de relations, l’homme ne peut avoir qu’un rapport à ce type de communication nécessairement déductif.
Ainsi le chat ne miaule pas du « lait », il miaule, ou plutôt exprime, sa relation de « dépendance » alimentaire vis-à-vis de son maître. 
Ce dernier en déduit alors que le chat « demande » son lait.
Ce miaou-miaou du chat, Bateson le « code » avec humour en formulant la fonction miaou, mu, … qui en finit par devenir µ.

« C’est la nécessité d’une étape déductive qui distingue tout à la fois la communication préverbale des mammifères, de celle, tout à la fois des abeilles comme de l’homme. Le fait exceptionnel, la grande nouveauté qui a caractérisée et la formation et l’évolution du langage humain, n’a pas été l’abstraction ou la généralisation, mais la découverte du moyen de parler de manière spécifique d’autre chose que des relations. »

« Ce que je crois (…) c’est qu’ils [i.e. les dauphins] se préoccupent des modèles de leurs relations réciproques. Appelons cette communication sur les modèles des relations, fonction µ du message. Lorsqu’ils en ont besoin, les animaux à communication non verbale communiquent sur les choses, en utilisant les signaux qui relèvent d’abord de la fonction µ. Au contraire, les humains se servent du langage, lequel porte d’abord sur les choses, pour parler de relations. »

Conclusion de Bateson, n’attendez surtout rien d’une possible compréhension du langage des dauphins !

« Mon impression, (…) est qu’il n’y a pas vraiment eu de passage [i.e. chez les dauphins] de la kinésie à des formes de paralinguistiques, comme on le suppose d’habitude. Nous autres mammifères terrestres, nous sommes familiarisés avec la communication paralinguistique ; nous l’utilisons nous-mêmes par des gémissements, grognements, rires, pleurs, modulations de la respiration (…) Pour cette raison, les signaux paralinguistiques des autres mammifères ne nous paraissent pas complètement obscurs. (…) Mais des sons émis par les dauphins, nous ne pouvons rien deviner

Common Dolphin 

« Chez tous les mammifères les organes sensoriels (les yeux, les oreilles, le nez) deviennent aussi des organes de transmission de messages à propos des relations. L’adaptation à la vie dans les océans a dépouillé les cétacés de toute expression faciale. Il est donc vraisemblable que chez ces animaux [i.e. les dauphins], la vocalisation ait remplacé la fonction de communication [i.e. analogique], qui est assumée, chez les autres animaux, par l’expression faciale, le remuement de la queue, le serrement du poing, la supination de la main, le gonflement des narines (…) Ce qui a du se passer avec eux [i.e. les dauphins], c’est que les informations que nous nous-mêmes, humains, ainsi que les autres mammifères terrestres, pouvons recueillir visuellement, ont été déplacées dans la voix. »

Il est donc possible pour Bateson que les dauphins aient réussi à intégrer dans leur « langage » toutes les nuances de nos gémissements, grognements, rires, pleurs, modulations de la respiration. 

« Personnellement, je ne crois pas que les dauphins possèdent ce qu’en linguistique humaine on pourrait appeler un langage. Je ne pense pas qu’aucun animal dépourvu de main serait assez stupide pour en arriver à un mode de communication aussi inadapté : pourquoi utiliserait-on une syntaxe et un système de catégorie ne visant que les choses qu’on peut manipuler, au lieu de communiquer sur des modèles et des possibilités de relations ?  »

Bottlenose Dolphins 

« L’homme dispose lui aussi de quelques mots pour exprimer ces fonctions µ, par exemple : amour, respect, dépendance … Mais ces mots n’ont qu’une fonction très pauvre dans la communication sur les relations entre personnes. Si vous dites à une fille : je vous aime, elle attachera certainement beaucoup plus d’importance aux signes kinesthésiques et paralinguistiques qui accompagnent votre déclaration, qu’aux mots eux-mêmes (…) nous préférons nettement que nos signes affectifs restent analogiques, inconscient et involontaires. Nous avons tendance à nous méfier de ceux qui sont capables de simuler les messages concernant les relations. Pour toutes ces raisons, nous n’avons aucune idée de ce que pourrait être une espèce pourvue d’un système de communication digital, fut-il si simple et rudimentaire, et dont l’objet principal serait les fonctions µ. »

http://www.dailymotion.com/video/x2frh6 « Coder des fonction µ, mettre de l’analogique dans le code. »

