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Spinoza et les sciences sociales: capture et innovation

Spinoza et les sciences sociales: capture et innovation dans -> CAPTURE de CODES : sl

A l’occasion de ses commentaires - ENS Lettres et sciences humaines - livrés sur les différents textes de Spinoza, Pierre-François Moreau nous informe de la difficulté de convoquer Spinoza pour ce qui serait des questions afférant à l’écologie. Ah ? Pour ce faire PFM s’appuie, non sans raison, sur le scolie I de la proposition XXXVII de l’Ethique IV.

 » [...] La vertu véritable n’est autre chose, en effet, qu’une vie réglée par la raison ; et par conséquent l’impuissance consiste en ce seul point que l’homme se laisse gouverner par les objets du dehors et déterminer par eux à des actions qui sont en harmonie avec la constitution commune des choses extérieures, mais non avec sa propre nature, considérée en elle-même. Tels sont les principes que, dans le Schol. de la Propos 18, part. 4, j’avais promis d’expliquer. Ils font voir clairement que la loi qui défend de tuer les animaux est fondée bien plus sur une vaine superstition et une pitié de femme que sur la saine raison ; la raison nous enseigne, en effet, que la nécessité de chercher ce qui nous est utile nous lie aux autres hommes, mais nudle½·nt aux animaux ou aux choses d’une autre nature que la nôtre. Le droit qu’elles ont contre nous, nous l’avons contre elles. Ajoutez à cela que le droit de chacun se mesurant par sa vertu ou par sa puissance, le droit des hommes sur les animaux est bien supérieur à celui des animaux sur les hommes. Ce n’est pas que je refuse le sentiment aux bêtes. Ce que je dis, c’est qu’il n’y a pas là de raison pour ne pas chercher ce qui nous est utile, et par conséquent pour ne pas en user avec les animaux comme il convient à nos intérêts, leur nature n’étant pas conforme à la nôtre, et leurs passions étant radicalement différentes de nos passions [...] » Traduction de SAISSET (1842)

La mise en garde de Pierre-François Moreau illustre de la grande difficulté d’extraire un scolie singulier de l’ordre des démonstrations géométriques, de cette modélisation générale de la production des affects que propose l’Ethique. User des animaux comme il convient à nos intérêts? Soit, mais de quels intérêts parle-t-on? La cheminement de l’Ethique consiste justement à prendre connaissance des processus qui forment et déterminent nos intérêts. Soit comment s’impriment les affects qui nous habitent et commandent à nos (ré)actions ? Plus qu’une conclusion locale, c’est bien l’ensemble du système relationnel de l’Ethique qu’il conviendrait d’inviter à la table de réflexions possiblement écologiques. Ces dernières, soit dit en passant, ne se limitent pas heureusement à la question de savoir si oui ou non et comment il faudrait manger les poissons. Une fois dit qu’il ne s’agit pas de sauver une herbe ou un poisson, mais bien d’assurer la possibilité de reproduction des rapports différentiels (composition chimique, gradients physiques) nécessaires à la reproduction de ceux-ci.

Convoquer Spinoza pour ce qui relèverait de l’écologie relève avant tout du désir d’interroger la place de l’homme, plus justement, dans la nature. Autrement dit, de le resituer dans l’ordre infini des causes et des effets qui le détermine en tant que partie de cette même nature. Vous parlez de nature, mais de quelle nature parlez-vous? La recherche spinoziste de la conduite du salut humain prend place dans une nature débarrassée de toute forme d’anthropomorphisme, comme de finalité. Soit une nature totalement indifférente à un homme dont l’existence lui est contingente, c’est à dire non nécessaire. Non empire dans un empire, l’homme est soumis aux règles du dehors. En ce sens, il lui est nécessaire d’agir avec la plus grande prudence dans un art de vivre qui consite pour lui à organiser ses rencontres avec les corps extérieurs, et notamment avec les puissances supérieures à la sienne.

« Il est impossible que l’homme ne soit pas une partie de la nature, et qu’il ne puisse souffrir d’autres changements que ceux qui se peuvent concevoir par sa seule nature et dont il est la cause adéquate. » Corollaire : Il suit de là que l’homme est nécessairement toujours soumis aux [affects] passions (sentiment), qu’il suit l’ordre commun de la nature et y obéit et s’y accommode, autant que la nature des choses l’exige. » Proposition IV et corollaire de l’Ethique IV, Spinoza. Traduction de SAISSET (1842)

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Spinoza une médication possible aux déficits de la pensée écologique en ce qui concerne sa composante qualitative ? C’est à dire de la production de récits exprimant l’histoire de nos rencontres avec le monde et non les propriétés de celui-ci, ce dernier point appartenant à la mesure quantitative. Donc oui, dans la mesure où la proposition écologique serait tentée par une anthropologie tant simpliste que négative. De l’analyse des lois de la Nature (de la substance, des attributs et des modes) à la production des affects humains, l’Ethique relève d’une anthropologie. Celle-ci se fonde sur le concept central de conatus, le désir en tant qu’essence de l’homme et entendu comme la tendance, l’effort en vue de persévérer dans son être. De quoi chaque corps, composition de parties aux rapports de vitesse et de lenteur singuliers, est capable dans telle ou telle rencontre en fonction de sa puissance, voilà qui déterminera de ses intérêts, de son utile propre.

Par ailleurs, la tentative écologique n’est-elle pas l’une des expressions du second genre de connaissance? C’est à dire de la connaissance des rapports entre les choses tels que formés par l’idée adéquate des lois de la production dans la nature (naturante).

spica dans Bateson

Des enfants dans le dos et des captures hors territoire…

L’appropriation, la traduction et/ou la transmission d’une oeuvre consiste certainement comme le disait Deleuze à lui faire des enfants dans le dos. Sans doute en donne-t-il lui-même le meilleur exemple lorsqu’il tire Spinoza du côté d’une éthologie des modes d’existences fortement inspirée des mondes animaux d’Uexküll. Mais si le dernier nommé partait très explicitement de Kant dans son analyse, et notamment de la Critique du jugement (le premier acte d’un jugement esthétique est la sélection d’un fait parmi une infinité de faits potentiel dans la nature), il n’en reste pas moins que son travail débouche in fine sur une analyses en terme d’affects, auto-organisation d’une mélodie qui se chante elle-même aux forts accents spinozistes.

Dit autrement, en version Bateson, l’Ethique de Spinoza appartient à une écologie des idées qui englobe bien plus que son auteur. La capture (composition/décomposition) est alors toujours partielle. On gravit l’Ethique par un versant, son utile propre seul pour ouvrir la voie. Tantôt proche et tantôt distant de la subjectivité de Spinoza, prudent polisseur de lentilles du XVIIème… Pour reprendre l’expression de Max Dorra, c’est aussi l’Ethique vue comme un manuel de judo, manuel à partir duquel chacun forme ses propres prises. Quelles questions dans votre sac à dos pour que vous veniez frapper à ma porte?

Alors L’Ethique comme manuel au service de la réforme de l’entendement qu’appelle la crise écologique, non une fin en soi à la lettre. Enfin, l’Ethique comme théorie de la connaissance, système d’intégration des information dans un monde des connaissances éclatées plus que de la connaissance. Surinformation, info-pollution… quelles connaissances perdons-nous dans des informations-images dissipatives, brutes ou inadéquatement imprimées sur fond de certitude? L’Ethique ou la transformation des connaissances en affects, s’approprier, incorporer l’information dans ses pratiques de vie.

http://www.dailymotion.com/video/x39g8t Henri Atlan, connaissance et affect chez Spinoza

Un bon exemple de capture, ou de clé de bras, au choix, nous est donné par l’ouvrage collectif Spinoza et les sciences sociales. L’émission la suite dans les idées du mardi 25 mars 2008 avec Frédéric Lordon et Yves Citton retraçait certaines des grandes lignes de ce travail. Spinoza et la crise financière actuelle? Des carrences de la modélisation financière aux passions des acteurs de marché qui oscillent de l’euphorie à la crainte, nous voilà poussé bien loin de l’univocité de l’objet économique homo œconomicus tel que sorti de sa fabrique d’épingle anglaise. Univocité tout à fait partagée par son jumeau homo pollus, objet écologique sorti tout droit d’une usine de pesticide indienne. « Par cela seul que nous nous représentons un objet qui nous est semblable comme affecté d’une certaine passion, bien que cet objet ne nous en ait jamais fait éprouver aucune autre, nous ressentons une passion semblable a la sienne. » Proposition XXVII, Ethique III.Traduction de SAISSET (1842)

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spino dans Deleuze

Sommaire de l’ouvrage:

- Y. Citton,  F. Lordon : Un devenir spinoziste des sciences sociales?
- Y. Citton : Esquisse d’une économie politique des affects
1.Entre l’économie psychique de Spinoza et l’inter-psychologie économique de Tarde
2.Les lois de l’imitation des affects
3.Téléologie régnante et politiques de modes
- F. Lordon, A. Orléan : Genèse de l’État et genèse de la monnaie : le modèle de la potentia multitudinis
- P. Zarifian : Puissance et communauté d’action (à partir de Spinoza)
- A. Pfauwadel, P. Sévérac : Connaissance du politique par les gouffres. Spinoza et Foucault
- C. Lazzeri : Reconnaissance spinoziste et sociologie critique. Spinoza et Bourdieu
- A. Negri : Spinoza : une sociologie des affects

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+ Article de Frédéric Lordon « Genèse de l’État et genèse de la monnaie : le modèle de la potentita multitudinis », en collaboration avec André ORLÉAN, à paraître in Y. Citton et F. Lordon (dir.), Spinoza et les sciences sociales. De l’économie des affects à la puissance de la multitude, Editions Amsterdam, 2008, Texte pdf

+ Paola De Cuzzani, une anthropologie de l’homme décentré [PDF]

+ Laurent Bove, De l’étude de l’État hébreu à la démocratie : La stratégie politique du conatus spinoziste [PDF]

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http://www.dailymotion.com/video/x1n730 Deleuze et la « chimie » de Spinoza

Viser une science encore manquante, urgent de prendre le temps ?

