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Des ponts pour des chaussées : une lecture de Spinoza pour l’écologie ? (partie 1)

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« [...] les hommes venant à rencontrer hors d’eux et en eux-mêmes un grand nombre de moyens qui leur sont d’un grand secours pour se procurer les choses utiles, par exemple les yeux pour voir, les dents pour mâcher, les végétaux et les animaux pour se nourrir, le soleil pour s’éclairer, la mer pour nourrir les poissons, etc., ils ne considèrent plus tous les êtres de la nature que comme des moyens à leur usage ; et sachant bien d’ailleurs qu’ils ont rencontré, mais non préparé ces moyens, c’est pour eux une raison de croire qu’il existe un autre être qui les a disposés en leur faveur. »
Spinoza, l’Ethique, appendice livre I, traduction Roland Caillois.

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Retour en arrière pour quelques temps et développements. Premier stop. Est-il bien raisonnable de convoquer Spinoza sur des questions dites écologiques ? Tant est riche la pensée du philosophe qu’il est bien possible de lui faire dire tout et son contraire dans la confusion toute medio ambiante. Tant également les époques divergent, les vitesses de circulations et d’inscriptions, le pouvoir des machines comme leurs techniques de reproduction, etc.

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« Je suis très étonné, ravi ! J’ai un précurseur et quel précurseur ! Je ne connaissais presque pas Spinoza. Que je me sois senti attiré en ce moment par lui relève d’un acte « instinctif ». Ce n’est pas seulement que sa tendance globale soit la même que la mienne : faire de la connaissance l’affect le plus puissant - en cinq points capitaux je me retrouve dans sa doctrine ; sur ces choses ce penseur, le plus anormal et le plus solitaire qui soit, m’est vraiment très proche : il nie l’existence de la liberté de la volonté ; des fins ; de l’ordre moral du monde ; du non-égoïsme ; du Mal. Si, bien sûr, nos divergences sont également immenses, du moins reposent-elles plus sur les conditions différentes de l’époque, de la culture, des savoirs. In summa : ma solitude qui, comme du haut des montagnes, souvent, souvent, me laisse sans souffle et fait jaillir mon sang, est au moins une dualitude. – Magnifique ! »
Friedrich Nietzsche, Lettre à Franz Overbeck, Sils-Maria, le 30 juillet 1881, traduction de David Rabouin.

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Que peut bien nous dire un Spinoza ? Prudence et conscience limitée ? Travail sur les affects tristes pour rendre le désir à soi ? Gagner son autonomie en tant que partie spécifique de ce seul et même tout qu’est la Nature ? D’accord. Mais quels éclairages sur l’écologie au sens où nous l’entendons aujourd’hui et tentons très péniblement de travailler dessus ?

De nos affinités sélectives, dressons donc certains des petits cailloux qui nous mènent par delà les frontières déformantes du temps à oser une telle référence. Car s’il est bien vrai que nous travaillons avant tout sur le matériel humain, et que celui-ci évolue, Spinoza n’aurait-il pas posé ici et là quelques-uns des principes guidant ce devenir ?

Il faudrait un certain temps et beaucoup de talent pour résumer la puissance de pensée d’un tel auteur, et nous n’en avons certes pas les moyens, ni l’intention d’ailleurs. Quelques notes en passant comme une invitation à la lecture. A chacun sa lecture.


Qui parle de quoi ?

Parler d’écologie, c’est avant tout parler de celui qui en parle, en forme les idées comme les images, à savoir l’homme. L’homme, mais quel homme ? Nous n’en savons plus rien ! Et tout se passe comme si nous nous en moquions bien. A vrai dire peu importe, nous devons faire ceci plutôt que cela, libres décrets édictés au nom du bien de « tous », quand bien même ce « tous » nous serait parfaitement inconnu dans sa nature.

Faute de pouvoir imaginer des futurs possibles, faute sans doute de connaître les passés, l’écologie moyenne opte pour le modèle de l’urgence des pratiques humanitaires. Cordon, séparation, mise en quarantaine, etc. Une attitude sans doute justifiable en phase un, mais quid de la suite ? Parallèlement, quoi après le discours conquête media par l’angoisse ? Rien de tout cela n’est durable, une angoisse chassera bien vite l’autre, et il en ira de même de tous les cordons sécuritaires.

D’un point de vue historique, sans doute ne faut-il pas perdre de vue que la pensée écologique s’est bâtie sur le terreau de nombreuses idéologies en décomposition. Et on pourrait avancer très rapidement que toutes ces idéologies avaient peut-être ceci de commun qu’elles plaçaient un homme isolé et isolable au cœur de l’équation de leurs systèmes.

C’est-à-dire qu’on avait d’un côté l’étude de la nature humaine, la prise en compte en tant que variable de ses facultés propres, et de l’autre une Nature qui n’était qu’une donnée abstraite. Celle-ci était tantôt crée par un Dieu transcendant pour l’usage de l’homme sous la contrainte du respect de certaines lois morales, tantôt cette Nature était historique telle une pâte à modeler à transformer et dominer par l’homme, ou encore une Nature infinie dans laquelle l’homo-économicus pouvait puiser sans fin, guidé qu’il était dans ses allocations par le gouvernail baroque d’un marché.

Il faut bien le constater, toutes ces anthropologies et systèmes liés qui séparaient d’une manière ou d’une autre l’homme de la Nature n’ont pas été couronnés des plus grands succès. Seulement, est-ce une raison suffisante pour abandonner toute étude de l’homme par crainte de l’enfermer dans une nouvelle idéologie dure ? Nous croyons que c’est même exactement l’inverse, et que le meilleur moyen de faire du totalitaire est d’ignorer la nature de l’homme dans la Nature. Soit d’ignorer des questions simples en apparence : pourquoi et comment tel ou tel homme est-il capable de dire ou de désirer ceci plutôt que cela, et ainsi de suite.

Faute de repenser la place de cet homme dans le monde aujourd’hui, un pied dans la nature, un pied dans la technique, nous ne faisons que réactualiser les croyances anciennes. Déluge, apocalypse, intentionnalité des éléments, le ciel nous tombera sur la tête, soit tout un ensemble d’expressions dont les mots ne peuvent suffire à décrire les phénomènes actuels, ne permettent en rien d’en rendre véritablement compte et donc d’inscrire durablement dans la sphère sociale l’idée de leur stricte nouveauté, de leur émergence. Et pourtant, nous n’entendons que ces mots là, tous déguisés, tous creusés ici et là dans les discours. Nous manquons des mots pour le dire, comme nous manquons d’une nouvelle grille de lecture du monde complexe et de l’humain dedans. Et c’est précisément à cet endroit que la méthode spinoziste devrait pouvoir aujourd’hui nous intéresser.

Que tente Spinoza ? Spinoza part de l’étude de la Nature pour nous montrer que l’homme est fait de cette Nature. Plus encore, que de son étude de la Nature il ne pourra apprendre que de sa propre nature. L’homme n’est pas un empire dans un empire, il est partie de ce tout infini qu’est la Nature, et que de sa prise de conscience de l’insertion (non de la fusion!) de cette partie dans le tout, il comprendra que ce qui lui est réellement utile consiste à développer cette partie, et que cela ne peut pas contredire le tout.

Ontologie, anthropologie, épistémologie sont intimement liées chez Spinoza. De la nature de l’être (une seul et même Nature composée d’une infinité d’attributs) découle la nature de l’homme (une modification de cette Nature qui se perçoit elle-même en tant que corps et pensée et s’efforce de persévérer dans son être). C’est parce que la Nature est ainsi pensée par Spinoza que l’on doit traiter des passions de l’homme, de sa capacité à connaître et à agir comme ceci plutôt que comme cela. La critique des passions tristes est ainsi profondément enracinée dans la théorie des affections, théorie elle-même ancrée dans la définition de la Nature. On partira donc de la Nature en ce quelle détermine l’homme dans son existence, mais pour mieux revenir à l’homme. C’est-à-dire à celui qui parle et agit, et qui devenu raisonnable, va construire l’autonomie de cette partie de la Nature qu’il est de toute éternité.

«  C’est seulement par la prise de conscience de soi et du monde que la définition initiale de la Nature se remplit (…) le long détour par l’homme peul seul donner un contenu à une idée vraie mais encore vide. » Rolland Caillois, introduction et traduction de l’Ethique, Ed. Gallimard, 1954.

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http://www.dailymotion.com/video/k7lfkZBT3K4zWAlqV5

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Optons un instant pour ce qui pourrait être un regard spinoziste très simplifiée sur l’homme moderne. Histoire de voir ce qu’on y trouverait comme intérêt pour nos pratiques, écologie, environnement, urbanisme, et ainsi de suite dans toute la chaîne de la durabilité.

L’écologie est aujourd’hui le symptôme, en formation, de la découverte par l’homme de relations nouvelles dans la Nature. Une découverte qu’il ne fait qu’en agissant dedans, ne prenant conscience que des effets retour de ses propres actions. L’impact de l’éléphant sur la déforestation de la savane, non merci. Mais celui des vers de terre dans l’oxygénation des sols agricoles ou des abeilles sur la pollinisation, une fois les avoir pesticidisés, oui s’il vous plait.

Or ce que l’homme fait dans la Nature, sa capacité à agir, celle-ci varie à mesure qu’il se combine dans des machineries complexes, avec de nouvelles forces (du génome, de l’atome,…), avec de nouveaux corps ou matières (silicium, uranium, NKP, …). Soit des combinaisons expérimentales et incertaines à la vitesse de sélection croissante, et dont on ne sait pas bien qui sélectionne qui et comment.

Ignorant des causes qui déterminent telles ou telles combinaisons, cet homme imagine tantôt Dieu, le marché, la science, la volonté, … comme étant à l’origine de ses actes. De ceux-ci, il est comme condamné à n’en récolter que les effets sur la Nature, et donc sur sa propre nature, qui plus est, à posteriori, comme en écho.

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« Puisqu’elle ne recueille que des effets, la conscience va combler son ignorance en renversant l’ordre des choses, en prenant les effets pour les causes (illusion des causes finales) : l’effet d’un corps sur le nôtre, elle va en faire la cause finale de l’action du corps extérieur ; et l’idée de cet effet, elle va en faire la cause finale de ses propres actions. Dès lors, elle se prendra elle-même pour cause première, et invoquera son pouvoir sur le corps (illusion des décrets libres). Et là où la conscience ne peut plus s’imaginer cause première, ni organisatrice des fins, elle invoque un Dieu doué d’entendement et de volonté, opérant par causes finales ou décrets libres, pour préparer à l’homme un monde à la mesure de sa gloire et de ses châtiments (illusion théologique[1]). Il ne suffit même pas de dire que la conscience se fait des illusions : elle est inséparable de la triple illusion qui la constitue, illusion de la finalité, illusion de la liberté, illusion théologique. »
Spinoza, Philosophie pratique, Gilles Deleuze.

