Archive pour la Catégorie 'Deleuze'

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Composer ses rapports au monde: surfer ou barboter ?

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Trajectoires… pris que nous sommes dans une nature fourmillante, évoquons la technique de soi, le modèle de composition/construction du surfeur. Ce mode d’existence qui s’insère par le milieu des choses, qui chercher à additionner sa puissance à celle de la vague, peut éclairer notre mode d’écoute au monde, renseigner notre rengaine du mais par où commencer ?

D’après la proposition IV de l’Ethique IV, il y a nécessité à composer ses rapports avec les corps extérieurs du fait de l’irréductible extériorité des affects-passions (sentiments) qui nous remplissent: « Il est impossible que l’homme ne soit pas une partie de la nature, et qu’il ne puisse souffrir d’autres changements que ceux qui se peuvent concevoir par sa seule nature et dont il est la cause adéquate. »

D’où le corollaire de cette même proposition: « Il suit de là que l’homme est nécessairement toujours soumis aux [affects] passions (sentiment), qu’il suit l’ordre commun de la nature et y obéit et s’y accommode, autant que la nature des choses l’exige. »

Qui plus est, Ethique IV, proposition V : « La force et l’accroissement de telle ou telle affect-passion (sentiment) et le degré où elle persévère dans l’existence ne se mesurent point par la puissance avec laquelle nous faisons effort pour persévérer dans l’existence, mais par le rapport de la puissance de telle ou telle cause extérieure avec notre puissance propre. » 

Composer ses rapports au monde: surfer ou barboter ? dans Art et ecologie porsche730 

L’homme et la vague, l’homme et le camion, l’homme et l’eau etc etc… c’est à dire le rapport de puissance qui fait qu’un corps va décomposer les rapports caractéristiques de l’autre dans l’évènement que constitue leur rencontre. Capture de parties extrinsèques et modification de rapports caractéristiques, voilà quelques bases d’une chimie spinoziste.

Dans la nature, nous sommes donc condamnés aux rencontres, aux affects-passions du fait de l’effet des corps étrangers sur le notre, du fait que nous formons des idées inadéquates, c’est à dire limitées aux effets de ces corps sur le notre. Je marche dans la rue et je me (dé)compose avec tous les corps existants de la rue.

D’après Ethique III, définitions générales, une idée enveloppe un affect en tant que celui-ci est une transition vécue. Un passage déterminé par le degré de perfection d’une idée à l’autre, mais qui n’est donc pas une idée au sens où celles-ci ne sont jamais porteuses en elles-mêmes des conséquences de leur affirmation en nous-même. D’où la définition de l’affect suivante : une variation (+ ou -) continue (ligne mélodique) de la puissance d’agir ou de la force d’exister de quelqu’un en fonction du degré de perfection des idées qu’il a (cf. III 56 et III déf.2). Plus = joie, moins = tristesse.

flute dans Deleuze

Ainsi, pour Spinoza, selon les degrés de perfection des idées, on définira donc un genre de connaissance (connaissance = auto-affirmation de l’idée en moi) duquel découle un certain mode d’existence fonction des affects dont on est capable en fonction des idées qu’on a. 

Idée inadéquate ou idée affection (barboter) : le premier genre de connaissance, la connaissance « sensible » par les effets des rencontres. Soit le mode d’existence passif où « je vis au hasard des rencontres et des chocs extérieurs ». C’est le monde des perceptions confuses, des signes équivoques dont il ne peut découler que des affects passions du genre: « Ah maman la vague m’a battu ! ». Connaissance mutilée.

Idée notion ou commune (surfer) : le deuxième genre de connaissance, la connaissance par les causes. Soit le mode d’existence actif où « je connais les rapports de convenance et disconvenance entre les corps et où je choisis les bonnes rencontres ». C’est le monde des expressions univoques dont il découle des affects actions du genre:  »Je sais nager ». Connaissance rationnelle.