 Viser une science encore manquante, urgent de prendre le temps ? dans Charles Fourrier sanstitre380

« On se cogne à notre rationalité limitée face à la complexité du monde mais surtout au toujours difficile changement de paradigme et d’idéologie. Le risque est que cela nourrisse tous les obscurantismes, les convictions intimes, la simple intuition même ou le sentimentalisme alors que nous avons besoin d’une rationalité supérieure (plus prudente), de la construction d’une intelligence collective et d’une véritable démocratie cognitive, que nous devrions commencer à construire entre nous au moins… »  

Citation introductive de Jean Zin, très spinoziste en l’occasion. De manière complémentaire, peut-être pouvons nous illustrer ces « convictions intimes, la simple intuition même ou le sentimentalisme » à partir d’un commentaire de  Chantal Jaquet[1]à propos de l’Ethique de Spinoza. En substance, nous croyons que les choses sont bonnes ou mauvaises en elles-mêmes, or les concepts de bon et de mauvais que nous formons ne font que décrire les rapports entre les choses et nous. C’est-à-dire la manière dont elles nous affectent. Bon ou mauvais décrivent l’histoire de notre rencontre avec le monde, mais ne sont en aucun cas l’expression des propriétés de ce monde.

http://www.dailymotion.com/video/x4mgiz

Le monde n’est pas transparent, le savoir n’est pas donné. Ceci étant dit et répété tant il est curieux de constater notre manque du premier des principes de précaution : le savoir comme produit de son temps.

Notre urgence écologique de la mesure universelle fait l’économie de l’histoire… Pour nous, la terre va mal, les écosystèmes naturels vont mal. Pour être capable de dire ça, nous évaluons des signes, qualifions et interprétons un ensemble de perceptions et de mesures issues de  notre appareillage scientifique, lui-même producteur et produit de nos systèmes de valeurs. Si les signes de tension se multiplient, que dire de l’observateur objet d’étude délaissé en la matière ? Que dire de nous, hommes, de notre écologie mentale et de ses productions actuelles (concept, affect, percept and so on) ? Le savoir comme produit de son temps.

 « Voilà la loi que je propose: quiconque aura corrompu l’eau d’autrui, eau de source ou eau de pluie ramassée, en y jetant certaines drogues, ou l’aura détournée en creusant, ou enfin dérobée, le propriétaire portera sa plainte devant les astronomes et fera lui-même l’estimation du dommage. Et celui qui sera convaincu d’avoir corrompu l’eau, outre la réparation du dommage, sera tenu de nettoyer la source ou le réservoir conformément aux règles prescrites par les interprètes, suivant l’exigence des cas ou des personnes. » Platon, Les lois, livre VII 400 a. JC

400 a. JC, au moins dira-t-on du principe pollueur/payeur. Aujourd’hui nous réinventons bien des roues sans racine ni aile, nous produisons beaucoup de neuf prêt-à-penser en déshabillant nos anciens. Un nouveau plan Marshall est à l’étude, son projet, circonscrire les fils de l’ordre du nouveau propre sur projet unique: réparer les erreurs de leurs sales et vieux de pères. Heureusement pour les familles, c’est l’image désarticulée d’un Descartes de supermarché (le concepteur de tous les murs de l’histoire) qui récoltera colères et crachats de tous. 

De la pomme au CO2, il n’y a pas à dire, Adam a fait un sacré chemin ! De prescriptions en presciptions les idées tournent et reviennent sur elles-mêmes. Le retour du même oublié, mais interrogé autrement. Ce qui dit en passant ne préfigure en rien de la qualité, comme de la nouveauté des interrogations en question. Sauf bien entendu à croire en une certaine linéarité du progrès, tout en la dénonçant par ailleurs.

Deux articles rencontrés sur le web viennent faire quelques échos. Chacun à leur manière illustrent de la nécessité fondamentale qu’aurait tout savoir dans l’enfance à se penser contre lui-même, contre ses tentations isolationnistes. Ne pas se figer dans des objets d’étude préconstitués en prétextant de l’urgence, préserver la complexité en pariant sur la lucidité de son auditoire. Pour l’écologie, cela passe notamment par un dialogue constant avec l’ensemble des sciences sociales en tant qu’ouverture préservée sur le dehors, en tant que non exclusion de la question de l’homme. Appel que nous avions tenté de formuler dans une note précédente.

Le premier article de Martine Tabeaud concerne la construction de l’objet d’étude qu’est le climat. Comment et pourquoi la question climatique revient-elle ? Faute d’histoire ou d’archéologie, nous nous accordons pour disserter des conséquences du dérèglement d’un objet sans même interroger ce dont quoi nous parlons. Ainsi, tout ne peut-être que nouveau!

« La decouverte (recente) du fait que la Terre est finie montre que la croissance illimitee de la consommation de ressources non renouvelables est strictement impossible. » Une autre croissance, Les Echos, 04/01/07, par Alain Grandjean, Patrick Criqui et Jean-Marc Jancovici.

Ne reprenant ici que l’introduction et la conclusion de l’article d’utilité publique de Martine Tabeaud, son intégralité est disponible à cette adresse.

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« Concordance des temps », de Le Verrier à Al Gore par Martine Tabeaud, EspacesTemps.net, Actuel, 18.02.2008

Introduction

 » Le climat redevient un objet géopolitique avec le « réchauffement planétaire » : de nombreux articles ou ouvrages postérieurs aux années 1980 l’attestent. L’étonnant, dans cette manière de voir est cependant qu’elle n’est guère nouvelle. D’un siècle à l’autre, tout a été expliqué par le climat : la diversité des hommes, celle des paysages, des civilisations, la marche de l’histoire depuis les migrations jusqu’aux révoltes, etc. Un lien fort existe, dans de nombreuses sociétés, entre ceux qui « comprenaient le climat » et ceux qui possédaient le pouvoir. En témoignent les religions où les dieux, situés dans le ciel, parlent aux hommes par les désordres du climat (mythe du déluge, foudre) et où des sorciers, prêtres, sauveurs intercèdent pour les humains auprès des divinités célestes. Toutes les civilisations ont eu leur grande inondation et attendent leurs cavaliers de l’Apocalypse. Ces croyances sont plus proches de nous qu’on ne l’imagine puisque par exemple une loi anglaise de 1677 condamnait encore au bûcher les météorologues, taxés de sorcellerie. Le passage à l’an 2000 a même réveillé des peurs, des menaces terrestres et célestes que l’on pensait oubliées.

Ce recours aux dieux du ciel, aux astres lointains s’enracine dans l’imaginaire. Or, à la différence du temps qui est perçu, le climat est une abstraction. En conséquence, le regard porté par une société sur son (le) climat s’inscrit dans une vision d’ensemble de valeurs collectives. Il est envisagé comme stable ou comme changeant selon que prévaut l’idée que l’on se fait du mouvement, de la dynamique. Quant à la place de l’homme face au climat, elle se veut soit celle du spectateur, et donc de la victime, soit celle de l’acteur pour le meilleur (réduire les émissions de gaz à effet de serre) et pour le pire (perturber gravement le système planétaire).

Afin de mieux comprendre l’approche actuelle du climat « planétaire », en « changement », il convient de faire un peu d’histoire, de revenir sur la période de la Révolution industrielle. Pourquoi ? Parce que, selon une certaine vision du réchauffement climatique, l’usine, la locomotive et le bateau à vapeur seraient la cause du réchauffement contemporain, puisque la hausse thermique mondiale débute vers 1850 et qu’elle est attribuée à la combustion des énergies fossiles qui dégagent un résidu : le CO2. Or, c’est à la même époque, au milieu du 19e siècle qu’est mis en place le réseau météorologique. Il fournit les seules données mesurées utilisées pour l’étude du climat, puisque antérieurement elles sont reconstituées.

Cette période de Révolution, en Europe, dans un contexte d’industrialisation et donc d’urbanisation des territoires, s’accompagne, chez les élites, d’une idée de la science positive, du progrès continu, de la croissance recherchée, de l’entreprise conquérante. Ce modèle a fortement influencé la conception du temps météorologique et du climat, d’autant qu’à partir des Lumières, la sensibilité à la Nature change, cette dernière devenant largement idéalisée [...]  »

Conclusion

Les racines de la conception actuelle du climat « global » et de son changement sont en germe dans la météorologie naissante lors de la Révolution industrielle en Europe. Les méthodes choisies alors ont imposé une hiérarchie des disciplines scientifiques, une spécialisation croissante du savoir. Elles ont opéré le glissement du réel vers le virtuel, des échelles fines vers la planète, de la science en train de se faire vers une communication reposant sur une modélisation simpliste.