***  http://www.dailymotion.com/video/k6NTBPs8wtH498bAuw


Puissance, conscience, prudence et complexité

L’homme connecté à un ordinateur n’a pas la même puissance (capacité à affecter le monde et en être affecté) qu’un homme connecté à un bœuf. Pourtant, ces deux hommes n’en demeure pas moins tout deux ignorants des causes ayant déterminées de telles combinaisons. Tout juste en mesurent-ils certains effets selon un critère d’efficacité évalué à posteriori. Mais comme il n’y a pas connaissance des causes ayant déterminé ces rapports combinatoires, des parties mises en communs dans la combinaison, il n’y a pas d’autonomie de la partie homme dans l’assemblage, il y a donc passions et excès possibles.

Ce dont nous avons néanmoins conscience, c’est que l’insertion ou l’incorporation de cet homme dans des agencements de machines (homme-ordinateur-électricité, homme-bœuf-charrue, etc.) lui a permis au fil du temps de considérables gains de puissance.

Arrivé à certains seuils, et bien que la nature de son équation du monde ne change pas en conscience, de nouvelles variables font néanmoins leur entrée dans la danse comptable. Il en est ainsi de la surface terrestre, celle-ci tout à coup devenue trop petite en rapport à la puissance déployée par ces machines combinatoires, et que d’une donnée indéfinie car infinie pensait-on, celle-ci devient alors à son tour une variable d’ajustement.

La terre vécue comme trop petite, voilà ce que certains appellent processus d’échoïsation du monde. Comme il n’est plus de lieux où cet homme n’habite pas au moins techniquement la Nature, on trouve ses traces partout à la surface d’un globe devenu clos. Le territoire Terre est ainsi devenu une cloche sous laquelle les actions de cet homme lui reviennent à la figure comme un boomerang, toujours plus vite à mesure que sa puissance s’accroît.

L’image de l’écho a ceci de parlant qu’elle donne à voir que cet homme ne recueille que les effets déformés de ces actions, non les causes. Qu’un son lui revienne en écho ne signifie en rien qu’il ait été conscient de la signification de ce même son, voire qu’il en ait été l’auteur unique. Bien plus c’est toute une chaîne de combinaisons de l’humain dans le non humain et inversement qui abouti au final à ce son qui lui revient comme en écho à la conscience. Il est alors comme averti de l’effet de ses actions par la lecture de traces dans les pierres, les glaces, les vents, etc.

Ce que l’homme mesure aujourd’hui, dans l’eau comme dans l’atmosphère, tout cela ne concerne que des effets d’effets plus anciens. L’écologie n’échappe donc pas plus qu’une autre activité de cet homme à la caractéristique première de sa conscience : celle-ci ne recueille que des effets séparés de leurs causes, l’appareil mental tentant d’en induire ici et là quelques liens de causalité, le plus souvent imaginaires.

Ignorant des causes qui nous déterminent à ? Sans doute aujourd’hui parlerions-nous plutôt des relations, de la nature des liens qui nous unissent dans tel ou tel environnement. Nous ne prenons conscience de l’étendue réelle d’un rapport qu’à travers les effets de sa rupture. Chacun aura pu faire cette expérience, que ce soit dans un environnement de couple, familial ou de travail.

Quittons maintenant cet homme très grossièrement spinoziste mais derrière lequel nous voyons déjà poindre quelques éléments intéressants pour l’écologie de notre temps.

Les gaz à effet de serre et de leurs effets sur le climat, voilà sans doute la relation causale la plus affirmée à ce jour, quand bien même manque sans doute bien des variables et bien des relations. Mais de la déforestation et de ses effets sur le cycle de l’eau, voilà déjà l’exemple d’une relation très incertaine dans le temps et l’espace. L’induction des effets vers les causes est une tâche bien difficile, et c’est pourquoi nous préférons généralement poser des lois abstraites sur le papier pour en déduire des effets.

Sans affirmer comme Spinoza que notre conscience ne recueillerait uniquement que des effets, constatons tout de même que l’écologie nous démontre chaque jour son caractère tout à fait partiel et mutilé. Paradoxe, si les discours écologistes nous invitent à user toujours plus de cette même conscience, le savoir écologique ne cesse de nous en démontrer les limites. Cette conscience ne perçoit ainsi que des effets des gaz à effet de serre, connaît très mal le cycle de l’eau, cette forêt est-elle un puits ou une source de carbone, etc …

caute

Biologie et cybernétique combinées dedans, le véritable apport de l’écologie est avant tout éthique. Il ne porte pas sur des causes autre que partielles, ne prétend donc pas à rapporter l’exactitude des phénomènes, mais porte bien sur les effets possibles de nos actions. Ce que nous savons aujourd’hui par son biais, c’est qu’il faut être très prudent avec les termes de la plus simple des équations. Non seulement que nous ne connaissons pas tous les termes en jeu, mais qu’il existe entre eux des relations ou boucles rétroactives dont nous ignorons même les effets. Conséquence, toute pensée extractive ou atomiste se doit d’être très sérieusement questionnée quant à ses effets possibles sur tel ou tel ensemble concerné. L’ensemble des ensembles étant arrêté à ce jour à la Terre.

Ainsi en est-il des gènes et de leurs interactions avec l’environnement cellulaire. Peut-on penser le génome indépendamment de ce dernier ? C’est là toute la question des OGM. Et en généralisant à peine, celle d’une large part de l’écologie pensée en tant que somme des flux irriguant le tissu vivant de la planète.

Spinoza disait qu’on ne sait jamais à l’avance ce que peut un corps dans telle ou telle rencontre. Aujourd’hui nous disons que tout composant appartient à un système complexe relié à un environnement (à un autre système plus ouvert), à une écologie (à des relations entre systèmes), et que malgré une connaissance parfaite des composants élémentaires d’un tel système, il est impossible de prévoir son comportement.

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« (…) chaque corps dans l’étendue, chaque idée ou chaque esprit dans la pensée sont constitués par des rapports caractéristiques qui subsument les parties de ce corps, les parties de cette idée. Quand un corps « rencontre » un autre corps, une idée, une autre idée, il arrive tantôt que les deux rapports se composent pour former un tout plus puissant, tantôt que l’un décompose l’autre et détruise la cohésion de ses parties. Et voilà ce qui est prodigieux dans le corps comme dans l’esprit : ces ensembles de parties vivantes qui se composent et se décomposent suivant des lois complexes. »
Spinoza, Philosophie pratique, Gilles Deleuze.

Suite de la note.

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http://www.dailymotion.com/video/k6cUIoVpgNDzbcOwk0 


 



[1] Ethique, I, appendice.

Points … hors la vue

Miro

[ Un environnement ? Une configuration dynamique, un organe sensoriel décentralisé: un modèle de danse qui capture d’autres modèles de danse. ] Gregory Bateson

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http://www.dailymotion.com/video/k3urLHLoGI73X0zTgG De l’art et de la science, ou des interférences. Jean Claude Ameisen.

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On me dit, très cher monsieur, vous mélangez tout sur ce blog.
L’écologie n’est sûrement pas ceci, mais sûrement cela.
Vous ne pouvez donc pas sérieusement écrire ceci autrement que comme cela : l’écologie est une science qui, tel le cosmonaute, entend piloter les choses du vivant, transferts des matières et des énergies, d’en haut.

Ceci ou cela répondons que notre récit du monde est simplement moniste, et qu’ainsi écologie des corps et des idées forment deux aspects parallèles d’une seule et même question « écologique ». Deux versants d’un même fait, où pour l’articuler autrement à la manière d’un Bateson : « Nos idées sont immanentes dans un réseau de voies causales (système d’information) dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience. »

Et après tout, pour le dire plus simplement, l’écologie est une pile de savoirs constituée du jeu des idées que nous nous faisons du monde, celles-ci exprimant bien plus une certaine perspective sur ce dernier, perspective née de l’histoire de nos rencontres avec, que les propriétés de ce monde. Parler d’écologie, c’est donc avant tout parler de celui qui en parle, sous la forme d’idées comme d’images, à savoir l’homme. De l’étude de la Nature, il ne peut tirer avant toute chose qu’une connaissance de sa propre nature.
Nous disons perspective car l’écologie plus qu’une science est avant tout une certaine manière de percevoir le monde. De le plier dans une représentation proprement écologique, des plis correspondant à certaines relations d’un type nouveau (rétroactions, coévolution, …).
A cette manière de voir correspond un mode d’existence, c’est à dire l’art de vivre en rapport avec cette représentation. Coprésence au monde et à soi, coévolution des rapports entre le monde et soi.

Perspective écologique dont nous essayons très maladroitement d’explorer ici quelques uns des contours, faute d’être satisfait par les propositions actuelles et les usages qui en découlent.
Les propositions actuelles, quelles sont-elles au fond ? Dualisme, happy triolisme, transcendance new age, sado anthropomorphisme, psychanalyse du pingouin et culte des manchots qui ne transforment pas le monde à coup de marteau ? Etc, etc, soit grosso-modo l’asile d’une flopée de superstitions savamment réactualisées dans les habits d’une nouvelle morale naturée. Morale qui, parlant au nom de la terre mère à la manière d’un coucou, colonisent le nid d’une science encore à venir pour en chasser les petits Fourrier.

Faire des arbres des puits à carbone à produire sur un même mode que celui des automobiles n’en est qu’un exemple assez facile. Ici l’absence de perspective nouvelle excuse de facto celle du projet pédagogique. On gère le carbone comme l’aluminium dans une même équation. Un des termes change, mais pas la nature des relations. Il en va de même de l’absence des singularités dans les discours. Pourtant, ceux-ci ne manquent pas de nous ceci, nous cela. 
En retour ? Toujours aussi peu d’autonomie dans le possible, et des grilles qui pleuvent sur des diagrammes qui s’assèchent. Mais quelle représentation du monde, quels hommes dedans, quels modes d’accès à la connaissance ? Des utilisations et captures individuelles aux sociabilités et ainsi de suite, nous ne repensons le monde que bien peu aujourd’hui. Question de vitesse, question de savoir plier (dans la complexité) plus que d’extraire également.
Mais quelles ontologie, anthropologieépistémologie et tous ces gros mots réunis pour l’agir écologique ? Celui-ci bénéficie-t-il d’un laisser-passer à ces endroits, ou bien l’homo ecologicus n’est-il finalement qu’un reflet inversé de l’œconomicus ? 

Miro

Filet à papillons et surface d’inscription, de nôtre petit côté, tâtonnant au fil des rencontres, insatisfait des représentations communément proposées au recyclage, et ne cherchant pas à séparer la question écologique de celle du bonheur humain (en tant que celui s’articule également autour des modalités sociales de cohabitation des joies individuelles dans les usages que nous faisons du monde des choses bien qu’habitant celui des hommes), nous avons ainsi pu capturer ici et là quelques fragments de code.