Idée essence ou « intuitive » : le troisième genre de connaissance, la connaissance par les essences singulières dont les rapports dépendent. Soit le mode d’existence auto-actif où je suis la cause de ce qui m’arrive. Où je suis en « béatitude » dans la mesure où le degré de puissance qu’est mon essence prend conscience de lui-même et des autres degrés de puissance. Il en découle des auto-affects. Connaissance intuitive, soit celle qui fait l’économie du raisonnement.

D’après Ethique II, axiome 3, l’idée est un mode de pensée qui représente quelque chose (l’effet d’un corps sur le mien), l’affect un mode de pensée qui ne représente rien, comme le fait de désirer quelque chose (persévérer dans son être). Si nous avons donc un primat chronologique et logique de l’idée sur l’affect dès lors que pour désirer quelque chose il est nécessaire d’avoir une idée de cette même chose, nous avons cependant un primat « existentiel » de l’affect sur l’idée ou la raison dans la mesure où d’après Ethique IV, proposition VII: « Une passion (sentiment) ne peut être empêchée ou détruite que par une passion contraire et plus forte. » Autrement dit, j’ai beau savoir que ceci ou cela est mauvais pour moi, tant que cette connaissance ne devient pas affect, elle est sans effet sur mon désir, et par exemple, je continue à fumer.

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Pour paraphraser Deleuze, c’est là où la philosophie devient quelque chose de très concret. Car comment s’en sortir une fois dit que nous sommes condamnés aux rencontres et aux idées inadéquates nées de celles-ci ? Alors prendre un point de départ local sur une joie à condition qu’on sente qu’elle nous concerne vraiment (utile propre). Une musique par exemple. Là-dessus on forme la notion commune, c’est à dire l’idée adéquate d’un corps qui fait présenter son âme ou son corps sous le rapport qui se compose le plus directement avec le rapport de cet autre de la rencontre. Là-dessus, on essaie de gagner localement pour étendre cette joie.

Deleuze :  » Le point de départ c’est l’idée de la notion commune et l’affect de joie, c’est l’effet recherché, c’est le mouvement d’intensité dans lequel on cherche à se glisser, comme le surfeur sur sa vague, pour arriver à une idée dont le degré de perfection sera plus grand. » A partir delà on va pouvoir doubler ou remplacer les affects-passions tristes, mais sans jamais s’appuyer dessus. Nous n’avons rien à faire avec la tristesse, elle n’est jamais un tremplin vers quoi que ce soit.

Arts d’existence, souci ou technique de soi. Poser l’expérience. Marcher dans le désordre apparent de la rue, aller à la rencontre. Allumer une musique qui nous atteint joyeusement, garder son attention sur le dehors, surfer sur cette joie de la rencontre musicale, rester présent au dehors, accroître sa puissance d’agir en développant cet agencement, rester souple…surfer. Et d’un coup les couleurs changent. Ma puissance n’est plus seule, elle s’additionne, elle prend appui. Remplacer la musique par autre chose…continuer à tester le surf. Construire ses agencements, préparer ses rencontres.

« Par réalité et perfection j’entends la même chose. » Ethique II, proposition VI.

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« Le désir n’a pas pour objet des personnes ou des choses, mais des milieux tout entiers qu’il parcourt, des vibrations et flux de toute nature qu’il épouse. »
Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe.

Désir d’écologie… entre conscience et inconscience ?

«  Longtemps on a considéré la pensée consciente comme la pensée par excellence : maintenant seulement nous commençons à entrevoir le vérité, c’est-à-dire que la plus grande partie de notre activité intellectuelle s’effectue d’une façon inconsciente.  » Nietzsche

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« Sauver la terre… », « Aimer-vous les uns les autres… » ….qu’est-ce que tout ça signifie, pourquoi est-on capable de dire ceci, comment est-on sensible à cela, d’où vient le désir de… ?

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Explorons très rapidement quelques unes des conceptions du désir susceptibles d’éclairer à leur manière notre désir d’écologie. Tout d’abord celle de Spinoza pour qui : « Le désir, c’est l’essence même de l’homme, en tant qu’elle est conçue comme déterminée à quelque action par une de ses affections quelconque ». Le désir, c’est-à-dire l’appétit avec conscience de lui-même, est inconscient des causes qui le déterminent, et non de son objet, effet confondu avec ses causes. 