Après les Trente glorieuses, et surtout depuis les années 1980, l’écho du discours sur le changement climatique tend à une remise en cause des idéaux du 19e siècle en ne considérant plus que leurs revers : le « tout croissance », la démocratie sans participation, les progrès seulement technologiques. Le climat, tout comme l’environnement en général, est devenu un point d’ancrage de nouvelles valeurs supposées universelles, le catalyseur d’un espoir de nouvelle civilisation plus juste et plus responsable, une nouvelle utopie en quelque sorte, où le discours scientifique prend parfois des accents évangéliques.

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Fidèle à notre ligne de vide qui consiste à faciliter toujours un peu plus de perte de  mémoire afin de mieux réinventer des roues prêt-à-penser-sympa-people sur le dos des anciens, un regard sur le travaux de Charles Fourrier (1772-1837).

Outre la formidable clairvoyance du personnage, ce dernier illustre également bien des méfaits possibles nés de la professionnalisation : l’isolation de son objet d’étude accompagnée d’un retrait sur son sillon de professionnel qui ne mène plus qu’à guérir que ce que l’on produit, à ne rechercher dans le réel que ce qu’on y a déjà mis. Un processus qui aboutit au final, comme le disait Guattari, à une: « standardisation de la communication et de la subjectivité »

Une standardisation sans doute indispensable si l’on s’en tient à l’idée d’un village planétaire dans le modèle. Quand bien même il resterait envisageable que tout cela ne durcisse pas trop vite. Rien de bien neuf ici et là, si ce n’est l’accélération de la colle.

« Un plan Marshall ecologique peut etre un projet mobilisateur pour tous les jeunes, y compris ceux que nous ne savons pas aujourd’hui accueillir correctement dans la société. » Une autre croissance, Les Echos, 04/01/07, par Alain Grandjean, Patrick Criqui et Jean-Marc Jancovici.

Au moment ou nous souhaitons produire en masse ces nouveaux ouvriers de l’environnement, une relecture de Fourier semble profondément d’actualité. « Une nouvelle utopie en quelque sorte » nous disait Martine Tabeaud en conclusion de son article sur le climat, précision de Sherer à propos de Fourier: « il ne s’agit pas d’opposer ici l’utopie à la science. Fourier vise une science encore manquante ».

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Article de Louis Ucciani sur l’ouvrage de René SCHERER consacré à Charles Fourier

Référence : “SCHERER René : L’Ecosophie de Charles Fourier (2001) ”, Cahiers Charles Fourier, n° 12, décembre 2001, pp. 114-117, disponible en ligne : http://www.charlesfourier.fr/article.php3?id_article=205.

 » […] le texte de Fourier ici présenté autour de ce qu’on nommerait aujourd’hui l’écologie, et que Schérer nomme Écosophie […] retrouve ce que Guattari a pu exprimer dans Les trois écologies (1989).

« Fourier a pensé, a écrit dans le champ, sur le plan d’immanence d’une écosophie avant la lettre. Écosophie parce qu’aucun autre mot ne peut lui convenir, et surtout pas celui qui le réduirait à n’être que le préfigurateur d’un socialisme dit scientifique. Non, il ne s’agit pas d’opposer ici l’utopie à la science. Fourier vise une science encore manquante. », p. 19.

D’autre part le mouvement arômal adjoint par Fourier aux Quatre mouvements (physique, instinctif, organique et social), aurait de fortes similitudes avec l’entreprise deleuzo-guattarienne.

« Il est aisé alors de reconnaître, avec l’arômal, la présence des flux, des machines, des devenirs moléculaires de Deleuze et Guattari, au plan desquels tout se passe réellement. L’univers réel de Fourier, la matérialité des mouvements qui sont aussi mouvements spirituels réside dans ce fluide invisible des arômes. C’est donc dans le cadre du moléculaire que l’unité des trois écologies – dans lesquelles il sera possible de replacer les mouvements de Fourier – trouve sa force et sa légitimation. Et l’écosophie se justifie philosophiquement dans son concept, de ce qu’elle ne laisse pas subsister à part un dehors qui se réduirait à l’extériorité du monde physique et un dedans identifié à l’intériorité d’un moi pensant. Entre les deux il y a communication et passage. » p. 20.

Schérer prolonge sa lecture comparative et voit par exemple, la Cosmogonie de Fourier à l’œuvre implicitement dans les textes de Deleuze et Guattari : « Il n’est besoin que de mettre en regard avec Fourier certaines pages de Chaosmose, ou celles, écrites dans un horizon écosophique de Qu’est-ce que la philosophie ?, animées d’une même intention cosmique, du débordement de la simple philosophie de l’objet et du sujet dans une vision qui embrasse le flux universel de la vie, la multiplication des flux d’une vie organique et inorganique à la fois. » p. 21.

Sans doute faut-il voir dans ces rapprochements plus la force visionnaire de Fourier qui anticipe les avancées philosophiques qu’une influence proprement dite. Subsiste que la notion d’écosophie introduite ici par Schérer, affirme sa double filiation, Fourier et Guattari […]

[…] On pourra dire que c’est un grand mérite et d’un grand intérêt que d’avoir exhumé ces deux textes. Ils mettent le doigt sur l’étonnante modernité de Fourier et le replacent au cœur des problèmes contemporains. Certes le constat opéré par Fourier peut dater et semble en totale opposition avec celui que nous ferions aujourd’hui. Alors que l’effet de serre induit un réchauffement de notre planète, Fourier articule tout son développement sur une voie autre, il constate un refroidissement de la planète. Cependant, loin d’invalider son propos, cela lui fait retrouver les bases de l’écologie contemporaine dont il est sans doute le précurseur. Si l’on évacuera ici les données relatives à la sexualité des planètes et à la névrose qui affecterait la nôtre (« Il est évident que la planète est tourmentée du besoin de copuler et de procréer, on s’en aperçoit à la fréquence des aurores boréales qui sont une pollution de l’Astre, un indice irrécusable du besoin qu’il éprouve. Ces privations forcées ne peuvent manquer d’affecter gravement sa santé qui périclité d’une manière alarmante surtout depuis un siècle. », p. 34), et tout ce qui a trait à un anthropomorphisme du monde planétaire (« la planète se trouve en analogie parfaite avec le corps humain, excepté que son sang, nommé fluide magnétique, ne circule pas en canaux fermés comme les veines et les artères… », p. 41), notons cependant que, comme c’est toujours le cas chez Fourier, à travers la fantaisie pointe quelque chose d’autre. Schérer remarque qu’« en leur temps, les théories cosmologiques de Fourier étaient moins faites pour étonner qu’au nôtre. » (p. 6) Il développe les liens possibles : « S’il ne connaissait sans doute pas Franz von Baader et son système mystique inspiré de Jakob Boehme, il lui arrive de mentionner Schelling. Par lui, il se rattache à la tradition d’un animisme universel, tel qu’on pouvait l’interpréter déjà à travers la Monadologie de Leibniz et, en deçà, Plotin, voire les pré-socratiques. » (p. 6)

La thèse principale énonce que les « désordres climatériques sont un vice inhérent à la culture civilisée ; elle bouleverse tout par le défaut de proportions et de méthodes générales, par la lutte de l’intérêt individuel avec l’intérêt collectif » (p. 67). C’est entre plusieurs exemples de dérèglements et il faut bien l’admettre, entre plusieurs dérives cosmologiques, que l’on voit pointer une critique du travail humain responsable des ruptures aromatiques : « Ne voyons-nous pas le travail de l’homme opérer des modifications climatériques vraiment énormes ? » (p. 33), ou encore, plus loin, ceci : « L’agriculture civilisée et barbare, dont on nous vante les prodiges individuels, a la ridicule propriété de dégradation collective ; elle détruit son propre sol au lieu de l’améliorer» (p. 67). D’où pour Fourier « l’urgence de sortir promptement de l’état civilisé, barbare, sauvage, et de remédier aux souffrances matérielles de la planète par là même qui mettra un terme aux misères humaines. » (p. 32).

