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L’eau coule par le milieu

L'eau coule par le milieu dans Bateson image0016

« (…) le rôle que joue la nature en tant qu’objet dans les différents milieux est contradictoire (…) si l’on voulait rassembler ses caractères objectifs, on serait devant un chaos (…) [mais] tous ces milieux sont portés et conservés par la totalité qui transcende chaque milieu particulier : la nature ». Jakob von Uexküll

« C’est près de l’eau que j’ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l’intermédiaire d’un rêveur. Si je veux étudier la vie des images de l’eau, il me faut donc rendre leur rôle dominant à la rivière et aux sources de mon pays. Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivières, dans un coin de Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d’un vallon, au bord d’une eau vive, dans l’ombre courte des saules et des osières (…) » Gaston Bachelard, l’eau et les rêves, essai sur l’imagination de la matière.

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La ripisylve (ripa, la rive, sylva, la forêt) est une forêt naturelle marquant la limite entre le milieu aquatique et le milieu terrestre. Riveraine d’un cours d’eau ou plus généralement d’un milieu humide (lacs, marais), elle peut correspondre à un liseré étroit comme à un corridor très large. Sa composition floristique et sa morphologie sont liées aux inondations plus ou moins fréquentes et/ou à la présence d’une nappe peu profonde. En bordure de cours d’eau, on distinguera la forêt alluviale ou forêt de lit majeur et le boisement de berge, situé à proximité immédiate du lit mineur.

Si l’on s’intéressait donc de plus près à la dynamique des ripisylve de cours d’eau, on pourrait noter ceci :
« (…) la dynamique hydro-morphologique (*) du chenal (**) est considérée comme le premier facteur de contrôle de la structuration de la mosaïque paysagère et de la diversité biologique (***) sensée découler de l’hétérogénéité spatiale créée par cette dynamique. De fait, toutes les altérations du régime de perturbation hydrosédimentaire, résultant de l’aménagement des chenaux (barrage, digue, seuil), des activités extractives ou de modifications de l’occupation du sol au sein des bassins versants, sont susceptibles de se répercuter sur l’organisation et la dynamique de la mosaïque. »

Extrait de : « Contrôles naturels et anthropiques de la structure et de la dynamique des forêts riveraines des cours d’eau du bassin rhodanien. » Thèse soutenue le 28 novembre 2005 par Simon Dufour.

(*) L’hydromorphologie d’un cours d’eau n’est rien d’autre que l’étude de sa morphologie et des variables hydrauliques qui la conditionnent. Autrement dit, son lit, ses berges, la géographie de son parcours, le style de son tracé (rectiligne ou sinueux…) et son rythme. Un courant rapide (lotique) est propice aux salmonidés, un écoulement lent (lentique) est plutôt favorable au brochet ou à la carpe.

(**) Une rivière est un courant d’eau qui s’écoule gravitairement dans un chenal naturel, son lit, en empruntant une suite de dépressions, sa vallée, et qui se jette par une embouchure dans une autre rivière, un lac ou un fleuve. En temps normal, le cours d’eau n’occupe qu’un étroit chenal, ou lit mineur, dans la vallée alluviale. Lors des crues, il peut déborder et occuper tout le fond de la vallée, ou lit majeur.

(***) La diversité biologique d’une ripisylves concerne les essences présentes (bois durs ou bois tendres en fonction de leur affection à l’eau), leur degré de maturation respectif (arbre, arbuste), les formes comme la position des individus (franc pied, taille en cépée ou en têtard, sommet ou pied de berge racinant dans l’eau, etc.)

A l’aide de ces quelques définitions, reprenons le chemin …

« (…) la dynamique hydro-morphologique du chenal est considérée comme le premier facteur de contrôle de la structuration de la mosaïque paysagère et de la diversité biologique sensée découler de l’hétérogénéité spatiale créée par cette dynamique (…) »