Extrait audio d’après Les nouveau chemins de la connaissance, France Culture 
Intervention de Henri Atlan

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Le désir chez Spinoza


Extrait audio d’après Vendredi de la philosophie, France Culture, Le Dieu de Spinoza
Intervention de Chantal Jaquet

Spinoza – Éthique – définition des passions – définition 1 – explication

 » Nous avons dit plus haut […] que le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même, et que l’appétit, c’est l’essence même de l’homme, en tant que déterminée aux actions qui servent à sa conservation. Mais nous avons eu soin d’avertir […] que nous ne reconnaissions aucune différence entre l’appétit humain et le désir.

Que l’homme, en effet, ait ou non conscience de son appétit, cet appétit reste une seule et même chose [i.e. puisque nous restons quoi qu’il arrive inconscient des causes qui le détermine]  ; et c’est pour cela que je n’ai pas voulu, craignant de paraître tomber dans une tautologie, expliquer le désir par l’appétit ; je me suis appliqué, au contraire, à le définir de telle sorte que tous les efforts de la nature humaine que nous appelons appétit, volonté, désir, mouvement spontané, fussent compris ensemble dans une seule définition.

J’aurais pu dire, en effet, que le désir, c’est l’essence même de l’homme en tant qu’on la conçoit comme déterminée à quelque action ; mais de cette définition il ne résulterait pas que l’âme pût avoir conscience de son désir et de son appétit. C’est pourquoi, afin d’envelopper dans ma définition la cause de cette conscience  [i.e. des effets et non des causes] que nous avons de nos désirs, il a été nécessaire d’ajouter : en tant qu’elle est déterminée par une de ses affections quelconque, etc.

En effet, par une affection de l’essence de l’homme, nous entendons un état quelconque de cette même essence, soit inné, soit conçu par son rapport au seul attribut de la pensée, ou par son rapport au seul attribut de l’étendue, soit enfin rapporté à la fois à l’un et l’autre de ces attributs. J’entendrai donc, par le mot désir, tous les efforts, mouvements, appétits, volitions qui varient avec les divers états d’un même homme, et souvent sont si opposés les uns aux autres que l’homme, tiré en mille sens divers, ne sait plus quelle direction il doit suivre. « 

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Spinoza – Éthique – Livre III – Proposition xx – scholie :

 » Personne ne cesse donc de désirer ce qui lui est utile et ne néglige la conservation de son être que vaincu par les causes extérieures qui sont contraires à sa nature. Personne n’est donc déterminé par la nécessite de sa nature, mais seulement par les causes extérieures, à se priver d’aliments, ou à se donner lui-même la mort […] il peut arriver que des causes extérieures cachées disposent l’imagination d’une personne et affectent son corps de telle façon que ce corps revête une autre nature contraire à celle qu’il avait d’abord, et dont l’idée ne peut exister dans l’âme. Mais que l’homme fasse effort par la nécessité de sa nature pour ne pas exister ou pour changer d’essence, cela est aussi impossible que la formation d’une chose qui viendrait de rien; et il suffit d’une médiocre attention pour s’en convaincre. « 

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Le désir de la psychanalyse 

A partir du l’ouvrage de Gérard Pommier, « comment les neurosciences démontrent la psychanalyse », rappelons tout d’abord quelques notions de base sur l’inconscient freudien.

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Tout d’abord, précisons que nous confondons bien souvent l’inconscient avec le préconscient (ce qui pourrait devenir conscient), ou encore le non-conscient (les activités automatisées ou intégrées de l’organisme). Or l’activité de l’inconscient détermine la conscience sans jamais être consciente elle-même. C’est l’absence du sujet qui qualifie son inconscience. Certains processus restent inconscient parce qu’ils n’ont pas de sujet : ce dernier ne peut pas ou ne veut pas savoir ce qui demeure inconscient.