Tout est bien de nature médicale ou, en tout cas, tout peut se ramener à cela. Fourier engagé à guérir le monde exerce sa critique à l’art de guérir. Ici encore, dans De la médecine naturelle ou attrayante composée, ses qualités de compréhension visionnaires sont à l’œuvre. Il repère le paradoxe de la médecine qui ne soignerait que ce qu’elle produit et engage une critique tout à fait actuelle […]

Nous retiendrons ici deux moments de la critique. Tout d’abord, la remise en question de la structure hôpital. Ce que Foucault saura montrer, Fourier l’énonce : « Les établissement médicaux dont s’honore la Civilisation sont la première chose qu’il faut supprimer en médecine passionnelle. Il n’y aura pas d’hôpitaux en Harmonie. » (p. 135) La remise en question de l’hôpital, ouvre à une autre compréhension, celle de la maladie mentale. Alors qu’on enferme encore qui souffre « psychiquement », Fourier note combien « La médecine civilisée ne fait rien et ne peut rien pour l’âme, loin de là elle ajoute souvent le mal moral au mal physique. » (p. 135) Il dégage, anticipant Foucault, une double critique, celle du traitement de la maladie mentale et celle de l’hospitalisme. La maladie mentale est le produit d’un dérèglement des passions, situation des plus banales en Civilisation. Fourier anticipant sur les statistiques contemporaines, note que : « la démence est une maladie fort étendue. Le nombre des fous, bien plus grand qu’on ne pense, comprend à peu près 2/3 des civilisés. » (p. 134) Le traitement ne peut venir que d’une sortie hors la civilisation. Tout au mieux en celle-ci, un peu de bon sens suffirait : « Souvent l’emploi des fruits, des confitures, du vin, du café et autres substances agréables, serait plus efficace, que les drogues répugnantes dont on assassine le malade. » (Ibid.) ; notons que ce que dit ici Fourier est d’une étrange actualité. Et finalement c’est bien hors la médecine qu’il faut envisager le problème : « Au fait, si les maladies mentales proviennent de dérangements dans l’équilibre des passions, c’est par les contrepoids de passions qu’il faut les traiter, et ce n’est point l’affaire de la médecine, ou bien ce sera l’ouvrage d’une espèce de médecine qui n’est pas encore née et dont quelques hommes de l’art ont pressenti le besoin. » (Ibid.) On peut voir ici l’anticipation de ce que Freud introduira, mais aussi malheureusement le constat de ce qui a toujours cours. L’autre médecine, celle qu’on goûterait en Harmonie est bien d’un autre registre et se combine à l’usage gastrosophique : « Il existe donc une médecine attrayante ou naturelle, qui se compose d’aliments agréables, et dont les médecins civilisés n’ont pas la moindre notion. » (p. 153) [...] « 

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+ Un ensemble de textes de Fourrier disponibles en ligne 

+ Un ensemble de textes de Guattari disponibles en ligne 

+ Tags associés à Deleuze / Guattari, blog Jean-Clet Martin
 



[1] Spinoza, par-delà bien et mal, communication radiophonique à France Culture en collaboration avec Pierre-François Moreau à France dans l’émission « Commentaire » de Raphaël Enthoven, le 9 janvier 2004.

Variations sur la mort de l’homme

     Variations sur la mort de l'homme dans Bateson image033

     Il n’est pas question d’interroger ici l’opinion selon laquelle homme serait mort ou pas. Tout juste dira-t-on que chaque individu accède à différents modes d’existence selon les idées et les affects dont il est capable. 

Qu’on soit alors:

- dans la figure de l’homme générique: « [...] l’homme est un animal doué de raison. » Aristote

- dans la figure de l’homme dans la nature entre rien et tout, mais accompagnée du pari de l’existence de Dieu: « [...] qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. » Pascal 

- dans la figure de l’homme comme transition ou devenir sans Dieu de Nietzsche:  » [...] Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous, meurtriers entre les meurtriers ! [...] Il n’y a jamais eu d’action plus grandiose, et, quels qu’ils soient, ceux qui pourraient naître après nous appartiendront, à cause d’elle, à une histoire plus haute, que jusqu’ici, ne fut aucune histoire ! » Nietzsche, Le Gai Savoir

- and so on…

l‘idée, (la représentation) de l’homme qu’on a, celle-ci implique nécessairement et en conséquence un certain type d’existence, d’actions possibles.

homme dans Deleuze

De Nietzsche à Foucault court et s’actualise le thème de la mort de l’homme, tout du moins d’une certaine idée de l’homme. Ce qui nous intérresse pour notre compte, une fois dit qu’on serait donc capable de penser et de ressentir une telle chose, ce sont donc ses conséquences sur nos pratiques écologiques. 

Cette idée, ce thème, est-il en mesure de nous éclairer sur les modalités et conditions d’émergence de la pensée écologique ? Dit autrement, peut-on faire l’économie de la mort de l’homme tout en prétendant faire de l’écologie ? Si oui laquelle ? Vastes questions, esquisses de fragments autour d’un homme enfermé dans une période et une géographie de son histoire.

bridgeye dans Edgar Morin 

Nietzsche: le surhomme sur les ruines de l’homme

Dans son abécédaire, Deleuze nous rappelait au sujet de Nietzsche: « Dieu est mort, Nietzsche s’en fout complètement, mais c’est que si Dieu est mort, alors il n’y a pas de raison que l’homme ne le soit pas aussi. » 

http://www.dailymotion.com/video/x47a5j

« L’homme est une corde tendue entre la bête et le surhumain – une corde au-dessus d’un abîme. »  (Ainsi parlait Zarathoustra)

http://www.dailymotion.com/video/x47cou

« Je vais vous dire trois métamorphoses de l’esprit: comment l’esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant. » (Ainsi parlait Zarathoustra)

Foucault: l’homme est une invention récente

Toujours Deleuze commentateur, trait d’union entre Nietzsche et Foucault dans Pourparlers : « […] c’est que les forces de l’homme ne suffisent pas à elles seules à constituer une forme dominante où l’homme peut se loger. II faut que les forces de l’homme (avoir un entendement, une volonté, une imagination, etc.) se combinent avec d’autres forces […] La forme qui en découlera ne sera donc pas nécessairement une forme humaine, ce pourra être une forme animale dont l’homme sera seulement un avatar, une forme divine dont il sera le reflet, la forme d’un Dieu unique dont l’homme ne sera que la limitation (ainsi, au XVIIe siècle, l’entendement humain comme limitation d’un entendement infini) […]

C’est dire qu’une forme-Homme n’apparaît que dans des conditions très spéciales et précaires : c’est ce que Foucault analyse, dans les mots et les choses, comme l’aventure du XIXe siècle, en fonction des nouvelles forces avec lesquelles celles de l’homme se combinent alors. Or tout le monde dit qu’aujourd’hui l’homme entre en rapport avec d’autres forces encore (le cosmos dans l’espace, les particules dans la matière, le silicium dans la machine…) : une nouvelle forme en naît, qui n’est déjà plus celle de l’homme […] »

http://www.dailymotion.com/video/x48i0r “Les mots et les choses”, extrait : « Une chose en tout cas est certaine : c’est que l’homme n’est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui se soit posé au savoir humain. En prenant une chronologie relativement courte et un découpage géographique restreint, la culture européenne depuis le XVIe siècle, on peut être sûr que l’homme y est une invention récente.

Ce n’est pas autour de lui et de ses secrets que, longtemps, obscurément, le savoir a rôdé. En fait, parmi toutes les mutations qui ont affecté le savoir des choses et de leur ordre, le savoir des identités, des différences, des caractères, des équivalences, des mots, – bref au milieu de tous les épisodes de cette profonde histoire du Même – un seul, celui qui a commencé il y a un siècle et demi et qui peut-être est en train de se clore, a laissé apparaître la figure de l’homme. Et ce n’était point là libération d’une vieille inquiétude, passage à la conscience lumineuse d’un souci millénaire, accès à l’objectivité de ce qui longtemps était resté pris dans des croyances ou dans des philosophies : c’était l’effet d’un changement dans les dispositions fondamentales du savoir. L’homme est une invention dont l’archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine.

Si ces dispositions venaient à disparaître comme elles sont apparues, si par quelque événement dont nous pouvons tout au plus pressentir la possibilité, mais dont nous ne connaissons pour l’instant encore ni la forme ni la promesse, elles basculaient, comme le fit au tournant du XVIIIe siècle le sol de la pensée classique, alors on peut bien parier que l’homme s’effacerait, comme à la limite de la mer un visage de sable. »

L’écologie et la mort de l’homme ? 

Quelle place, ou quel rôle pour l’écologie sur les ruines de l’homme ? Précisément l’un de ces grands systèmes ou grandes options politiques tels que décrits par Foucault, et dont l’émergence même proviendrait des débris d’une certaine idée de l’homme ? Une sorte de pont ou de réseau à tisser entre ce qui était autrefois les sciences dures et les sciences humaines ? A vrai dire, de quelle libertés nouvelles dispose-t-on une fois dissipée cette invention de l’homme objet d’étude empire dans un empire ?

sanstitre1 dans Felix Guattari

Qu’observe-t-on aujourd’hui dans les pratiques écologiques dominantes au sens large ? Une écologie qui à l’un de ses extrêmes grand public arrive à sauver l’homme quand sa figure résiduelle vient trouver un refuge anthropomorphe jusque chez des pingouins (sic!)… et qui par un autre de ses côtés ne cesse de produire une anthropologie négative énoncée sous l’angle d’une proposition type: l’homme est naturellement mauvais pour la nature, disparaîtra, bon débarras ! Version nihilisme de la mort de l’homme. Fin de l’histoire, on s’arrête là, de l’homme est un loup pour l’homme, à l’homme est un loup pour la nature (la création).