Un cours d’eau c’est une dynamique plurielle qui crée de l’hétérogénéité, des différences qui produisent d’autres différences.
Les pressions anthropiques exercées sur cette dynamique, endiguement, barrage, tendent à réduire la production d’hétérogénéité spatiale. L’eau est maintenu dans un chenal artificiel correspondant au lit mineur où les débordements sont maintenus.
En tant que partie intégrante de l’hydrosystème, la dynamique de la ripisylve dépend du gradient hydrologique, la fréquence des inondations qui détermine le dépôt des alluvions comme le lessivage et rajeunissement des sols, du gradient topographique qui détermine la saturation en eau des sols, et donc la répartition spatiale des différentes essences végétales (xérophile, mésophile et hydrophile).
Les aménagements humains introduisent dans le système des différences qui produisent d’autres différences : des perturbations de la dynamique plurielle en modifiant les flux d’eau et de matières entre milieu terrestre et aquatique. Si la dynamique naturelle introduit des différences qui produisent des différences et génèrent de l’hétérogénéité, de la diversité dans les espaces, les différences introduites par les aménagements humains produisent des différences qui génèrent de l’homogénéité dans les espaces et donc les essences végétales d’occupation.
Résulte ainsi de l’endiguement une accélération du développement des stades végétaux matures de bord de plaine, espèce postpionnières de xérophiles à méso-xérophiles, et un rétrécissement des bandes actives (hydrophyte, hélophyte).

 

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Sucession végétale des bords de cours d’eau

 

En limitant la dynamique fluviale et modifiant les conditions d’alimentation en eau, l’endiguement accélère le déroulement des successions, limite la régénération, diminue l’hétérogénéité spatiale et engendre des peuplements homogènes d’essences auparavant situées hors de la plaine alluviale, participant ainsi à une réduction des milieux ouverts et de la diversité végétale.

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Petit détour par ces différences qui produisent des différences, et des effets possiblement contradictoires.  La strate arborescente-arborée (8m) de la ripisylve joue plusieurs rôle, fonctions écologiques pour le dire vite, au sein de l’hydrosystème.
→ Stabilisation des berges par les systèmes racinaires (essences pionnières à base de salicacées).
→ Filtration et fixation des polluants venant du bassin versant et du lit (pouvoir auto-épurateur, voir schéma suivant).
→ Régulation thermique et lumineuse, par l’ombrage apporté au cours d’eau, limitant ainsi les phénomènes d’explosion végétale au niveau des hydrophytes.
→ Effet brise-vent.
→ Milieu de vie : des habitats flore-faune, corridor, refuge, gagnage pour la faune.

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Mais cependant … la présence de gros troncs dans le lit mineur, d’arbre ou groupe d’arbres penchés et/ou fr souches trop avancées dans la section du cours d’eau, sans une végétation périphérique buissonnante dont l’action permet de dissiper l’énergie hydraulique, cette présence peut créer des turbulences ayant un fort pouvoir érosif sur les berges.
Enfin, des arbres à enracinement superficiel comme le peuplier, très hauts et très proches du lit, peuvent lors de grands vents provoquer un effet de bras de levier sur la berge conduisant au déchaussement de la souche et à l’arrachement d’une partie de la berge.
D’où l’intérêt de répondre aux les effets possiblement contradictoires par la diversité, avec une ripisylve à deux strates (arborée et arbustive buissonante), notamment par rapport :
aux actions stabilisatrices complémentaires des deux strates (structure racinaire complexe et étagée);
à l’amélioration de la diversité.

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L’homme introduit dans le système des différences qui produisent d’autres différences. Ici par sélection végétale, ce qui tend à une diversification, ici par limitation d’un cours d’eau à un seul et même chenal, ce qui tend à une  homogénéisation.
Si l’on revenait un instant à l’élément N. L’homme opère à cet endroit une modification d’un arc de son circuit, introduisant par là-même des différences qui produisent d’autres différences dans le circuit homme-azote-environnement.
L’agriculture moderne démarre à partir de la capture du diazote de l’air et sa transformation en éléments minéraux NH4+ ou NO3- assimilables par les plantes dans les sols, puis et/ou par le bétail, et donc l’homme qui s’en nourrit. N2 devient donc NO3- et/ou NH4+ afin de produire les protéines nécessaires à l’alimentation humaine. On estime ainsi que de 20 à 25% de l’azote additionnel introduite dans le système sont effectivement consommés par l’homme, le reste demeurant en surplus dans les écosystèmes.
Surplus, c’est-à-dire des différences qui produisent d’autres différences : accélération de l’acidification et de l’appauvrissement des sols, surcharge nutritive dans les eaux, etc.
Modification les vitesses et les lenteurs, des rythmes de production et de reproduction, d’où il résulte ici et au final l’insertion d’une boucle négative dans le circuit : plus on enrichit de manière exogène les sols cultivés, plus ceux-ci on tendance à s’appauvrir en retour, et plus il faut enrichir en retour et à nouveau.
Au niveau global les différences émissent par l’homme dans les systèmes vont plutôt dans le sens de l’accélération, de la concentration et de l’homogénéisation. Au niveau local, il possible au contraire de voir un ralentissement avec diversification, ou l’inverse, par l’induction de coupures, espaces ou décalages crées dans les cycles pour appropriation d’un segment à monétariser.
Comme tout être vivant l’homme émet et reçoit de l’information dans et depuis les systèmes. Avec le surdéveloppement de sa niche écologique, l’espace auquel il est avant tout attentif en réception, la composante émission dans les systèmes naturels est aujourd’hui très largement amplifiée et très peu modifiée par les retours en réception.