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http://www.dailymotion.com/video/k657hrwUlxdosMOROk Perspective esthétique et micropolitiques désirantes, Félix Guattari: « L’écologie est un grand tournant, à condition que cette écologie soit mariée à la dimension sociale et économique, avec toute forme d’altérité, pour former une idéologie douce, qui fasse sa place aux nouvelles connaissances. »

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Alors on touche et on expérimente là dedans des bidouillages partiels qui n’appellent qu’à leurs propres transformations, pour peut-être certains usages dans des ailleurs.
On tourne, on tourne autour. On se répète dans un mouvement centrifuge qui peut-être un jour fera apparaître une nouvelle poterie, par expulsion sélective des trops perçus.
En attendant, petite tentative de synthèse très incomplète et dans le désordre. 

arrow La perspective écologique, l’art des agencements ou des frontières mobiles. L’individu est une configuration singulière qui ne prend forme qu’en rapport à d’autres configurations singulières, lesquelles ne se comprennent que dans un contexte très dynamique.
L’homme, sous-système de systèmes, ne compose toujours qu’un arc dans un circuit plus grand qui toujours le comprend lui et son environnement (l’homme et l’ordinateur, l’homme et la canne…). Gregory Bateson : « L’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense, agit et décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience ». Alors de quoi je suis capable (mode d’existence) dans tel agencement, dans tel circuit ? Comment je m’insère dans ces réseaux de réseaux ? Soit la compréhension des différents circuits dans lesquels s’insère et racine l’âme humaine.
Comme ces relations et compositions sont plus ou moins inaccessibles à notre mode de pensé actuel (linéaire et séquentiel), notre hypothèse est bien que l’art en est l’une des principale portes d’entrée.
Coévolution, interaction, rétroaction, etc., autant de concepts issus de la systémique et qui forment aujourd’hui les bases de la pensée écologique scientifique. L’approche écosystémique est donc une façon de percevoir à la fois l’arbre et la forêt, sans que l’un ne masque l’autre. L’arbre est perçu comme une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la forêt, elle-même association d’arbres dont les interactions produisent leur propre niche écologique individuelle.
Tout système peut se représenter comme une différenciation interne entretenue par un flux énergétique (matière, information) externe qui le traverse. Ce flux détermine donc un intérieur différencié et un extérieur qu’on appelle environnement. C’est-à-dire un système plus ouvert à la circulation des flux et qui assure la régulation de l’ensemble. Tout système est donc relié à un environnement (à un autre système plus ouvert), à une écologie (à des relations entre systèmes). 
Nous ne pouvons donc pas donner à comprendre clairement l’écologie par des approches pédagogiques classiques, linéaires et exclusives.
Le projet de l’œuvre d’art est un projet intégrateur qui rencontre précisément cet objectif de la pensée écologique. Comme le disait Nietzsche, le corps dansant a le pouvoir d’unir les contraires et « nous avons l’art, afin de ne pas mourir de la vérité ». Une vérité entendue au sens d’un mode de pensée qui préfigure des frontières fixes (individu/collectivité, artificiel/naturel…), et épuise le réel à l’avance.

« La monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux niveaux individuel, familial, national et international – la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous – ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature. » Gregory Bateson. 

Aujourd’hui, l’individu cherche à combiner et expérimenter les approches de toute nature dont il a les « échos » permanents dans la société informationnelle au sein de laquelle il pousse (scientifiques, industrielles, médiatiques, artistiques…). Mais sa conscience n’est qu’une petite partie systématiquement sélectionnée et aboutit à une image déformée d’un ensemble plus vaste, le réel. Gregory Bateson : « La vie dépend de circuits de contingences entrelacés, alors que la conscience ne peut mettre en évidence que tels petits arcs de tels circuits que l’engrenage des buts humains peut manœuvrer. » Ignorant ces circuits plus vastes, l’individu sample des entités à partir d’un mode de pensée atomiste. Le poulet en batterie est un sample du poulet naturel. C’est-à-dire une entité extraite de son environnement (circuit initial), tout comme on extrait un son d’un ensemble musical. Le sample n’a évidement plus les mêmes capacités que l’original dans son contexte, mais à en rester à la forme on dira que c’est toujours un poulet et on pourra le multiplier à l’infini (copier/coller…).
Dans un monde complexe, il ne s’agit plus de chercher à dénouer ou extraire, mais bien à nouer. L’ensemble de l’esprit est un « réseau cybernétique intégré » de propositions, d’images, de processus etc. etc…., la conscience, un échantillon des différentes parties et régions de ce réseau. Gregory Bateson : « si l’on coupe la conscience, ce qui apparaît ce sont des arcs de circuits, non des pas des circuits complet, ni des circuits de circuits encore plus vaste. ». Ainsi plier le papier, notre conscience, pour en rapprocher les bords.

arrow L’écologie, en tant que concept intégrateur, celle-ci vise à la cohabitation des perspectives et usages du monde, du poétique au productif, et s’occupe donc de la gestion du multiple bien plus que de la rareté. Le multiple étant ici entendu au sens d’une multitude de désirs singuliers, non comme des collectifs institutionnels ou des classifications.

arrow L’homme coévolue avec le naturel comme l’artificiel, cette distinction n’étant le fruit que d’une perception limité (prélèvement). Cette proposition pourrait également s’entendre comme suit : l’homme habite techniquement la nature et naturellement la technique sur un seul et même plan d’immanence qui est un plan de composition (un modèle de danse qui capture d’autres modèles de danse). Rencontre à ce stade avec Michel Puech, comme avec le Deleuze du petit texte intitulé  » Spinoza et nous  ».

Gilles Deleuze : « L’artifice fait complètement-partie de la Nature, puisque toute chose, sur le plan immanent de la Nature, se définit par des agencements de mouvements et d’affects dans lesquels elle entre, que ces agencements soient artificiels ou naturels [...] une composition des vitesses et des lenteurs, des pouvoirs d’affecter et d’être affecté sur ce plan d’immanence. Voilà pourquoi Spinoza lance de véritables cris : vous ne savez pas ce dont vous êtes capables, en bon et en mauvais, vous ne savez pas d’avance ce que peut un corps ou une âme, dans telle rencontre, dans tel agencement, dans telle combinaison. »

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http://www.dailymotion.com/video/k3nS3J7O5wL1n2NBjR Michel Puech sur France Culture : « l’homme habite techniquement la nature et naturellement la technique ».

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arrow L’actuelle mise en réseau du monde implique un certain devenir végétal, à un certain niveau de nos stratégies organisationnelles : gestion du temps et occupation de l’espace en premier lieu, mais également à une plus grande fluidité des sujets, psychologique, voire même aujourd’hui génétique.
Car mise en réseau, c’est-à-dire modification des rapports des vitesses et des lenteurs de chacun, des modes d’individuations et d’affectation des corps sur ce même plan d’immanence, avec pour conséquence une croissance des surfaces d’échange et l’émergence de nouveaux collectifs fluides respectant les singularités. Soit de nouvelles sociabilités.
Dans la mesure où plus aucun des territoires de la planète ne porte pas une trace de moi-même (les mêmes pesticides dans les glaces polaires et dans mes testicules…), pulsion de fuite et mouvement perdent de leur intérêt stratégique. Dès lors, en pensant le rapport animal et végétal sur la base de stratégies de captation de l’énergie différenciées, l’une en mouvement, l’autre non, peut-on imaginer que le développement des humains adopte un modèle plus végétal ? Un mode où à l’image de la plante pour la lumière et l’eau, l’individu étendrait en surface ses capteurs d’information dans le réseau sociétal, à la recherche de sens composites (informations, énergie).
En contrepoint, il délaisserait la construction de son intériorité au profit d’un nouveau type de croissance : en extérieure, en surface, par réitération et redondance, en multipliant les chemins de circulation de l’information. Parallèlement, ce dernier ne pourrait plus se satisfaire du substrat traditionnel des connaissances : analytique, linéaire et séquentielle.
Rencontre ici avec Francis Hallé et Raphaël Bessis autour de la question de l’homme coloniaire.

arrow L’homme « photo-synthétiseur » est un producteur primaire (plus ou moins autonome, plus ou moins affirmatif) d’images à dédoubler, articuler et recycler collectivement dans des récits du monde. Littérature, poésie ou toute la question du rôle de l’art dans dans l’éducation, les fonctions de contrôle et de sagesse au sens d’un Bateson, la présence au monde d’un Thoreau.

« [...] L’art, à une fonction positive, consistant à maintenir ce que j’ai appelé « sagesse », modifier, par exemple, une conception trop projective de la vie, pour la rendre plus systémique [...] ce que la conscience non assistée (par l’art, les rêves, la religion…) ne peut jamais apprécier, c’est la nature systémique de l’esprit. » Grégory Bateson

Rencontre ici avec l’accès à la connaissance des devenirs du monde sur un mode cinématographique, Bergson (le cinéma fait voir le mouvement, les rapports de mouvement, les interactions qui passent – jaillissent - entre les choses).

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http://www.dailymotion.com/video/k5a8Z8wuAyBpnBM0Mg Bergson, image cinématographique, et appréhention de l’abondance des devenirs du monde.

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arrow Penser la diversité ne requière pas que les choses aient une valeur en elles-mêmes. L’attribution d’une valeur esthétique, d’un usage, etc, est avant tout fonction du déploiement d’un désir singulier. Ce n’est pas parce que cette chose est aimable que je l’aime, c’est parce que je l’aime que cette chose est aimable.
Ce que la diversité mets ainsi en jeu, ce sont donc des potentiels de liaison et de  déliaison dans le tissu du monde, ces agencements mobiles permettant des gains de puissance dans une communauté faite de multiples systèmes en coévolution. L’extinction d’un individu singulier est en ce sens la perte pour tous les autres d’une liaison, d’un mode de connexion possible, d’un modèle ou mouvement de danse dans lequel peut se glisser un moi. Soit une perte en conjugaison ou en grammaire du monde. Toujours Spinoza, toujours Deleuze et un zest de Misrahi aux commentaires.

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http://www.dailymotion.com/video/k5q5KaPOMSGW7arBNA Gilles Deleuze sur l’Ethique de Spinoza, lecture de « Spinoza et nous »

http://www.dailymotion.com/video/k6dBvXQ94T6qvyymWu Bodiversité, tissu du vivant et pouvoir de transformation (Elias Canetti)

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Pour décliner tout cela plus concrètement, d’un point de vu politique et quotidien, se pose donc la question de l’accès pour le plus grand nombre aux territoires, à ses flux de matières et d’informations avec lesquels il est nécessaire ou possible qu’ils se combinent pour devenir humain (l’eau, l’air, etc.) et plus encore (l’information, l’éducation, les surfaces d’écriture et de lecture que sont les arbres, les paysages, l’éthologie animale, etc.).