L’inconscient se caractérise donc par l’absence de subjectivation de certaines représentations, celles-ci demeurant par ailleurs perceptibles ou mémorisables. Les contenus inconscients sont inclus dans des contenants parfaitement lisibles et perceptibles, seule l’absence du sujet qui leur serait adéquat les rend inconscient. Inconscient veut donc dire qu’il n’y a pas de sujet conscient d’un processus de pensée ou d’un fait. Mais c’est aussi la pensée dont le sujet ne réalise pas qu’il la pense, n’en saisit qu’une dimension, n’en comprend pas la signification.

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L’inconscience n’est donc pas un lieu ou une essence. Elle n’a pas de localisation distincte, elle n’est pas organiquement ou géographiquement séparée de la conscience. Elle s’infiltre dans la conscience, elle fonctionne au sein de la conscience. La pensée consciente ne permet de saisir que le non-contradictoire. Elle fonctionne selon les principes de la logique aristotélicienne, à savoir : le principe du tiers exclu (il n’existe pas un troisième terme T qui est à la fois A et non-A, soit une propriété est ou vraie, ou fausse) et la réflexivité (je suis capable d’avoir une idée de mon idée). Se faisant, elle comporte donc en elle-même, à sa surface, le terme que le sujet n’évalue pas (refoule).

Si l’inconscient fonctionne en ultraplat dans la conscience, la représentation inconsciente ne s’intègre pas à celle qui est consciente. L’inconscient travaille dans le conscient à partir de plusieurs dimensions, par exemple, l’ambivalence. C’est-à-dire que tant qu’une contradiction n’est pas subjectivée, elle peut engendrer des symptômes qui extériorisent l’ambivalence : le corps parle à la place du sujet. Désir de non-désir, être vu sans voir, ces processus se structurent hors de l’organisme.

+ Les trois concepts linguistiques de référents, de signifiants et de signifiés , blog Novum Corpus

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Le désir inconscient va au-delà des raisons que le sujet s’en donne. C’est-à-dire que l’action signifie davantage que sa réalisation. Inhibé ou divisé, le sujet peut vouloir et ne pas vouloir la réaliser en même temps.

Le désir inconscient ne correspond quant à lui à rien de mémorisé ni de mémorisable. Moteur négatif d’un désir qui ignore son objet, un passé traumatisant engendre un désir de le fuir. Pour aller où, la conscience ne comprend pas ce qu’elle cherche, sinon qu’elle le cherche et qu’il faut juste partir vers.

Le désir inconscient ne peut donc jamais être satisfait puisque son objet échappe à la réalisation. En ce sens, on peut parler de perversité du désir humain, une non-satisfaction peut structurer une satisfaction : le plaisir du manque, le désir pour le désir au point d’oublier ce qu’il désir exactement.

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Les machines désirantes 

A contrario, pour Deleuze et Guattari : « Le désir ne manque de rien, il ne manque pas de son objet. C’est plutôt le sujet qui manque au désir, ou le désir qui manque de sujet fixe, il n’y a de sujet fixe que par la répression. Le désir et son objet ne font qu’un, c’est la machine, en temps que machine de machine » l’Anti-Oedipe, p.43

Dépasser le signifiant et le sujet : l’agencement collectif d’énonciation, d’après article du blog « L’anti-oedipe en question » par Elias Jabre : 

 » [...] Le modèle de l’inconscient deleuzo-guattarien n’est autre que celui de la perversion où l’inconscient machinique produit en permanence des liaisons avec l’environnement qui « dénaturent » le désir, ou plutôt le font évoluer, à force de tâtonnements avec le dehors, jusqu’à capture de nouveaux codes et remodelage de l’orientation libidinale. Le modèle lacanien est, quant à lui, attaché à rechercher la chaîne signifiante du sujet qui serait inscrite dans la structure de son inconscient. Il pourra ainsi retrouver sa véritable place dans l’existence afin de ne plus être dupe de notre monde d’images où, perdu, il souffre de ne pas réaliser son désir profond.

Le concept d’agencement collectif d’énonciation de Guattari-Deleuze permet de sortir de la logique du signifiant. Le sujet n’est plus un individu isolé avec ses signifiants, mais fait partie d’un agencement où il interagit avec un milieu et un groupe qui produisent un agencement collectif d’énonciation en évolution permanente.

