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Ecosophie ici et là ?

Ecosophie ici et là ? dans -> ACTUS ecoso

     On tourne souvent autour des mêmes interrogations bancales sur ce blog. La faute à une conceptualisation difficile, contrecoup de ce qui reste avant tout une observation de terrain produisant ses affects de manière désordonnée. Sujet étudiant, lui-même véritable symptôme de ses objets d’étude. Un temps de recul, formaliser quelque peu. Etre capable de formuler les questions, le premier pas sérieux pour en sortir ? Des réponses ? Elles sont du côté des pratiques, non préconstituées, non connues à l’avance. Alors s’il y a bien un concept qui répondrait à cet objectif de formalisation de questions plutôt que de réponses, filet de capture souple de nos affects débridés, c’est peut-être bien l’écosophie de Guattari.

En sympathie avec l’article introductif qui suit, la question que nous cherchons à poser, celle autour de laquelle nous tournons sans cesse, c’est bien de « construire des conditions concrètes permettant à l’individu de sortir de ses intérêts de court terme [...] pour penser et construire ses rapports au monde« . Une fois dit que les valeurs ne s’imposent que grâce au crédit que chacun leur accorde, de la passivité à la simple croyance, de l’absence de filet éducatif ou de soutien à l’action, comment composer les nouveaux écosystèmes institutionnels, ces incitations collectives à même de libérer et produire de nouveaux comportements doux ?

Ouvrons donc un nouveau chantier dédié à l’écosophie, et plus précisément à la manière dont certains des éclats de celle-ci ont pu venir contaminer quelque peu les pratiques institutionnelles, comme nourrir des expériences collectives et/ou individuelles beaucoup plus informelles.

Commençons par un commencement pour une fois, sous la forme d’un article de synthèse de Valerie Marange. Il n’est pas dans la nature de ce blog fragmentaire de capturer les articles extérieurs dans leur intégralité, mais il semble bien difficile de couper celui-ci sans en amputer sérieusement la portée. L’article dans sa version originale et totalement intégrale est disponible à cette adresse: http://ecorev.org/spip.php?article501

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D’une économie élargie à une écologie mentale

L’écologie politique est aujourd’hui arrivée à un point de développement important, qui ne lui confère pourtant qu’une efficacité très réduite. On l’observe par exemple dans le domaine des émissions de CO2, qui n’ont reculé depuis Kyoto que dans les pays de l’ex-URSS, pour cause de désastre économique. Cette impuissance de l’action politique conduit certains observateurs à la conclusion que le levier réside aujourd’hui, non pas dans une fallacieuse « démocratie économique », mais dans les modes de vie et les aspirations culturelles [1].

Le niveau d’émission de CO2, de production de déchets en général dépendent bien sûr des stratégies du marché (flux tendus par exemple) et des politiques de transports mais aussi des habitudes de consommation, des comportements face au travail, des modes d’habitats, des satisfactions trouvées dans la vitesse… Si la pensée écologiste nous a appris l’importance des « externalités », négatives ou positives, ressources minières ou ressources humaines pour l’économie « restreinte » [2], il n’est pas impossible que la détermination la plus forte, aujourd’hui, soit du côté des externalités subjectives, c’est-à-dire des mentalités.

Les valeurs économiques sont comme toutes les valeurs, elles dépendent du crédit qu’on leur accorde, comme on le voit avec les phénomènes d’ »euphorie » ou de « panique » boursière. D’autre part, le mouvement capitalistique lui-même dépend de plus en plus des productions immatérielles, autrement dit des savoirs, désirs et croyances qu’il s’efforce de capter à son profit. La « nouvelle économie » est en partie une récupération des énergies bénévoles investies dans le développement de l’Internet, transformant des « valeurs » en prix, en plus-value [3].

Il y a donc des enchaînements permanents entre environnements physique, économique mais aussi affectif et mental, et qui font que nous ne pouvons plus séparer, comme le faisaient les marxistes, les infrastructures matérielles des superstructures idéologiques. Et la question pratique la plus urgente pour la politique écologiste pourrait donc être de travailler, plus que les leviers du pouvoir au sens restreint, ceux de la micro-politique des valeurs, des affects et des façons de vivre. À une économie élargie, il faudrait donc faire correspondre une politique et une écologie élargies.

L’écosophie : un plan de consistance à multiples entrées

L’utopie ou la mort… Ce cri de Dumont sonne un peu étrangement, dans nos temps apathiques. C’est cette apathie, cette impuissance subjective qui inquiète le plus Félix Guattari au moment où, il y a une quinzaine d’années, il propose d’élargir le paradigme écologique aux champs des sociétés et des mentalités [4]. Cette proposition découle de son travail avec Gilles Deleuze sur les processus subjectifs à l’œuvre dans le capitalisme, qui libère l’inventivité mais la retourne aussi en « anti-production » [5].

http://www.dailymotion.com/video/x4flvl

Capitalisme et schizophrénie

Elle provient aussi de son travail clinique, mené à La Borde dans la foulée de la psychiatrie « institutionnelle », pour laquelle c’est l’environnement dans ses différentes composantes qui est déterminant dans les formations subjectives et leurs pathologies [6].

