Archive pour la Catégorie 'Ecosystemique'

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Evolution, intégration et organisation. De l’algue bleue à la multinationale… quelques résonances et analogies, sur quoi se branche-t-on ? Version, versant - La grandeur de l’homme, c’est qu’il est un pont et non une fin - Friedrich Nietzsche in Ainsi parlait Zarathoustra

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Pluri

 

Source : la plus belle histoire des plantes - Jean-Marie Pelt, Marcel Mazoyer, Théodore Monod, Jacques Girardon - Seuil 2004 – p.28-32.

Le mystère du noyau 

Jacques Girardon : (…) entre elle [l’algue bleue] et nous, que s’est-il passé ?

Jean-Marie Pelt : Un mystère. Le troisième mystère des origines de la vie. Parce qu’il y en a trois. Au commencement est le big bang, la formation du monde, de notre Terre… Le premier milliard d’années est le temps de la chimie pré-biotique… L’apparition de la vie est un premier mystère, mais plus tout à fait, puisqu’en a approximativement réussi reproduire en laboratoire les molécules constitutives du vivant, en recréant l’atmosphère primitive de la Terre.
Ensuite, deuxième mystère : on ne voit pas comment et à quel moment précis la, chlorophylle s’installe dans une cellule. Et on ne le saura jamais.
Le troisième mystère est donc celui du passage de l’algue bleue à la cellule végétale à noyau, trois milliards d’années après la naissance de la Terre. Ou, pour utiliser les termes scientifiques, le passage de la cellule dite « procaryote » à la cellule complète, dite « eucaryote ». L’apparition de la vie n’avait nécessité qu’un milliard d’années. Moitié moins que le regroupement des chromosomes en noyau!

Jacques Girardon : Deux milliards d’années sans évolution notable, ça fait un sacré bail ! Alors pourquoi cette vie primitive’ qui semblait si stable s’est-elle soudain mise à se perfectionner, à associer des cellules, bref à partir dans tous les sens et à évoluer de plus en plus vite ?

Jean-Marie Pelt : On n’en sait rien. Pas plus qu’on ne sait comment le noyau s’est formé. Aucune théorie n’est performante sur le sujet. Aucune hypothèse satisfaisante. Certains biologistes comme Lynn Margulis évoquent une bactérie qui, par une sorte de transgression, serait devenue énorme, ne parvenant plus à échanger ses gènes avec les autres parce que ceux-ci étaient dilués dans la masse de la cellule… Ils se seraient donc regroupés au centre…

Il faut être honnête et le dire clairement : actuellement, on ignore la façon dont ça s’est passé. On sait seulement qu’il y a un milliard et demi d’années sont apparues des cellules à noyau, alors que depuis deux milliards d’années n’existaient que les algues bleues.

Jacques Girardon : Le noyau apparaît à ce moment-là, ou est-ce qu’on ne le détecte qu’à cette époque ?

Jean-Marie Pelt : Nous le repérons, nous, à ce moment-là.

Jacques Girardon : Il a donc pu exister, bien avant, des cellules à noyau, sous une forme transitoire, et qui ont disparu après avoir donné naissance à celles, plus compétitives, que nous connaissons ?

Jean-Marie Pelt : Peut-être. C’est très souvent comme cela que ça se passe. Les êtres qui ont survécu ou laissé des empreintes étaient les plus performants. Mais il est probable, lorsque l’on trouve un fossile, qu’il s’est passé mille choses auparavant dont on ne saura jamais rien. Les prototypes ont disparu définitivement : seules les fabrications en grandes séries laissent des traces.

Jacques Girardon : Un jour, donc, est apparue une très grosse cellule…

Jean-Marie Pelt : … au centre de laquelle tous les chromosomes étaient regroupés, formant un noyau, qui s’entourait d’une membrane. Mais cette disposition ne permettait plus le transfert ni la réception des patrimoines héréditaires par simple contact. Le libre échange des gènes, pour reprendre une expression économique, ne fonctionnait plus. L’échange d’information entre les grosses cellules à noyau devenait impossible. Celles-ci ont alors eu recours à la sexualité qui, depuis, brasse les gènes de génération en génération.

Première capture, premier asservissement 

Jacques Girardon : Sexualité et noyau de la cellule ont donc été inventés de pair, mystérieusement.

Jean-Marie Pelt : Absolument. Inventés, comme toujours par accident, et sélectionnés par l’évolution. Et il s’est alors passé une chose très étonnante : on s’est aperçu que la grosse cellule à noyau, organisme déjà sophistiqué, avait capté des algues bleues ! Elle les a absorbées pour en faire des chloroplastes – la partie de la cellule végétale qui effectue la photosynthèse. 

Des algues bleues ont été intégrées dans un ensemble plus complexe… C’est là où l’on voit combien le phénomène de symbiose, négligé par les biologistes, a pu jouer un rôle essentiel dans le passage de certains caps de l’évolution.

Jacques Girardon : La cellule a capturé des algues bleues parce que celles-ci savaient faire la photosynthèse ? Elle les a en quelque sorte, « avalées », et les a fait travailler pour se nourrir…

Jean-Marie Pelt : Oui. Et l’on est passé à ce moment-là, à un niveau d’organisation très supérieur. Les chromosomes étaient regroupés dans un noyau, protégés par une membrane avec, autour, un cytoplasme qui fabriquait du sucre à partir dé gaz carbonique, d’eau et de lumière. La cellule était déjà une petite usine, contrairement à la bactérie où tout est mélangé, interchangeable, moins organisé.

Jacques Girardon : Cela se passait donc il y a un milliard et demi d’années. Quand le monde végétal va-t-il inventer le monde animal ? Quand se situe 1′ embranchement, l’apparition de la fameuse bouche ?

Jean-Marie Pelt : On l’ignore totalement ! On sait comment des êtres très anciens conservés jusqu’à aujourd’hui, les péridiniens – l’algue dont nous parlions tout à l’heure -, passent, par juxtaposition, du végétal l’animal. C’est tout.

Jacques Girardon : Je vais formuler ma question autrement : A partir de quand trouve-t-on la trace d’êtres qui vivent sans faire de fermentation ni de photosynthèse ?

Jean-Marie Pelt : Ils semblent être apparus en même temps que la cellule à noyau et la sexualité.

Jacques Girardon : Décidément, il s’est passé des tas de choses extraordinaires, il y a un milliard et demi d’années !

Jean-Marie Pelt : Oui, un cap essentiel a été franchi. D’ailleurs, c’est encore durant cette même période qu’a été inventé un autre phénomène fondamental : l’organisation pluricellulaire. Dès que les cellules à noyau ont existé, elles se sont mises à coopérer. Elles se sont regroupées, non pas en se juxtaposant simplement, comme dans une colonie d’algues bleues, mais en se spécialisant.

Elles ont inventé la division du travail avec, en, particulier, la notion d’un dehors exposé l’environnement et d’un dedans, protégé. Chaque cellule, en se spécialisant, a dû faire des sacrifices et devenir dépendante des autres.
Celles du centre ne recevant plus la lumière étaient incapables d’assurer la photosynthèse ; elles devaient donc être alimentées par les cellules périphériques. Mais elles formèrent un squelette, nécessaire à l’architecture des grandes algues pluricellulaires que l’on voit sur le littoral. De même, toutes ne pouvaient pas se diviser sous peine de produire un mouvement chaotique, donnant à la plante des formes qui ne lui permettraient pas de survivre. Chez les algues vertes par exemple, la capacité de se diviser n’appartient qu’aux cellules spécialisées qui, à l’extrémité des filaments, permettent l’accroissement en longueur.

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 Pluri

Source : Terre à terre - Interview de Pierre-Henri Gouyon - Emission du 15 janvier 2011

Ruth Stégassy : Pierre Henri Gouyon (…) je voudrais que vous nous parliez d’une théorie que vous avez, qui nous ramène alors là pour le coup à la génétique des populations, sur la façon dont la vie s’organise, se structure. On sait qu’elle va vers davantage de complexité, mais vous avez là dessus des idées que je trouve tout à fait intéressantes.

Pierre-Henri Gouyon : En fait, l’histoire de la vie, c’est une histoire dans laquelle progressivement une information génétique a constitué des ordres et des formes vivantes qui la reproduisaient de mieux en mieux. Et au début, ça a consisté à fabriquer des cellules, qui se divisaient. Et dans chaque cellule se trouvait l’information génétique de la cellule de départ. Et de cette façon, il y avait perpétuation de l’information. Et il y a ce que l’on appelle des grandes transitions dans l’évolution. L’une des grandes transitions c’est le passage à l’état pluricellulaire. Il est arrivé un grand nombre de fois dans l’histoire de la vie que des cellules, au lieu de vivre leur vie séparément, s’organisent en organismes. Et puis progressivement, si ces organismes se développaient suffisamment, et bien les cellules de l’organisme perdent beaucoup de leur individualité. C’est le cas pour nous : une cellule de notre peau, une cellule nerveuse, etc, ne sont plus des cellules qui sont dans ce jeu de reproduction. Elles s’arrêtent à un moment ou à un autre de se reproduire, et elles sont en quelque sorte au service de l’organisme qui les porte.
Alors il y a des collègues qui travaillent sur la question de savoir quelles sont les conditions dans lesquelles se produit cette transition. Qu’est-ce qui va faire que des cellules abandonnent leur autonomie, et s’assemblent et se différentient, de manière à ne devenir que les éléments d’un organisme. On n’est pas encore au bout de ces recherches du tout. Il y a un collègue en Arizona qui s’appelle Rick Michod, qui travaille beaucoup là dessus, avec qui j’ai pas mal discuté. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’un des éléments importants, c’est que l’assemblage pluricellulaire, ait des potentialités évolutives plus grandes, qu’il y ait plus de variations de résultats entre deux organismes qu’entre deux cellules, en quelque sorte.

Ruth Stégassy : ça n’est pas toujours le cas ?

Pierre-Henri Gouyon : Non. On pourrait imaginer des cas où il y ait des très grandes variations de taux réussite entre les cellules individuelles, et puis qu’au fond, une fois qu’elles sont assemblées, ça ne change plus grand chose. A ce moment là, ça ne marcherait pas, probablement ; il faut aussi que l’organisme arrive à avoir un minimum de contrôle sur les cellules individuelles qui le composent. Et en regardant ça et en regardant un certain nombre de films, de livres etc… sur ces questions, il y a un film en particulier que je recommande à tous les auditeurs : The Corporation. Je trouve que c’est un film remarquable, qui montre justement que les entreprises, dans nos sociétés d’abord, sont des personnes. Officiellement des personnes dites morales. Et ça a été un progrès sur le plan juridique de les traiter de personne, parce qu’on pouvait enfin les condamner. Ceci dit, malheureusement, on ne peut pas les condamner à grand chose, tout compte fait, on ne peut pas les mettre en prison (…)

Ruth Stégassy : D’où l’on comprend que vous estimez que le contrôle aujourd’hui n’est pas suffisant sur ces entreprises.