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« (…)  la fonction langage… n’est ni informative, ni communicative; elle ne renvoie ni  à une information signifiante, ni à une communication intersubjective. Et il ne servirait à rien d’abstraire une signifiance hors information, ou une subjectivité hors communication. Car c’est le procès de subjectivation et le mouvement de signifiance qui renvoient à des régimes de signes ou agencements collectifs. (…) la linguistique n’est rien en dehors de la pragmatique (sémiotique ou politique) qui définit l’effectuation de la condition du langage et l’usage des éléments de la langue. »

 « (…) Il y a « primat d’un agencement machinique des corps sur les outils et les biens, primat d’un agencement collectif d’énonciation sur la langue et les mots. (…) un agencement ne comporte ni infrastructure et superstructure, ni structure profonde et structure superficielle mais aplatît toutes ses dimensions sur un même plan de consistance où jouent les présuppositions réciproques et les insertions mutuelles.(…) mais si l’on pousse l’abstraction, on atteint nécessairement à un niveau où les pseudos-constantes de la langue font place à des variables d’expression, intérieures à l’énonciation même ; dès lors ces variables d’expression ne sont plus séparables des variables de contenu en perpétuelle interaction. Si la pragmatique externe des facteurs non linguistiques doit être prise en compte, c’est parce que la linguistique elle-même n’est pas séparable d’une pragmatique interne qui concerne ses propres facteurs » ( …).

« Car une véritable machine abstraite se rapporte à l’ensemble d’un agencement : elle se définit comme le diagramme de cet agencement. Elle n’est pas langagière, mais diagrammatique, surlinéaire. Le contenu n’est pas un signifié, ni l’expression un signifiant, mais tous deux sont les variables de l’agencement. »
(…) « L’unité réelle minima, ce n’est pas le mot, ni l’idée ou le concept, ni le signifiant mais l’agencement. C’est toujours un agencement qui produit les énoncés. Les énoncés n’ont pas pour cause un sujet qui agirait comme sujet d’énonciation pas plus q’ils ne se rapportent à des sujets comme sujets d’énoncé. L’énoncé est le produit d’un agencement toujours collectif qui met en jeu en nous et dehors de nous des populations, des multiplicités, des tentations, des devenirs, des affects, des évènements. »
(extraits tirés de Dialogues et Mille plateaux) « 

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Désir conscient inconscient des causes qui le déterminent, désir inconscient qui ignore son objet, désir qui ne manque de rien… à chacun de questionner le désir d’écologie qui sou(en)tend ses actions.

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http://www.dailymotion.com/video/x3b7x2
+ Variations sur le désir : Texte de Jean-Paul Kornobis, décembre 2000.
+ De Claudel à Gombrowicz, ou de Lacan à Deleuze : deux lectures de l’inconscient, blog de l’anti-oedipe en question par Elias Jabre.

Des figures, des visages : l’air de l’étonnement

       Où en sommes-nous dans nos mises en scène ? Nos petites espèces immatérielles vivent et cohabitent sur différents “territoires” de la pensée, territoires « qui chante quoi appartient à quoi » dans lesquels elles sont soumises à des rapports de forces. Après le vent de la bêtise, le feu de la technique, voici l’air frais de l’étonnement. Cette force qui nous pousse à l’attention, le rappel qu’on ne sait jamais à l’avance ce que peut… Petite visite guidée par le trio Gorz/Deleuze/Spinoza

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 « Nul ne sait ce que peut un environnement »

Extrait de l’article d’EMMANUEL VIDECOQ – D’une pensée des limites à une pensée de la relation - Revue Multitudes n°24

     Contrairement à ce que laisse penser le « principe responsabilité » d’Hans Jonas, les humains n’ont pas l’exclusivité de l’action ; physiquement, biologiquement, socialement et politiquement, les non-humains sont également actifs, « actants » dit Bruno Latour ; l’environnement est un réceptacle, il a sa virulence propre qui n’est pas que déterministe. Ce qui compte ce sont les agencements, l’intrication des processus. Il faut tout considérer sur le même plan. « Comment tous ces morceaux jouent et vivent ensemble »19 ; la nature a une réalité processuelle, celle d’un multiple enchevêtré qui produit des possibles mais aussi des inquiétudes renchérit Isabelle Stengers.