Son « écosophie » fait aussi écho à une tendance dans l’écologie scientifique, à tranversaliser de plus en plus l’analyse des « milieux » associant des éléments naturels et artificiels, des espèces animales ou végétales et des modes de vie humains.

L’ethnobiologie, la discipline dite de la biodiversité, la sociologie de l’environnement mais aussi des sciences et des techniques, n’ont cessé depuis de confirmer de telles hypothèses, de faire de l’environnement l’opérateur d’une interdisciplinarité entre sciences dites dures et sciences humaines [7]. Bien loin des modèles organicistes ou déterministes, elles ont contribué à affirmer des visions « compréhensives » des relations sociales en même temps que de l’environnement, faisant fonctionner non pas seulement des « systèmes » mais des relations entre différents points de vue actifs, des pôles de valeur.

Si « biologisation » du social il y a ici, c’est au sens où la vie elle-même est relation, c’est sur la base d’une philosophie du vivant qui lui confère une capacité politique immanente. Même pour une amibe, vivre est d’abord « préférer et exclure« , composer ses rencontres et son milieu, affirmait Georges Canguilhem, philosophe-médecin qui forma Deleuze comme Foucault. Chez Deleuze-Guattari, d’une autre façon chez Latour et Stengers, cette leçon d’écologie devient une véritable ontologie des relations : ce qui est important, ce n’est pas tant ce qui se passe dans tel ou tel pôle de transcendance (l’État, le Sujet ou l’Individu, la Nature…), c’est ce qui se passe « entre » ces pôles ou plutôt entre des éléments plus fragmentaires (affects, signes, blocs d’intensité, techniques…) ce qui rend l’agencement plus ou moins productif, ouvert, vivant. Ici la division entre nature et culture ou artifice n’a plus lieu, l’essentiel étant que les « machines » socio-techniques soient désirantes. La création est le sens du vivant, et l’écosophie plus constructiviste que conservatrice. Il ne s’agit pas de garder l’être, mais de produire des milieux vivables et vivants.

Il ne s’agit pas de s’en prendre au productivisme, mais de sortir de l’anti-production capitaliste, qui ne libère les flux vivants que pour les rabattre sur la valeur marchande, et de tous les dispositifs de contrôles nécessaires pour la protéger… jusqu’au fascisme. La productivité est ici arrachée au seul rapport capital-travail, rendue aux forces de l’invention et de la coopération, de l’auto-valorisation et de l’éco-valorisation [8].

L’écosophie, on le voit, est à l’instar des dispositifs qu’elle décrit et promeut un « rhizome », un ensemble de « plateaux » plus qu’une arborescence ordonnée, une synthèse de nombreuses rencontres entre des foyers de subjectivation disparates, hétérogènes. S’il s’agit de faire passer quelque chose entre les disciplines diverses, l’écosophie s’efforce aussi de répondre à un problème concret auquel est confrontée une écologie politique émergente, celui d’opérer des alliances entre des pôles de singularisation éclatés, mutants, en prise sur des questions de modes de vie : cultures minoritaires, féministes, usagers de la santé, homosexuels, chômeurs… À tous, ainsi qu’à certains pans de la subjectivité ouvrière classique (du syndicalisme par exemple) Guattari propose de travailler ensemble les conditions concrètes de l’habiter, tout en construisant une transterritorialité entre leurs différentes langues vernaculaires. La parution des Trois écologies suit de peu l’ »Appel pour un arc en ciel » et sa tentative de trouver entre différentes tribus minoritaires des modes de coexistence propres à renouveler les coordonnées classiques du politique. Quel que soit le bilan de cette tentative, elle s’inscrit pour le moins dans une tension toujours vivante, même si elle a pris quelques coups, de « faire de la politique autrement ».

La vie anormale des gens normaux

Le projet écosophique s’affirme donc simultanément sur un plan scientifique et philosophique, clinique et politique, éthico-esthétique. Ce qui inquiète ici Guattari, c’est la vie anormale des gens normaux, c’est-à-dire la passivité devant le désastre matériel et moral, l’infantilisation par les médias, l’arrêt de la production subjective de virtualités collectives, voire la régression vers les micro-fascismes des « sociétés de contrôle » [9].

C’est bien là-dessus qu’il faudrait agir, mais « il est difficile d’amener les individus à sortir d’eux-mêmes, à se dégager de leurs préoccupations immédiates et à réfléchir sur le présent et le futur du monde. Ils manquent, pour y parvenir, d’incitations collectives«  [10].