Pierre-Henri Gouyon : Non, ces personnes morales ont une logique qui est la leur. Ce n’est pas la logique des individus qui la constituent ; c’est la logique de la personne morale en question, c’est-à-dire une logique de maximisation du profit, de rétribution aux actionnaires, etc. Et plus ça va, plus ces personnes, en quelques sortes, agissent sans aucun contrôle, enfin avec un contrôle extrêmement faible. Et surtout, plus ça va, plus ces personnes s’affranchissent de la volonté humaine. D’ailleurs, les mots traduisent cela d’une façon incroyable, puisque non seulement les entreprises parlent au nom des personnes, mais dans les entreprises, les êtres humains et les personnes physiques sont devenus des ressources, des ressources humaines. Donc on a une inversion extraordinaire. Pour moi, les entreprises devraient être des ressources pour les humains, et ne devraient pas être des personnes. Et en fait, les entreprises sont des personnes juridiquement, et les humains sont les ressources pour l’entreprise.
Donc ces entreprises sont en train d’acquérir une espèce d’autonomie. Et c’est un truc qui est bien montré dans le filme The Corporation : c’est qu’au fond, les gens, même les dirigeants des sociétés les plus pourries, peuvent être des gens très sympathiques. Simplement ils font ce qu’ils doivent faire. Et tout compte fait, personne n’a plus le contrôle du système, puisque les actionnaires ne sont plus des personnes physiques assez souvent, mais des gestionnaires de fonds de pension qui ont une mission très simple qui est de maximiser les dividendes qu’ils reçoivent. Du coup, ils n’exigent que cela des dirigeants de l’entreprise. Et les dirigeants de l’ entreprise n’ont pas le choix s’ils veulent rester à leur place : ils doivent maximiser les profits. Et ainsi de suite. Et on a ainsi une chaîne de non responsabilité humaine.
Dans ce système, les entreprises, par le fait qu’elles se reproduisent, puisqu’elles fabriquent des filiales etc, etc, et qu’elles sont soumises à une très forte sélection, bien sûr, les entreprises qui ne font pas jouer le jeu qu’il faut, vont s’éteindre. Hé bien les entreprises sont en train de devenir des espèces de super organismes, dans lesquels les individus ne sont plus que des cellules. Elles prennent un contrôle croissant sur les individus humains. Ça malheureusement, les scientifiques y contribuent aussi, parce que le neuromarketing, et toutes ces études où on essaye de comprendre le comportement humain, et d’agir dessus, ça va à tous les niveaux, depuis les laboratoires de sociologie dont la mission est de trouver comment faire accepter les choses aux gens, d’acceptabilité du risque ou autre.

Ruth Stégassy : On serait donc, Pierre Henri Gouyon, à une époque de transition, où on passerait des modèles de société à des super-organismes qui seraient ces fameuses entreprises. Mais justement, si j’emploie le terme de société, c’est parce que de fait, on a bien compris ce que vous décriviez : à l’intérieur de chaque entreprise, les individus deviennent des cellules qui perdent leur autonomie, et qui sont au service de l’entreprise. Mais est-ce que ça n’a pas toujours été le cas au sein des sociétés qui ont été construites par les humains ?

Pierre-Henri Gouyon : Je pense que ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’on a fabriqué un écosystème – éco dans le sens plutôt d’économique que d’écologique – dans lequel la lutte pour l’existence est devenue le seul critère, et dans lequel effectivement ces entreprises commencent à se reproduire sans avoir plus aucun contrôle, sans être contrôlées. Je pense qu’on n’était pas dans cette situation là avant. Le système néolibéral est plus ou moins explicitement calqué sur le darwinisme, il faut quand même bien le dire, et l’idée que c’est la sélection entre les entreprises qui conservera les meilleures, etc, est constamment avancée comme un des éléments d’efficacité du système néo-libéral.
Je pense qu’on a fabriqué là quelque chose de tout à fait spécial. On peut dire que les Etats aussi essayent d’asservir les individus, que les églises… qui vous voudrez. Mais il n’y a jamais eu cette pression de sélection extrêmement forte, qui faisait que se fabriquait une dynamique du système, qui s’auto-organise, de sorte que les entreprises deviennent des objets qui agissent quasiment comme des êtres vivants. Ce qui est rigolo d’ailleurs, c’est qu’on m’a dit : oui, mais cela de toute façon, ça ne va pas durer, il va y avoir des crises économiques, etc… mais les crises écologiques qui ont eu lieu à la surface de la Terre ont fait disparaître beaucoup d’organismes vivants, mais elles n’ont pas fait disparaître la vie, et elles n’ont pas fait disparaître les organismes pluricellulaires. Je pense qu’une fois qu’on a mis en place une dynamique darwinienne fondée sur une transformation d’information, et la reproduction de cette information par des entités, qui éventuellement se composent d’éléments qui coopèrent, et bien cette dynamique là est extrêmement forte. C’est ça que nous apprend la biologie évolutive : c’est incroyable ce que la puissance de ce système de sélection naturelle a pu faire.

Ruth Stégassy : Mais alors, est-ce à dire que les jeux sont faits, et que nécessairement on ira dans ce sens là ? Ou alors, est-ce que le fait que l’information soit passée de l’ADN aux ordinateurs, n’empêchera pas que là encore, au-delà des processus puissants que vous évoquez, les processus puissants de sélection, il y ait encore de la variabilité, il y ait encore des mutations, des migrations, voire même une sexualité (rire) des entreprises, qui permettraient que tout cela change, évolue, soit bousculé ?

Pierre-Henri Gouyon : Non mais moi je ne vous dis pas… D’abord, je ne sais absolument pas ce qui se passera, franchement je n’en sais rien. Ce que je vois, c’est que se met en place une dynamique qui ressemble à une dynamique que je connais. Est-ce que c’est souhaitable d’abord ? Je n’en sais rien, moi.

Ruth Stégassy : ça n’a pas l’air de l’être.

Pierre-Henri Gouyon : Voilà, ça ne me séduit pas à l’avance. Mais il faut toujours faire attention à notre incapacité à voir un avenir différent de notre présent comme positif. En admettant que ça ne le soit pas, est-ce qu’il y a moyen d’empêcher que ça se passe comme ça ? Ça sincèrement, je n’en sais rien. Je pense que la seule chose que l’on peut faire, c’est d’essayer de montrer qu’il y a quelque chose de dangereux qui est en train de se mettre en place. Je pense que ce sentiment que personne ne pilote plus le bateau, est un sentiment très partagé. Je pense qu’on l’entend tous les jours, dans toutes les couches de la société, ce n’est pas une découverte, franchement. Ce que je peux proposer, c’est une explication pourquoi il n’y a plus de pilote. Il n’y a plus de pilote parce qu’on a mis en place un système auto-reproductible, et qui se met à se piloter lui-même.

Ruth Stégassy : Mais est-ce qu’il n’y a pas, dans vos connaissances de la génétique, des éléments qui permettraient justement de voir qu’il y a d’autres possibilités, qu’il y a des alternatives ? Je pense par exemple au fait que vous avez décrit là un système extrêmement pyramidal, où le super-organisme contrôle, d’une certaine manière, contrôle et dicte aux cellules qui le composent, ce qu’elles ont à faire. Mais vous dites également, Pierre Henri Gouyon, que les cellules interagissent entre elles, se donnent des informations, quelque chose d’assez démocratique, si on continue dans cette sorte de parallèle que nous faisons.

Pierre-Henri Gouyon : Dans notre organisme à nous, les cellules interagissent beaucoup. Ça ne les empêche pas de fonctionner, pour un but commun, qui est la survie et la reproduction de notre corps. Donc je pense que si jamais la question qu’on est en train de poser là est prise au sérieux, ce qu’il conviendra de faire, sera d’étudier bien quelles sont les conditions dans lesquelles les super-organismes en question prennent un pouvoir exorbitant, au détriment vraiment des organismes qui les composent, des êtres humains dans le cas présent. Et quelles sont les conditions dans lesquelles ça n’arrive pas, et d’essayer de mettre en place les conditions pour lesquelles ça n’arrive pas.
Maintenant, il y a un certain nombre de gens qui ont théorisé quand même tout le fonctionnement néolibéral, et qui ont dit que c’était ça qui était bon. Ils l’ont fait, en sachant très bien qu’il y aurait de la casse chez les humains. Donc comment on fait les choix dans ces domaines-là ? Comment est-ce que le milieu social et politique opère des choix ? Pour moi, ça reste un peu mystérieux. Pourquoi est-ce qu’ils ont eu un tel succès, les gens qui ont décidé qu’il fallait faire ça ? Pourquoi est-ce que tout le monde les a suivis, pourquoi est-ce que tout le monde continue à les suivre ? Pourquoi est-ce qu’on entend dire des choses aussi absurdes au niveau européen, comme le fait que le problème avec les Français, c’est qu’ils aiment bien leurs services publics ? S’ils aiment bien leurs services publics, ce n’est pas un problème, au contraire. C’est un problème si on a décidé qu’il ne fallait plus de services publics, parce que les gens ne les aiment pas, mais à ce moment-là ça se contredit. Donc qu’est-ce qui détermine au niveau social le fait qu’on ait décidé à ce point là d’aller dans cette direction-là ? Sincèrement, je n’en sais rien. Je ne vois même pas qui a vraiment à y gagner, entre nous. Je pense qu’il est moins drôle d’être dirigeant d’entreprise aujourd’hui que ça ne l’était avant. Personne n’est gagnant dans ce jeu. J’espère quand même que si on démonte un peu ce mécanisme là, il y aura un sursaut et qu’il y a des gens qui vont se dire qu’on ne peut pas continuer comme ça.

Ruth Stégassy : Votre hypothèse a en tout cas un mérite qui me paraît essentiel, Pierre Henri Gouyon, c’est qu’elle rend obsolète la fameuse théorie du complot, qui est très souvent employée pour dénoncer ceux qui ont un regard critique sur le système qui est en train de se mettre en place. Il n’y a pas de théorie du complot, dans ce que vous dites.

Pierre-Henri Gouyon : Il y a eu une espèce de complot pour mettre en place un système néolibéral dur. Mais une fois que c’est fait, il n’y a plus du tout besoin de complot : le système marche tout seul. Je pense que c’est particulièrement vrai pour des cartésiens comme les Français. Je pense que c’est difficile d’accepter la théorie darwinienne de l’évolution. Quand on voit un œil, ça a l’air tellement bien fait. Comment s’imaginer que ça s’est fait juste par une série de variations au hasard et de sélections de ce qui marchait le mieux, et on recommence ?
Bon, sur 2,5 milliards d’années, ça fait du temps pour arriver à trouver des trucs. 2,5 milliards d’années, c’est tellement gros qu’on n’arrive même pas à s’imaginer ce que ça peut vouloir dire, en fait. Mais enfin, je pense qu’effectivement, ce système darwinien a une puissance qui est très contre intuitive. Je trouve que ce n’est pas facile de comprendre à quel point un système de sélection agissant sur des variations est puissant. Et du coup, je pense que ce n’est pas facile de voir ce que ça pourrait faire, ce système que je vous décris là.

Ruth Stégassy : Mais surtout, ce que ça rend difficile, me semble-t-il, c’est de voir comment il serait possible de l’infléchir. Vous disiez tout à l’heure, on peut regarder quelles sont les conditions favorables à l’émergence d’un tel super-organisme, et celles qui sont défavorables. En même temps, dans ce que vous décrivez, on se sent un petit peu impuissant.

Pierre-Henri Gouyon : Il reste la loi. Moi, je crois que la loi, c’est important. Et voilà, moi quand je vous disais tout à l’heure que je suis pour la peine de mort pour les personnes morales, je pense que lorsqu’une entreprise a fait quelque chose de suffisamment grave, et bien il faudrait absolument qu’elle soit dissoute, avec impossibilité de la refabriquer, et avec d’ailleurs distribution de ses avoirs, confiscation de ses avoirs. Ce qui fait d’ailleurs que du coup, les actionnaires deviendraient un peu plus prudents avec ce qu’ils font faire à leurs entreprises, quand même.
Vous voulez un exemple : Monsanto répand de l’agent orange sur le Vietnam, et provoque des catastrophes humanitaires monstrueuses, à cause de malformations qui sont liées à cela, et bien Monsanto est dissoute, et puis voilà on n’en parle plus. Et ça ferait déjà un problème de moins sur Terre. Et même plusieurs problèmes de moins. Je pense qu’il faudrait renforcer la loi sur les personnes morales, ça c’est déjà le premier point, de manière à les rendre plus compatibles avec ce que les humains peuvent souhaiter.