Il y a deux dimensions principales dans les relations écologiques celles prises en compte par les écologistes qui vont des humains aux non-humains et qui ont pour médiation productive la science, celles qui vont du non-humain à l’humain et qui expliquent comme le dit Isabelle Stengers que nous sommes le produit de notre environnement qu’il soit naturel ou artificiel, (mais là n’est pas l’important), des bactéries qui nous ont précédées, mais qui dans d’autres circonstances auraient pu produire tout autre chose. « Nul ne sait quelles associations définissent l’humanité » déclare Bruno Latour de son coté [...]

De cette hypothèse matérialiste sur l’humain, on peut rapprocher celle qu’entend explorer Félix Guattari pour lequel « un renouveau de l’âme, des valeurs humaines [pourrait] être attendu d’une nouvelle alliance avec les machines. »20 « Le mouvement du processus, précise t-il dans Chaosmose, s’efforcera de réconcilier les valeurs et les machines. Les valeurs sont immanentes aux machines. »21

Inspiré par Gregory Bateson pour lequel « Le monde des idées ne se limite pas à l’homme, mais bien à tous ces vivants, à toutes ces machines, composées d’éléments pouvant traiter de l’information, que ce soit une forêt, un être humain ou une pieuvre », Félix Guattari ne pose pas de frontières stables entre les sujets et les objets, entre l’humain et le non-humain. Au contraire il se propose « d’opérer un décentrement de la question du sujet sur celle de la subjectivité. Le sujet traditionnellement a été conçu comme essence ultime de l’individuation (…), comme foyer de la sensibilité (…) unificateur des états de conscience ; Avec la subjectivité on mettra plutôt l’accent sur l’instance fondatrice de l’intentionnalité. Il s’agit de prendre le rapport entre le sujet et l’objet par le milieu. »22 Il qualifie donc de machiniques les processus de subjectivation non-humains.

Une machine fonctionne tout simplement, elle est une processualité, pas des moyens pour une fin, « Elle est travaillée en permanence par toutes les forces créatrices des sciences, des arts, des innovations sociales qui s’enchevêtrent et constituent une mécanosphère enveloppant notre biosphère. »23

« L’individu, le social, le machinique, écrit-il dans son dernier article, se chevauchent ; le juridique, l’éthique, l’esthétique et le politique également. Une grande dérive des finalités est en train de s’opérer : les valeurs de resingularisation de l’existence, de responsabilité écologique, de créativité machinique, sont appelées à s’instaurer comme foyer d’une nouvelle polarité progressiste au lieu et place de l’ancienne dichotomie droite/gauche.»24

19 Isabelle Stengers, « Entretien avec Bernard Mantelli », in Chimères n°41.
20 Félix Guattari, « Pour une refondation des pratiques sociales », in Le Monde Diplomatique, octobre 1992.
21 Félix Guattari, Chaosmose, p. 82.
22 Félix Guattari, ibid., p. 40.
23 Félix Guattari, « Pour une refondation des pratiques sociales », op. cit.
24 Ibid.

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Lifeforms

cartographie     

     « [...] Si nous sommes spinozistes, nous ne définirons quelque chose ni par sa forme, ni par ses organes et ses fonctions, ni comme substance ou comme sujet [...] nous le définirons par longitude et latitude. Un corps peut être n’importe quoi, ce peut être un animal, ce peut être un corps sonore, ce peut être une âme ou une idée, ce peut être un corpus linguistique, ce peut être un corps social, une collectivité. Nous appelons longitude d’un corps quelconque l’ensemble des rapports de vitesse et de lenteur, de repos et de mouvement, entre particules qui le composent de ce point de vue, c’est-à-dire entre éléments non formés. Nous appelons latitude l’ensemble des affects qui remplissent un corps à chaque moment, c’est-à-dire les états intensifs d’une force anonyme (force d’exister, pouvoir d’être affecté).Ainsi nous établissons la cartographie d’un corps. L’ensemble des longitudes et des latitudes constitue la Nature, le plan d’immanence, toujours variable, et qui ne cesse pas d’être remanié, composé, recomposé, par les individus et les collectivités [..]« 

Extraits de Spinoza, Philosophie pratique, éditions de Minuit – nouv. éd. 1 avril 2003 - collection : Reprise.