Ce type de proposition excluante ne peut déboucher que sur une plainte, passion triste impuissantante de type:  »je ne peux finalement aimer que là où je ne suis pas« . Appel à l’exclusion de soi-même en tant que je ne change pas, ou plutôt ne sais changer sans y associer l’idée d’une repression de ce que je vis comme mes petits désirs personnels de pollution.

« Je vous enseigne le surhumain. L’homme n’existe que pour être dépassé. Qu’avez-vous fait pour le dépasser ? »  (Ainsi parlait Zarathoustra) Question, car que faisons-nous en l’occurence pour dépasser cet homme dualiste et pollueur ? Nous continuons vraisemblablement de le garder intact, urgence oblige, en lui assignant toujours plus de buts et de directions préconstitués.

sanstitre2 dans Foucault

Au final tout cela se tient, et il est assez logique que la figure de l’homme idéal – opposée directement à celle de l’homme pollueur en tant que propre au sens de la lessive – il est logique que celle-ci soit à présent déplacée (comme la graisse par le savon) dans l’arrière monde blanc des pingouins empereurs, dernier refuge du bonheur humain.

Ce type de discours écologique confus qui domine les interrogations publiques ne prend pas acte de la mort de l’homme au sens de Nietzsche et de Foucault. Bien qu’ayant certaines apparences de l’anti-humaniste, celui-ci ne vise qu’à sauvegarder dans un ailleurs une même idée de l’homme sous sa version propre, pollution nocturne chrétienne en moins. Continuant ainsi à bouger indéfiniment les mêmes barrières, tous les jours nous continuons de nous entendre préscrire la construction de villes et de choses toujours plus humaines. Il faut éradiquer les infidèles, les nonbon d’humains, sorciers, et tous ceux là, à présent réactualisés par un péché originel migrant de la pomme vers la sécrétion de CO2.

Quelle type de nature présuppose implicitement ce genre de discours ? Car quand bien même l’idée de Nature remplacerait celle de Dieu dans les représentations communes, sa place n’en reste pas moins anthropomorphe et sa nature naturée (crée du dehors). De sorte que de cette nature non productive et machinée du dehors par l’homme pilote, ne peut sortir que des politiques de muséification répressive (d’autres empires dans des empires). 

Conclusion, la nécessaire défiance vis à vis des discours écologistes actuels vient de ce que les sujets qui les constituent sont finalement construits sur la même subjectivité (idée de l’homme incluse) que les individus auxquels ils s’opposent. Bien loin, trop loin d’une pensée qui aurait enfin d’autre chose à faire que de prescrire aux hommes ce qu’ils ont à faire.

On n’en sort pas. Faire l’économie de la mort de l’homme, en un certain sens, c’est donc choisir de traîner indéfiniment hors d’eau ce visage dessiné une fois pour toute sur le sable, boulet chargé de moraline déversant sa confusion sur le terreau de nos possibles.

C’est l’art d’une (pensée) dominante, cette pratique du vide comme économie de marché, organiser le manque (de nature) dans l’abondance de production, faire basculer tout le désir dans la peur de manquer (de l’ours blanc), faire dépendre l’objet (l’écologie) d’une production réelle qu’on suppose extérieure au désir, tandis que la production de désir ne passe que dans le fantasme (du pingouin).

Tentative écosophique ?

Un grand système écologique naturant englobant les réseaux naturels, sociaux, mentaux, un tel ensemble ne peut pas se construire sans la mort d’une certaine idée de l’homme dualiste et objet de laboratoire. Précisément au sens où ses forces ne suffisent pas à elles seules à constituer une forme dominante où il peut se loger. Voir les compléments divers autour de ce thème.

http://www.dailymotion.com/video/x48fxs

Loin de déplacer l’idée de l’homme ici où là, Guattari nous proposait un ensemble de micropolitiques destinées aux individus habitants producteurs de territoires, d’institutions… Ces pratiques sont fondées sur un mode de participation active brique par brique qui replace cet individu au coeur même de la technique. Non pas ce qui resterait de l’homme dehors, la technique à son service. Tirer profit de la mort de l’homme en tant que sujet préconstitué revient ici à se resituer dedans pour se subjectiver à chaque étape des différents processus de production.

http://www.dailymotion.com/video/x49ieh

La mort de l’homme pour l’écologie, c’est la mort de l’homme en tant qu’unité préconstituée, isolée et autonome. Le bourdon fait parti du système reproducteur du trèfle rouge, comme la guêpe mâle de celui l’orchidée. C’est à dire qu’une partie de machine capte dans son propre code un fragment de code d’une autre machine, et se reproduit ainsi grâce à une partie d’une autre machine. On comprend ainsi qu’il est inutile de protéger l’unité orchidée si par ailleurs on élimine les guêpes mâles, et ainsi de suite dans les enchevêtrement et captures.

L’écologie consiste ainsi à découvrir et identifier ces phénomènes de plus-value de code (double capture), à découvrir le périmètre réel des machines qui composent ces systèmes reproducteurs décentralisés; au-delà de l’unité spécifique ou personnelle de l’organisme, au-delà de l’unité structurale d’une machine.

« Chacun de nous est sorti d’animalcules indéfiniment petits dont l’identité était entièrement distincte de la notre ; et qui font partis de notre système reproducteur ; pourquoi ne ferions-nous pas partie de celui des machines ? Ce qui nous trompe c’est que nous considérons toute machine compliquée comme un objet unique. En réalité, c’est une cité ou une société dont chaque membre est procrée directement selon son espèce. Nous voyons une machine comme un tout, nous lui donnons un nom et l’individualisons ; nous regardons nos propres membres et nous pensons que leur combinaison forme un individu qui est sorti d’un unique centre d’action reproductrice. Mais cette conclusion est anti-scientifique, et le simple fait qu’une machine à vapeur n’a été faite par une autre ou par deux autres machines de sa propre espèce ne nous autorise nullement à dire que les machines à vapeur n’ont pas de système reproducteur. En réalité, chaque partie de quelque machine à vapeur que ce soit est procrée par ses procréateurs particuliers et spéciaux, dont la fonction est de procréer cette partie là, et celle-là seule, tandis que la combinaison des partie en un tout forme un autre département du système reproducteur mécanique… » Samuel Butler « le livre des machines » citation extraite de l’Anti-Œdipe par Deleuze (:) Guattari.

Machine / agencement : on ne sait jamais à l’avance ce que peut un corps dans tel ou tel agencement (Spinoza), il n’existe pas de forme préconstituée (Nietzsche), l’homme est une invention (Foucault), on expérimente des branchements où les dualités homme/machine, naturel/artificiel ne font plus sens (Guattari).

Compléments divers

 « [...] Il n’y a pas d’opposition dans mon esprit entre les écologies : politique, environnementale et mentale. Toute appréhension d’un problème environnemental postule le développement d’univers de valeurs et donc d’un engagement éthico-politique. Elle appelle aussi l’incarnation d’un système de modélisation, pour soutenir ces univers de valeurs, c’est-à-dire les pratiques sociales, de terrain, des pratiques analytiques quand il s’agit de production de subjectivité. » D’après entretien avec Félix Guattari « Qu’est-ce que l’écosophie ? » Revue chimère, terminal n°56 http://www.revue-chimeres.org/pdf/termin56.pdf

***

L’homme, sous-système de systèmes, ne compose qu’un arc dans un circuit plus grand qui toujours le comprend lui et son environnement (l’homme et l’ordinateur, l’homme et la canne…). Gregory Bateson, l’un des fondateurs de la cybernétique de seconde génération, nous donne à voir un exemple de circuit, celui de l’aveugle avec sa canne. Il se demande alors « où commence le soi de l’aveugle ? Au bout de la canne ? Ou bien à la poignée ? Ou encore, en quelque point intermédiaire ? » Mais à vrai dire toutes ces questions sont absurdes puisque la canne est tout simplement une voie au long de laquelle sont transmises des informations, de sorte que couper cette voie c’est supprimer une partie du circuit systémique qui détermine la possibilité de locomotion de l’aveugle. Plus généralement : « l’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense,  agit et  décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience ».