Ruth Stégassy : Mais pour cela, il faudrait que les sociétés s’emparent de la question, et décident collectivement de voter ces lois. Or aujourd’hui, on s’aperçoit qu’une sorte d’inertie frappe les organismes qui sont chargés de voter, justement.

Pierre-Henri Gouyon : Ben ce qui me fait peur, moi pour le moment… c’est pour ça que je ne suis pas sûr. Je pense que si on doit réagir, ça ne doit quand même pas être trop tard. Il ne faut pas trop attendre. Ce qui me fait peur, c’est qu’on a l’impression qu’effectivement, ces personnes morales ont la capacité – évidemment elles ont des moyens extrêmement élevés – d’essayer de démolir les gens qui les embêtent.
Alors il n’y a qu’à voir ce qu’on fait dès qu’un type comme le patron de Wikilix fait des choses qui ne plaisent pas: instantanément, on va chercher, fouiller dans sa vie privée, faire des choses absolument dégoûtantes pour essayer de le museler. Ces entreprises ont des moyens de soutenir des candidats politiques, et d’en démolir d’autres. Elles commencent même – et moi c’est ce qui m’inquiète – à avoir le pouvoir de ruiner des pays. Un pays qui ne ferait pas les choix politiques qu’il faut, on commence à être à une période où tout compte fait on a l’impression que les super-organismes peuvent détruire un pays si jamais il ne fait pas ce qu’il faut. Alors là, si on en est là, il commence à être un peu tard pour réagir.
Mais justement, raison de plus pour essayer de le faire vite. Je pense que ces entreprises auraient besoin qu’il y ait des lois qui soient spécifiques pour leur fonctionnement. Et, toujours pareil, je vais me permettre de citer ce film d’ailleurs qui est aussi un livre, The Corporation, puisqu’il montre que si ce sont des personnes, alors selon les critères de la loi américaine, ce sont des psychopathes. Puisque les critères de la loi américaine : un psychopathe = incapacité à ressentir la douleur d’autrui, incapacité à absorber une morale, recherche exclusive de son propre intérêt, etc… Vous prenez la liste des critères qui définissent un psychopathe aux USA, et les personnes morales sont des psychopathes. Alors si ce sont des psychopathes, il faudrait peut-être quand même fabriquer des asiles pour elles.

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L’élément N et le végétal (5)

 cycle

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« Tout organisme est une mélodie qui se chante elle-même. »
« Chaque espèce vit dans un environnement unique, qui est ce qui lui apparaît  déterminé par son organisation propre. »
« Chaque cellule vivante est un mécanicien qui perçoit et agit (…) [l’organisme le fruit de la] collaboration de l’ensemble de ses mécaniciens. »
Jakob von Uexküll

« Un champ d’espace-temps a été ouvert : il y a là une bête. »
Maurice Merleau-Ponty

« Des nuages d’intelligibilité flottent autour de nous et s’entrecroisent, s’étendent, se rétractent. Le déploiement d’un Umwelt, écrit Von Uexküll, c’est une mélodie, une mélodie qui se chante elle-même : la mélodie est à la fois chant proféré et chant entendu à l’intérieur de soi. Chaque animal a en lui le chant de son espèce et commet sa variation. Ce chant varié décrit un paysage, autrement dit une lecture du paysage, un parcours, une traversée, une captation, une remémoration. Il en est des animaux grégaires, au champ d’espace-temps circonscrit, il en est d’autres qui l’étendent, et pour les migrateurs, sur des distances considérables : dans la scène d’école où la fin des vacances se marque pour les enfants par les réunions d’hirondelles, ce sont les hirondelles qui ont le champ d’espace-temps le plus vaste. Mais dans tous ces cas, la pelote formée avec le monde sera un territoire, et « monde » n’est rien d’autre que l’interférence de tous ces territoires entre eux, que « l’enveloppement des Umwelten les uns dans les autres. »
Jean-Christophe Bailly

L’élément N et le végétal (5) dans Ecosystemique image0014

« La plante est fixe, c’est un fait, et cela signifie qu’elle affronte l’adversité au lieu de la fuir, comme le fait si fréquemment l’animal. En conséquence, elle a dû développer d’énormes capacités de résistance, dont une bonne part lui vient de sa plasticité génétique. Organisme peu intégré, elle met à profit le fait qu’elle est, selon l’expression de Tsvi Sachs, de l’université de Jérusalem : «  une population d’organes redondants qui sont en compétition les uns avec les autres  », pour promouvoir le génome le mieux adapté aux conditions du moment; si les conditions changent, elle met en œuvre une variante du génome initial, mieux adaptée au nouvel environnement. »
« Essayez, de passer votre vie entière le pied dans l’eau, avec pour toute nourriture le gaz carbonique et la lumière solaire ; de toute évidence, vous n’y parviendrez pas. Le riz, lui, en est capable, grâce à son génome beaucoup plus complet que celui de l’être humain; ce dernier, comme les autres animaux mobiles, vit dans des conditions faciles et relativement à l’abri des contraintes. »
« Si l’on se place sur le plan de l’évolution biologique, celle de Darwin, alors l’évolution de la plante et celle de l’animal, sont très différentes. Evoluer pour les animaux, c’est se dégager de mieux en mieux des contraintes du milieu, et en ce sens, l’homme est bien placé au sommet de la pyramide, parce que pour nous à la limite, on ne sait même plus ce qu’est le milieu. Evoluer pour une plante, c’est se conformer de mieux en mieux aux contraintes du milieu, cela consiste donc, non pas à échapper mais au contraire à se dissoudre dedans, à disparaître d’une certaine manière. C’est en quoi la plante m’est apparue immanente, alors que l’animal serait transcendant. »
Francis Hallé, sources diverses dont « l’éloge de la Plante », Éd. du Seuil, collection sciences 1999

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Cycles des éléments, compartiments et temps des formes …

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Au cours de son cycle, un élément traverse différents réservoirs ou volumes qui correspondent à ses temps et lieu de capture sous l’une ou l’autre de ses formes. Avatars diraient les Indous, l’élément N étant tantôt pour le végétal une sorte de divinité fertile sous sa forme NO3-, tantôt un porteur de chaos sous sa forme NO2-.
La notion de temps de résidence fait ainsi appel à la durée et au lieu des métamorphoses combinatoires successives d’un élément. Autrement dit, sous quelle forme et combien de temps celui-ci demeure-t-il dans le sol, l’eau ou l’air. Le schéma ci-dessus laisse apparaître les différentes formes de l’élément N et les différents mouvements de passage (nitrification, ammonification, etc.) entre ces mêmes formes. Au niveau des réservoirs, sont ici représentés l’humus des sols, les sols eux-mêmes, la biomasse des différents organismes vivant, la sédimentation dans les océans, les eaux de surface et indirectement la basse atmosphère lieu d’accueil du gaz diazote (N2). Afin de précision il conviendrait d’ajouter à cette liste les eaux souterraines en tant que réservoir collecteur, et plus généralement toute activité capturant de l’azote dans sa production.
Le cycle de l’azote, comme celui du carbone ou de l’eau concerne les trois compartiments air-sol-eau. Le réservoir eau étant plus que les autres sensible aux activités anthropiques. Compte-tenu de l’aspect cyclique, tout puits à azote est également source d’azote. Tel puits capture une forme pour la fixer sous une autre, sa forme d’azote utile, avant de la restituer au puits suivant sous une certaine forme, qui comme nous l’avons vu dépend de certains des paramètres du milieu (pH, oxygénation, et autres variables susceptibles d’influencer les métamorphoses combinatoires).
Ainsi selon les conditions du sol, l’azote issu de la dégradation de la matière organique en décomposition (NH3) sera restituée tantôt sous la forme d’ammonium (NH4+), tantôt sous la forme de nitrate (NO3-), ou encore volatilisé sous la forme de diazote (N2).

Accélération du rythme des tambours sur la galère terre …

Ce qu’il est important de souligner à présent, c’est que l’accélération des rythmes, que le développement des activités humaines impose à la biosphère, affecte en premier lieu les temps de résidence des différents éléments au sein de leur cycle.
A titre d’exemple, l’eau se déplace de manière cyclique sous des formes et dans des volumes qui se modifient à mesure du rythme des activités humaines. Aujourd’hui, et pour le dire très vite, les volumes d’eau stockés sous les formes de glace et de neige se réduisent sous l’effet du réchauffement. Il en va de même pour l’eau liquide stockée dans les sols et sous-sols du fait de leur imperméabilisation, route ou urbanisation, et/ou des pratiques de drainage agricoles dans le sens de la pente, des barrages, des dérivations, endiguement et canalisation des cours d’eau, etc. Il en va donc de même pour une biomasse qui puise là sa ressource en eau et vient à manquer, et qui de plus, voit son volume évoluer lui-même négativement à mesure de la déforestation et de la désertification (surpâturage), ces deux phénomènes étant liés.
En effet, dans certains pays relativement éloignés de la mer comme l’Allemagne, seulement la moitié des précipitations atmosphériques proviennent directement de la mer, le reste étant recyclé de proche en proche par la végétation. En moyenne annuelle, 65% des précipitations qui arrivent sur les continents s’évaporent directement, 24% ruissellent vers les cours d’eau et 11% s’infiltrent dans les sols pour alimenter les nappes souterraines. Plus l’eau coule vite à la mer, et plus on surpompe pour ralentir la fuite. 
Rien ne se perd, rien de se crée, l’eau perdue sur et sous terre se retrouve donc dans des océans dont les volumes montent. Réchauffement et hausse du niveau des eaux superficiellex des océans pourraient donc conduire à une augmentation des stocks de vapeur d’eau dans l’air. Bien que le temps de résidence de l’eau soit faible dans l’atmosphère, on pose d’ailleurs ce stock comme constant jusqu’à ce jour, il est à noter que la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre extrêmement puissant. On l’estime d’ailleurs responsable d’environ 60% de l’effet  de serre naturel.

rétroactions du cycle de l'eau

Actuellement on estime l’effet de serre non naturel provoqué à :
→ 69.6% par le dioxyde de carbone (CO2);
→ 15,8% par le protoxyde d’azote (N2O);
→ 12,4% par le méthane (CH4) ;
→ 2,2% par les gaz fluorés (CFC ou chlorofluorocarbures).