Coder l’analogique, la possibilité d’une rencontre

Les dauphins n’ayant plus les moyens de pratiquer le langage analogique sous l’eau, ceux-ci inventent donc le codage (la digitalisation) des fonctions µ analogiques des mammifères terrestres. Et le résultat n’a rien à voir avec un langage conventionnel tel que le notre.
Il ne s’agit pas d’un langage digital de codes, mais bien d’un codage de l’analogique en tant que tel. Dès lors le contenu analogique de ce language n’exprime rien des états de chose, mais seulement des relations de dépendance.

picassa dans Deleuze 
crédits

C’est cette possibilité de greffer un code binaire sur du pur langage analogique qui fera dire à Deleuze qu’un peintre abstrait compose à la manière du dauphin. C’est à dire qu’il invente un code, pictural en l’occurrence, afin d’exprimer toute une matière ou un contenu analogique.

C’est peut-être donc sur cette ligne de l’homme pris dans les codes de la peinture, du dauphin pris dans ceux de l’océans, que ceux-ci partagent un affect ou devenir commun. Croisement hasardeux et/ou nécessaire pour la résonnance d’un discours qui tente de s’épurer des forces de l’anthropocentrisme et anthropomorphisme associées.

« J’espère que le dauphin nous enseignera une nouvelle méthode d’analyse de tous les modes d’information dont nous avons besoin pour défendre notre santé mentale. » Grégory Bateson

***

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Sans aller dans le détail, les dauphins génèrent ces anneaux sous l’eau, pour s’amuser. En faisant un mouvement brusque de leur tête ils font apparaître cet anneau argenté devant leur bec. Cet anneau ne remonte pas à la surface ! Il reste dans une position verticale dans l’eau. Le dauphin peut créer un nouvel et plus petit anneau à partir du grand. En mordant dans l’anneau il le désintègre en milliers de petites bulles qui remontent à la surface. Cet anneau est en fait un vortex généré par l’extrémité de l’aileron dorsal et dans lequel est soufflé de l’air à travers l’évent. L’énergie générée par le vortex est suffisante pour empêcher les bulles d’air de remonter à la surface pendant un certain temps… le temps pour le dauphin de jouer avec l’anneau…

Dire autrement

Petite écologie d'un insecte urbain

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Non-free sex

http://www.dailymotion.com/video/kY8MHP60sbpt6AKomV Voix et texte de Michel Foucault, commentaires de François Cusset, France Culture, les nouveaux chemin de la connaissance du 28/08/08

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Chez nombre d’insectes, l’acte de reproduction se produit simplement de la simple rencontre des deux sexes. Mais cette rencontre est très rarement fortuite, le plus souvent fortement codée, précédée et conclue de diverses manœuvres dansantes pouvant être forts complexes, comme fatales au mâle.

Ainsi chez les araignées, le code pratiqué par le mâle a notamment pour objectif d’éteindre l’instinct carnassier de la femelle le temps du coït. Chez les arachnides solifuges, du latin « qui fuit le soleil », les attouchements du mâle transportent ainsi la femelle dans un véritable état de catalepsie qui lui permet de la manœuvrer à sa guise le temps de l’accouplement.
Chez les araignées « tisseuses », le mâle s’aventure avec grande précaution sur la toile qu’occupe une femelle. Depuis un bord de toile, il saisit de ses griffes quelques cordes qu’il fait vibrer. La femelle distingue les vibrations musicales de la toile causées par un mâle, et répond au code de la même manière. Le résultat de cette communication télégraphique a pour conséquence de plonger la femelle dans un véritable état d’hypnose. La femelle ainsi devenue inerte, le mâle dispose alors de quelques instants pour s’accoupler. De quelques instants, car une fois l’acte sexuel accomplit l’instinct carnassier de la femelle réapparaît aussitôt, le mâle étant alors dévorer par sa partenaire s’il n’est pas assez agile pour s’échapper.

Chez d’autres espèces comme la Mante religieuse, l’instinct carnassier de la femelle n’est pas éteint pendant l’accouplement. Le mâle, pour qui l’instinct sexuel est plus fort que l’instinct de conservation, est ainsi décapité durant l’accouplement. Notons que même privé de sa tête, le mâle continue néanmoins à remplir son rôle reproducteur. Il semble même que son activité génitale s’en trouve d’autant augmentée, la suppression de certains des centres nerveux déterminant une exagération de ses réflexes.
Comme il s’agit pour nous de toujours garder en tête une perspective humaine dans nos diverses ballades, analogies qui ne soulignerait pas des similitudes mais révèleraient des différences qui font différences, c’est-à-dire des idées, alors petit extrait audio d’un fragment de l’histoire de la sexualité des hommes par Michel Foucault.

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