Mais une fois dit cela, constatons que nous n’avons rien inventé de bien nouveau. Tout juste actualisé quelques très vieilles questions : occupation des territoires, rémunération des équivalents travaux de chacun, etc. 
A ceci près, outre le cheminement personnel qui nous amène à réinterroger ces questions sous tel ou tel angle d’incidence, à ceci près donc que le capital énergétique d’un individu humain, c’est à dire son pouvoir de transformation mécanique du monde, est à présent à un niveau sans doute jamais atteint par l’espèce. On pourrait peut-être d’ailleurs imaginer qu’il en va de l’inverse quant à son pouvoir de transformation psychique.
A ceci près toujours que l’heure est à la maîtrise de notre propre maîtrise ou puissance, grâce aux connaissances aujourd’hui acquises sur les rapports entre les flux : cycles, transferts, conditions de reproduction des matières et des énergies.

Modification des vitesses et réactualisation des liens, tout cela nous ramène d’une certaine manière à la question éthique telle que posée par Spinoza : comment rendre désirables ou « activer » ces connaissances nouvelles, comment articuler autonomie individuelle et communauté de raisonnable ?

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http://www.dailymotion.com/video/k4BHxtdZ4qyPkhTwrz Robert Misrahi sur Spinoza. De la recherche de l’autonomie au « Rien n’est plus utile à l’homme qu’un autre homme vivant sous la conduite de la raison »

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Matisse

You(r)Tube digestif est bien (con)stipé …

You(r)Tube digestif est bien (con)stipé ... dans -> ACTUS lievre

Comme on l’aura noté, la plupart des billets de ce blog se trouvent accompagnés – outre les fautes d’orthographe – de vidéos interférant plus où moins directement avec les textes proposés.
Celles-ci ont pour vocation de donner à voir autrement, multiplier ou agencer les perspectives possibles, car c’est un fait, on ne sait jamais à l’avance comment chaque individu dans toutes ses singularités va pouvoir aborder telle ou telle question. L’angle d’incidence propre à chacun, ou comment il rencontre ceci et cela, par quel média il comprend où devient conscient d’une certaine relation entre les choses.

Qui plus est, pour un blog souhaitant parler d’écologie, et par là-même tournant autour de notions aussi floues que celle de biodiversité, comment ne pas au moins tenter de diversifier contenu et contenant des messages. Respect de l’hétérogénéité des désirs, comme de l’éco-éthologie  …. de chacun.

Ces vidéos, à la production anonyme, composées d’extraits courts toujours sourcés, n’ayant aucune vocation à la reproduction et servant uniquement de support pédagogique, celles-ci viennent donc d’être entièrement supprimées par YouTube, sans avertissement aucun pour atteinte au droit d’auteur.

Peu importe dirons nous, aucune œuvre n’est ici en péril. Seulement, et c’est bien là le problème qui se pose au-delà d’une qualification pédagogique de ces petites vidéos, qualification toujours très subjective et questionnable, car au final c’est bien d’un nouvel empêchement dont il est question.

Il est ainsi une nouvelle fois proclamé l’interdiction pour tout un chacun de digérer ses impressions en réunion. Etre bombardé des images extérieures, oui, mais pouvoir les digérer ou en « photo-synthétiser » les traces autrement, voilà qui est donc impossible. Non, il n’y a qu’un montage possible, non, il n’y a qu’un sens possible que vous altérez dans vos recombinaison, etc, etc. Alors faites le si ça vous amuse, mais faites le tout seul dans votre cave.

La banque sociale des images est ainsi verrouillée, pas plus de crédit ici, et nous sommes tous à court de liquidité. Recyclage des herbes, oui car après tout ça ne fait de mal à personne même si nous aurons toujours moins de talent que les vaches, mais recyclage des images, non, et peu importe la destination !

Nous voilà donc privés d’une certaine technique digestive ou de méditation sur nos propres affects, c’est-à-dire du travail sur les traces ou impressions que laissent les images sur nos corps comme nos esprits. Alors vive les images étrangères qu’on bourre dans des natures incompatibles tout en les privant de certaines de leurs capacités d’incorporation les plus immédiates. Vivre la vie de tout le monde, la surpopulation qui va avec. Mais si, si, faite vos montages, rien ne l’interdit, mais que personne n’en sache rien. Monsieur, coupez votre connexion.

Un jour peut-être comprendrons-nous qu’il existe sans doute une écologie des idées (que celles-ci soit véhiculée par des images, des sons, des textes …) à respecter tout autant qu’une autre. Nous commençons de le comprendre dans la Nature, ses transferts de flux, de matières, et donc d’énergies, mais nous en sommes encore très loin en terme d’information, c’est-à-dire en terme d’énergie pliées dans des images, sons, textes, etc. 
Car là aussi existe des producteurs primaires, des producteurs secondaires, des consommateurs, des décomposeurs, etc., dans un cycle qui fait que chaque niveau nourrit le suivant. Et ainsi de suite dans la boucle, chacun se devant d’être rémunérer comme tel, c’est-à-dire de voir ses conditions de reproduction assurées.

On pourrait d’ailleurs se demander quelle place occupe les hommes dans ce cycle. Après tout les pingouins ne sont pas rémunérés en tant que freegurants du spectacle, ni ne nous attaquent pour diffamation dans les propos que nous leur prêtons. Dans la même idée, et plus sérieusement, suivons G. Bateson : «  [...] le système écomental appelé lac Erié est une partie de votre système écomental plus vaste, et que, si ce lac devient malade, sa maladie sera inoculée au système plus vaste de votre pensée et de votre expérience » Vers une écologie de l’esprit, tome2 

Notre hypothèse est ici la suivante, l’homme est un producteur primaire qui transforme dans et à partir des gratuités des images écomentales du monde. C’est-à-dire qu’il est capable, au sein de ce système écomental plus vaste, de plier celui-ci dans des récits qui sont autant de symptômes de l’histoire de ses rencontres avec. Pour ce faire, il produit des images, des sons que d’autres pourront déplier ultérieurement comme autant de matière première à leur propre production. Se faisant, l’homme dépense donc une certaine énergie de « pliage » dans cette activité que nous dirons « photo-synthétique ».

http://www.dailymotion.com/video/k3IvOzPgYl3oOEymWu Transformation, images et biodiversité …

D’un point de vue de l’équilibre, cette dépense d’énergie se doit d’être « compensée » par les recettes énergétiques qui permettent la reproduction ou la continuité de cette activité. Activité de transformation qui appartient peut-être à sa nature même, de sorte que l’en priver consisterait simplement à l’éliminer. Il est donc plus que nécessaire de pouvoir assurer la continuité de cette fonction. La rémunération énergétique pouvant ici être vue comme la création de liaisons sociales.
Tout comme, et parallèlement, il convient de pouvoir établir au sein de la cité un système de sélection des individus les plus capables pour ce faire. Vaste question, aller voir chez les Grecs.

Mais sans se déplacer beaucoup, constatons simplement que les droits d’auteurs, tout du moins tels que conçus à ce jour, ceux-ci ne sont pas adaptés à une telle écologie. Ils segmentent les flux, brisent la circulation des énergies d’une chaine dont la production est durablement empêchée de se boucler sur elle-même. Ainsi, et en retour, les productions primaires s’affaiblissent très logiquement du manque de leurs recycleurs, comme de l’absence des échelons intermédiaires. Ou comment ici aussi scier la branche sur laquelle …

Les protections, ou plutôt la continuité des actions de chacun se devrait donc d’être équilibrée et assurée. Le choix des « exécutant », sans doute assez dangereusement questionné. Un individu à la figure clairement identifiée ? Un collectif fluide et décentralisé ? Ou comment faire cohabiter les usages tout en respectant les mode de pliage et dépliage de chacun. 

Aujourd’hui, nous sommes encore assez loin de ces questions. Alors plus simplement, comment et pourquoi ne pas mieux préciser la notion d’extrait, ne pas affirmer plus en avant l’exception pédagogique ? Plus généralement, la notion de l’œuvre collective reste largement à introduire dans nos textes, sans doute sur le modèle ou les prémisses du logiciel libre. Nous sommes au XXIème siècle, et voilà beaucoup de travail en perspective face aux enjeux. Qui a parlé de fin de l’histoire ?

Pour conclure un commentaire du professeur Michel Vivant sur la loi DADVSI : « [l'exception pédagogique] permet l’exploitation  »d’extraits d’œuvres ». Expression nouvelle dont on sait simplement qu’elle fait allusion à un lignage plus important que la courte citation… Mais que représente-t-elle vraiment ? 4%, 5%, 10% d’une œuvre ? Ce pourcentage est-il relatif à la pagination totale ? La notion d’extraits manque de sens pour être opératoire»

Soyons malgré tout assez peu confiant … personne ne lâche rien gratuitement. Personne, mais qui ? Un écosystème totalement défaillant quant à son écologie de production immatérielle.

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http://www.dailymotion.com/video/k4oNulh3Di8bShSyFm Des armes qu’on croise ici et là … mais qui surtout ne s’échangent pas …

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Pascal et Spinoza – Pensée du contraste : de la géométrie du hasard à la nécessité de la liberté par Laurent BOVE, Gérard BRAS, Éric MÉCHOULAN. Extraits de la préface de l’ouvrage :

 » (…) chez Spinoza (…) l’aliénation ne se laisse pas penser comme un écart à une origine perdue, comme un écart à soi, mais par l’incorporation d’une puissance extérieure due à l’activité même du désir qui contribue à distraire l’individu de la recherche de son utile propre. L’imitation des affects est le concept clé qui, chez Spinoza, rend compte de cette contrariété par laquelle chacun se fait impuissant (…) 
La vie commune est une construction des sujets dans laquelle prennent sens les expériences de chacun, elle n’est pas simplement une coopération, mais un effort collectif. C’est le principe d’imitation des affects qui permet aux individus tout en affirmant leur ingenium propre de composer un ingenium collectif. L’action collective précède donc l’action individuelle, non en la causant, mais en constituant constamment sa référence en acte. »

Paysage éthique

http://www.dailymotion.com/video/k2TvJUhAfjFRYYPApC
Vid: d’après le film documentaire la planète bleue. Audio: d’après Gilles deleuze, cours sur Spinoza. Fond sonore : Arno, la vie est une partouze.