Conclusion de transit, il n’est pas forcement besoin de produire du CO2 pour participer à accentuer l’effet de serre. Par ailleurs toutes les émissions de GES n’ont pas le même pouvoir de réchauffement, que celles-ci soit effectuées au niveau des pôles ou au niveau de l’équateur, ceci étant du à l’angle d’incidence du rayonnement solaire. Si les émissions de GES seraient ainsi à contextualiser en fonction de leur lieu d’émission, il est cependant à noter, du fait du brassage de l’atmosphère par les vents, que les lieux d’émission des gaz à effet de serre sont au final de moindre importance. On estime ainsi le temps qu’il faut pour qu’une partie d’un gaz émis en Australie se retrouve au-dessus de New-York de quelques mois à une année.
Plus généralement, le pouvoir de réchauffement global (PRG) d’un GES correspond à la puissance radiative que celui-ci participe à réfléchir vers le sol. Dans l’échelle des mesures, le PRG du CO2 est établi à 1 par convention. La contribution d’un GES au renforcement de l’effet de serre dépend ainsi, et principalement, de trois facteurs :
→ du PRG du GES en question ;
→ de son temps de résidence dans l’atmosphère ;
→ de sa concentration.

image008 dans Monde animal

Pour continuer à dévier joyeusement sur le sujet climatique, et puisque tout est lié à différentes échelles, il n’est pas inutile non plus de remarquer que les humains se retrouvent dans le même temps confrontés à la nécessité de réduire leur consommation énergétique, du fait de l’épuisement des ressources fossiles, de l’autre, à lutter contre le surplus énergétique global qu’est le réchauffement de la planète. Celui-ci étant induit en partie par la production d’une énergie utile à partir des combustibles fossiles. S’il y a bien un endroit où l’ingénierie végétale surpasse en tout point celle des humains, c’est bien dans la captation et production d’une énergie utile.
Néanmoins, on aura pu le saisir, et sous un aspect véritablement technophile, le réchauffement global est aussi et peut-être la solution à nos besoins énergétiques. Passons.

image009 dans Monde végétal

La hausse de la température induite par le changement climatique influe sur l’activité bactériologique, et donc sur le cycle de l’élément N. Lorsque la température des sols augmente certaines réactions chimiques voient leur vitesse augmenter, ce qui produit différents effets de retour sur les cycles des éléments, comme le niveau du réchauffement climatique.
Ainsi, une hausse des températures du sol augmente l’azote mis à disposition des végétaux par le travail des micro-organismes, sa minéralisation augmentant avec la température et l’humidité du sol jusqu’à des niveaux optimum situés entre 21 et 31°C, et une saturation en eau de l’espace poral du sol de l’ordre de 50 à 70%.
La hausse du rythme de la nitrification (oxydation de l’ammoniac NH3 en nitrate NO3-), toute chose égale par ailleurs, favorise la croissance de la biomasse végétale, et avec elle, la capture du CO2 atmosphérique à travers la photosynthèse. Saut à manquer des autres facteurs limitants de la croissance végétale (eau, Ca2+, K+, PO43-, O2, etc.) on peut donc penser que cette rétroaction négative puisse limiter la concentration de CO2 atmosphérique, et donc la hausse des températures.
Seulement une matière organique des sols plus rapidement dégradée contribue également, et sous certaines conditions, à augmenter les émissions de CO2, ce dernier étant aussi l’un des sous-produits de la dénitrification avec le N2O (protoxyde d’azote), un gaz à très fort PRG.
Si la nitrification est réalisée par des bactéries aérobies, la dénitrification est le fait de bactéries anaérobies. Celles-ci puisent en effet dans les molécules de nitrates (NO3-) l’oxygène dont leur métabolisme a besoin. Un tel processus est donc notamment favorisé par une sursaturation des sols en eau qui crée les conditions d’une faible oxygénation. Les nitrates NO3- sont alors réduits (gain d’électron) en nitrites (NO2-). Par suite, le nitrite devient successivement NO (monoxyde d’azote), puis N2O, et enfin lorsque la réaction est complète, diazote N2 qui retourne à l’atmosphère par volatilisation. Cependant, si le taux de dioxygène devient suffisant pour satisfaire aux besoins des bactéries, la dénitrification peut-être arrêtée aux stades NO ou, plus souvent, N2O.

image011 dans Oikos

Le couplage entre cycle du carbone et cycle de l’azote se fait au niveau des microorganismes.

Selon les conditions, les sols peuvent donc se comporter tantôt en tant que puits à carbone, tantôt en tant que source nette de gaz à effets de serre. Voilà une conclusion qui nous renvoie une fois encore à cette nécessaire contextualisation qu’appelle l’appréciation des phénomènes écologiques. Ou pour le dire autrement : « (…) le rôle que joue la nature en tant qu’objet dans les différents milieux est contradictoire (…) si l’on voulait rassembler ses caractères objectifs, on serait devant un chaos (…) » Jakob von Uexküll

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http://www.dailymotion.com/video/x9uz17

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Imposer ses formes à l’élément N

Des modifications rythmiques affectent donc le flux des métamorphoses de l’eau ou du carbone. Les cycles des différents éléments étant couplés, le changement de rythme global, il en va de même pour l’azote (N), le phosphore (P), le potassium (K), etc.
Concernant l’élément N, son principal réservoir est l’atmosphère qui contient à l’état gazeux une quantité environ 100 fois supérieure à celle stockée par la biomasse au cours de sa croissance. Aujourd’hui, certaines activités humaines peuvent altérer les rythmes de son cycle de différentes façons :
→  1) en introduisant dans les agrosystèmes des excès d’engrais enrichis en azote minérale (NO3-, NH4+), et dont la fraction nitrate abouti dans les eaux (toxicité de l’eau potable,
eutrophisation des eaux de surface);
→  2) en relâchant dans les écosystèmes des eaux usées domestiques concentrées en azotes (urée, matière fécale, etc.), et donc en pratiquant l’élevage intensif à proximité des cours d’eau;

Les plantes de cultures puisent dans le sol de 160 à 200 kg d’azote par hectare. Concernant l’élément N, nous augmentons par les apports d’engrais les stocks de nitrate et/ou d’ammonium afin de maintenir des rendements agricoles croissants sur des sols qui s’épuisent. Le stock organique croît en retour du fait de la portion d’azote minéral ainsi assimilée par la biomasse (croissance végétale et élevage intensif sur de petites surfaces). Par ailleurs les nitrates, du fait de leur lessivage par les eaux de pluie, se concentrent dans les eaux de surfaces et souterraines.

image013 dans Ressource en eau

Bilan azoté mondial (millions de tonnes) pour la production végétale et la production animale (Van der Hoek 1998).

Augmentation des stocks de nitrites et de nitrates dans les eaux entraînent des phénomènes d’eutrophisation : surconcentration d’éléments nutritifs dans les eaux → surproduction végétale → asphyxie de la faune aquatique, manque de lumière, bloom d’algues toxiques (cyanobactérie), difficulté à potabiliser les eaux, etc.
De même nous augmentons le stockage de l’azote sous forme de NH3. La quantité de déjection rejetée dans les milieux dépasse la capacité de minéralisation des sols. Rappelons que l’ammoniac (NH3) est le produit la décomposition de la matière organique azotée par les bactéries saprophytes.
En milieu bien oxygéné, la formule de la minéralisation de l’azote par nitrification est la suivante :
a) NH3 + O2 → NO2− + 3H+ + 2e− (ammoniaque devient nitrite)
b) NO2− + H2O → NO3− + 2H+ + 2e− (nitrite devient nitrate)
Notons également la possibilité de volatilisation de l’ammonium sous la forme de gaz ammoniac NH3processus chimique de réduction (gain d’électron) qui opère surtout dans les sols alcalins.
Au final, les émissions d’ammoniac sont à 95% d’origine agricole, dont 80% proviennent de l’élevage.

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Bilan des modes d’action, des conséquences et des modifications entraînées par les dépôts (secs ou humides) d’azote ammoniacal (Bonneau 1989, Van Dijk et al 1989, Probst et al 1990, Egli et Fitze 1995, Duchaufour 1997).

3) en brûlant des combustibles fossiles qui libèrent des oxydes d’azote (NOx) dans l’atmosphère. De 30 à 60% des composés azotés présents dans le combustible sont convertis en NOX, 90-95% des volumes émisle sont sous la forme de NO (monoxyde d’azote).
Si les deux premiers points augmentaient la concentration d’azote dans les sols et les eaux, le dernier implique l’air. Les oxydes d’azote (NOx) qui sont relâchés dans l’atmosphère, principalement par combustion des énergies fossiles (automobile, centrales thermiques, etc.), génèrent quant à eux différents effets selon les conditions météorologiques.
En altitude, ils se combinent avec l’eau de l’atmosphère pour former de l’acide nitrique (HNO3) qui retombe sur terre avec les précipitations. Cet acide modifie alors non seulement le pH des sols et des écosystèmes aquatiques, mais il augmente également le taux d’azote dans les eaux de surface. En conditions chaudes et peu venteuse, les NOx demeurant dans les très basses couches de l’atmosphère, ceux-ci se combinent alors avec l’oxygène (O2) de l’air pour former de l’ozone (O3).
2 NO + O2 → 2 NO2 (dioxyde d’azote)
NO2 + O2 + energie solaire O3 + NO
2 NO + O2 → 2 NO2 (dioxyde d’azote)
A noter que l
e dioxyde d’azote est un agent oxydant (accepteur d’électron). Son inhalation par les animaux donne une réaction instantanée avec l’eau de la muqueuse interne de leurs poumons, conduisant à la production d’acide nitrique.

Les conséquences de ces trois points sont donc une modification la balance écologique de l’élément N telle que présentée ci-dessous (comptabilité des flux et des stocks de formes).

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« Car ce n’est pas par réflexion, ni sous l’empire d’une pensée intelligente que les atomes ont su occuper leur place ; ils n’ont pas concerté entre eux leurs mouvements. Mais comme ils sont innombrables et mus de mille manières [...] et qu’ils s’abordent et s’unissent de toutes façons pour faire incessamment l’essai de tout ce que peuvent engendrer leurs combinaisons, il est arrivé qu’après avoir [...] tenté unions et mouvements à l’infini, ils ont abouti enfin aux soudaines formations massives d’où tirèrent leur origine ces grands aspects de la vie : la terre, la mer, le ciel, les espèces vivantes. »
Lucrèce,
de natura rerum.

« (…) le monde que nous propose Spinoza. Il voit le monde comme ça. Il nous dit en effet que chaque corps est composé à l’infini par des infinités de parties qu’il appelle les corps les plus simples. Qu’est-ce qui fait que ces corps les plus simples, que tel ensemble infini appartient à tel individu plutôt qu’à tel autre ? Il dit que ces corps les plus simples, que ces particules sont toujours, dans un certain rapport de mouvement et de repos, de vitesses et de lenteurs, et ce rapport caractérise un individu. Donc un individu n’est pas défini par sa forme, que ce soit une forme biologique, une forme essentielle, n’importe quel sens su mot forme, un individu est défini par un rapport plus ou moins composé, c’est à dire un ensemble de rapports, faits de mouvements et de repos, de vitesses et de lenteurs, sous lesquels des infinités de parties lui appartiennent. Enfin, chaque individu est un collectif, chaque individu est une meute. »
Gilles Deleuze, cours sur Spinoza du 15/02/77.

« (…) à partir d’un début si simple, des formes infiniment belles et magnifiques ont évolué et évoluent encore.»
Charles Darwin,
l’origine des espèces.

« (…) Quelqu’un a inventé ce jeu
Terrible, cruel, captivant
Les maisons, les lacs, les continents
Comme un légo avec du vent
(…)
Pourquoi ne me réponds-tu jamais
Sous ce manguier de plus de dix mille pages
A te balancer dans cette cage ?
A voir le monde de si haut
Comme un damier, comme un légo
Comme un imputrescible légo
Comme un insecte mais sur le dos (*)
(…) » Alain Bashung – Comme Un Lego

(*) En 1822 Etienne Geoffroy St. Hilaire remarque que le plan d’organisation du homard est le même que celui d’un vertébré si le premier est inversé (sur le dos).

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http://www.dailymotion.com/video/x2gjky

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Le besoin nutritif des plantes et leur développement

Avec Michel Caboche, de l’Académie des sciences, avec Laurent Nussaume et Jan Traas.
Toute plante a son architecture propre, de la pointe des racines à celle des feuilles. Comment les racines perçoivent-elles la présence des sels minéraux nutritifs et comment réagissent-elle à leur carence ? Comment le sommet de la tige choisit-il d’initier un rameau, une feuille ou une fleur ?
Partie 1 :
rôle du Phosphore (élément P) et des autres nutriments
Partie 2 : rôle des hormones végétales et contrôle de la ramification

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L’élément N et le végétal (2)

http://www.dailymotion.com/video/x874w9 La biologie ou l’art de la cohabitation des rythmes …

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Charge azotée, intensification des cultures et décohabitation des rythmes

Elément moteur de la croissance végétale, la quantité d’azote minéral disponible dans les sols en est par conséquent un facteur limitant. Au même titre que l’eau, la température, la lumière et les autres ions minéraux dont les cycles sont intimement liés.
C’est pourquoi certaines des plantes capables de fixer l’azote atmosphérique (N2) possèdent un redoutable avantage compétitif. Souvent envahissantes, elles sont capables de coloniser les sols les plus pauvres. Les sols faiblement chargés en azote sont ainsi spontanément occupés par de telles espèces, luzerne ou le trèfle blanc par exemple. A l’inverse, l’abondance d’orties communes identifiera des sols riches ou en excès d’azote. La capacité de cette plante urticante à manger l’azote en fait d’ailleurs un très bon engrais vert pour les sols par restitution de l’azote contenu dans les déchets végétaux.