Comment sortir l’individu contemporain de sa narcose fataliste, de son intégration hyper-adaptative ? Praticien en même temps que théoricien, Félix propose de nouveaux « agencements collectifs d’énonciation », de « nouveaux enlacements polyphoniques entre l’individu et le social ». Une nouvelle productivité des subjectivités doit être soutenue par des dispositifs concrets, nouveaux territoires d’existence producteurs d’univers de valeurs, dont des esquisses sont repérables dans nos sociétés dans des « groupes-sujets ».

La pratique se déroule toujours au sein de groupes, et dans ce sens est toujours partielle. Loin de résulter d’un abstrait quelconque même « écologiste », elle exprime ce qui se passe concrètement dans le dispositif qui la produit. Ainsi, l’isolement du téléspectateur, même « bien informé » de la dégradation du monde, ne produit par lui-même aucune pratique positive. Les agencements post-médiatiques, ceux des réseaux d’échanges sur l’Internet ont commencé d’ouvrir une brèche concrète dans la normalisation massive des subjectivités. De la même façon, des avancées importantes ont été possibles, dans des localités instaurant des formes de démocratie participative où tous les aspects de la vie quotidienne (urbanisme, santé, chômage, problèmes d’ambiance) sont travaillés collectivement. Ici ou là, de petites machines écosophiques efficaces indiquent une certaine vitalité des territoires et de la socialité, tout en s’employant à la restaurer.

Il existe une écologie sociale et mentale spontanée, bien repérée dans les pays du Sud, où le soutien mutuel est vital. Ce n’est pas par hasard que de nombreuses ONG, ces dernières années, ont mis l’accent sur le soutien à de telles trames de socialisation, souvent portées par des femmes. Des groupes comme Aides et Act up prouvent aujourd’hui que la bataille contre le Sida sera gagnée ou perdue non seulement au niveau des institutions, mais dans la connexion de celles-ci avec les collectifs de malades, souvent en Afrique des femmes pauvres et veuves, chez nous des homosexuels, des prostitué(e)s ou héroïnomanes. Là encore, c’est aux externalités de la « politique restreinte » que nous sommes confrontés, à leur efficacité propre.

C’est cette efficacité qu’une politique écosophique s’efforcera de démultiplier, en extension et en intensité.

D’un matérialisme utopique…

Ainsi la consistance éthique du projet n’est elle jamais séparée de la question, non pas du pouvoir, mais de la puissance.

La question, si l’on se rappelle bien, est de construire des conditions concrètes permettant à l’individu de sortir de ses intérêts de court terme, de sa course au pouvoir et au profit, pour penser et construire ses rapports au monde, à l’altérité, au temps. À sortir de son indifférence au désastre écologique et social, le sujet « normopathe » a en effet quelque chose à perdre, puisqu’il y prend conscience de sa finitude, de son altération, de son « impouvoir » (Blanchot). La fiction du sujet politico-moral transcendant ou du nice guy « communicant » n’empêche pas que chacun soit soumis à des interdépendances, des politiques de santé ou d’urbanisme, à ses propres fragilités comme vivant. L’écosophie recourt au « principe de cruauté«  [11], elle est d’une certaine façon un matérialisme absolu, l’humour du corps s’adressant à un esprit dominateur, maître et possesseur de la nature.

« Vivants dans la politique desquels leur condition d’être vivant est en question » selon les mots de Foucault, nous aurions tort de laisser à des pouvoirs pastoraux ou à des sociétés anonymes le soin de gérer nos corps et notre environnement, de déterminer nos façons de vivre. L’écologie sociale est d’abord une politique des gens concernés sur les questions qui les concernent, des vivants sur la vie qu’ils vivent, des habitants sur le territoire qu’ils habitent, des vieux ou des jeunes sur la façon de vivre leur âge.

C’est une biopolitique en rupture avec le schéma technocratique ou assistanciel. En même temps, elle ouvre tout un champ de possibles à des initiatives nouvelles, pour décloisonner les questions de la maladie, de la vieillesse, des relations amoureuses et familiales, de la solitude ou de la difficulté existentielle. Pas plus que les questions globales du climat ou des échanges internationaux, les questions micro-politiques ne doivent être laissées à des experts de l’intime.