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Transmettre et bombarder

     D‘un certain point de vue, une idée, c’est l’extraction et la transmission d’une différence : « une unité d’information peut se définir comme une différence qui produit une autre différence. Une telle différence qui se déplace et subit des modifications successives dans un circuit constitue une idée élémentaire » - Vers une écologie de l’esprit, tome 1, Grégory Bateson, éditions du Seuil 1977.

Un affect, est la perception, sentiment ou expérience vécue d’une transition entre deux idées : « La joie est le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection. » [II, EIII]. C’est à dire que toute idée englobe un affect en ce qu’elle succède toujours à une autre idée. Si nous suivons Spinoza, les idées qu’on a impliquent et enveloppent des affects de joie ou de tristesse. La règle dans la Nature, c’est la perpétuelle rencontre des corps. Et nous ne cessons d’avoir des idées qui correspondent aux effets, aux affections que produisent ces corps sur le nôtre. L’esprit humain - attribut pensée - est donc idée du corps - attribut étendu. Nos idées sont alors dites adéquates lorsque nous sommes capables de composer un certain type de rapport avec le corps affectant, rapport caractérisé par la production d’un affect de joie qui augmente (transition) notre puissance ou persistance dans notre être. 

Le plus souvent au hasard des rencontres extérieures, nos sentiments oscillent ainsi entre joie et tristesse: « L’Amour est la joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure » [VI, EIII] -  » Le repentir est la tristesse qu’accompagne l’idée de quelque action que nous croyons avoir faite par un libre décret de l’esprit. » [XXVII, EIII]….

Inland Empire

De telles notions sont-elles utiles à celui qui chercherait à transmettre un savoir « écologique » ? C’est à dire un ensemble d’idées ayant la propriété de fonctionner entre elles de manière peut-être plus systémique que d’autres. Question, ce dernier point a-t-il des conséquences :

  • quantitatives, sur notre production d’idée au sens d’une identification plus poussée des différences perçues dans l’environnement, des rencontres possibles;

  • qualitatives, sur le caractère adéquat ou inadéquat des idées que nous pouvons en former;

  • enfin, sur le types d’affects que ces mêmes idées sont capables de produire en nous ?

En ce sens, il n’est peut-être pas inintéressant de s’intéresser à l’écologie particulière de cinéastes tels que David Lynch. On dit souvent d’un bon metteur en scène que ce dernier est capable de créer des mondes et de les transmettre. Autrement dit, nous donne accès à de nouvelles rencontres, sous forme d’idées et d’affects transmis par des supports conducteurs : des agencements, des dispositifs faits de sons, mouvements, lumières, couleurs…

Si nous suivons Spinoza, on peut dire que nos affects correspondent aux idées qu’on a. Et qu’à la limite, on ne « reconnaîtrait » quelque chose dans la Nature qu’à partir du moment où nous nous serions préalablement formés une idée de cette chose. Mais les choses nous rentrent dedans comme pour nous forcer à penser. Favoriser et accélérer les rencontres en nous bombardant, voilà peut-être un des objectifs du cinéaste, de tout passeur de points de vue :

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Tabac

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Des figures, des visages : ritournelles de l’artiste et de l’artisme

     Les « hommes de l’art » habitent-ils tous sur un même territoire ? Si oui, certains habitants des parties les plus planes seraient-ils plus soumis que d’autre au vent de la bêtise ? Si non, comment identifier les différents territoire de toutes ces peuplades qui se revendiquent d’un même drapeau de l’art ? Les uns seraient-ils des joueurs capable de s’abandonner à la vie pour mieux capter un moment de ses forces et découvrir de nouvelles couleurs au risque d’y perdre la santé ? Vivant sur un territoire beaucoup moins hasardeux, les autres seraient-ils des calculateurs, des maîtres mots surtout très hypocondriaques ? Bien difficile à dire. Mais si cette distinction peut faire sens, alors à la vieille dichotomie art objectif /art subjectif, nous substituons joyeusement une frontière poreuse entre l’artiste et l’artisme. A chacun sa chanson, et voilà deux espèces « immatérielles » de plus dans notre petite arche des idées de l’époque…