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Faire son écologie dans un paysage éthique ? Un paysage dans lequel on ne peut définir un animal, un homme ou une chose par sa forme, ses organes ou ses fonctions, mais par les affects dont il est capable. A quoi tel ou tel corps est-il indifférent dans le monde infini, à quoi réagit-il positivement ou négativement, quels sont ses aliments, quels sont ses poisons, qu’est-ce qu’il prend dans son monde ?
Capacité à affecter et à être affecter des corps, chimie des modes d’existence sur un plan naturel d’immanence qui ne cesse d’être composé et recomposé par les puissances en acte des individus et collectivités existantes.

Petite visite fragmentaire de cette singulière cartographie des corps d’après les cours de Deleuze sur Spinoza – la voix de Gilles Deleuze en ligne.

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Cours 2 du 09/12/1980 – 1 (transcription de Lucie Fossiez)

« (…) Lorsqu’on parle d’une éthologie à propos des animaux, ou même d’une éthologie à propos de l’homme, il s’agit de quoi ? L’éthologie au sens le plus rudimentaire c’est une science pratique, de quoi ? Une science pratique des manières d’être.

(…)

Mon hypothèse, c’est que le discours de l’éthique a deux caractères : elle nous dit que les étants ont une distinction quantitative de plus et de moins, et d’autre part, elle nous dit aussi que les modes d’existence ont une polarité qualitative, en gros, il y a deux grands modes d’existence. Qu’est-ce que c’est ?

Quand on nous suggère que, entre vous et moi, entre deux personnes, entre une personne et un animal, entre un animal et une chose, il n’y a éthiquement, c’est à dire ontologiquement, qu’une distinction quantitative, de quelle quantité s’agit-il ? – Quand on nous suggère que ce qui fait le plus profond de nos singularités, c’est quelque chose de quantitatif, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Fichte et Schelling ont développé une théorie de l’individuation très intéressante qu’on résume sous le nom de l’individuation quantitative. Si les choses s’individuent quantitativement, on comprend vaguement. Quelle quantité ? Il s’agit de définir les gens, les choses, les animaux, n’importe quoi par ce que chacun peut.

Les gens, les choses, les animaux se distinguent par ce qu’ils peuvent, c’est à dire qu’ils ne peuvent pas la même chose. Qu’est-ce que c’est ce que je peux ? Jamais un moraliste ne définirait l’homme par ce qu’il peut, un moraliste définit l’homme par ce qu’il est, par ce qu’il est en droit. Donc, un moraliste définit l’homme par animal raisonnable. C’est l’essence. Spinoza ne définit jamais l’homme comme un animal raisonnable, il définit l’homme par ce qu’il peut, corps et âme. Si je dis que « raisonnable » ce n’est pas l’essence de l’homme, mais c’est quelque chose que l’homme peut, ça change tellement que déraisonnable aussi c’est quelque chose que l’homme peut.

On définit les choses par ce qu’elles peuvent, ça ouvre des expérimentations. C’est toute une exploration des choses, ça n’a rien à voir avec l’essence. Il faut voir les gens comme des petits paquets de pouvoir. Je fais comme une espèce de description de ce que peuvent les gens.

Du point de vue d’une éthique, tous les existants, tous les étants sont rapportés à une échelle quantitative qui est celle de la puissance. Ils ont plus ou moins de puissance.

Cette quantité différenciable, c’est la puissance. Le discours éthique ne cessera pas de nous parler, non pas des essences, il ne croit pas aux essences, il ne nous parle que de la puissance, à savoir les actions et passions dont quelque chose est capable. Non pas ce que la chose est, mais ce qu’elle est capable de supporter et capable de faire. Et s’il n’y a pas d’essence générale, c’est que, à ce niveau de la puissance tout est singulier. On ne sait pas d’avance alors que l’essence nous dit ce qu’est un ensemble de choses. L’éthique ne nous dit rien, ne peut pas savoir. Un poisson ne peut pas ce que le poisson voisin peut. Il y aura donc une différenciation infinie de la quantité de puissance d’après les existants. Les choses reçoivent une distinction quantitative parce qu’elles sont rapportées à l’échelle de la puissance.

(…)

J’ai telle ou telle puissance et c’est cela qui me situe dans l’échelle quantitative des êtres. Faire de puissance l’objet de la volonté c’est un contresens, c’est juste le contraire. C’est d’après la puissance que j’ai que je veux ceci ou cela. Volonté de puissance ça veut dire que vous définirez les choses, les hommes, les animaux d’après la puissance effective qu’ils ont. Encore une fois, c’est la question : qu’est-ce que peut un corps ?

C’est très différent de la question morale : qu’est-ce que tu dois en vertu de ton essence, c’est qu’est-ce que tu peux, toi, en vertu de ta puissance. Voilà donc que la puissance constitue l’échelle quantitative des êtres. C’est la quantité de puissance qui distingue un existant d’un autre existant. Spinoza dit très souvent que l’essence c’est la puissance.

(…)

Cours du 09/12/80 – 2 (transcription de Christina Roski)

S’il est vrai que toute puissance est en acte, ça veut dire à chaque instant elle est effectuée. Jamais vous en aurez un instant où ma puissance aura quelque chose d’ineffectuée. En d’autres termes vous n’aurez jamais le droit de dire : » il y avait en moi quelque chose de mieux de ce que j’ai fait ou de ce que j’ai subit « . A chaque instant tout est en acte. A chaque instant ma puissance est effectuée. Elle est effectuée par quoi ? Si toute puissance est en acte – vous voyez je fais une série de notions d’identité, de concepts. Je dis puissance = acte pour Spinoza. Dès lors, toute puissance, à chaque instant, est effectuée. D’où la question, qu’est-ce que ce qui est effectue à chaque instant

La puissance ? Là il y a une question de terminologie de Spinoza très importante. Spinoza appellera     » affect « , ce qui effectue la puissance. Le concept de puissance chez Spinoza sera en corrélation avec le concept d’affect. L’affect, ça se définit exactement comme ceci :  » ce qui à un moment donné remplit ma puissance, effectue ma puissance « . Donc vous voyez, dire que ma puissance est effectuée c’est dire qu’elle est effectuée par des affects. Ca veut dire, à chaque instant des affects remplissent ma puissance. Ma puissance est une capacité qui n’existe jamais indépendamment des affects qu’il effectue

(…)

Donc tant que je restais au concept de puissance je pouvais vous dire qu’une chose : à la rigueur, je ne comprends pas comment, mais les existences se distinguent quantitativement parce que la puissance est une quantité d’un certain type. Donc, ils ont plus ou moins de puissance. Mais, deuxièmement, je vois que la puissance est une notion qui n’a de sens qu’en corrélation avec celle d’affect. Puisque la puissance est ce qui est effectuée et c’est l’affect qui effectue la puissance. Cette fois-ci, sans doute, ce sera du point de vue des affects qui effectuent ma puissance que je pourrais distinguer les modes d’existence. Si bien que deux idées deviendraient très cohérentes : dire à la fois, il n’y a qu’une distinction quantitative selon la puissance entre les existants et dire il y a une polarité qualitative entre deux modes d’existence, la première proposition renverrait à la puissance acte, la seconde proposition renverrait à ce qui fait de la puissance un acte c’est-à-dire ce qui effectue la puissance, c’est-à-dire l’affect.

Il y aurait comme deux pôles de l’affect, d’après lesquels on distingue les deux modes d’existence. Mais l’affect, à chaque moment, remplit ma puissance et l’effectue. Qu’est-ce que ça veut dire ça, l’affect, à chaque moment, remplit ma puissance et l’effectue ? Là Spinoza insiste beaucoup sur les choses, il tient énormément à la vérité littérale de ça. Un aveugle alors, ce n’est pas quelqu’un qui a une vue potentielle. Là aussi il n’y a rien qui soit en puissance et non effectué. Tout est toujours complètement effectué. Ou bien il n’a pas de vue du tout, c’est-à-dire il n’a pas la puissance de voir. Ou bien il a gardé des sensations lumineuses très vagues et très floues. Et c’est les affects qui effectuent sa puissance telle qu’elle est. Il y a toujours effectuation de la puissance. Simplement voilà, ça n’empêche pas. Donc vous comprenez bien cette idée de l’affect. L’affect c’est qu’il va remplir ma puissance. Je peux, je me définis par un pouvoir, une puissance. Les affects, c’est à chaque moment ce qui remplit ma puissance.

Alors, l’affect ce sera quoi ? Ca peut être des perceptions. Par exemple des perceptions lumineuses, des perceptions visuelles. Des perceptions auditives. C’est des affects. Ca peut être des sentiments, ce sont des affects aussi. L’espoir, le chagrin, l’amour, la haine, la tristesse, la joie, c’est des affects. Les pensées sont des affects. Ca effectue ma puissance aussi. Donc je m’effectue sous tous les modes, perceptions, sentiments, concepts, etc. Ca, ce sont des remplissements, des effectuations de puissance. Alors peut-on dire est-ce que cela veut dire que les affects ont deux pôles ? Là Spinoza essaie d’expliquer quelque chose que je veux esquisser là puisqu’on le reprendra la prochaine fois, ça serait trop difficile d’en parler maintenant. Il dit : en gros, il y a deux pôles de l’existence. Les deux pôles c’est la tristesse et la joie. Ce sont les deux affects de base. Il fait toute une théorie des passions, où la tristesse et la joie sont les deux affects de base. C’est-à-dire tous les autres affects dérivent de la tristesse et de la joie.

Comment se distinguent ces deux affects de tristesse et de joie ? Vous comprenez, c’est juste là ça devient un petit peu difficile. Alors il faut la vivre. Quand c’est difficile à penser il faut essayer de le vivre. Il nous dit, tous les deux, les tristesses comme les joies effectuent ma puissance, c’est-à-dire remplissent mon pouvoir. Ca l’effectue et ça l’effectue nécessairement. Au moment où j’ai compris l’affect il n’est pas question que ma puissance puisse être effectuée d’une autre façon. L’affect qui vient, lui, c’est lui qui remplit ma puissance. C’est un fait, c’est comme ça. Vous ne pourrez pas dire, quelque chose d’autre aurait pu arriver. Non, c’est ça qui remplit votre puissance. Votre puissance, elle, est toujours remplie mais par des affects variables. Je suppose que ce soit une tristesse qui vous remplisse, qui remplisse votre puissance. Qu’est-ce qui se passe ? Voilà l’idée très curieuse de Spinoza. La tristesse, elle remplit ma puissance mais la remplit de telle manière que cette puissance diminue. Ca, il faut comprendre. Ne cherchez pas une contradiction. Il y a des manières. Je vais procéder par ordre.

Ma puissance est supposée être une certaine quantité, quantité de puissance. Deuxième proposition, elle est toujours remplie. Troisième proposition, elle peut être remplie par des tristesses ou des joies. Ce sont les deux affects de base. Quatrième proposition, quand elle est remplie par la tristesse, elle est complètement effectuée mais elle est effectuée de manière à diminuer. Quand elle est remplie par des joies, elle est effectuée de manière à augmenter.