…à une écologie du virtuel…

En effet, il ne s’agit pas ici de chanter la finitude sur l’air du renoncement, mais d’ouvrir de nouvelles virtualités. Il y a bien, dans la crise actuelle de l’écologie sociale, un problème de perte de réalité. Celui-ci ne concerne pas seulement les « sauvageons du virtuel », mais aussi bien ceux qui, dans le salon télé de leur résidence sécurisée, croient le monde pacifié et leur subjectivité close, vouée à la seule altérité intérieure et à la « communication » normée. D’autre part, la puissance de virtualisation ne pose pas en elle-même problème, mais seulement dans la mesure où elle s’inféode à la logique du probable ou tourne à vide sur le seul mode du fantasme, se déconnectant de toute production de réalité. Les nouvelles techniques ne sont pas univoques, elles offrent des possibles et pas seulement de l’inéluctable. Et le chaos lui-même n’est pas doté de valeurs seulement négatives, en nous déterritorialisant des soumissions traditionnelles, en nous indiquant aussi les limites de la rationalisation.

C’est pourquoi l’écosophie ne saurait être appel au renoncement, au raisonnable, ni, comme l’a cru Hans Jonas, à la peur. L’opposition entre matérialisme et utopie, qui remonte à une certaine normalisation du mouvement ouvrier, doit au contraire être battue en brèche. C’est une question de santé mentale de base, comme l’a admirablement montré Ernst Bloch, que de pouvoir espérer activement, développer des utopies concrètes [12].

C’est faute de pouvoir accomplir une telle pragmatique désirante, que le sujet contemporain devient normopathe, absorbé par la « fatigue d’être soi » voire renvoyé à la seule expression violente. Nulle responsabilité authentique ne peut être exercée si elle considère l’avenir comme écrit, proposant la résignation et le cocooning comme sagesse de vie.

…et des pratiques

Il ne s’agit donc pas de proscrire, d’écraser dans des affects tristes les virtualités singulières, mais d’en promouvoir une écologie, une coexistence, au travers de ce que Stengers nommera plus tard dans le domaine des sciences une « écologie des pratiques », qui cesseraient de se disqualifier mutuellement, d’opposer la liberté de l’un à celle de l’autre, la pensée normale à la déraison.

Il ne s’agit pas ici de se soumettre à un impératif de tolérance, à un catéchisme sur le « goût des autres ». Il s’agit de comprendre -comme on le voit très bien dans les coopérations interdisciplinaires- que ma singularité, comme ma puissance d’agir commence là où, non pas s’arrête mais commence celle de l’autre. La pluralité ou même l’adversité du dissensus, qui me sort du narcissisme consensuel, m’ouvre aussi l’espace des points de vue, de la coopération dans la compréhension et la production d’un monde fait de multiplicité. Pour ces deux raisons, « j’ai non seulement à l’accepter, mais à l’aimer pour elle-même ; j’ai à la rechercher, à dialoguer avec elle, à la creuser, à l’approfondir… » [13].

Les groupes-sujets et leurs agencements peuvent ainsi s’étendre aussi largement que possible, à condition de ne pas céder aux jeux de l’hégémonie et de la normalisation. Il peuvent aussi s’approfondir en intensité, en radicalité pourrait-on traduire, à condition de rester ouverts [14]. On retrouve ici le schème deleuzien de la différence et de la répétition, ou celui de Tarde sur l’invention et la coopération.

L’écosophie est une philosophe de l’entre, mais aussi du « et« , de la disjonction non exclusive. C’est cette idée qui motiva, dans l’expérience de l’ »Arc en ciel », la règle dite du « consensus-dissensus », permettant à chaque composante de travailler librement avec les autres sans jeux de majorité ou d’hégémonie, en continuant d’approfondir sa propre singularité. L’application en est évidemment complexe dans le jeu « politique » au sens restreint, celui de la représentation élective.

Reste qu’une telle virtualité est opérante dans les mouvements sociaux actuels, qui reposent presque toujours sur des fronts de minorités.

Reste aussi que comme aspiration, elle ouvre des perspectives pour sortir d’un jeu politique démocratique aujourd’hui dominé par la corruption, et d’une certaine atmosphère de guerre sociale, de disqualification des uns et de cynisme des autres. Cette nécessaire écologie de la politique elle-même, des relations politiques entre les humains, dont les interactions meurtrières de la circulation routière sont un contre-modèle, rejoint ici les évocations philosophiques qui font de la terre le tiers espace, le grand dehors ramenant les humains à une éthique de coexistence et d’hospitalité [15].

En même temps, le plus large point de vue est celui des multiplicités, qui ne signifie ni débat pluraliste au sens politico-médiatique, ni globalisation du regard à la manière holiste.

Cela signifie qu’il n’est plus possible de se désintéresser des conditions pratiques de l’énonciation collective d’un point de vue, de la qualité de l’être-ensemble dans les groupes politiques comme dans les relations de voisinage, d’institutions, d’entreprises.

Il n’est plus possible de continuer à cliver l’idéologie et la matérialité, ni le paradigme écologique de la politique écologiste. Ce qui doit nous intéresser, plus encore que les stratégies ourdies à l’OMC ou dans les multinationales, ce sont les relais subjectifs concrets qui font gagner ces stratégies, construisent des consensus.