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Pour Gregory Bateson, une unité d’information peut se définir comme une différence qui produit une autre différence. Une telle différence qui se déplace et subit des modifications successives dans un circuit constitue une idée élémentaire.
L’homme émet des idées, soit. Mais là où cela se complique, c’est que lui-même est une partie du système, et qu’ainsi ses idées sont immanentes au système dans son entier.
Si l’on prenait l’exemple d’un thermostat, puisque c’est finalement le but que nous assigne une certaine pensée écologique de l’homme régulateur pilote du vivant d’en haut, il convient de souligner ici l’aspect bancal d’une telle position. Précisément du fait que le comportement du régulateur est déterminé par le comportement de l’ensemble des autres parties du système, et indirectement par son propre comportement à un moment antérieur.
Bateson nous donne à voir plusieurs exemples de systèmes et des transmissions de différences dans leurs circuits.

« Prenons l’exemple d’un homme qui abat un arbre avec une cognée. Chaque coup de cognée sera modifié (ou corrigé) en fonction de la forme de l’entaille laissée sur le tronc par le coup précédent. Ce processus auto-correcteur (autrement dit, mental) est déterminé par un système global : arbre-yeux-cerveau-muscles-cognée-coup-arbre ; et c’est bien ce système global qui possède les caractéristiques de l’esprit immanent.
Plus exactement, nous devrions parler de (différences dans l’arbre) – (différences dans la rétine) – (différences dans le cerveau) – (différences dans les muscles) – (différences dans le mouvement de la cognée) – (différences dans l’arbre), etc. Ce qui est transmis tout au long du circuit, ce sont des conversions de différences ; et, comme nous l’avons dit plus haut, une différence qui produit une autre différence est une idée, ou une unité d’information. »

« Un aveugle avec sa canne. Où commence le « soi » de l’aveugle ? Au bout de la canne ? Ou bien à la poignée ? Ou encore, en quelque point intermédiaire ? Toutes ces questions sont absurdes, puisque la canne est tout simplement une voie, au long de laquelle sont transmises les différences transformées, de sorte que couper cette voie c’est supprimer une partie du circuit systémique qui détermine la possibilité de locomotion de l’aveugle.
De même, les organes sensoriels sont-ils des transducteurs ou des voies pour l’information, ainsi d’ailleurs que les axones, etc. ? Du point de vue de la théorie des systèmes, dire que ce qui se déplace dans un axone est une « impulsion » n’est qu’une métaphore trompeuse; il serait plus correct de dire que c’est une différence ou une transformation de différence. »

Aucune partie d’un tel système intérieurement (inter) actif ne peut donc exercer un contrôle unilatéral sur le reste, ou sur toute autre partie du système. Les caractéristiques « mentales » ou autocorrectives sont inhérentes ou immanentes à l’ensemble considéré comme une totalité. Autrement dit nos idées sont toujours immanentes à un système plus vaste homme plus environnement.
D’où les rôles apparemment contradictoires de la Nature pour le pilote que soulignait déjà en son temps Jakob von Uexküll « (…) le rôle que joue la nature en tant qu’objet dans les différents milieux est contradictoire (…) si l’on voulait rassembler ses caractères objectifs, on serait devant un chaos (…) »

L’homme reçoit des informations de l’environnement et en émet en retour et ainsi de suite. La boite noire se situe alors au niveau de nos transformations de ces mêmes informations. Si je vois une prairie bleue, une mer verte, quelles conversion de différences vais-je alors opérer ?