En condition naturelle, la plante capte l’azote minéral dans le sol avant de le restituer à sa mort par décomposition. L’agriculture intensive, dont le but est de soutenir une croissance végétale élevée, nécessite un apport continu d’engrais azotés d’autant plus conséquent que l’essentiel de la matière organique produite termine dans nos assiettes.
Les cultures étant fauchées puis exportées hors de l’écosystème, beaucoup de l’azote organique contenu dans les végétaux ne retourne par au sol pour minéralisation et reconstitution des stocks de NH4+ ou NO3-.
Ceci entraine par ailleurs un déséquilibre de la charge électrique des sols. Les charges négatives absorbées quittent le système cultural, ce sont les anions fixés dans la biomasse, tandis que les charges positives y demeurent, ce sont les cations libérés par les plantes en période de croissance.

Globalement, la répétition du phénomène de culture (croissance végétale – fauche – exportation de la matière organique) entraine à terme une accélération de l’acidification des sols nuisible à la minéralisation de la l’azote organique. La dégradation est en effet de meilleure qualité quand elle est réalise par les bactéries. Or leur métabolisme nécessite des sols plutôt neutres ou légèrement alcalins. Dans les sols acides, ce sont alors des champignons qui prennent le relais de la fonction dégradation, mais le métabolisme fongique est bien moins efficace à cet endroit que celui des bactéries.
Plus précisément, si une trop grande acidification rend les sols moins fertiles, c’est que les cations H+ et Al3+ se substituent dans les colloïdes du sol aux autres cations (Ca2+, Mg2+, K+) nécessaires tant au métabolisme de la plante qu’à celui des bactéries nitrifiantes. On parle alors de perte des cations échangeables (Ca2+, Mg2+, K+, Na+) et de leur remplacement progressif par les ions H+ et Al3+.

L’élément N et le végétal (2) dans Biodiversité image0011

Autre conséquence de l’intensification des pratiques culturales, les ions nitrates apportées par les engrais azotés étant très lessivables, ceux-ci migrent facilement avec les pluies vers les nappes phréatiques où leur trop grande concentration n’est pas sans risques quant à la production et la consommation d’eau potable.
Parallèlement, l’ion ammonium NH4+ qui se fixe mieux dans les sols devient alors l’élément d’azote minéral privilégié par la plante. Seulement son adsorption entraine en retour une acidification accrue de la
rhizosphère par libération d’ions H+.

Le vert toujours dans le fruit révolutionnaire

Petite transition qui est ici l’occasion d’un peu de poétique de la table. Manger une tomate cultivée en pleine terre, du Chili par exemple, c’est littéralement absorber le fruit d’un agencement complexe entre un système naturel, une économie et des modes de vie. C’est tout un paysage qui se découvre replié dans le fruit, panorama touristique fait d’extractions et de sélections, de terre, d’eau et de lumière chilienne. Expression fragmentaire d’un environnement, cette tomate demande qu’on vienne la lire avec attention. De toute évidence, l’uniformisation des conditions de culture, le développement du hors-sol, les méthodes de conservation et de transport longue distance ont fortement réduit nos possibilités de lecture. 

Les écosystèmes dédiés à l’agriculture intensive sont fortement artificialisés. L’objectif est de le maintenir à l’état juvénile par la fauche, les apports exogènes d’eau et d’ions minéraux, et de favoriser ainsi les stratégies de reproduction des espèces sélectionnées. Le système végétal ainsi modifié est alors peu structuré et diversifié, essentiellement composé d’espèce des stades pionniers intermédiaires à la croissance rapide et au renouvellement continu des individus (pante annuelle). D’où les besoins en azote accrus.
L’une des caractéristiques des écosystèmes jeunes comme le champ cultivé réside dans leur recherche de stabilité. Cela se traduit notamment par une augmentation tendancielle de la diversité et de la biomasse, d’où la production des « mauvaises » herbes. De la même manière, cette forte production végétale entraine le développement des populations de consommateurs (parasites, rongeurs, insectes, etc.). Faute de la maturité nécessaire, les interactions inter et intraspécifiques étant à ce stade relativement faibles, les besoins induits en pesticide et fongicide sont encore accrus.

A long terme, l’agriculture intensive débouche donc sur l’acidification, la toxicité et l’appauvrissement biologique des sols qu’elle occupe. Si cela n’interdit pas pour autant la recolonisation naturelle des sols délaissés par les cultures, cela l’oriente fortement. Les espèces recolonisatrices adaptées à des sols appauvris et/ou toxique étant souvent envahissantes et fortement résistante, la succession végétale n’est pas assurée.

image0021 dans Ecosystemique

Décohabitation des rythmes, dégradation de la fertilité des sols, dispersion diffuse de polluants qui se retrouvent dans les eaux, notons tout de même que l’agriculture intensive demeure aussi une source d’externalités positives à court terme, mais à coûts de production et d’entretien croissants : tampon à l’urbanisation diffuse des espaces naturels, maintiens des emplois agricoles, de la vie rurale, de la structuration des paysages et des espaces ouverts qui forment des habitats ou territoires de chasse importants pour l’avifaune, rongeurs et autres insectes, développement d’écotone, entretien de corridors écologiques (système de haies coupe-vent) et de systèmes de friches riche en graminées, etc.

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Irrigation et apports d’engrais azotés, telles étaient certaines des bases les plus importantes de la première révolution verte. Mécanisation, produits phyto, sélection végétale en étaient d’autres.
Il serait ainsi intéressant d’étudier l’évolution de la qualification verte des mots, de la révolution à la croissance, et ses effets dans les discours. L’objet d’une prochaine note, tant il est bien possible que les discours associés soient particulièrement superposables d’une époque à l’autre.
Quand tout est vert dehors, c’est que peu ne l’est dedans.

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Image de prévisualisation YouTube Création d’une nouvelle fonction par introduction dans la cellule végétale d’une bactérie capable de fixer directement le N2 …

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D’une écologie de l’esprit à la biodiversité

D'une écologie de l'esprit à la biodiversité dans Bateson batesonletteronly 

Pour Grégory Bateson, le mental n’est qu’une fonction d’une complexité relationnelle. Une propriété qui émerge de tout système complexe d’interactions et qui ne dépend pas de qualités spécifiques qu’auraient les parties prises séparément. « L’esprit, [système mental], est une fonction nécessaire, inévitable, de la complexité approprié, partout où cette complexité apparaît. Une forêt ou un récif de coraux, avec leurs agrégats d’organismes s’entremêlant dans des relations réciproques, possèdent cette structure générale nécessaire. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

L’esprit est un « réseau cybernétique intégré » de propositions, d’images, de processus etc. etc…, réseau lui-même connecté à l’ensemble plus vaste qu’est l’environnement, de sorte que: « l’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense,  agit et  décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience » Vers une écologie de l’esprit, tome1

Une telle proposition bouscule le choix de nos unités d’analyse traditionnelles, commande une nouvelle épistémologie appelant à une profonde correction de nos habitudes de pensée. D’une pensée analytique qui nous avait permis la fabrication d’objets de laboratoires performants, vers une pensée systémique nous permettant de les relier entre eux.

« Darwin en parfait accord avec le climat culturel de l’Angleterre du milieu du XIXe siècle, a proposé une théorie de la sélection naturelle et de l’évolution, selon laquelle l’unité de survie est la lignée ou les espèces et les sous-espèces. Mais de nos jours, il est devenu évident que cette conception de l’unité de survie méconnaît le monde biologique réel. L’unité de survie réelle est l’organisme plus l’environnement [...] Autrefois c’est élaboré une hiérarchie de taxa, individu, ligné, sous-espèce, espèce…. en tant qu’unité de survie. A présent nous envisageons une autre hiérarchie d’unité : gènes dans l’organisme, organisme dans l’environnement, écosystème… Ainsi l’écologie au sens le plus large du terme devient l’étude de l’interaction et de la survie des idées et des programmes, (qui sont des différences, des ensembles de différences…) dans des circuits. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

Une fois dit que l’unité de survie évolutive s’avère identique à l’unité de l’esprit, l’organisme qui détruit son environnement ne peut donc que se détruire lui-même. La crise écologique actuelle serait donc le symptôme de ce que cette erreur épistémologique – produit d’une séparation erronée  de l’esprit d’avec la structure à laquelle il est immanent – détermine encore en profondeur une grande partie de nos habitudes de pensées : « il ya une écologie des mauvaises idées, tout comme il y a une écologie des mauvaises herbes, le propre du système étant que l’erreur se propage d’elle-même. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

http://www.dailymotion.com/video/x3kcoi Emergence et éco-auto-organisation chez Edgar Morin

Bateson retrace brièvement les étapes de la relation de l’homme à la nature jusqu’à l’arrivée du système des Dieux. C’est-à-dire le moment où s’opère la séparation de « l’esprit de la structure à laquelle il est immanent (relations humaines, sociétés humaines, écosystèmes) » Vers une écologie de l’esprit, tome2

« D’un point de vue anthropologique, [...] ils emble que l’homme ait d’abord tiré un certain nombre d’indication du monde du monde naturel qui l’entourait, et qu’il les ait appliqué d’une façon en quelque sorte métaphorique à la société où il vivait. Il s’est donc tout d’abord identifier par empathie avec le monde naturel autour de lui, et a pris cette empathie pour règle de sa propre organisation sociale et de ces théories sur sa propre psychologie. C’est ce processus que l’on a appelé « totémisme ». [...] Il est très vraisemblable que l’étape suivante ait consisté pour l’homme à inverser le processus précédent et à tirer des indications de lui-même pour les appliquer au monde naturel environnant. C’est ce que l’on a appelé l’animisme, qui étendait la notion d’esprit ou de personnalité aux montagnes, aux fleuves, aux forêts [...] la troisième étape a accompli la séparation de la notion d’esprit avec le monde naturel, ce qui conduisit directement à la notion de Dieux. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

Nous sommes donc les produits comme les producteurs de cette erreur épistémologique qui « [...] l’erreur épistémologique ne fait pas problème, elle va bien jusqu’au moment où l’on s’aperçoit que l’on crée, autour de soi, un monde où cette erreur est devenue immanente à des changements monstrueux de cet univers que l’on a créé, et dans lequel on essaie maintenant de vivre. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

La question est donc de savoir comment des malades dont la pollution mentale s’inscrirait jusque dans les plus petits détails ou racines de leurs comportements, comment ceux-ci peuvent-ils devenir, ou même vouloir devenir leur propre médecin. Sans doute qu’une première étape consisterait à ce reconnaître comme malade. Or aujourd’hui, c’est bien souvent l’autre qui est malade, quand ce n’est pas même la terre entière. Sur ce dernier point la question est bien de savoir si oui, et comment, nous nous situons dans cet ensemble terre.

Le concept de biodiversité, entendu comme le tissu ou maillage vivant de la planète, semble pouvoir décrire ce mouvement vers cette écologie de l’esprit de Bateson. Si ce tissu est malade, je ne peut être que malade. Alors nous reconnaissons que « le système écomental appelé lac Erié est une partie de votre sytème écomental plus vaste, et que, si ce lac devient malade, sa maladie sera inoculée au système plus vaste de votre pensée et de votre expérience » Vers une écologie de l’esprit, tome2 

Ce que dit peut-être autrement Edgar Morin à travers son concept d’auto-éco-organisation, concept selon lequel tout être vivant porte en lui la structure de son milieu. Le monde extérieur est à l’intérieur de nous dans un dialogue permanent, une pensée qui nous revoie également aux travaux d’Uexküll sur les mondes animaux, comme à l’hologrammie. Mais au delà des mots de chacun, le commun de ces approches réside dans la recherche d’une correction épistémologique face à la crise écologique, où comme le dirait Spinoza, une réforme de l’entendement à l’usage d’un savoir vivre.