Ce qui doit retenir notre attention, autant que les effets massifs de la globalisation, ce sont les raisons intimes que nous avons d’agir, du désir que nous avons de nous rencontrer, de notre capacité à esquisser d’autres possibles.

Partir de nos besoins et de nos désirs, de nos terrains et virtualités spécifiques, plutôt que nous projeter dans l’espace d’une représentation universalisante, mais pour aller à la rencontre d’autres besoins et d’autres désirs, les composer ensemble, en construire une écologie.

Voilà qui implique beaucoup d’art, beaucoup de souci de soi et du dehors, que ne sauraient susciter ni la doxa démocratique actuelle, ni l’idéologie de la communication, mais seulement des pratiques actives de restauration de la cité subjective.

Il s’agit de favoriser partout l’émergence de nouveaux territoires d’existence, d’ »espaces de douceur » ouverts, de nouvelles trames de socialité qui seules peuvent produire des univers de valeurs alternatifs au nihilisme de masse, à ses horizons barbares.

Valérie Marange, Philosophe, co-rédactrice en chef de la revue Chimères

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[1] Cf Bernard Kalaora, « Pensée écologique et enjeux de société », Etudes sociales, 1997, n°125. et « Quand l’environnement devient affaire d’État », Anthropologie du politique, Ed. Abélès M. et Jeudy H.P., Paris, Armand Collin, 1997.

[2] René Passet, L’économique et le vivant, Payot, 1982.

[3] Yann Moulier Boutang, « La revanche des externalités », Futur antérieur.

[4] Félix Guattari, Les trois écologies, Galilée, Paris, 1988.

[5] G. Deleuze et F. Guattari, Capitalisme et Schizophrénie, L’Anti-Oedipe, Minuit 1972 ; Mille Plateaux, Minuit, 1980.

[6] Félix Guattari « La grille », Chimères n°34.

[7] Marcel Jollivet, Sciences de la nature, sciences de la société : les passeurs de frontières. CNRS Editions.

[8] Maurizzio Lazzarato « Gabriel Tarde ou l’économie politique des affects », Chimères n°39.

[9] Félix Guattari, Les années d’hiver, Barrault, 1986 et Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », Pourparlers, Minuit, 1990.

[10] Félix Guattari, « Pour une refondation des pratiques sociales », Le Monde Diplomatique, septembre 1992.

[11] Selon les termes de Clément Rosset.

[12] Ernst Bloch, Le principe espérance, Francfort 1959, Gallimard 1976.

[13] « Refonder des pratiques sociales », art. cité.

[14] Anne Querrien, « Broderies sur les Trois écologies », Chimères n°26.

[15] Au début du Contrat naturel, Michel Serres évoque un tableau de Goya dans lequel deux hommes engagés dans une lutte à mort sont débordés par la catastrophe « naturelle » que leur conflit provoque. L’image évoque celle de la « paix des cimetières » que Kant place au départ de son projet de paix perpétuelle. Parce que la terre est ronde, dit-il, il faudra fonder la cosmopolitique sur la valeur d’hospitalité.

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Dialogue intérieur : une problématique de l’eau ?

http://www.dailymotion.com/video/4egYbvQ1Z1p0fkEqq

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Réunion du cabinet de sécurité intérieure de mes petits « moi ». L’ordre du jour est consacré à la répartition de mes budgets temps pour le mois de septembre 2007.

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-          [moi n°1 : le petit chef influençable qui dit « je » et doute tout le temps…]  Pourquoi parler d’eau sur un blog ? Qu’est-ce que ça veut dire tout ça ? C’est pas clair !

-          [moi n°2 : un chieur de type araignée… Oui, d’ailleurs on peut sans doute couper les lignes de crédit temps dédiées à cette activité, non ? Je n’y vois aucun sens et problématique en soi. Certains ici doivent plutôt manquer d’air que d’eau, n’est-ce pas n°3 ?

-          [moi n°3 : monsieur je sais tout…]  Problématique en soi ? Peut-être pas, mais nous tenons là à mon sens une tentative d’expression, certes encore confuse, d’un symptôme plus large. En ce sens, ce travail mériterait d’être poursuivi jusqu’à son terme. Et si vous voulez mon avis, coupez plutôt dans le budget sport…

-          [moi n°1]  …et gagner au mieux cinq minutes ? Bon, de quel types de symptômes parles-tu ? Expliques-toi vite où je coupe ce budget qui ne rapporte rien, et on en profite pour avancer sur le budget bière.