« Le système de la pensée consciente véhicule des informations sur la nature de l’homme et de son environnement. Ces informations sont déformées ou sélectionnées et nous ignorons la façon dont se produisent ces transformations. Comme ce système est couplé avec le système mental coévolutif plus vaste, il peut se produire un fâcheux déséquilibre entre les deux (…) les erreurs se reproduisent à chaque fois que la chaîne causales altérée (par la réalisation d’un but conscient) est une partie de la structure de circuit, vaste ou petit, d’un système (…) ainsi, si l’utilisation de DDT en venait à tuer les chiens par exemple, il y aurait dès lors lieu d’augmenter le nombre de policier pour faire faire face à la recrudescence des cambriolages. En réponse ces même cambrioleurs s’armeraient mieux et deviendraient plus malin, etc. »«  […] le système écomental appelé lac Erié est une partie de votre système écomental plus vaste, et que, si ce lac devient malade, sa maladie sera inoculée au système plus vaste de votre pensée et de votre expérience » Gregory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, tome2 

Si de vastes parties du réseau de la pensée se trouvent bien situées à l’extérieur du corps, alors  la conception d’un sujet pensant de manière isolée est l’erreur épistémologique qui nous interdit tout accès la boite noire.

«  L’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, « pense », « agit » et « décide », est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément « soi » ou « conscience » ; il est important d’autre part de remarquer qu’il existe des différences multiples entre le système «pensant» et le  « soi » tels qu’ils sont communément conçus :
1. Le système n’est pas une entité transcendante comme le « soi ».
2. Les idées sont immanentes dans un réseau de voies causales que suivent les conversions de différence. Dans tous les cas, les « idées » du système ont au moins une structure binaire. Ce ne sont pas des « impulsions », mais de « l’information ».
3. Ce réseau de voies ne s’arrête pas à la conscience. Il va jusqu’à inclure les voies de tous les processus inconscients, autonomes et refoulés, nerveux et hormonaux.
4. Le réseau n’est pas limité par la peau mais comprend toutes les voies externes par où circule l’information. Il comprend également ces différences effectives qui sont immanentes dans les « objets » d’une telle information ; il comprend aussi les voies lumineuses et sonores le long desquelles se déplacent les conversions de différences, à l’origine immanentes aux choses et aux individus et particulièrement à nos propres actions. » Gregory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, tome1

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Sur le système ordinateur-homme-environnement, Bateson remarquait ceci : « (…) l’ordinateur n’est qu’un arc dans un circuit plus grand, qui comprend toujours l’homme et l’environnement d’où proviennent les informations (les différences) et sur qui se répercutent les messages efférents de l’ordinateur. On peut légitimement conclure que ce système global, ou ensemble, fait preuve de caractéristiques mentales. Il opère selon un processus essai-et-erreur et a un caractère créatif. »

Finalement voilà ici réuni ce que nous tentons péniblement de faire apparaître depuis le début de ce petit blog : l’écologie comme une nécessaire succession de tâtonnements créatifs.
Aucune différence ne peut-être dite bonne ou mauvaise à l’avance, et sauf à vouloir se faire comptable du chaos, il s’agirait en premier lieu de pouvoir développer une grille de lecture, ou d’écoute, des mauvaises et des bonnes rencontres pour tel ou tel corps ou groupe de corps dans tel ou tel contexte. Ou comme le dit la chanson, reconnaître toutes ces choses avec lesquelles il [était] [est] bon d’aller.
Il s’agirait concomitamment de pouvoir révéler, rendre perceptible des relations inévidentes, par où la science retrouverait les arts et la littérature pour donner à sentir de ces mouvements qui passent entre les choses.
Il ne s’agirait donc en aucun cas de s’auto-instituer sauveur de planète d’en haut, mais d’améliorer du dedans, en tâtonnant, notre connaissance de l’humain, la compréhension de cette boîte noire qui traduit des différences qui font d’autres différences : de l’hétérogénéité, des espaces-temps, des biotopes dans lesquels on peut aussi imaginer, avec la rivière, glisser de nouveaux modes d’existence. D’où un juste périmètre pour la régulation : prévenir les conditions d’impossibilité.