La biodiversité, une notion certes floue mais dont l’emergence semble significative de la correction épistémologique qui s’affirme face à la crise écologique. Une interview du professeur Robert Barbault, directeur au MHN du département Ecologie et Gestion de la Biodiversité, tente quant à lui de différencier le concept biologique de diversité du vivant afin de mieux éclairer le concept éthique de biodiversité. Extraits :

« Il n’y a pas de crise écologique, ou de catastrophe écologique qui ne soit pas en même temps une catastrophe sociale et économique. Là aussi c’est une question de diversité et ce n’est pas un hasard si le mot biodiversité a un écho dans les populations même sans savoir de quoi il s’agit, et je pense que le mot important c’est diversité. Ce n’est pas quantité des espèces, c’est diversité, c’est singularité. Cela renvoie à l’inquiétude qu’on peut avoir avec la mondialisation, l’uniformisation des cultures. Je pense que c’est cette espèce d’écho dans l’inconscient des citoyens qui fait qu’avec le mot biodiversité, on pense à la diversité des fromages, à l’Europe qui va interdire tel fromage car il n’est pas produit selon les règles conformes, le modèle ou standard. »

« L’aboutissement de tout cela c’est que parler de biodiversité c’est parler de l’Homme, des sociétés humaines et de leur futur. Pas seulement parler de la nature comme si ça ne nous concernait pas. C’est pour cela que je fais la différence entre diversité du vivant et biodiversité, parce que ma pratique de la biodiversité et de ceux qui s’y intéressent m’a amené à voir tous ces aspects la. Cela déborde de la seule connaissance de la diversité de la nature. Cela nous renvoie à des questionnements sur notre propre espèce et son rôle dans le monde, ses origines, ses racines. »

http://www.dailymotion.com/video/x4vkhe Echos de la diversité de Canetti à la Biodiversité de Barbault

« [...] la aussi le mot clef c’est la diversité : il faut une diversité d’approches et de stratégies pour conserver la diversité du vivant et son potentiel d’évolution à long terme. Toute une série d’éléments sont possibles dans cette stratégie comme les parcs naturels régionaux, les parcs nationaux, la gestion de la diversité dans les villes, y compris les zoos qui peuvent être des lieux de restauration de certaines espèces avec des plans de réintroduction (qui supposent un investissement dans les pays d’origine avec des relations avec les sociétés). C’est extrêmement riche, et c’est très intéressant car cela renouvelle les relations que l’Homme peut avoir avec la nature, et à la faveur des relations entre l’Homme et la nature c’est la relation des hommes entre eux par rapport à la nature, c’est-à-dire des relations des différentes sociétés humaines par rapports à la nature. Moi c’est l’intérêt que j’ai trouvé aux discussions sur la biodiversité au sens Rio de Janeiro. Donc on sort de la biologie et on s’intéresse aux approches anthropologiques, économiques… »

La relation des hommes entre eux par rapport à la nature, cette phrase semble faire écho à une note précédente qui concernait l’apport de Spinoza pour  les sciences sociales, et plus particulièrement à l’Ethique en tant que méthode pour la réforme de l’entendement ou correction de l’erreur épistémologique.

Ethique IV, proposition XL: Tout ce qui tend à réunir les hommes en société, en d’autres termes, tout ce qui les fait vivre dans la concorde, est utile, et au contraire, tout ce qui introduit la discorde dans la cité est mauvais.Ethique IV, proposition LXXIII: L’homme qui se dirige d’après la raison est plus libre dans la cité où il vit sous la loi commune, que dans la solitude où il n’obéit qu’à lui-même 

L’Ethique de Spinoza en tant que chemin vers l’amour intellectuel de Dieu ou de la Nature (3ème genre de connaissance), c’est à dire l’amour de Dieu pour lui-même, c’est-à-dire de l’humanité pour elle-même.

Ethique V, proposition XXXVI: L’amour intellectuel de l’âme pour Dieu est l’amour même que Dieu éprouve pour soi, non pas en tant qu’infini, mais en tant que sa nature peut s’exprimer par l’essence de l’âme humaine considérée sous le caractère de l’éternité, en d’autres termes, l’amour intellectuel de l’âme pour Dieu est une partie de l’amour infini que Dieu a pour soi-même.

Un chemin individuel que les hommes entretiennent entre eux.

Ethique V, proposition XV: Celui qui comprend ses passions et soi-même clairement et distinctement aime Dieu, et il aime d’autant plus qu’il comprend ses passions et soi même d’une façon plus claire et plus distincte.

Ethique V, proposition XX: Cet amour de Dieu ne peut être souillé par aucun sentiment d’envie ni de jalousie, et il est entretenu en nous avec d’autant plus de force que nous nous représentons un plus grand nombre d’hommes comme unis avec Dieu de ce même lien d’amour.

http://www.dailymotion.com/video/x31hn7 L’Ethique selon Robert Misrahi

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La question de la biodiversité nous renvoie de facto sur la question des rapports entre les hommes et les animaux, notamment sur les travaux d’Élisabeth de Fontenay.

+ La « cause animale »: Élisabeth de Fontenay poursuit sa réflexion sur le statut des bêtes, si proches de nous et pourtant à nous si soumises. En philosophe engagée, elle se penche sur le statut des animaux, déconstruisant (…) Note de lecture par Eric Baratay, site de la vie des idées, l’ouvrage d’Élisabeth de Fontenay, Sans offenser le genre humain. Réflexions sur la cause animale, Paris, Albin Michel, 2008, 215 p.

+ Humanisme et barbarie: Répliques, émission du samedi 29 mars 2008 avec Elisabeth de Fontenay, Philosophe, professeur à l’université de Paris-Sorbonne I.

http://www.dailymotion.com/video/x3k70s Boris Cyrulnik, sur la double naissance de l’homme

Sur le web: de la mort de l’environnement et autres rencontres

 Sur le web: de la mort de l'environnement et autres rencontres dans Biodiversité frog

Suite à certaines de nos dernières notes concernant le principe d’attention appliqué à l’écologie: l’appel aux sciences sociales et autres variations sur la mort de l’homme, voici quelques ressources, fragments et pistes de reflexions collectées sur le web autours de la question de l’homme dans l’écologie.

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Extraits du compte rendu de lecture de Gérard Chouquer de l’ouvrage de Frédéric Couston, L’écologisme est-il un humanisme ? 

 » [...] La thèse de l’ouvrage est, en effet, la suivante : pour changer et trouver un nouveau contrat, il faut adopter de nouvelles catégories. Or le concept d’environnement est trop lié à la crise de la modernité pour être retenu. Il faut donc se débarrasser de ce concept pour aller vers une politique écologiste, qui soit un « réformisme radical ».

Frédéric Couston établit tout d’abord le lien que la notion d’environnement entretient avec la crise de la modernité. Pour lui, la crise de la modernité est une des dimensions de la crise environnementale puisque c’est un effet de la séparation moderne entre nature et sociétés. Plus précisément, ce qui émerge avec la modernité c’est l’opposition entre un espace naturel à l’écart de l’histoire, et qui sera de plus en plus paré de qualités, et un espace environnemental voué au progrès et lieu de la déploration. La nature, c’est ce dont on ignore l’histoire et même ce dont on ne veut pas faire l’histoire. Idée qu’il résume en une formule forte : « Le concept d’environnement a donc le mérite, en se chargeant des basses œuvres de la modernité, de permettre à la notion traditionnelle de nature de revivre et d’être de nouveau ressentie comme un réservoir immatériel et imaginaire de valeurs. » (P. 63) La conclusion est que si l’on peut annoncer la mort de la nature - parce que « la nature n’est plus ce qu’elle était » (Cosmopolitiques 1, 2002) et qu’elle n’est plus l’autre de l’homme et de l’artificialisation -, il faut, paradoxalement, annoncer, dans le même temps, la mort de la notion d’environnement.

Les raisons sont multiples. Il y a contradiction à nommer environnement l’écosystème, c’est-à-dire ce qui n’est pas l’homme, surtout si c’est pour réinventer, ensuite, la part de l’homme dans l’écosystème. Mieux vaudrait prendre en compte le fait que l’environnement est une représentation culturelle, en outre récente. Il y aura donc mort du concept par absorption de l’homme en lui : un environnement qui absorbe ce qu’il est censé environner redevient un tout. Par ailleurs, si le mot désigne une extériorité statique, pourquoi le choisir pour qualifier un ensemble de relations dynamiques ? Il y aura donc une autre mort de l’environnement en ce que la suppression des problèmes d’environnement passera par la suppression de la notion elle-même au profit d’autre chose.

La crise de l’environnement n’est pas différente de la crise de la modernité parce que la pensée moderne ne parvient pas « à inscrire dans le réel son projet de séparation de la nature et de l’homme sans cesse contrarié par l’irruption de nouveaux hybrides, mi-naturels mi-artificiels » (pp. 85-86). Il faut donc abandonner ou, au moins, dépasser ce concept [...]

La troisième partie de l’ouvrage part à la recherche du nouveau contrat que l’homme doit envisager. Ce contrat est nécessaire, non pas, comme le suggère Michel Serres, parce qu’un nouveau contractant, la nature, doit être intégré mais parce que notre manière de nous considérer dans l’écosphère doit changer. Ce contrat, l’écologisme, ne peut être ni le contrat libéral, fondé sur l’individu, ni le contrat holiste, soumettant l’homme à un plan général qui le dépasse. Il s’agit par conséquent d’un nouveau type de contrat. Pour en discuter les fondements, Frédéric Couston entreprend de démontrer que l’écologisme n’est ni un totalitarisme ni un libéralisme. Il récuse le communisme écologique de Jonas, qui mène à une forme de totalitarisme. Il ne pense pas que soit concevable la notion d’aménagement écologique du capitalisme. Il explique enfin comment l’écologisme n’est ni une révolution ni une utopie, qui ne saurait être confondu avec la politique écologisée [...]« 

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http://www.dailymotion.com/video/x2xuzm

Michel Serres sur Bergson, illustrations sonores d’après extraits du dossier France Culture : Bergson, le cinéma de la pensée

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Sélection d’articles du dossier écologie de l’encyclopédie de L’Agora, première encyclopédie virtuelle, évolutive et participative en langue française née en 1998.

Qu’est-ce que l’écologie?