Pourquoi ça ? On le verra la prochaine fois, pourquoi il dit tout ça. J’essaie de dire ce qu’il dit pour le moment ou ce qu’il me semble bien qu’il le dit. On sent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Mais si on comprenait ce qui ne va pas, on comprendrait en même temps quelque chose d’étonnant. Il nous dit à chaque instant ma puissance est tout ce qu’elle peut être, elle est toujours effectuée, mais elle était effectuée par des affects dont les uns la diminuent et les autres l’augmentent. Cherchez bien, il n’y a pas de contradiction. Il y a plutôt un étonnant mouvement de pensée parce que là aussi c’est bien. Quand je disais tout concept philosophique a plusieurs épaisseurs, a plusieurs niveaux, jugez-le à un niveau, vous ne l’aurez pas épuisé il y a un autre niveau. Au premier niveau, je dirais Spinoza nous dit : « il faut bien procéder du plus simple au plus compliqué. Dans tous les arts, on fait comme ça, et dans toutes les sciences, on fait comme ça ». Spinoza, à un premier niveau, nous dit : « Je définis les choses, les êtres etc. par une quantité de puissance. Il ne veut pas en dire trop, il ne veut pas s’expliquer complètement. Et le lecteur comprend tout seul que cette quantité de puissance c’est comme une quantité absolue pour chacun.

Deuxièmement, il dit que ce qui remplit la puissance à chaque instant ce sont des affects, ou de tristesse ou de joie. Troisièmement, or les affects de tristesse effectuent ma puissance de telle manière que ma puissance est diminuée, les affects de joie effectuent la puissance de telle manière que la puissance est augmentée. Qu’est-ce qu’il est en train de nous dire ? C’est comme s’il parlait, écoutez bien, il parle par ma bouche. Il vous dit : « J’avais bien être forcé de faire dans la première proposition comme si la puissance était une quantité fixe mais en fait et c’est déjà par là que la puissance est une quantité très bizarre, la puissance n’existe que comme rapport entre des quantités. La puissance en elle-même n’est pas une quantité, c’est le passage d’une quantité à l’autre. Je dirais à la lettre, là j’invente un mot parce que j’en ai besoin, c’est une quantité transitive. C’est une quantité de passage.

Dès lors, si la puissance est une quantité de passage, c’est-à-dire c’est moins une quantité qu’un rapport entre quantités, Il est bien forcé que ma puissance soit nécessairement effectuée mais que quand elle est nécessairement effectuée, elle ne peut être effectuée que dans un sens ou dans l’autre, c’est-à-dire de telle manière qu’en tant que passage elle soit passage à une plus grande puissance ou passage à une puissance diminuée. C’est beau ça. C’est bien. Là il vit quelque chose de très profond concernant ce qu’il faut appeler puissance. Donc, être une manière d’être c’est précisément être un passage. Être un mode, une manière d’être c’est ça. La puissance n’est jamais une quantité absolue, c’est un rapport différentiel. C’est un rapport entre quantité de telle manière que l’effectuation va toujours dans un sens ou dans l’autre. Dès lors, vous aurez deux pôles de l’existence, deux modes d’existence. Exister sur le mode ou je remplis ma puissance ; j’effectue ma puissance dans de telles conditions que cette puissance diminue et l’autre mode d’existence, exister sur un mode ou j’effectue ma puissance de telle manière que cette puissance augmente (…) »

Animal aux aguets

Captures

http://www.dailymotion.com/video/k202NVELa4OSO6Owk0
Vid: d’après le film documentaire la planète bleue. Audio: d’après Gilles deleuze, Spinoza, Immortalité et Éternité, CD1. Fond sonore : Arno, la vie est une partouze.

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Quelques petites lignes interrogatives en passant.

L’écologie n’est pas l’économie. L’écologie est à l’abondance ce que l’économie est à la rareté. Un certain mode de gestion des usages concurrentiels du monde par les existants. On ne parle pas ici de minimiser ou maximiser, on parle de coévoluer et faire cohabiter.

La décroissance est une vue de l’esprit économique. A l’inverse, l’écologie est cette pratique qui autorise une croissance des usages du monde. Une certaine croissance fondée sur un mode de colonisation et d’appropriation de l’espace qui fait écho à la figure végétale. Face à la concurrence, la plante opte pour une croissance indéfinie de ces surfaces d’échange sans pour autant épuiser son environnement. La plante est une croissance dont les cellules, les usages morts, cohabitent et deviennent cette écorce qui porte le vivant. Cette croissance, c’est aussi celle du corail dont la base des branches est morte. Le corail, animal au comportement végétal lorsqu’il fonctionne en symbiose la zooxanthelle dans les mers chaudes.

L’écologie n’est pas un refus des oppositions vécues. La transformation du monde par l’homme, c’est à dire sa production, celle-ci est une chose tout aussi nécessaire pour lui, et donc pour les autres, que la croissance de ses surfaces d’échange. Mais là encore, c’est à une autre nature de la production, affrontement actif de l’homme d’avec le monde, qu’invite l’écologie. Certainement pas à sa fin.

Surfaces d’échange et production ? Le végétal est de très loin le plus important producteur primaire d’énergie de la planète. Autotrophe, son travail « matériel » consiste à concentrer des photons solaires pour in fine transformer et stocker cette énergie sous la forme de liaisons chimiques exploitables par le reste du vivant.
Sur ce plan « matériel », l’homme est un animal hétérotrophe consommateur et dissipateur d’énergie.
Mais imaginons un instant que l’émergence du système mental de ce dernier puisse être vu comme une activité photosynthétique singulière. Il ne s’agit plus ici de produire de l’énergie exploitable sous la seule forme chimique, il s’agit aussi de concentrer les photons dans des images. Des images nourricières mises en circulation dans l’espace et le temps. Dans la société dans un premier temps, dans le monde des choses par la suite du fait des nouvelles pratiques et des usages qui en découlent.
Il s’agit là de cette production « immatérielle » (relations, idées, images) qui nourrit le commun de la banque d’image sociale, produit en retour la vie sociale elle-même à mesure que les images des uns deviennent la matière première de celles des autres membres du réseau corail de l’écologie des idées. Produire une image c’est sélectionner, condenser, établir des liaisons dans le monde. Synthétisé dans une production qui le plie dans des images, il existe un potentiel d’énergie immatérielle ou de création sociale. Autrement dit, leur manipulation, recombinaison et déploiement par les autres membres de l’essaim social, celles-ci vont libérer une certaine énergie de production immatérielle. Dans l’immatériel, l’homme est un producteur primaire d’énergie, et sans doute lui aussi à partir d’une certaine photosynthèse lumineuse.

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C’est à cette production des liens qui permettent la croissance des images, récits, perspectives sur le monde des choses et usages qui en découlent, qu’invite à penser l’écologie. L’écologie est production, en son coeur même.

Réseaux

Affinités écologiques

Les affinités se déclinent au singulier

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Note en mouvement …

Dans une note précédente nous avions proposé une définition possible de l’écologie, qui vaut ce qu’elle vaut, mais qu’il convient néanmoins de préciser comme de compléter.
L’écologie comme la science, et/ou l’art, de multiplier et faire cohabiter les perspectives et usages (productifs, récréatifs, esthétiques, spirituels, et bien sûr environnementaux …) sur une même chose.  Que cette chose soit d’ailleurs une plante verte, une langue ancienne, un centre urbain, etc… de telles « entités » ou leurs groupements.
Or ce que nous nous devons sans doute de préciser au niveau de ces « perspectives » dont nous parlons, c’est que celles-ci sont avant tout produites par des individus. Tel ou tel corps, tel ou tel esprit ou pensée ne se composant, ou ne se décomposant, jamais de la même manière avec l’objet x ou y qu’il sélectionne dans son monde.
Mais bien qu’expressions individuelles, ces perspectives n’en sont pas moins toujours produites au cœur d’agencements collectifs. On ne pense jamais seul, mais avec ce qu’on pourrait appeler une « drôle de musique qui flotte dans l’air », ces branchements possibles, à une époque donnée, avec les choses comme avec les gens. Peut-être que cette proposition pourrait aussi se résumer par la formule suivante en un certain sens : l’homme croit construire des voitures, il construit en fait des sociétés. De sorte qu’au final, on pourrait sans doute imaginer que cette diversité des perspectives produites, que celle-ci serait à évaluer en tant que symptôme de la bonne santé, ou écologie, d’un corps social dans son ensemble à une époque donnée.
 » L’énoncé est le produit d’un agencement toujours collectif qui met en jeu en nous et dehors de nous des populations, des multiplicités, des tentations, des devenirs, des affects, des évènements.  » Mille plateaux.

Affinités productives

http://www.dailymotion.com/video/k6zWLlkD80s7emMlPd 

Donner moi un exemple de perspective sur un objet que je puisse vous suivre me dira-t-on. Alors pour celui qui écrit ces quelques lignes, il en va ainsi d’un singulier rapport au végétal. C’est-à-dire d’une certaine combinaison qui le pousse à produire tel ou tel machinerie, d’écriture notamment. Machinerie ou rapport qui n’a d’ailleurs pas à être partagé, mais qui peut devenir partageable en tant que matière première à d’autre perspective sur ce même objet végétal.
Si l’on essayait de déplier un peu plus loin cette intuition, on se demanderait bien de quoi peut se composer cette perspective singulière. A première « vue » et avant tout mot d’un affect. D’une certaine musique, variation climatique symptomatique d’une rencontre joyeuse avec le corps végétal. Corps végétal, ou pour le dire autrement,  une certaine manière ou modalité de gérer le temps et de capter l’énergie. On en revient ici à ces rapports de vitesses et de lenteurs, à ces capacités des corps d’affecter et d’être affecté si chères à Deleuze traduisant Spinoza.
Et en passant au milieu des interférences, on en reviendrait sans doute à ce mystère des affinités, une certaine manière commune de poser les problèmes.  Sinon comment expliquer que l’auteur de ces quelques mots soit sensiblement affecté des mêmes affects, ou du même climat, au contact des corps végétaux, comme au contact de la pensée de Spinoza. Tout du moins de ce qu’il nomme comme tel. Mystère des affinités, ou pour ma part de ce que nous prenons, sélectionnons dans le monde.