« (…) la dynamique hydro-morphologique du chenal est considérée comme le premier facteur de contrôle (…) de la diversité biologique sensée découler de l’hétérogénéité spatiale créée par cette dynamique (…) »

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http://www.dailymotion.com/video/x4moyl Décentrement successifs du « lit » du sujet, des différences qui produisent d’autres différences.

 

Essai(µ)rbaiN

http://www.dailymotion.com/video/xk1bap Sources audio d’après : Sur les épaules de Darwin du 18/06/2011 « Transmettre en dansant, enseigner en courant, décider en votant » (Jean-Claude Ameisen - France Inter) et Les matins de France Culture du 20/07/2011 : en compagnie d’Olivier Mongin.
Source vidéo : Danse des cadences –
les7sages.fr

http://www.dailymotion.com/video/x6xjdt Promenade urbaine avec l’écrivain et phénoménologue Pierre Sansot, conté par Benoît Chantre. Source audio : Métropolitains, France Culture par François Chaslin, émission du 01/10/2008. 

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+ A propos du vide avec Paul Virilio, les Jeudis de l’architecture du 02.06.2011 par François Chaslin.

+ Vers une informatique contemplative ?
 » Avant toute chose il faut redéfinir notre esprit de manière adéquate. Nous ne sommes pas limités à notre corps, nous avons des cerveaux élargis : nous sommes profondément couplés au monde extérieur via nos sens, les objets de notre environnement, les systèmes technologiques que nous utilisons, etc. Ce modèle du cerveau étendu est utile parce qu’il nous permet de mieux comprendre notre relation avec la technologie, en dehors du manichéisme propre à ce genre de discussion. Comme le dit le philosophe Andy Clarke “nous sommes des cybergénies naturels”, autrement dit nous cherchons constamment à étendre nos capacités mentales. » (voir doc).

 

Affinités urbaines

Petite promenade urbaine contée par Benoît Chantre autour de l’oeuvre de l’écrivain, sociologue et phénoménologue Pierre Sansot.

http://www.dailymotion.com/video/k4hjc97XPoPIu6MQJH
Extraits sonores: Métropolitains par François Chaslin, émission du mercredi 1er octobre 2008, France Culture. 

Eprouver une poétique urbaine.
Ville productrice de territoires et de subjectivités.
Bergson, Deleuze, interférences.
Ville subjective sensible, rhétorique piétonnière et oralité.
Ou comment l’imaginaire pénètre, s’insère et éclate dans la multitudes des fragments urbains.

Ecologie et approche systémique

      Pour Joël de Rosnay : « l‘écologie est un concept intégrateur, un mode de pensée global qui matérialise aujourd’hui l’irruption de la systémique dans l’éducation, l’industrie et la politique. »[1]

De quelle systémique parle-t-on ? L’auteur répond la fille de la cybernétique et de la biologie, précisant que : « la cybernétique peut se définir comme la science qui étudie les phénomènes de régulation au sein de machines. Régulations qui s’opèrent par un système de boucles d’informations placées à l’entrée et à la sortie de ces machines. » 

Ecologie et approche systémique dans -> CAPTURE de CODES : image00117

A cette cybernétique, « la biologie va y adjoindre le concept d’homéostasie [1er principe de dynamique du vivant], du grec homéos (le même) et stasie (rester) : demeurer le même tout en changeant et conserver tout en transformant. A travers la régulation, on recherche donc le maintien d’un équilibre dynamique, compte tenu d’une multiplicité de paramètres, de flux d’énergie et d’informations. »

Ainsi : « l’approche systémique intègre ces deux notions [de régulation et d’homéostasie]. Elle nous enseigne que les systèmes naturels sont « ouverts » : les flux d’énergie, de matériaux et d’informations, qui les traversent sont intégrés et transformés, puis les déchets sont rejetés par le système dans l’environnement. Régulations, aménagement et équilibre dynamique appellent non des actions ponctuelles mais multiples et coordonnées dans le temps » 

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En conséquence : « l’atmosphère, l’hydrosphère, la lithosphère, la biosphère, les quatre domaines fondamentaux de l’écosystème Terre sont traversés par des flux d’énergie, d’information, de matériaux. Leur composition, la proportion des éléments qui les constituent sont régulés par les grands cycles biogéochimiques. L’atmosphère et les océans agissent comme des mémoires, des réservoirs à effets « tampons », amortissant les variations trop brutales et permettant à la planète de maintenir son homéostasie. »