***

A la frontière tout est question d’échelle tant les subjectivités racinent dans de multiples expansions, d’agencements en collectivités, de collectivités jusqu’à la biosphère. Raphaël Bessis dans son dialogue avec le botaniste Francis Hallé : « […] il me paraît bien plus adéquat de parler de configuration singulière, plutôt que d’individu, configuration singulière qui ne prend forme qu’en rapport à d’autres configurations singulières, lesquelles ne se comprennent que dans un contexte très fortement dynamique. Ainsi, l’homme n’est plus pensé dans une position isolationniste, archipélique où les êtres seraient complètement distincts les uns des autres : atomisés […]

C’est à ce niveau d’analyse que l’on commence à percevoir les turbulences dans lesquelles séjourne l’âme humaine : l’individu au sens strict n’existe nullement, tant la subjectivité humaine s’ancre dans de multiples expansions, établissant la pluralité de ces racines dans un champ beaucoup plus large : celui de la collectivité, laquelle n’ayant pas davantage de forme parfaitement close, pleine et isolée, s’ouvrirait et s’ancrerait sur un collectif encore plus vaste. Si bien que d’une expansion à l’autre, nous nous retrouverions assez vite au niveau presque le plus général, celui de la société elle-même. C’est en ce sens que le schisme entre la société d’un côté et l’individu de l’autre est souvent une opinion sociologique non interrogée, qui en fait une problématique tout à fait passionnante. Peut-être pouvons-nous l’exprimer en un chiasme : l’individu est un être social et la société est faite d’individus…»

Un dernier point qui nous renvoie sur la nature naturante (causalité immanante) de Spinoza, ou autrement exprimée par la boucle récursive d’Edgar Morin: les effets et les produits sont nécessaires à leur causation et à leur production, nous sommes produits (de la société, de l’espèce) et producteurs (de la société, de l’espèce) à la fois.

troisvisages148 dans Nietzsche

Pour une histoire naturelle de l’homme: Selon J.-M. Schaeffer, l’affirmation selon laquelle l’homme est une exception parmi les vivants parce qu’il pense a conduit à une survalorisation des savoirs spéculatifs au détriment des savoirs empiriques. C’est à critiquer cette vision du monde, véritable obstacle au progrès scientifique, et à redonner toute sa légitimité au naturalisme que son ouvrage est consacré. Article en ligne: dessiner l’idéal type de la « Thèse » antinaturaliste, abandonner le cogito pour inscrire la lignée humaine dans une histoire naturelle, La société et la culture, expressions naturelles de l’espèce humaine, la « Thèse » comme vision du monde.

Conter et décloisonner

Conter et décloisonner dans Art et ecologie g

     C‘est avoir une vision bien limitée des problèmes de l’écologie que de croire que nous allons les identifier, pour y répondre, à travers les mesures physico-chimiques de machines qui après tout ne détectent que ce qu’on leur demande bien de detecter. Alors pour y arriver dans cette voie, sans doute devra-t-on nous démontrer que la solution existe en présupposant cette même solution…

http://www.dailymotion.com/video/x4blm8

C’est encore avoir une vision bien limitée que de croire que les arbres et autres végétaux feront le travail pour nous. Collecteur de CO2, et bien plantons ces nouvelles biomachineries et laissons faire la nature. Elle a toujours raison, comme on dira à l’occasion! Reste qu’assez loin de l’idée d’un végétal que nous dominerions du haut de nos multiples savoirs, observons simplement que nos société tendent à opter pour des stratégies organisationnelles (de type) végétales (réseau, rhizome, voir les travaux de R. Bessis). De sorte que le « dominé » n’est sans doute pas du côté que l’on pense tant notre dépendance vis à vis de la plante croît chaque jour un peu plus (nourriture, production d’O2, absorbtion de CO2, lutte contre l’érosion et la désertification, régulation climatique et hydrique, bois énergie, biocarburant, médicament…). N’oublions pas que la forme de vie végétale est la seule capable de puiser son énergie directement à partir du soleil. Le producteur primaire est ainsi le seul à tiré son énergie hors de la terre, les pieds pourtant fermement immobilisés dedans.

Mais bref, et les hommes dans tout ça ? Un simple pilote au-dessus de la mêlée ? Mais parmi toutes ces « solution-machines », ont-ils encore leur mot à dire une fois dit que la question écologique implique certainement de travailler directement l’étoffe même des choses dont ils sont faits ?

http://www.dailymotion.com/video/x3wsaw

Il y a de la résistance dans l’écologie. Résistance au dualisme, résistance à la tentation de se penser comme « un empire dans un empire« , résistance aux machines de la science et aux sillons des professionnels par une écologie capable de penser contre elle-même, résistance à un certain type de rapport de production and so on… En un mot peut-être, une résistance à toute formulation de type: « moi, j’ai la solution« .

danse1 dans Biodiversité

Alors à la suite de Deleuze et de bien d’autres, on s’insèrera par le milieu les pieds dans l’herbe pour chanter que: « créer c’est résister« . Si les arbres collectent et machinent le CO2, nous collectons des histoires, des perceptions et composons des oeuvres, des récits… Soit autant de graines englobant des modes d’existence passés et à venir. Pour notre conte, mais pas uniquement pour notre compte. Pour d’autres hommes, mais aussi comme un pont tendu vers et à destination de nouvelles formes de vie à venir. Cartographe, historien, poète, musicien, écrivain, écologue, banquier… nous participons tous par nos collectes à la diversité du phénomène du vivant. Alors l’écologie c’est aussi protéger ces espèces immatérielles nées de nos perceptions, et qui témoignent pour la vie dans son ensemble. Avec et sans nous, aux armes…surmonter ! 

Il ne s’agit donc pas de planter mécaniquement, partout et en tout lieu, des arbres pour une même fonction. Ils savent le faire tout seul, sous reserve de leur garantir les territoires et conditions pour se faire. Mais planter des récits comme autant de graines des nouvelles diversités et modes d’existence à produire, voilà peut-être bien une action humaine à replacer très haut dans la hierarchie de ce que pourrait-être une écologie étendue (?!)

http://www.dailymotion.com/video/x3w9xv

Parmi les récits de l’écologie, restent encore à bien des choses à écrire, créer, englober… intégrer. Qui sont, que deviennent nos personnages, où sont nos mondes ? Savoir conter tout autant que compter.

http://www.dailymotion.com/video/x3x1a6

Micro-tentative fantasmée d’auto-bio-récit-graphie sur lignes climatiques (:?! rassemblement de membres épars)

http://www.dailymotion.com/video/x3xay2

L’agencement collectif d’énonciation

Gratouiller le sol à la recherche des nouveaux concepts qui nous permettraient de renouveler, voire d’inventer de nouvelles pratiques de l’écologie, de l’urbanisme… L‘article suivant tiré du blog de l’anti-oedipe en question animé par Elias Jabre nous permet de mettre à jour quelques fragments du concept d’agencement collectif d’énonciation. A compléter ultérieurement.

http://www.dailymotion.com/video/4yGDJmxxLZnOWquzo

Le concept d’agencement collectif d’énonciation de Guattari-Deleuze permet de sortir de la logique du signifiant. Le sujet n’est plus un individu isolé avec ses signifiants, mais fait partie d’un agencement où il (est) interagi(t) avec un milieu et un groupe qui produisent un agencement collectif d’énonciation en évolution permanente.

L'agencement collectif d'énonciation  dans Deleuze r

« (…)  la fonction langage… n’est ni informative, ni communicative ; elle ne renvoie ni  à une information signifiante, ni à une communication intersubjective. Et il ne servirait à rien d’abstraire une signifiance hors information, ou une subjectivité hors communication. Car c’est le procès de subjectivation et le mouvement de signifiance qui renvoient à des régimes de signes ou agencements collectifs. (…) la linguistique n’est rien en dehors de la pragmatique (sémiotique ou politique) qui définit l’effectuation de la condition du langage et l’usage des éléments de la langue. »

 « (…) Il y a « primat d’un agencement machinique des corps sur les outils et les biens, primat d’un agencement collectif d’énonciation sur la langue et les mots. (…) un agencement ne comporte ni infrastructure et superstructure, ni structure profonde et structure superficielle mais aplatît toutes ses dimensions sur un même plan de consistance où jouent les présuppositions réciproques et les insertions mutuelles.(…) mais si l’on pousse l’abstraction, on atteint nécessairement à un niveau où les pseudos-constantes de la langue font place à des variables d’expression, intérieures à l’énonciation même ; dès lors ces variables d’expression ne sont plus séparables des variables de contenu en perpétuelle interaction. Si la pragmatique externe des facteurs non linguistiques doit être prise en compte, c’est parce que la linguistique elle-même n’est pas séparable d’une pragmatique interne qui concerne ses propres facteurs » ( …).

« Car une véritable machine abstraite se rapporte à l’ensemble d’un agencement : elle se définit comme le diagramme de cet agencement. Elle n’est pas langagière, mais diagrammatique, surlinéaire. Le contenu n’est pas un signifié, ni l’expression un signifiant, mais tous deux sont les variables de l’agencement. »

http://www.dailymotion.com/video/x3t5zy

(…) « L’unité réelle minima, ce n’est pas le mot, ni l’idée ou le concept, ni le signifiant mais l’agencement. C’est toujours un agencement qui produit les énoncés. Les énoncés n’ont pas pour cause un sujet qui agirait comme sujet d’énonciation pas plus qu’ils ne se rapportent à des sujets comme sujets d’énoncé. L’énoncé est le produit d’un agencement toujours collectif qui met en jeu en nous et dehors de nous des populations, des multiplicités, des tentations, des devenirs, des affects, des évènements. »

(tiré de Dialogues et Mille plateaux)

http://www.dailymotion.com/video/xsmh4

Composer ses rapports au monde: surfer ou barboter ?

http://www.dailymotion.com/video/6ve6erCfMG8GGniEA

Trajectoires… pris que nous sommes dans une nature fourmillante, évoquons la technique de soi, le modèle de composition/construction du surfeur. Ce mode d’existence qui s’insère par le milieu des choses, qui chercher à additionner sa puissance à celle de la vague, peut éclairer notre mode d’écoute au monde, renseigner notre rengaine du mais par où commencer ?