Des musiques qui flottent dans l’air par où l’on se croise

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Mystère des affinités, exemple hasardeux au détour du web, commentaire d’un un film dont le climat d’ensemble m’avait profondément affecté :
«  Comment exprimer par des mouvements, qui relèvent toujours du corps, une vérité, qui relève de l’esprit ? La pensée, qui est l’action absolue, la seule action, n’est pas un mouvement au sens physique mais un approfondissement sur place, une « accélération » mais sans vitesse. Une vitesse absolue ou une vitesse immobile. J’ai parlé d’éclair, mais on pourrait parler aussi bien d’arbres. Plutôt que Matrix, si je devais trouver un film qui donne le mieux le sentiment d’éternité au sens spinoziste, je dirais Le nouveau monde, de Terrence Malick, réalisateur également de La ligne rouge. Les arbres, par leur immobilité même, incarnent un absolu de la vitesse. Le végétal a longtemps été un modèle pour l’homme et pour les philosophes. Même Descartes, souvenez-vous, parlait de l’arbre de la connaissance dont les racines étaient la métaphysique, dont le tronc était la physique, et les branches la mécanique, la médecine et la morale. L’élément végétal comme modèle de la connaissance du troisième genre est une possibilité à méditer. Propositions, démonstrations, corollaires, scolies comme autant de branches, de feuilles, de corolles, de racines, Deleuze parlerait de rhizomes, pour l’arbre spinoziste de la connaissance. »
Quel drôle de rapport entre le mode d’existence d’un végétal et la pensée de Spinoza ? L’expérience d’un climat ou d’une musique commune, le commun restant ici une définition flottante. Attraction sans mot, quand bien même se questionne derrière la notion d’individu et de frontière, le type de composition – appropriation, marquage et pollution – d’avec le dehors qu’implique une certaine immobilité, etc. Plus loin, c’est sans doute tout autre chose qui tente de prendre forme dans l’air du temps. Un climat, le cadre d’un nouvel agencement collectif, un sol épistémologique qui tremble sous nos pieds. Retour ici comme en écho sur ce texte abordant le devenir végétal de nos sociétés contemporaines.

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Mystère des affinités et des perspectives, suite. Une affiche dans le métro attire les antennes de l’insecte urbain en balade : « Les racines ont des feuilles ». Energie fixée dans la mémoire, et impression d’un souvenir. En balade sur le net, je recherche et tombe sur ceci :
« Chaque lieu peut devenir le plus bel endroit du monde. Les racines ont des feuilles. Pascal Cribier, architecte-paysagiste, homme de plantes et de climats, propose une exposition  « dedans-dehors » à visiter avec ses cinq sens, un itinéraire-découverte dans ses créations. »
Pouvoir devenir, homme de plante et de climat, relation « dedans-dehors », nous voilà donc de retour sur des interférences communes. Individu fluide, la plante, grande surface d’inscription végétale aux organes décentralisés et à la génétique mobile sur lesquelles nous ajoutons, homme, les antennes tactiles propres à capturer ces affinités, formulons des perspectives comme autant de récit d’une évolution qui se retournerait sur elle-même. Il flotte quelque chose dans l’air. Imperceptiblement nous la rencontrons dans les arts, l’écologie moderne et  bien d’autres territoires. De l’ordre de quelque chose qui nous relie, à une certaine échelle et autrement que par la digestion physique, au mode d’existence végétale. Ainsi pourrait se décliner une perspective singulière sur le végétal, sans renier le papier ou le puits à carbone, être en amour avec (joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure) et lui vouloir du bien (qu’elle persévère dans son existence).

Le monde de tout le monde

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Conséquence, et pour le dire simplement, adhérons donc à l’hypothèse de l’écologie en tant qu’un certain médicament de la pensée, écologie des idées parmi d’autres, mais médecine qui pourrait nous aider à sortir de l’ère de la production des individus adultes de masse. Epoque dont l’économie eut sans doute été bien difficile, mais dont certains signes semblent nous indiquer qu’il conviendrait de commencer à en sortir à présent.
La production d’individus adultes de masse, ça produit quoi ? Des individus privatisés mais privés – par une éducation découpante, une surinformation médiatique entrainant pollution et indigestion -, de leur propre capacité de connexion, de la production de leurs perspectives propres. Ainsi, à ses affects, produits ou résultat de ses rencontres avec le monde, pour peu que celles-ci soient non vécues ou rêvé à l’avance, sont  donc substitués les images banales d’un monde dit commun. Résultat, un individu demeurant au minima tout aussi ignorant de soi que les masses qui ont précédées son existence dans l’histoire.
Ignorant de mes capacités à affecter et être affecté en propre, j’exige de vivre des affects étrangers à ma nature, précisément dans la mesure où j’adhère à un : « c’est comme ça qu’il convient d’exister et pas autrement vu à la télévision ». Je vis donc dans un complexe à la granulométrie variable, préjugés, idées toute faites ou faites de tout, qui ont ceci de commun qu’elles épuisent le monde et font obstacle à la production de mon monde dans un même mouvement. Je ne peux qu’être ainsi conduit à brutaliser ma nature, celle des autres, et l’ensemble plus vaste de la Nature qui m’englobe moi et les relations dont je suis capable. Incapable de produire un monde, mon monde, je vis la vie de tout le monde. Est-il alors vraiment surprenant que j’en vienne en réaction à détester toute production, incapable que je suis de me produire moi-même, pour in fine me réfugier dans les rêveries de type ours blanc ou billet vert. Si production et contemplation ne s’oppose pas en ce qu’elles sont toute deux puissances d’affect concourant à la production de soi, il n’en va pas de même de la rêverie, symptôme de l’absence de l’idée de la non-existence possible de son objet.

Faire son cinéma

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Alors comment se fabriquer une certaine configuration du réel qui ne l’épuiserait pas à l’avance ? Faire son cinéma au cœur de la cité pour échapper aux images envahissantes d’un monde commun qui fait au final si peu communauté.
Ici il serait peut-être utile de revenir sur la question des droits d’auteurs. Car en n’autorisant l’usage des œuvres, des images ou tout du moins certains de leur fragments à des fin de recombinaison, matières premières de nouvelles créations dans ce que l’on pourrait appeler recyclage ou écologie des idées, nous privons l’individu de ses capacités d’appropriation et de digestion.
Nous disons juste, vous devez digérez comme ça et pas autrement ce que quelqu’un d’autre à arraché au réel, dans un collectif, dans un agencement. Le problème de la survie d’un mode de vie artiste dans nos sociétés posant d’autres questions de type : faut-il centraliser l’activité artistique sur la figure d’un auteur à marketer, faut-il partager ces compétences ? Mais là ou le discours est bouclé et ne peut avancer, c’est que les individus de masse ne peuvent évidement accéder à ces compétences.
Mais nous ne parlons pas ici de compétences techniques, il ne s’agit pas de devenir cinéaste, c’est avant tout d’une technique de digestion et de production de soi à mettre en place. Soit la mise en place d’artifices, reconnus comme tel, mais qui vont produire leurs effets dans le réel par recombinaison.
Pour penser à contrario, ne pas faire son cinéma, c’est donc éteindre sa télévision de peur qu’elle ne finisse par nous manger. C’est rester chez soi, élever des murs et s’enfermer dans tout type de monastère en jugeant cette vie au mieux inutile, pire dangereuse. Bref, être prêt à se dessécher pour de bon, et toute la cohorte des solutions qui ont ceci de commun : réduire encore plus notre dehors, et avec, nos capacités de connexion et d’agencements. 
Sans doute en vient-on à faire son cinéma par la qualité première de l’étonnement. Etonnement de l’enfance alimenté d’un principe d’attention plus que de précaution, d’une présence au monde qui se risque elle-même. Car à quoi bon percevoir si c’est pour se percevoir dans ce qu’on perçoit. Et quel soi sinon le reflet d’images étrangères à sa nature, produites par d’autre natures compatibles ou non ?
Pour se défaire du monde miroir du moi, sans doute s’agit-il de trouver et épouser son rythme, faire son montage pour entrer dans la danse, se laisser emporter et sculpter du mouvement des choses. Ne pas faire son montage, c’est la précaution. C’est se satisfaire ou se reposer de la difficile aliénation au moi de l’enfant, on ne devient pas normal impunément comme le dit Cioran, c’est-à-dire sans renoncer à de multiples potentialités. Alors autant le rester par désir monopolistique d’intégration. Or il ne s’agit pas ici de renier le moi, il s’agit de pouvoir et/ou savoir s’en décentrer pour ainsi percevoir le monde des choses et des interactions, puis y revenir. Etre fluide, peut-être comme la plante.
Mouvement, faire son cinéma, c’est aussi porter l’imagination à ses limites. Par exemple, devenir un végétal équipé d’antenne à sa surface : « Ce qui caractérise les organes des sens, c’est que le travail ne porte que sur de petites quantités des excitations extérieures, sur des échantillons pour ainsi dire des énergies extérieures. On peut les comparer à des antennes qui, après s’être mises en contact avec le monde extérieur, se retirent de nouveau.» S. Freud, Au delà de Principe de Plaisir, p.30, Payot, 1968.
En un sens, nous voilà revenu sur l’écologie en tant que mouvement de colonisation végétal de nos pensées, symptôme de l’irruption de nouvelles forces, rapports de vitesses et de lenteurs au monde (cinéma, carbone, véhicule motorisé), c’est-à-dire de nouvelles capacités d’affect et/ou de perception. Ce que le cinéma fait voir c’est l’interaction des choses, le mouvement qui passe entre les choses. Ce que l’écologie fait voir c’est l’interaction des choses, le mouvement qui passe entre les choses.
Extraits de
Pourparlers, Gilles Deleuze : « [...] une forme-Homme n’apparaît que dans des conditions très spéciales et précaires : c’est ce que Foucault analyse, dans Les mots et les choses, comme l’aventure du XIXe siècle, en fonction des nouvelles forces avec lesquelles celles de l’homme se combinent alors. Or tout le monde dit qu’aujourd’hui l’homme entre en rapport avec d’autres forces encore (le cosmos dans l’espace, les particules dans la matière, le silicium dans la machine…) : une nouvelle forme en naît, qui n’est déjà plus celle de l’homme [...] »

Brancher ses histoires, son cinéma sur la grande histoire, que chacun devienne avant tout producteur de soi, il n’y là pas d’autre alternative douce pour l’écologie.

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D’une écologie de l’esprit à la biodiversité

D'une écologie de l'esprit à la biodiversité dans Bateson batesonletteronly 

Pour Grégory Bateson, le mental n’est qu’une fonction d’une complexité relationnelle. Une propriété qui émerge de tout système complexe d’interactions et qui ne dépend pas de qualités spécifiques qu’auraient les parties prises séparément. « L’esprit, [système mental], est une fonction nécessaire, inévitable, de la complexité approprié, partout où cette complexité apparaît. Une forêt ou un récif de coraux, avec leurs agrégats d’organismes s’entremêlant dans des relations réciproques, possèdent cette structure générale nécessaire. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

L’esprit est un « réseau cybernétique intégré » de propositions, d’images, de processus etc. etc…, réseau lui-même connecté à l’ensemble plus vaste qu’est l’environnement, de sorte que: « l’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense,  agit et  décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience » Vers une écologie de l’esprit, tome1

Une telle proposition bouscule le choix de nos unités d’analyse traditionnelles, commande une nouvelle épistémologie appelant à une profonde correction de nos habitudes de pensée. D’une pensée analytique qui nous avait permis la fabrication d’objets de laboratoires performants, vers une pensée systémique nous permettant de les relier entre eux.