      Ce qu’on appelle biocybernétique aujourd’hui correspond à la science des échanges d’information entre systèmes vivants ou composants de ces systèmes complexes, à toutes les échelles: du moléculaire au social. Il conviendrait donc d’adjoindre aux concepts de régulation et d’homéostasie, celui d’auto-organisation. Cela afin de concevoir qu’il puisse exister, au sein de tout système biologique complexe, une certaine « créativité », tout en se rapprochant d’une systémique plus globale. En effet, les variations trop brutales ne sont pas seulement absorbées par des méta-tampons externes, mais également par la propriété intrinsèque aux systèmes complexes de créer de l’ordre à partir du désordre (bruit).

Système complexe et écosystèmes

     Un écosystème est un système complexe. Il se compose donc d’un grand nombre d’entités en interaction locale et simultanée. Ici ce n’est pas simplement tout le monde qui interagit avec tout le monde, car il existe au moins des liens privilégiés (insecte et flore, symbiose, parasitisme). De fait, les interactions et informations sont majoritairement locales, il y a peu d’organisation centrale. Les interactions sont soumises à des boucles de rétroaction (cybernétique) : l’état d’une entité a une influence sur son état futur via l’état d’autres entités (information). Ces entités étant elles-mêmes des systèmes complexes d’individus, eux-mêmes composés de systèmes cellulaires. Enfin, l’écosystème est ouvert et soumis à un extérieur, il y a des flux d’énergie et d’information sur une frontière plus ou moins « poreuse ». De ces caractéristiques découlent le potentiel comportemental suivant :

·         auto-organisation et émergence de propriétés ou de structures cohérentes

     L’auto-organisation correspond au principe de création « d’ordre à partir du bruit » issu de la théorie de l’information. Pour Henri Atlan l’auto-organisation est la propriété de tout système ayant « la capacité d’utiliser les phénomènes aléatoires pour les intégrer dans le système et les faire fonctionner comme des facteurs positifs, créateurs d’ordre, de structures, de fonctions ». L’ordre ou la complexité par le bruit constitue le principe même de l’auto-organisation dans la mesure où, pour se maintenir à un état d’équilibre, un système ouvert doit nécessairement s’adapter aux perturbations de l’extérieur (le bruit) en se désorganisant pour mieux se réorganiser, élevant en cela son degré de complexité interne.

·         robustesse locale et fragilité à moyenne échelle

     Du fait des nombreuses interactions existantes, si un élément est affecté par un événement extérieur, ses voisins le seront aussi. Il s’ensuit que le système est souvent plus robuste à une petite perturbation locale. Mais inversement, modifier ou fragiliser globalement le système peut être fait grâce à une perturbation moins grande que dans un système connaissant moins de liens (effet domino, papillon).

·         brisure de symétrie

     La connaissance d’une partie d’un écosystème ne permet pas d’affirmer que le reste du système est en moyenne dans le même état. Plus globalement, les systèmes complexes sont un contre-exemple au réductionnisme. Malgré une connaissance parfaite des composants élémentaires d’un système, il est impossible de prévoir son comportement, autrement que par l’expérience ou la simulation. Difficulté de mesure, de paramétrage de tels systèmes sans oublié que lorsque Léon Brillouin  tentait de faire le lien entre son principe de néguentropie (information = entropie négative) et les relations d’indétermination d’Heisenberg (on ne peut pas connaître simultanément la position et la vitesse d’un particule), il arrivait à la conclusion suivante : « un des résultats les plus importants de la théorie de l’information appliquée à la physique est la preuve selon laquelle il est impossible de déterminer l’état d’un système avec une précision infinie [puisqu'alors il faudrait une énergie infinie] »

·         plusieurs comportements possibles en compétition (alternatives)

      Cependant, malgré cette incertitude fondamentale concernant l’évolution de tout système complexe, des régularités « stratégiques » s’observent dans les écosystèmes et d’abord les alternances entre complexification et simplifications dans une stratégie qui commence par une « croissance juvénile » quantitative de production matérielle (stratégie de reproduction et durée de vie courte des populations) qui aboutit, en l’absence de perturbation au « développement de la maturité ». Un tel stade correspond au climax, soit à une économie d’énergie globale par l’accumulation d’information dans la structure, la différenciation, le recyclage, la protection, la réduction de la fertilité et l’allongement de la vie (stratégie de survie).