D’après la proposition IV de l’Ethique IV, il y a nécessité à composer ses rapports avec les corps extérieurs du fait de l’irréductible extériorité des affects-passions (sentiments) qui nous remplissent: « Il est impossible que l’homme ne soit pas une partie de la nature, et qu’il ne puisse souffrir d’autres changements que ceux qui se peuvent concevoir par sa seule nature et dont il est la cause adéquate. »

D’où le corollaire de cette même proposition: « Il suit de là que l’homme est nécessairement toujours soumis aux [affects] passions (sentiment), qu’il suit l’ordre commun de la nature et y obéit et s’y accommode, autant que la nature des choses l’exige. »

Qui plus est, Ethique IV, proposition V : « La force et l’accroissement de telle ou telle affect-passion (sentiment) et le degré où elle persévère dans l’existence ne se mesurent point par la puissance avec laquelle nous faisons effort pour persévérer dans l’existence, mais par le rapport de la puissance de telle ou telle cause extérieure avec notre puissance propre. » 

Composer ses rapports au monde: surfer ou barboter ? dans Art et ecologie porsche730 

L’homme et la vague, l’homme et le camion, l’homme et l’eau etc etc… c’est à dire le rapport de puissance qui fait qu’un corps va décomposer les rapports caractéristiques de l’autre dans l’évènement que constitue leur rencontre. Capture de parties extrinsèques et modification de rapports caractéristiques, voilà quelques bases d’une chimie spinoziste.

Dans la nature, nous sommes donc condamnés aux rencontres, aux affects-passions du fait de l’effet des corps étrangers sur le notre, du fait que nous formons des idées inadéquates, c’est à dire limitées aux effets de ces corps sur le notre. Je marche dans la rue et je me (dé)compose avec tous les corps existants de la rue.

D’après Ethique III, définitions générales, une idée enveloppe un affect en tant que celui-ci est une transition vécue. Un passage déterminé par le degré de perfection d’une idée à l’autre, mais qui n’est donc pas une idée au sens où celles-ci ne sont jamais porteuses en elles-mêmes des conséquences de leur affirmation en nous-même. D’où la définition de l’affect suivante : une variation (+ ou -) continue (ligne mélodique) de la puissance d’agir ou de la force d’exister de quelqu’un en fonction du degré de perfection des idées qu’il a (cf. III 56 et III déf.2). Plus = joie, moins = tristesse.

flute dans Deleuze

Ainsi, pour Spinoza, selon les degrés de perfection des idées, on définira donc un genre de connaissance (connaissance = auto-affirmation de l’idée en moi) duquel découle un certain mode d’existence fonction des affects dont on est capable en fonction des idées qu’on a. 

Idée inadéquate ou idée affection (barboter) : le premier genre de connaissance, la connaissance « sensible » par les effets des rencontres. Soit le mode d’existence passif où « je vis au hasard des rencontres et des chocs extérieurs ». C’est le monde des perceptions confuses, des signes équivoques dont il ne peut découler que des affects passions du genre: « Ah maman la vague m’a battu ! ». Connaissance mutilée.

Idée notion ou commune (surfer) : le deuxième genre de connaissance, la connaissance par les causes. Soit le mode d’existence actif où « je connais les rapports de convenance et disconvenance entre les corps et où je choisis les bonnes rencontres ». C’est le monde des expressions univoques dont il découle des affects actions du genre:  »Je sais nager ». Connaissance rationnelle.

Idée essence ou « intuitive » : le troisième genre de connaissance, la connaissance par les essences singulières dont les rapports dépendent. Soit le mode d’existence auto-actif où je suis la cause de ce qui m’arrive. Où je suis en « béatitude » dans la mesure où le degré de puissance qu’est mon essence prend conscience de lui-même et des autres degrés de puissance. Il en découle des auto-affects. Connaissance intuitive, soit celle qui fait l’économie du raisonnement.

D’après Ethique II, axiome 3, l’idée est un mode de pensée qui représente quelque chose (l’effet d’un corps sur le mien), l’affect un mode de pensée qui ne représente rien, comme le fait de désirer quelque chose (persévérer dans son être). Si nous avons donc un primat chronologique et logique de l’idée sur l’affect dès lors que pour désirer quelque chose il est nécessaire d’avoir une idée de cette même chose, nous avons cependant un primat « existentiel » de l’affect sur l’idée ou la raison dans la mesure où d’après Ethique IV, proposition VII: « Une passion (sentiment) ne peut être empêchée ou détruite que par une passion contraire et plus forte. » Autrement dit, j’ai beau savoir que ceci ou cela est mauvais pour moi, tant que cette connaissance ne devient pas affect, elle est sans effet sur mon désir, et par exemple, je continue à fumer.

http://www.dailymotion.com/video/aFygEaaoiD8CWnh80

Pour paraphraser Deleuze, c’est là où la philosophie devient quelque chose de très concret. Car comment s’en sortir une fois dit que nous sommes condamnés aux rencontres et aux idées inadéquates nées de celles-ci ? Alors prendre un point de départ local sur une joie à condition qu’on sente qu’elle nous concerne vraiment (utile propre). Une musique par exemple. Là-dessus on forme la notion commune, c’est à dire l’idée adéquate d’un corps qui fait présenter son âme ou son corps sous le rapport qui se compose le plus directement avec le rapport de cet autre de la rencontre. Là-dessus, on essaie de gagner localement pour étendre cette joie.

Deleuze :  » Le point de départ c’est l’idée de la notion commune et l’affect de joie, c’est l’effet recherché, c’est le mouvement d’intensité dans lequel on cherche à se glisser, comme le surfeur sur sa vague, pour arriver à une idée dont le degré de perfection sera plus grand. » A partir delà on va pouvoir doubler ou remplacer les affects-passions tristes, mais sans jamais s’appuyer dessus. Nous n’avons rien à faire avec la tristesse, elle n’est jamais un tremplin vers quoi que ce soit.

Arts d’existence, souci ou technique de soi. Poser l’expérience. Marcher dans le désordre apparent de la rue, aller à la rencontre. Allumer une musique qui nous atteint joyeusement, garder son attention sur le dehors, surfer sur cette joie de la rencontre musicale, rester présent au dehors, accroître sa puissance d’agir en développant cet agencement, rester souple…surfer. Et d’un coup les couleurs changent. Ma puissance n’est plus seule, elle s’additionne, elle prend appui. Remplacer la musique par autre chose…continuer à tester le surf. Construire ses agencements, préparer ses rencontres.

« Par réalité et perfection j’entends la même chose. » Ethique II, proposition VI.

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« Le désir n’a pas pour objet des personnes ou des choses, mais des milieux tout entiers qu’il parcourt, des vibrations et flux de toute nature qu’il épouse. »
Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe.

Désir d’écologie… entre conscience et inconscience ?

«  Longtemps on a considéré la pensée consciente comme la pensée par excellence : maintenant seulement nous commençons à entrevoir le vérité, c’est-à-dire que la plus grande partie de notre activité intellectuelle s’effectue d’une façon inconsciente.  » Nietzsche

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« Sauver la terre… », « Aimer-vous les uns les autres… » ….qu’est-ce que tout ça signifie, pourquoi est-on capable de dire ceci, comment est-on sensible à cela, d’où vient le désir de… ?

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Explorons très rapidement quelques unes des conceptions du désir susceptibles d’éclairer à leur manière notre désir d’écologie. Tout d’abord celle de Spinoza pour qui : « Le désir, c’est l’essence même de l’homme, en tant qu’elle est conçue comme déterminée à quelque action par une de ses affections quelconque ». Le désir, c’est-à-dire l’appétit avec conscience de lui-même, est inconscient des causes qui le déterminent, et non de son objet, effet confondu avec ses causes. 

Extrait audio d’après Les nouveau chemins de la connaissance, France Culture 
Intervention de Henri Atlan

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Le désir chez Spinoza


Extrait audio d’après Vendredi de la philosophie, France Culture, Le Dieu de Spinoza
Intervention de Chantal Jaquet

Spinoza – Éthique – définition des passions – définition 1 – explication

 » Nous avons dit plus haut […] que le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même, et que l’appétit, c’est l’essence même de l’homme, en tant que déterminée aux actions qui servent à sa conservation. Mais nous avons eu soin d’avertir […] que nous ne reconnaissions aucune différence entre l’appétit humain et le désir.

Que l’homme, en effet, ait ou non conscience de son appétit, cet appétit reste une seule et même chose [i.e. puisque nous restons quoi qu’il arrive inconscient des causes qui le détermine]  ; et c’est pour cela que je n’ai pas voulu, craignant de paraître tomber dans une tautologie, expliquer le désir par l’appétit ; je me suis appliqué, au contraire, à le définir de telle sorte que tous les efforts de la nature humaine que nous appelons appétit, volonté, désir, mouvement spontané, fussent compris ensemble dans une seule définition.

J’aurais pu dire, en effet, que le désir, c’est l’essence même de l’homme en tant qu’on la conçoit comme déterminée à quelque action ; mais de cette définition il ne résulterait pas que l’âme pût avoir conscience de son désir et de son appétit. C’est pourquoi, afin d’envelopper dans ma définition la cause de cette conscience  [i.e. des effets et non des causes] que nous avons de nos désirs, il a été nécessaire d’ajouter : en tant qu’elle est déterminée par une de ses affections quelconque, etc.