« Darwin en parfait accord avec le climat culturel de l’Angleterre du milieu du XIXe siècle, a proposé une théorie de la sélection naturelle et de l’évolution, selon laquelle l’unité de survie est la lignée ou les espèces et les sous-espèces. Mais de nos jours, il est devenu évident que cette conception de l’unité de survie méconnaît le monde biologique réel. L’unité de survie réelle est l’organisme plus l’environnement [...] Autrefois c’est élaboré une hiérarchie de taxa, individu, ligné, sous-espèce, espèce…. en tant qu’unité de survie. A présent nous envisageons une autre hiérarchie d’unité : gènes dans l’organisme, organisme dans l’environnement, écosystème… Ainsi l’écologie au sens le plus large du terme devient l’étude de l’interaction et de la survie des idées et des programmes, (qui sont des différences, des ensembles de différences…) dans des circuits. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

Une fois dit que l’unité de survie évolutive s’avère identique à l’unité de l’esprit, l’organisme qui détruit son environnement ne peut donc que se détruire lui-même. La crise écologique actuelle serait donc le symptôme de ce que cette erreur épistémologique – produit d’une séparation erronée  de l’esprit d’avec la structure à laquelle il est immanent – détermine encore en profondeur une grande partie de nos habitudes de pensées : « il ya une écologie des mauvaises idées, tout comme il y a une écologie des mauvaises herbes, le propre du système étant que l’erreur se propage d’elle-même. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

http://www.dailymotion.com/video/x3kcoi Emergence et éco-auto-organisation chez Edgar Morin

Bateson retrace brièvement les étapes de la relation de l’homme à la nature jusqu’à l’arrivée du système des Dieux. C’est-à-dire le moment où s’opère la séparation de « l’esprit de la structure à laquelle il est immanent (relations humaines, sociétés humaines, écosystèmes) » Vers une écologie de l’esprit, tome2

« D’un point de vue anthropologique, [...] ils emble que l’homme ait d’abord tiré un certain nombre d’indication du monde du monde naturel qui l’entourait, et qu’il les ait appliqué d’une façon en quelque sorte métaphorique à la société où il vivait. Il s’est donc tout d’abord identifier par empathie avec le monde naturel autour de lui, et a pris cette empathie pour règle de sa propre organisation sociale et de ces théories sur sa propre psychologie. C’est ce processus que l’on a appelé « totémisme ». [...] Il est très vraisemblable que l’étape suivante ait consisté pour l’homme à inverser le processus précédent et à tirer des indications de lui-même pour les appliquer au monde naturel environnant. C’est ce que l’on a appelé l’animisme, qui étendait la notion d’esprit ou de personnalité aux montagnes, aux fleuves, aux forêts [...] la troisième étape a accompli la séparation de la notion d’esprit avec le monde naturel, ce qui conduisit directement à la notion de Dieux. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

Nous sommes donc les produits comme les producteurs de cette erreur épistémologique qui « [...] l’erreur épistémologique ne fait pas problème, elle va bien jusqu’au moment où l’on s’aperçoit que l’on crée, autour de soi, un monde où cette erreur est devenue immanente à des changements monstrueux de cet univers que l’on a créé, et dans lequel on essaie maintenant de vivre. » Vers une écologie de l’esprit, tome2

La question est donc de savoir comment des malades dont la pollution mentale s’inscrirait jusque dans les plus petits détails ou racines de leurs comportements, comment ceux-ci peuvent-ils devenir, ou même vouloir devenir leur propre médecin. Sans doute qu’une première étape consisterait à ce reconnaître comme malade. Or aujourd’hui, c’est bien souvent l’autre qui est malade, quand ce n’est pas même la terre entière. Sur ce dernier point la question est bien de savoir si oui, et comment, nous nous situons dans cet ensemble terre.

Le concept de biodiversité, entendu comme le tissu ou maillage vivant de la planète, semble pouvoir décrire ce mouvement vers cette écologie de l’esprit de Bateson. Si ce tissu est malade, je ne peut être que malade. Alors nous reconnaissons que « le système écomental appelé lac Erié est une partie de votre sytème écomental plus vaste, et que, si ce lac devient malade, sa maladie sera inoculée au système plus vaste de votre pensée et de votre expérience » Vers une écologie de l’esprit, tome2 

Ce que dit peut-être autrement Edgar Morin à travers son concept d’auto-éco-organisation, concept selon lequel tout être vivant porte en lui la structure de son milieu. Le monde extérieur est à l’intérieur de nous dans un dialogue permanent, une pensée qui nous revoie également aux travaux d’Uexküll sur les mondes animaux, comme à l’hologrammie. Mais au delà des mots de chacun, le commun de ces approches réside dans la recherche d’une correction épistémologique face à la crise écologique, où comme le dirait Spinoza, une réforme de l’entendement à l’usage d’un savoir vivre.

La biodiversité, une notion certes floue mais dont l’emergence semble significative de la correction épistémologique qui s’affirme face à la crise écologique. Une interview du professeur Robert Barbault, directeur au MHN du département Ecologie et Gestion de la Biodiversité, tente quant à lui de différencier le concept biologique de diversité du vivant afin de mieux éclairer le concept éthique de biodiversité. Extraits :

« Il n’y a pas de crise écologique, ou de catastrophe écologique qui ne soit pas en même temps une catastrophe sociale et économique. Là aussi c’est une question de diversité et ce n’est pas un hasard si le mot biodiversité a un écho dans les populations même sans savoir de quoi il s’agit, et je pense que le mot important c’est diversité. Ce n’est pas quantité des espèces, c’est diversité, c’est singularité. Cela renvoie à l’inquiétude qu’on peut avoir avec la mondialisation, l’uniformisation des cultures. Je pense que c’est cette espèce d’écho dans l’inconscient des citoyens qui fait qu’avec le mot biodiversité, on pense à la diversité des fromages, à l’Europe qui va interdire tel fromage car il n’est pas produit selon les règles conformes, le modèle ou standard. »

« L’aboutissement de tout cela c’est que parler de biodiversité c’est parler de l’Homme, des sociétés humaines et de leur futur. Pas seulement parler de la nature comme si ça ne nous concernait pas. C’est pour cela que je fais la différence entre diversité du vivant et biodiversité, parce que ma pratique de la biodiversité et de ceux qui s’y intéressent m’a amené à voir tous ces aspects la. Cela déborde de la seule connaissance de la diversité de la nature. Cela nous renvoie à des questionnements sur notre propre espèce et son rôle dans le monde, ses origines, ses racines. »

http://www.dailymotion.com/video/x4vkhe Echos de la diversité de Canetti à la Biodiversité de Barbault

« [...] la aussi le mot clef c’est la diversité : il faut une diversité d’approches et de stratégies pour conserver la diversité du vivant et son potentiel d’évolution à long terme. Toute une série d’éléments sont possibles dans cette stratégie comme les parcs naturels régionaux, les parcs nationaux, la gestion de la diversité dans les villes, y compris les zoos qui peuvent être des lieux de restauration de certaines espèces avec des plans de réintroduction (qui supposent un investissement dans les pays d’origine avec des relations avec les sociétés). C’est extrêmement riche, et c’est très intéressant car cela renouvelle les relations que l’Homme peut avoir avec la nature, et à la faveur des relations entre l’Homme et la nature c’est la relation des hommes entre eux par rapport à la nature, c’est-à-dire des relations des différentes sociétés humaines par rapports à la nature. Moi c’est l’intérêt que j’ai trouvé aux discussions sur la biodiversité au sens Rio de Janeiro. Donc on sort de la biologie et on s’intéresse aux approches anthropologiques, économiques… »

La relation des hommes entre eux par rapport à la nature, cette phrase semble faire écho à une note précédente qui concernait l’apport de Spinoza pour  les sciences sociales, et plus particulièrement à l’Ethique en tant que méthode pour la réforme de l’entendement ou correction de l’erreur épistémologique.

Ethique IV, proposition XL: Tout ce qui tend à réunir les hommes en société, en d’autres termes, tout ce qui les fait vivre dans la concorde, est utile, et au contraire, tout ce qui introduit la discorde dans la cité est mauvais.Ethique IV, proposition LXXIII: L’homme qui se dirige d’après la raison est plus libre dans la cité où il vit sous la loi commune, que dans la solitude où il n’obéit qu’à lui-même 

L’Ethique de Spinoza en tant que chemin vers l’amour intellectuel de Dieu ou de la Nature (3ème genre de connaissance), c’est à dire l’amour de Dieu pour lui-même, c’est-à-dire de l’humanité pour elle-même.

Ethique V, proposition XXXVI: L’amour intellectuel de l’âme pour Dieu est l’amour même que Dieu éprouve pour soi, non pas en tant qu’infini, mais en tant que sa nature peut s’exprimer par l’essence de l’âme humaine considérée sous le caractère de l’éternité, en d’autres termes, l’amour intellectuel de l’âme pour Dieu est une partie de l’amour infini que Dieu a pour soi-même.

Un chemin individuel que les hommes entretiennent entre eux.

Ethique V, proposition XV: Celui qui comprend ses passions et soi-même clairement et distinctement aime Dieu, et il aime d’autant plus qu’il comprend ses passions et soi même d’une façon plus claire et plus distincte.

Ethique V, proposition XX: Cet amour de Dieu ne peut être souillé par aucun sentiment d’envie ni de jalousie, et il est entretenu en nous avec d’autant plus de force que nous nous représentons un plus grand nombre d’hommes comme unis avec Dieu de ce même lien d’amour.

http://www.dailymotion.com/video/x31hn7 L’Ethique selon Robert Misrahi

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La question de la biodiversité nous renvoie de facto sur la question des rapports entre les hommes et les animaux, notamment sur les travaux d’Élisabeth de Fontenay.

+ La « cause animale »: Élisabeth de Fontenay poursuit sa réflexion sur le statut des bêtes, si proches de nous et pourtant à nous si soumises. En philosophe engagée, elle se penche sur le statut des animaux, déconstruisant (…) Note de lecture par Eric Baratay, site de la vie des idées, l’ouvrage d’Élisabeth de Fontenay, Sans offenser le genre humain. Réflexions sur la cause animale, Paris, Albin Michel, 2008, 215 p.

+ Humanisme et barbarie: Répliques, émission du samedi 29 mars 2008 avec Elisabeth de Fontenay, Philosophe, professeur à l’université de Paris-Sorbonne I.

http://www.dailymotion.com/video/x3k70s Boris Cyrulnik, sur la double naissance de l’homme

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