-          [moi n°3]  Mais ça c’est évident ! Des boucles qui se retournent sur elles-mêmes ! Nous vivons tous dans un monde où la pollution des eaux naturelles nous empêche un peu plus chaque jour d’en  boire ou même de s’y baigner ! En conséquence, il n’est pas inutile de souligner la relation de plus en plus distante et intermédiée que nous avons avec cette ressource naturelle pourtant si vitale.

-          [moi n°2]  Intermédiée par quoi et par qui ?

-          [moi n°3]  Par exemple, les organisations qui peuvent associer savoir-faire et moyens techniques et financiers de dépollution. Et elles ne sont pas si nombreuses !

-          [moi n°2]  Oui…Bon il n’empêche que je ne vois pas très bien en quoi cela serait généralisable ou représentatif d’un symptôme plus global?

-          [moi n°3]  Alors voilà…Tu m’écoutes ?

-          [moi n°2]  Si seulement nous avions le choix…

-          [moi n°3] Bien ! Donc les relations sont de plus en plus indirectes, c’est-à-dire qu’il y de plus en plus de machines ou d’objets entre les gens, et entre les gens et leur environnement. Autrement dit, nous avons de plus en plus de couches à percer avant d’arriver à une expérience vécue du monde qui ne soit pas celle d’un produit ou d’un intermédiaire…

-          [moi n°1]  Voilà ! Donc si je te comprends bien, c’est le même truc qu’avec notre copine. Téléphone, ordinateur, DVD…on a toujours besoin de quelque chose pour se connecter…Sans même parler d’être ensemble physiquement et/ou mentalement dans un même lieu ou moment, je peux dire que nous ne sommes jamais seuls, mais toujours encombrés d’un tas de truc…sans parler de vous non plus !

-          [moi n°2]  C’est donc ça….nous n’habitons plus avec des objets, mais nous habitons dedans ! Un truc que j’ai déjà du entendre mille fois ! Enfin…si ça vous amuse de réinventer la roue…d’ailleurs, saviez-vous que le barrage chinois des Trois Gorges a pu modifier jusqu’à la trajectoire même de la terre ? Ceci dit pour revenir à l’eau et vous éviter d’être ridicules plus longtemps en public. Mes pauvres petits amis !

-          [moi n°3]  Merci de ton aide ! Non, non je suis sérieux…nous n’avions pas encore parlé de ces objets que nous fabriquons et qui sont maintenant à l’échelle des puissances du monde. Et dire que certains contrôle ces objets…

-          [moi n°1] …tandis que tout un chacun pense contrôler ce qu’il croit être ses propres objets, oubliant bien vite qu’ils ne sont qu’une infime partie d’un objet beaucoup plus vaste. Tiens j’ouvre mon robinet et hop je le ferme si je veux !

-          [moi n°3] Mais nous ne contrôlons là qu’une toute petite vanne de sortie parmi des millions, et rien de la source, rien du contenu, …

-          [moi n°1]  Qu’il  soit multimédias ou aquatique d’ailleurs…

-          [moi n°2]  Pipo ! N’avons-nous pas toujours besoin d’un cadre à nos actions ? Une rencontre avec un objet, c’est aussi une formidable occasion de penser, qu’il vous soit imposer ou pas ! Vous me faite bien rire avec vos discours d’arrière garde !

-          [moi n°3]  Tout à fait, et c’est justement bien là qu’on peut remarquer un terrible renversement. Très précisément, quand des objets trop connus ou préconnus ne nous invitent plus à penser ou à rencontrer la différence. Cette eau israélienne en bouteille équivaut bien à sa sœur suédoise. A la boire, je n’apprends plus rien de son territoire de vie.

-          [moi n°1]   Résultat, ce sont les objets qui devenant presque autonomes…

-          [moi n°3] …car finalement fabriqués par d’autres objets…

-          [moi n°1] …qui par des connexions techniques successives les uns aux autres, finissent par produire eux-mêmes les nouvelles idées, les nouveaux affects et les nouvelles pratiques…là-dedans, une grande majorité des hommes est donc condamnée à juste relier des objets…

-          [moi n°3] …comme le soiffard à ouvrir une bouteille d’eau en plastique ou crever ! Tu vois on finit par se comprendre !

-          [moi n°2] En gros vous nous parlez de l’arrivée de la couleur au cinéma ? Nous devenons faible relativement à la puissance des objets que nous créons ? Et bien désolé de vous décevoir mais là aussi, personne ne vous a pas attendu pour le savoir ! Par contre, là où j’ai beaucoup plus de mal à suivre, et je ne dois pas être le seul, c’est que vos objets, sont-ils des extensions de notre corps ou alors sont-ils autonomes ? Faudrait savoir. S’ils en sont des extensions, alors la puissance de notre corps devient considérable à porter pour notre petite âme ! Vous n’auriez pas des extensions mystiques s’il vous plait. Je commence à me sentir mal ! (rire) 

-          [moi n°1]  Pauvre dualiste va ! Ces objets sont les deux en même temps !