Humaniser l’écologie « L’écologie est surtout et avant tout une certaine «vision du monde», une sensibilité particulière, et non pas simplement une science. C’est un art qui nous apprend à vivre-avec, à vivre en symbiose, et non pas à manipuler; qui nous apprend à nous ajuster et à nous adapter, et non pas à contrôler; qui nous apprend à promouvoir la vie et non pas la mort, à voir ce qui nous entoure comme des organismes et non pas comme des machines. »

Les lois de l’écologie « L’écologie n’est pas une science nouvelle, même si le vocabulaire écologique est tout récemment passé dans l’usage commun. La science de l’environnement est née au sein de l’histoire naturelle, est passée de l’observation de la nature à l’expérimentation dès le siècle dernier. Ses origines dans les sciences biologiques ont doté l’écologie d’une méthodologie et d’un cadre conceptuel qui ont beaucoup influencé les formes nouvelles qu’elle se donne en s’appropriant les sciences de l’homme. Cette transition est encore très imparfaite. »

Pour une écologie de l’homme « L’écologie n’est réelle que lorsqu’elle est d’abord une écologie de l’Homme et non de la Terre. « Ce n’est donc pas en se niant lui-même que l’homme peut se rapprocher de la nature, car, en désavouant l’esprit qui le fonde, l’homme ne devient pas nature, mais débris de la nature… »

Pour un écologisme non intégriste « Réponse de Claude Villeneuve à l’article de Nicole Jetté-Soucy (ci-dessus). L’objectif de l’écologie, c’est de comprendre le fonctionnement des écosystèmes. »

Le paradoxe de l’arche de Noé « La perte de biodiversité est actuellement l’une des dimensions les plus à la mode dans l’étude des changements environnementaux à l’échelle du globe. Qu’en est-il en réalité et comment conserver les diverses formes de vie à l’échelle planétaire? La responsabilité de l’humanité passe par un changement de paradigme. »

La ressource en eau ? (visage, language, qualités et quantités)

L’eau et la vie « La vie sort de l’eau, mais l’eau ne sort pas d’elle. «Nous sommes des sacs d’eau de mer», disait Alain. En réalité, chacune de nos cellules évolue toujours dans un milieu aqueux, dont les conditions sont contrôlées par des mécanismes physiologiques souvent complexes qui reflètent notre évolution et notre adaptation à l’environnement. »

Plaidoyer pour les eaux oubliées « L’eau mythisée, voire sacrée, dévoile du même coup, d’une part, l’essence et la nature de l’eau, son être intime et originel, sa dignité et sa grandeur, sa plénitude et son sens, et d’autre part, sa puissance symbolique, son ouverture sur la transcendance, sa concordance avec l’être humain et sa capacité d’évoquer le cosmos et le divin. »

L’eau: problématique-clé « La question de l’eau, de ses usages et des abus que l’humanité fait subir à cette ressource essentielle n’a pas fini de nous inquiéter. Il s’agit probablement de la question qui nous rapprochera de la façon la plus tangible de notre environnement dans les décennies à venir. En effet, on peut penser vivre avec un air pollué, avec des sols contaminés, avec une faune et une flore raréfiées… mais l’eau doit être pure, exempte de bactéries nocives ou de substances délétères, sans odeur, sans saveur, sans couleur, pour rencontrer nos critères de qualité. L’accès à une source d’eau potable est probablement la préoccupation la plus ancienne qui confronte l’humanité à son environnement. »

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http://www.dailymotion.com/video/x2xtfh

Michel Serres sur Bergson, illustrations sonores d’après extraits du dossier France Culture : Bergson, le cinéma de la pensée

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La revue études rurales explore les nombreux aspects de la « ruralité » à travers les territoires, les activités, les genres de vie, les organisations politiques, les représentations, les croyances, les héritages et les perspectives. Grâce à la contribution d’auteurs venus d’horizons divers, la revue parle du monde en s’appuyant, pour toutes les disciplines (humaines, sociales et naturalistes), tant sur l’enquête scientifique que sur la réflexion, historique, philosophique ou anthropologique. Deux articles de la revue: 

Olivia Aubriot, L’eau, miroir d’une société. Irrigation paysanne au Népal central Paris, Éditions du CNRS, 2004, 321 p.

Gilles Tétart, Le sang des fleurs. Une anthropologie de l’abeille et du miel (préface de Françoise Héritier)

Des visages, des figures : les « écosystèmes » lynchiens

Passer d’un plan, d’une frontière à une autre, intégrer différents niveaux, faire se renconter des contraires, imposer de nouvelles règles, faire circuler…comment tout ça tient-il ensemble ? 

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     Des visages, des figures. Jusqu’à présent nos petites espèces immatérielles vivent et cohabitent sur différents territoires de la pensée. Territoires « qui chante quoi appartient à quoi » dans lesquels elles sont soumises à des rapports de forces. Zoom dans l’herbe, et observons maintenant quelques unes des « espèces emblématiques ».

Pour Deleuze, « constituer un territoire, c’est un peu la naissance de l’art… ». Lorsqu’un animal définit son territoire, il réalise une série de marquages qui sont des postures, des lignes, des couleurs, des chants…Commençons donc par nous interresser à la niche écologique d’un sujet comme David Lynch.

De la niche au monde…

Des visages, des figures : les ACTUS image001" />

Représentation, cadre et contexte

Un metteur en scène est capable de créer des mondes et les transmettre. Autrement dit, il donne accès à de nouvelles rencontres sous forme d’idées et d’affects en manipulant différents agencements conducteurs, différent dispositifs faits de sons, mouvements, lumières, couleurs…Mais pour ce faire, encore lui faut-il construire le terrain de jeu qui rendra ses nouvelles «règles» acceptables.

Alors construire un terrain de jeu, ou un monde, c’est d’abord isoler des caractères perceptifs parmi une nature « fourmillante ». Séparer et trier entre ce qui est « important » et ce qui ne l’est pas. Déformer pour reformer. Comme le dit von Uexküll, « chaque espèce vit dans un monde unique, qui est ce qui lui apparaît  déterminé par son organisation propre […] rien que quelques signes comme des étoiles dans une nuit noire immense ».

Sur ce terrain de jeu, vont alors pouvoir prendre place des personnages adaptés. Gilles Deleuze : « Un lointain successeur de Spinoza [Uexküll] dira : voyez la tique, admirez cette bête, elle se définit par trois affects, c’est tout ce dont elle est capable en fonction des rapports dont elle est composée, un monde tripolaire et c’est tout! La lumière l’affecte, et elle se hisse jusqu’à la pointe d’une branche. L’odeur d’un mammifère l’affecte, et elle se laisse tomber sur lui. Les poils la gênent, et elle cherche une place dépourvue de poils pour s’enfoncer sous la peau et boire le sang chaud. Aveugle et sourde, la tique n’a que trois affects dans la forêt immense, et le reste du temps peut dormir des années en attendant la rencontre. […] »

Sécurité de l’action dans un terrain de jeu, il s’agit donc pour tout sujet « réalisateur » de composer un monde optimal - le réseau de relations qui porte une existence - au sein de l’environnement pessimal qu’est l’infinité indiscernable de la nature. Gilles Deleuze: « C’est pourquoi Uexküll s’est principalement intéressé à des animaux simples qui ne sont pas dans notre monde, ni dans un autre, mais avec un monde associé qu’ils ont su tailler, découper, recoudre : l’araignée et sa toile, le pou et le crâne, la tique et un coin de peau de mammifère. »

…du monde à l’écosystème

http://www.dailymotion.com/video/3lgPmrH3feaWUm90y

     Un réalisateur produit donc un monde, délimite l’espace de jeu dans lequel il va pouvoir transmettre idées et affects propres. Un monde qui chez Lynch est fait d’extractions lumineuses (telle couleur et pas une autre parmi les milliers de gammes possibles), de déformations des proportions des corps et d’attractions étranges (modification et pivotage des angles, multiplication des points de vue sur le même…)

Mais un monde n’est pas un écosystème. Dans ce dernier, à partir d’un élément du monde, le spectateur est capable de reconstruire une vision de l’ensemble. Or il semble que le monde de Lynch puisse répondre à cette définition de l’écosystème à travers certaines des répétitions qui (co)existent d’une œuvre à l’autre : redondances, modèles et structures caractéristiques de systèmes complexes.

Alors ici on ne va pas se demander comment tout ça se produit dans la tête du réalisateur (point de vue psychanalytique[1]), mais on va plutôt tenter d’évoquer rapidement quelques pistes ou sensations très fragmentaires autour d’un comment tout ça fonctionne ensemble (point de vue écologique).

image002 dans Art et ecologie

Diffusion, contamination et dissipation

     Premièrement, l’écosystème lynchien est marqué par l’instabilité. Le réseau des relations est non linéaire (espaces, temps). Chaotique dans la mesure où ce qui se passe en un point du système a toujours des répercutions imprévisibles sur l’ensemble.

Il a toujours contamination (la tristesse dans la scène du bar de Twin Peaks faisant suite au meurtre de Maddy), il y a toujours cohabitation (le « je suis chez vous en ce moment même » de Lost Highway), et donc coévolution entre les différents niveaux ou profondeurs d’un réel multiple fait de couches rêves/réalités sans véritables contours. Ni dedans, ni dehors dans le temps ou l’espace. Des mondes oui, mais associés et imbriqués.

Ce qui se répète d’un plan à l’autre, ce sont des formes non identitaires, des objets/personnages. Ce qui diffère, ce sont des flux et des décalages. Des décalages de vitesse et de lenteur, des décalages par rapport à un manque (bras, œil, sourcil, taille) autour d’un axe (attraction étrange) normalité/banalité.

http://www.dailymotion.com/video/4zhaAA3JXYUhLm68Q

Tout cela est possible du fait que nous sommes dans un univers de flux où toute image/forme n’est donc qu’un instantané, un enregistrement (« all is recorded ») à déplier/répliquer.

image003 dans David Lynch

« All is recorded »

Qu’ils soient sonores (irriguant des routes, des couloirs ou des câbles électriques) ou lumineux (éclair, stroboscope, sol en Z reflètant), ces flux traversent, bombardent, chargent et déchargent les diverses formes réceptacles que sont les objets/personnages récurrents.

image004 dans Des figures, des visages.

Flux et support conducteur

Ces objets/personnages fonctionnent donc à l’image de conduites de stockages temporaires, récurrentes, et non caractérisées par une frontière humain/non humains.  C’est la traversée d’un ou plusieurs flux qui en définit la forme, donc le sens, en modifiant les couleurs, la texture (déclinaison des rideaux rouges), en génèrant des échos (écrans, réfractions) sonores…

image005 dans Ecosystemique

L’objet/personnage du rideau rouge se reterritorialise ici en peinture rouge. Changement de texture mais signifié (contexte) stable

Absence d’intériorité et discrimination par des flux extérieurs entrant et sortant, ces éléments sont donc interchangeables dans différentes chaînes de signification ou séquences redondantes.

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Absence d’intériorité du personnage et identité donnée par le contexte (le rapport des flux extérieurs qui l’irriguent)

Leur sens varie en fonction des bombardements du dehors, du contexte et des contours musicaux qui permettent de multiplier les points de vue sur le même. En conséquence, les objets/personnages sont indépendants les uns des autres que ce soit dans la succession des plans ou dans leurs associations, déconstructions et reconstructions (de la cabane en flammes aux personnages qui parlent…à l’envers puis à l’endroit).

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Systèmes d’alerte, instabilité, connexion et diffusion.

L’écosystème lynchien est également hiérarchisé. Une hiérarchie qui n’est pas de type humain/non humain. Les objets/personnages sont différemment capables de circuler entre les divers mondes apparents ou contextes. Les devenir dans le passage des différentes « espèces » ne sont pas les mêmes. Celui du personnage à la tête encastrée dans la table en verre dans Lost Highway, ceux des corps réceptacles poreux (Leland Palmer, Fred Madison) à remplir. Si les objets sont interchangeables et superposables, la composante personnage est néanmoins marquée par le passage : la couleur des cheveux, le visage ou le physique entier est modifié.

http://www.dailymotion.com/video/5WAK6JWxXSXFXm6SL

Dans le cadre lynchien, toute superposition (image/son) est possible du fait des différences de profondeur et de fréquence qui coexistent dans un même champ (hologrammes visuels, échos sonores). Le mouvement est donc un mouvement de diffusion, d’aborption, de dissipation, de capillarité des fluides : lumière, échos sonores, fumée.

Le passage entre les différents niveaux de profondeur est toujours marqué par un son, un flux de lumière, une ampoule qui cherche à s’éteindre ou à s’allumer, un chant ou une danse. A l’image des bioindicateurs, il existe une grille de lecture, des systèmes d’alerte qui marquent le temps des processus de connexion et de passage.