Ritournelle de l’artiste joueur:

Ritournelle de l’artisme débutant:

Ritournelle de l’artisme finissant :

Des figures, des visages : le vent de la bêtise

     Dans une note précédante, nous nous étions demandés : qui chante quoi appartient à quoi ? Nous avions alors imaginé ce pourrait être les différentes “espèces” qui peupleraient une sphère de la pensée. Ce que je suis capable de dire révèle un mode d’existence. Ce que je suis capable de dire, je le peux en fonction des idées adéquates ou inadéquates que j’ai, et dont découle les affects qui me sont accessibles nous dit Deleuze en commentant Spinoza. Alors à chacun sa chanson, son éthologie propre, sa manière de coloniser, piller ou composer son territoire. 

Suivant cette ligne, nous avions donc tenté quelques portraits sonores comme autant de clichés, à tous les sens du terme, de notre époque. Il est évident qu’il ne s’agit nullement d’une forme de jugement de valeur, sans quoi nous trahirions la ligne qui nous inspire. Car sous quel fondement ? Et puis la vie se juge déjà elle-même. 

Donc pour continuer avec notre analogie, si ridicule soit-elle, nous dirons maintenant que ces territoires  »immatériels » dans lesquels nous vivons sont soumis à des forces. Ce quelque chose dans l’univers qui nous force justement à penser, à bouger ou à nous aplatir. Le phénomène conscient, nous dit Nietzsche, n’apparait d’habitude chez l’homme qu’en tant que symptôme de la rencontre d’une partie avec un ensemble ou puissance supérieure. Elle témoigne ainsi de la formation d’un corps, ou rapport de forces, supérieur :  »La conscience n’apparit d’habitude que lorsqu’un tout veut se subordonner à un tout supérieur [...] La conscience naît par rapport à un être dont nous pourrions être fonction. » La volonté de puissance, II, 227.

Extraits de Pourparlers, Gilles Deleuze : « […] C’est que les forces de l’homme ne suffisent pas à elles seules à constituer une forme dominante où l’homme peut se loger. II faut que les forces de l’homme (avoir un entendement, une volonté, une imagination, etc.) se combinent avec d’autres forces […] La forme qui en découlera ne sera donc pas nécessairement une forme humaine, ce pourra être une forme animale dont l’homme sera seulement un avatar, une forme divine dont il sera le reflet, la forme d’un Dieu unique dont l’homme ne sera que la limitation (ainsi, au XVIIe siècle, l’entendement humain comme limitation d’un entendement infini) […] C’est dire qu’une forme-Homme n’apparaît que dans des conditions très spéciales et précaires : c’est ce que Foucault analyse, dans Les mots et les choses, comme l’aventure du XIXe siècle, en fonction des nouvelles forces avec lesquelles celles de l’homme se combinent alors. Or tout le monde dit qu’aujourd’hui l’homme entre en rapport avec d’autres forces encore (le cosmos dans l’espace, les particules dans la matière, le silicium dans la machine…) : une nouvelle forme en naît, qui n’est déjà plus celle de l’homme […] »

Finallement, on ne sait jamais à l’avance comment on va devenir ceci ou apprendre cela. Construire un territoire ou s’implanter sur un existant dépend donc aussi de ces forces avec lesquelles on se combine.  Parmi ces « forces » ou « puissances » qui nous bousculent, glissons dès à présent une oreille sur le vent de la bêtise. Allons vite construire des moulins ! 

http://www.dailymotion.com/video/2ffSr31evcnUakAeo

Source illustration sonore :  David Rabouin, chercheur en Philosophie au CNRS et Chargé de cours à l’ENS, d’après extraits des nouveaux chemins de la connaissance - Trajectoires de la bêtise (3/5) - France Culture.

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