-          [moi n°3]  Mécanique ou mystique ne s’oppose pas forcément. Mais tu nous fais perdre le fil avec tes sarcasmes. Où en étions-nous déjà ?

-          [moi n°2]  A un corps composé de 70% d’eau et qui se demande si le problème de l’eau est un problème qui fait sens au-delà d’une simple menace sur la survie de l’espèce ! (rire encore) 

-          [moi n°1]  Attendez ! Voilà que j’entends numéro quatre venir par ici ! Gros de menace notre sort à tous ! (rires)

crazy bird

-          [moi n°4 : intermittent du spectacle, se sent différent des autres et vient juste d’écouter Michel Serres parler de Bergson sur France culture]  Désolé pour le retard, mais j’avais oublié mon parapluie !

-          [moi n°1]   De plus en plus drôle, tu es…

-          [moi n°4]  Comme je vous entendais deviser sur le grand écran de la conscience, il me tardait néanmoins d’intervenir messieurs. Un, deux, un, deux ! Tatatata ! (En prenant une voix grave) Les objets ne sont juste qu’une externalisation de nos organes visant à accélérer notre évolution. (Silence). Reposer sur des mutations génétiques hasardeuses et la sélection est maintenant trop long pour nous autres les reptiles à la queue cible publicitaire mutante ! Mais nous avons repris notre destin en main, devenus la cause de nous-mêmes, à mesure que le lièvre technique prend de vitesse la tortue évolution !  Voilà ça vous a plu ? J’ai été bon ? 

-          [moi n°1]  Depuis quand tu dis « je » toi d’abord ?

-          [moi n°4]  Depuis que j’ai appris par cœur la l’introduction au discours de la méthode dan le suplément d’été de Télédrama ! Mais rassurez-vous, je ne mets strictement rien de moi derrière tout ça. Paraît juste que c’est bien de le dire, alors « je » fais comme ils disent !

-          [moi n°3] Pas bête si bête ta chanson en tout cas. On va finir par retomber sur nos pieds grâce à toi tu vas voir. Si je remets dans l’ordre ce que tu viens de dire, nous accélérons donc la fabrication d’objets de plus en plus nombreux puisque nous en servons comme d’un processus de sélection artificielle extériorisé, et donc contrôlé.

-          [moi n°4]  Si tu le dis… (bâillement)

-          [moi n°1]  C’est assez économique en temps et vie humain en fait. Voilà pourquoi on peut se permettre quelques sacrifices au nom des avancées techniques. Le jeu en vaut bien la chandelle finalement.

-          [moi n°3] Oui enfin pas sûr que la vraie précaution soit là. Et n’oublies pas qu’en  conséquence, nous augmentons sans cesse la poubelle terre de tous ces objets mis au rebut et dont la désuétude s’accélère! D’où nous en polluons les eaux, et d’où cette question de l’eau est effectivement, par inductions successives, une question tout à fait centrale et révélatrice ! Je demande donc la poursuite des crédits temps pour continuer à explorer cette voie prometteuse.

-          [moi n°4]    Bienvenu dans un monde nouveau ! On va avoir besoin d’illustrations non ?

-          [moi n°1]   Après discussion, je suis maintenant d’accord moi aussi pour poursuivre plus loin cette piste. Mais moi, je ne l’ai pas compris tout à fait comme toi n°3. Pour moi, c’est plus le symptôme de la fin du monde des essences, de l’eau vu comme un grand corps liquide qui coule. Aujourd’hui, nous célébrons l’arrivée d’un monde sur le mode du contingent : l’eau est peut-être potable ici et maintenant, ou pas, l’eau est peut-être usées, industrielle ou agricole, ou pas ! L’eau est peut-être disponible, ou pas, éclatée qu’elle est dans de multiples visages, usages, fonctions…appelez ça comme vous voudrez !

-          [moi n°2]  Aller vous faire soigner rapidement ou engager vous rapidement dans la police des eaux !

-          [moi n°3]  Encore un endroit où la biodiversité ne se résume qu’à la simple présence humaine… mais les dangers que nous courrons n’ont rien à voir avec ta police !

-          [moi n°4]   En fait, je savais bien que vous étiez tous un peu animiste ici. Et à mon avis, nous formons tous ensemble un très bon exemple de communauté vivante intrahumaine !

-          [moi n°2]   Continuez vos conneries trop longtemps et je mets le véto banquier sur la table !

***

A écouter sur France Culture le dossier: Bergson, le cinéma de la pensée

A lire sur l’anti-oedipe en question, la reprise de l’article de Valérie Marange: Ecosophie ou barbarie

Entendu et lu sur le web : écosophie, écologie des pratiques et mode d’existence

Entendu et lu sur le web : écosophie, écologie des pratiques et mode d'existence dans -> CAPTURE de CODES : image0019

Boite à outils avec Valérie Marange : les recettes de l’éco.