En effet, par une affection de l’essence de l’homme, nous entendons un état quelconque de cette même essence, soit inné, soit conçu par son rapport au seul attribut de la pensée, ou par son rapport au seul attribut de l’étendue, soit enfin rapporté à la fois à l’un et l’autre de ces attributs. J’entendrai donc, par le mot désir, tous les efforts, mouvements, appétits, volitions qui varient avec les divers états d’un même homme, et souvent sont si opposés les uns aux autres que l’homme, tiré en mille sens divers, ne sait plus quelle direction il doit suivre. « 

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Spinoza – Éthique – Livre III – Proposition xx – scholie :

 » Personne ne cesse donc de désirer ce qui lui est utile et ne néglige la conservation de son être que vaincu par les causes extérieures qui sont contraires à sa nature. Personne n’est donc déterminé par la nécessite de sa nature, mais seulement par les causes extérieures, à se priver d’aliments, ou à se donner lui-même la mort […] il peut arriver que des causes extérieures cachées disposent l’imagination d’une personne et affectent son corps de telle façon que ce corps revête une autre nature contraire à celle qu’il avait d’abord, et dont l’idée ne peut exister dans l’âme. Mais que l’homme fasse effort par la nécessité de sa nature pour ne pas exister ou pour changer d’essence, cela est aussi impossible que la formation d’une chose qui viendrait de rien; et il suffit d’une médiocre attention pour s’en convaincre. « 

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Le désir de la psychanalyse 

A partir du l’ouvrage de Gérard Pommier, « comment les neurosciences démontrent la psychanalyse », rappelons tout d’abord quelques notions de base sur l’inconscient freudien.

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Tout d’abord, précisons que nous confondons bien souvent l’inconscient avec le préconscient (ce qui pourrait devenir conscient), ou encore le non-conscient (les activités automatisées ou intégrées de l’organisme). Or l’activité de l’inconscient détermine la conscience sans jamais être consciente elle-même. C’est l’absence du sujet qui qualifie son inconscience. Certains processus restent inconscient parce qu’ils n’ont pas de sujet : ce dernier ne peut pas ou ne veut pas savoir ce qui demeure inconscient.

L’inconscient se caractérise donc par l’absence de subjectivation de certaines représentations, celles-ci demeurant par ailleurs perceptibles ou mémorisables. Les contenus inconscients sont inclus dans des contenants parfaitement lisibles et perceptibles, seule l’absence du sujet qui leur serait adéquat les rend inconscient. Inconscient veut donc dire qu’il n’y a pas de sujet conscient d’un processus de pensée ou d’un fait. Mais c’est aussi la pensée dont le sujet ne réalise pas qu’il la pense, n’en saisit qu’une dimension, n’en comprend pas la signification.

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L’inconscience n’est donc pas un lieu ou une essence. Elle n’a pas de localisation distincte, elle n’est pas organiquement ou géographiquement séparée de la conscience. Elle s’infiltre dans la conscience, elle fonctionne au sein de la conscience. La pensée consciente ne permet de saisir que le non-contradictoire. Elle fonctionne selon les principes de la logique aristotélicienne, à savoir : le principe du tiers exclu (il n’existe pas un troisième terme T qui est à la fois A et non-A, soit une propriété est ou vraie, ou fausse) et la réflexivité (je suis capable d’avoir une idée de mon idée). Se faisant, elle comporte donc en elle-même, à sa surface, le terme que le sujet n’évalue pas (refoule).

Si l’inconscient fonctionne en ultraplat dans la conscience, la représentation inconsciente ne s’intègre pas à celle qui est consciente. L’inconscient travaille dans le conscient à partir de plusieurs dimensions, par exemple, l’ambivalence. C’est-à-dire que tant qu’une contradiction n’est pas subjectivée, elle peut engendrer des symptômes qui extériorisent l’ambivalence : le corps parle à la place du sujet. Désir de non-désir, être vu sans voir, ces processus se structurent hors de l’organisme.

+ Les trois concepts linguistiques de référents, de signifiants et de signifiés , blog Novum Corpus

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Le désir inconscient va au-delà des raisons que le sujet s’en donne. C’est-à-dire que l’action signifie davantage que sa réalisation. Inhibé ou divisé, le sujet peut vouloir et ne pas vouloir la réaliser en même temps.

Le désir inconscient ne correspond quant à lui à rien de mémorisé ni de mémorisable. Moteur négatif d’un désir qui ignore son objet, un passé traumatisant engendre un désir de le fuir. Pour aller où, la conscience ne comprend pas ce qu’elle cherche, sinon qu’elle le cherche et qu’il faut juste partir vers.

Le désir inconscient ne peut donc jamais être satisfait puisque son objet échappe à la réalisation. En ce sens, on peut parler de perversité du désir humain, une non-satisfaction peut structurer une satisfaction : le plaisir du manque, le désir pour le désir au point d’oublier ce qu’il désir exactement.

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Les machines désirantes 

A contrario, pour Deleuze et Guattari : « Le désir ne manque de rien, il ne manque pas de son objet. C’est plutôt le sujet qui manque au désir, ou le désir qui manque de sujet fixe, il n’y a de sujet fixe que par la répression. Le désir et son objet ne font qu’un, c’est la machine, en temps que machine de machine » l’Anti-Oedipe, p.43

Dépasser le signifiant et le sujet : l’agencement collectif d’énonciation, d’après article du blog « L’anti-oedipe en question » par Elias Jabre : 

 » [...] Le modèle de l’inconscient deleuzo-guattarien n’est autre que celui de la perversion où l’inconscient machinique produit en permanence des liaisons avec l’environnement qui « dénaturent » le désir, ou plutôt le font évoluer, à force de tâtonnements avec le dehors, jusqu’à capture de nouveaux codes et remodelage de l’orientation libidinale. Le modèle lacanien est, quant à lui, attaché à rechercher la chaîne signifiante du sujet qui serait inscrite dans la structure de son inconscient. Il pourra ainsi retrouver sa véritable place dans l’existence afin de ne plus être dupe de notre monde d’images où, perdu, il souffre de ne pas réaliser son désir profond.

Le concept d’agencement collectif d’énonciation de Guattari-Deleuze permet de sortir de la logique du signifiant. Le sujet n’est plus un individu isolé avec ses signifiants, mais fait partie d’un agencement où il interagit avec un milieu et un groupe qui produisent un agencement collectif d’énonciation en évolution permanente.

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« (…)  la fonction langage… n’est ni informative, ni communicative; elle ne renvoie ni  à une information signifiante, ni à une communication intersubjective. Et il ne servirait à rien d’abstraire une signifiance hors information, ou une subjectivité hors communication. Car c’est le procès de subjectivation et le mouvement de signifiance qui renvoient à des régimes de signes ou agencements collectifs. (…) la linguistique n’est rien en dehors de la pragmatique (sémiotique ou politique) qui définit l’effectuation de la condition du langage et l’usage des éléments de la langue. »

 « (…) Il y a « primat d’un agencement machinique des corps sur les outils et les biens, primat d’un agencement collectif d’énonciation sur la langue et les mots. (…) un agencement ne comporte ni infrastructure et superstructure, ni structure profonde et structure superficielle mais aplatît toutes ses dimensions sur un même plan de consistance où jouent les présuppositions réciproques et les insertions mutuelles.(…) mais si l’on pousse l’abstraction, on atteint nécessairement à un niveau où les pseudos-constantes de la langue font place à des variables d’expression, intérieures à l’énonciation même ; dès lors ces variables d’expression ne sont plus séparables des variables de contenu en perpétuelle interaction. Si la pragmatique externe des facteurs non linguistiques doit être prise en compte, c’est parce que la linguistique elle-même n’est pas séparable d’une pragmatique interne qui concerne ses propres facteurs » ( …).

« Car une véritable machine abstraite se rapporte à l’ensemble d’un agencement : elle se définit comme le diagramme de cet agencement. Elle n’est pas langagière, mais diagrammatique, surlinéaire. Le contenu n’est pas un signifié, ni l’expression un signifiant, mais tous deux sont les variables de l’agencement. »
(…) « L’unité réelle minima, ce n’est pas le mot, ni l’idée ou le concept, ni le signifiant mais l’agencement. C’est toujours un agencement qui produit les énoncés. Les énoncés n’ont pas pour cause un sujet qui agirait comme sujet d’énonciation pas plus q’ils ne se rapportent à des sujets comme sujets d’énoncé. L’énoncé est le produit d’un agencement toujours collectif qui met en jeu en nous et dehors de nous des populations, des multiplicités, des tentations, des devenirs, des affects, des évènements. »
(extraits tirés de Dialogues et Mille plateaux) « 

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Désir conscient inconscient des causes qui le déterminent, désir inconscient qui ignore son objet, désir qui ne manque de rien… à chacun de questionner le désir d’écologie qui sou(en)tend ses actions.

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http://www.dailymotion.com/video/x3b7x2
+ Variations sur le désir : Texte de Jean-Paul Kornobis, décembre 2000.
+ De Claudel à Gombrowicz, ou de Lacan à Deleuze : deux lectures de l’inconscient, blog de l’anti-oedipe en question par Elias Jabre.

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