« Il flotte toujours une musique dans l’air » Red dwarf, Twin Peaks

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La grille de lecture classique du monde associé de Twin Peaks. L’effet stroboscopique de la lumière est également inscrit sur la surface du sol (éclairs)

 « Tout organisme est une mélodie qui se chante elle-même » von Uexküll

Territoire sonores et lumineux aux portes d’entrée multiples, comment tout cela tient ensemble ? L’écosystème lynchien est capable de résilience, c’est-à-dire d’absorber beaucoup de variations, de bruits, d’éléments contraires. Les limites des espaces ne sont pas spatiales mais musicales. Le liant sonore admet la cohabitation des contraires, rend flou toute frontière du dedans et du dehors. En jouant sur les fréquences (profondeurs superposables), il permet également de déformer l’espace (gros plan, contre plongée) pour l’occuper différemment.

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Différence dans la répétition : ici peu de code « rouge », seulement localisé au niveau des lèvres et souligné par l’absence des sourcils, mais inversion du marqueur musical. Cette fois l’arrivée de l’objet/personnage (le passage) est marquée par la coupure (l’absorption) du son.

Le cadre spatial est quant à lui fragmenté, le plan des décors coupé. Si les mouvements de caméras définissant des coutours sont souvent flous et partiels, c’est une cohérence d’ensemble qui permet au spectateur/visiteur de reconstruire les manques à partir de la reconnaissance sensible d’un marqueur temporel. Temps non linéaire, mais temps d’un processus. Ici n’est donc plus ici, et bien que les formes soient les mêmes, jai été affecté par le dispositif marquant le processus du changement. Je comprends que le contexte du jeu n’est plus le même, et j’admet que les règles changent.

http://www.dailymotion.com/video/65xaXMFdynph4m7M3


[1] Lynch et Lacan :

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L’écosystème

Notion de base sur les écosystèmes

     Un écosystème est un complexe dynamique composé de communautés de plantes, d’animaux et de microorganismes et de la nature inerte, sujet à des interactions en tant qu’entité fonctionnelle. Les écosystèmes varient énormément en taille, en durée de vie et en fonction. Un bassin temporaire dans le creux d’un arbre et un bassin océanique sont tous deux des exemples d’écosystèmes. Définition d’après groupe de travail sur le cadre conceptuel de l’Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire.

    Les communautés de plantes, d’animaux et de microorganismes sont autrement dénommés biocénose. Celle-ci se caractérise par une chaîne alimentaire (ou trophique), allant du producteur primaire (le végétal fabriquant de la matière organique à partir de l’énergie lumineuse, du CO2 de l’air et des ions minéraux du sol), aux divers consommateurs (de l’herbivore au super prédateur), en passant par les divers décomposeurs en charge d’assurer le retour de la matière organique sous forme minérale dans le sol. La nature inerte est également connue sous l’appellation de biotope. Celle-ci regroupe l’ensemble des caractères géographiques et physico-chimiques de l’écosystème (climat, nature du sol, relief, eau…). Pour analyser et décrire un écosystème donné, on utilise la notion de facteur écologique. Est dit facteur écologique, tout élément du milieu extérieur susceptible d’affecter le développement des êtres vivants.

A ce titre, on distingue plusieurs types de facteurs écologiques:

  • les facteurs biotiques, liés aux composantes biologiques (biocénose), interactions du vivant sur le vivant, intraspécifique (au sein de la même espèce) et interspécifique (entre deux espèces différentes ou plus) ;

  • les facteurs abiotiques, liés aux conditions physico-chimiques du milieu (biotope).

Un facteur écologique joue le rôle de facteur limitant lorsqu’il conditionne les possibilités de succès d’un organisme dans ses tentatives de colonisation d’un milieu. Ce facteur peut être limitant tant par son absence que par son excès. Chaque être vivants présente donc vis-à-vis des facteurs écologiques des limites de tolérances entres lesquelles se situe la zone de tolérance et l’optimum écologique. Ainsi la valence écologique d’une espèce représente sa capacité à supporter les variations plus ou moins grandes d’un facteur écologique.

Les facteurs écologiques peuvent donc agir de différentes façons sur la biocénose. Ils vont notamment intervenir sur :

  • l’aire de répartition biogéographique des espèces ;

  • la densité des populations ;

  • l’apparition de modifications (comportement, métabolisme) adaptatives.

Ainsi lorsque la présence de telle ou telle espèce nous renseigne sur les caractéristiques de son milieu, celle-ci sera appelée bio-indicateur (coquelicot sur sol calcaire ensoleillé, bruyère en sous-bois sur sol acide…). Les caractéristiques propres (un biotope impliquant telle type de biocénose et inversement) à chaque écosystème permettent un zonage tel que celui reproduit sur la page suivante à l’échelle des écorégions. Dès lors pour chaque type écosystème, il est possible d’associer à ce zonage : un mode de fonctionnement, des biens et des services produits, des risques et menaces connus….

L'écosystème dans -> NOTIONS D'ECOLOGIE image0012

Source : Millenium Ecosystem Assessment

    Les êtres humains, en tant que partie intégrante[1] des écosystèmes, tirent bénéfices des « biens et services » produit par le fonctionnement des  écosystèmes. Les services produits par les écosystèmes comprennent les services de prélèvement tels que celui de la nourriture et de l’eau; les services de régulation comme la régulation des inondations, de la sécheresse, de la dégradation des sols, et des maladies ; les services d’auto-entretien tels que la formation des sols, le développement du cycle nutritionnel; enfin les services culturels tels que les bénéfices d’agrément, les bénéfices d’ordre esthétiques et les autres avantages non matériels. Ces différents « services » résultent du fonctionnement des écosystèmes, c’est-à-dire de l’ensemble des réactions biogéochimiques[2] affectant la biosphère et se caractérisant par des échanges permanant de matière et d’énergie le long des différents cycles (eau, carbone, azote…) et chaines alimentaires.

image002 dans Biodiversité

Du fait des différents cycles (ici celui de l’eau), tous les écosystèmes sont fortement ouverts les uns aux autres. Il existe cependant des frontières plus ou moins poreuses dénommées écotones. La lisière d’un bois le séparant d’une parcelle agricole, une haie coupe vent en sont de bons exemples. Comme toute frontière ces zones sont d’importants lieux de transit et d’échange, connaissant une diversité biologique accrue du fait du mélange des qualités des divers écosystèmes la composant. L’un des écotones les plus connu est la zone humide, zone de transition entre les milieux terrestres et aquatiques. Celles-ci constituent un vaste réseau interconnecté d’échange incluant les lacs, rivières, marais et les régions côtières. Dans le monde, on estime à minima qu’elle couvre une surface sensiblement équivalente à 25 fois le territoire français, cela bien que durant le 20ème siècle, plus de 50% des zones humides[3] d’Amérique du Nord, d’Europe et Australie aient été détruites du fait de l’urbanisation, des infrastructures de transport, du surpompage…

Services fournis par les zones humides

Approvisionnement

Nourriture Poisson, fruits, céréales
Eau douce Réservoir
Fibre et combustible Bois énergie
Biochimie Médicament
Biodiversité Matériel génétique

Régulation

Climat Régulation température et précipitations
Cycle de l’eau Recharge des nappes souterraines
Epuration de l’eau Filtration des polluants
Régulation de l’érosion Rétention des sols
Régulation des risques naturels Contrôle des inondations
Pollinisation Habitat

Support

Formation des sols Rétention des sols
Cycle des nutriments Stockage, recyclage des nutriments

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Les différents services fournis selon le type d’écosystème

Apports méthodologique de l’approche écosystémique

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     Au niveau d’un cadrage initial, il est possible de découper un territoire en sous unités fonctionnelle (écozones) et d’ainsi utiliser le concept d’écosystème comme grille de lecture structurante des évaluations.

Les conditions de vie et de production d’une collectivité dépendent toujours directement ou indirectement des services fournis par les écosystèmes locaux (eau, nourriture, bois, fibre, matériel génétique…). Aujourd’hui, le développement des transports à grande vitesse associés à une énergie peu chère, rendent possible la consommation de certains biens et services produits par des écosystèmes distants, d’où la notion de ville « hors-sol » allant capter son eau parfois à plusieurs milliers de kilomètre. Cependant la question de la durabilité et du coût global de tels systèmes d’approvisionnement lointains demeure en suspend.

En effet, les projections démographiques et la nécessaire poursuite de la croissance économique mondiale[4] vont encore accentuer la consommation de biens et services pour une offre ou capacité environnementale au mieux constante, à priori déjà saturée. A titre d’exemple les études prospectives menées dans le cadre du « Millenium Ecosystem Assessment » nous enseignent que la demande en nourriture (donc en service de prélèvement, d’auto-entretient…) pourrait croître de 70 à 80% sur les 50 prochaines années. Avec quels écosystèmes ?

Cette demande croissante engendrera nécessairement des difficultés plus grandes pour les collectivités au niveau de l’accès aux ressources et augmentera pour tous le coût de la sécurisation des approvisionnements, d’où le concept de vulnérabilité territoriale.

Vulnérabilité territoriale et évaluation

      Du fait de l’interconnexion de tous les écosystèmes, se croise sur un même territoire des échelles de temps hétérogènes. L’environnement global (climat, grands cycles biogéochimiques) qui évolue sur la longue période, l’environnement local (production de biomasse) sur la moyenne, les collectivités humaines sur la courte période. L’exemple suivant nous montre comment une déforestation exercée même à longue distance d’un territoire, peut par effets successifs, avoir un impact non négligeable sur l’environnement local ce dernier.

image010 dans Energie

Que dire également du changement climatique, véritable producteur d’incertitudes affectant l’environnement global. Ces temporalités et frontières mouvantes au sein des territoires renforcent le besoin prospectif des analyses.

image012 dans Monde animal image011 dans Monde végétal

Pour tenir compte de ces dépendances et interconnections multiples, des temporalités et distances de contamination variables, l’approche écosystèmique des territoires parait la plus pertinente.

Conclusion et synthèse

    Retenons donc qu’il existe des relations directes et indirectes entre vulnérabilité de l’environnement, au sens de l’ensemble des écosystèmes présent sur un territoire, et vulnérabilité  des collectivités humaines qui y sont inclus et vivent pleinement, sur un territoire, des biens et services procurés par ses écosystèmes.

image013 dans Ressource en eau

Source : Millenium Ecosystem Assessment

    Illustrant cette approche, le Global Environmental Change and Human Security Project a cartographié les régions soumises à un fort stress écologique associé à une vulnérabilité du bien-être des populations. Pour ce faire a été développé un index, ‘‘index of vulnerability’’, résultat de l’agrégation de 12 indicateurs et dont la matrice d’analyse est représentée ci-dessous.

Indicateurs composants l’index de vulnérabilité

  • Food import dependency ratio,

  • Water scarcity,

  • Energy imports as percentage of consumption,

  • Access to safe water,

  • Expenditures on defense versus health and education,

  • Human freedoms,

  • Urban population growth,

  • Child mortality,

  • Maternal mortality,

  • Income per capita,

  • Degree of democratization,

  • Fertility rates.

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Source : International Human Dimensions Programme on Global Environmental Change



[1] L’être humain a donc lui aussi une valence écologique, celle-ci est artificiellement largement étendue par la maîtrise de l’énergie et les outils techniques.

[2] Les interactions existantes entre les différents êtres vivants (facteur biotique) vont de pair avec un mixage permanent avec des substances organiques et minérales (facteur abiotique), absorbés par les organismes vivants pour leur croissance et reproduction, puis rejetés sous forme de déchets. Ce recyclage permanent d’éléments (en particulier carbone, oxygène, azote et l’eau) est appelé cycle biogéochimique.

[3] 90% en Californie, 67% en France…

[4] Infrastructure de transport, urbanisation, consommation de matières premières…

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