« Notre point de départ dans ce cheminement est l’invitation à penser, à pratiquer un renouvellement de la pensée, que contient un petit ouvrage de Félix Guattari paru en 1989 : Les trois écologies. L’écologie y devient plurielle, et c’est là que ça nous intéresse, car elle se propose d’élargir son regard non seulement à l’environnement et à ce qu’on appelle couramment « la nature », mais aussi aux constructions sociales et aux processus mentaux. »
Ecouter en ligne: 
http://cst.collectifs.net/IMG/mp3/doc-94.mp3 

Ecosophie ou barbarie par Valérie Marange :

« L’écologie politique est aujourd’hui arrivée à un point de développement important, qui ne lui confère pourtant qu’une efficace très réduite. On l’observe par exemple dans le domaine des émissions de CO2, qui n’ont reculé depuis Tokyo que dans la CEI, pour cause de désastre économique. Cette impuissance de l’action politique conduit certains observateurs à la conclusion que le levier réside aujourd’hui, non pas dans une fallacieuse « démocratie économique», mais dans les modes de vie et les aspirations culturelles. Le niveau d’émission de CO2, de production de déchets en général dépendent bien sur des stratégies du marché (flux tendus par exemple) et des politiques de transports mais aussi des habitudes de consommation, des comportements face au travail, des modes d’habitats, des satisfactions trouvées dans la vitesse, etc. Si la pensée écologiste nous a appris l’importance des « externalités », négatives ou positives, ressources minières ou ressources humaines pour l’économie « restreinte », il n’est pas impossible que la surdétermination la plus forte, aujourd’hui, soit du coté des externalités subjectives, c’est à dire des mentalités. Les valeurs économiques sont comme toutes les valeurs, elles dépendent du crédit qu’on leur accorde, comme on le voit avec les phénomènes d’ »euphorie » ou de « panique » boursière. D’autre part, le mouvement capitalistique lui-même dépend de plus en plus des productions immatérielles, autrement dit des affects de ses opérateurs, qu’elle s’efforce de capter, comme on le voit très bien dans la « nouvelle économie », qui est en partie une récupération des énergies bénévoles investies dans le développement de l’Internet. Il y a donc des enchainements permanents entre environnement physique, économique mais aussi affectif et mental, et qui font que nous ne pouvons plus séparer, comme le faisaient les marxistes, les infrastructures matérielles des superstructures idéologiques. Et la question pratique la plus urgente pour la politique écologiste pourrait donc être de travailler, plus que les leviers du pouvoir au sens restreint, ceux de la micro-politique des valeurs, des affects et des façons de vivre. A une économie élargie, il faudrait donc faire correspondre une politique et une écologie élargies. »
Lire la suite de l’article en ligne : http://cst.collectifs.net/article.php3?id_article=95

Boite à outils avec Isabelle Stengers : agencements collectifs et écologie des pratiques.

http://www.dailymotion.com/video/unlJ1nkF2hgy6o825

« Valérie Marange nous a introduit à l’écologie en tant que science ou art des agencements, vigilance envers les interactions entre les vivants qui tout à la fois composent un milieu et s’y construisent. Avec elle, nous avons vu que l’écosophie promeut cette ambition au-delà des problématiques environnementales, pour tenter d’irriguer les pratiques sociales et les phénomènes mentaux. Enfin, nos interrogations sur ce qu’on peut appeler « l’écologie des pratiques », celles des interventions politiques et publiques comme celles des manières de produire un groupe, une lutte, un milieu, ont commencé à se décliner sous la forme de recettes. Isabelle Stengers se consacre elle aussi à la mise au jour d’une écologie des pratiques, dont l’exigence nous stimule d’autant plus qu’elle s’exerce par rapport à d’autres entreprises humaines : les disciplines scientifiques. Ecologique, le travail qu’engage ici la philosophe se dépouille dès lors de tout regard en surplomb, de toute tentation d’ordonnancement ou de hiérarchisation entre les sciences modernes. A même les territoires, les comportements et les narrations qui font les sciences, la démarche d’Isabelle Stengers relève et requiert les occasions qui font puissance. Ces moments où chaque membre d’un collectif à visée scientifique, au même titre que ceux de groupes plus explicitement politiques ou artistiques, dans leur processus commun d’élaboration, prend appui sur ce qui ne vient pas de soi seulement pour penser ce qui ne va pas de soi. Les possibles qui compliquent, les situations grosses de dissensus, les points de bascule porteurs d’énoncés nouveaux. »
Ecouter en ligne : 
http://cst.collectifs.net/IMG/mp3/stengers03dec.mp3




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