Autrement dit, et c’est là que les choses se rejoignent, plus les voies de circulation (information) de l’énergie sont nombreuses, plus l’écosystème est capable d’autorégulation. Un système est persistant si tout blocage du flux d’énergie/matière en tout point du réseau est compensé par la mise en fonction d’un autre cheminement. Ainsi, dans les écosystèmes matures, il y a stabilité sur une très grande échelle temporelle car il y a souvent redondance et donc possibilité de substitution, développement d’alternatives comportementales.

·         plusieurs échelles temporelles et spatiales, la hiérarchisation des structures.

      Un écosystème peut donc être défini comme une accumulation d’information dans le temps,  dans là mesure où celui-ci s’élève successivement à différents niveaux d’organisation. D’un niveau de départ où toutes les interactions sont nécessaires et où il n’existe que très peu d’alternative (le niveau cellulaire avec disparition pure et simple soit attente de conditions plus favorables avec formes de résistance ou de dissémination à longue distance), vers un niveau « baroque » avec redondance et stratégie de survie complexe d’organismes et populations diversifiées.

La fonction biologique de l’information est donc de résister à l’entropie (reproduction, croissance, différenciation, auto-organisation, complexification). Car le métabolisme de la cellule ou de l’écosystème correspond à ce torrent d’énergie constant qui doit traverser (entrer et sortir) un système vivant pour en assurer le maintien à long terme. Et ce flux d’énergie passe d’un niveau à l’autre sous forme de transfert d’information (message chimique, visuel, etc.) et/ou de matière, et il n’y a jamais un saut de niveau : on ne passe pas directement des cellules aux écosystèmes, mais les interactions se font entre niveaux d’organisation successifs.

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Lire l’article : Systémique, complexité et transdisciplinarités : Nouvelles méthodes, nouveaux outils

Lire l’article : Les risques de l’infopollution



[1] Source : http://csiweb2.cite-sciences.fr/derosnay/articles/EduEco.htm

La ville : espace public, espace privé, espace fragmenté

http://www.dailymotion.com/video/2Pq3lAMdAcvIygrU1

     Comment filmer un arbre sans filmer la forêt ? La forêt, c’est à dire le contexte productif que l’arbre produit. Idem, comment filmer l’élément urbain sans filmer la ville ? Et comment filmer la ville, l’arbre, la forêt, l’élément…autrement qu’à travers des fragments ? Dès lors, comment ceux-ci tiendraient-ils ensemble, une fois dit qu’une structure explicative narrative lourde n’est pas souhaitable ? 

Une réponse à ces diverses interrogations semble apportée par le film, très architecture photographie de nuit, Miami Vice de Michael Mann. Où comment utiliser au mieux des éléments épars – palmier, eau, codes couleurs des signalétiques - afin de construire les cadres expressifs qui permettrons, par intégration successives, de réaliser l’économie d’informations dialoguées souhaitée. En intégrant les fragments de la ville dans des codes couleurs, je la rends omniprésente, bien que le plus souvent hors-champ.

Petite synthèse de cet écosystème urbain nocturne où des hommes sans intériorité se dirigent comme avant tout déterminés par leurs relations d’avec le dehors - images insectes - vers les lumières, les portes, les écrans. La ville comme réseau d’écrans, les modulations ou reconfigurations de ce réseau comme indicateur de l’état intérieur, des affects de ses habitants. Imagerie cérébrale à grande échelle.

http://www.dailymotion.com/video/1NUmFZg1No5d4mIVV

Sur le web : La ville, espace public, espace privé par Dominique Wolton, directeur de recherches au CNRS, laboratoire « Information, Communication et Enjeux scientifiques ». Conférence du 08/02/2007, cycle de conférences : Vivre et imaginer la villeorganisée le 8 février 2007 à l’ENS.

« La ville, lieu de naissance de l’espace public. C’est là où, au-delà de la circulation des hommes et des biens, est née la liberté d’expression, condition de l’espace public. Là aussi, où est né l’espace privé, comme conquête des droits de l’individu. Aujourd’hui, la ville est le lieu où se télescopent les réseaux physiques et symboliques de communication. Le lieu où cohabitent toutes les problématiques de la communication. »

Documents en ligne:

La ville : espace public, espace privé, espace fragmenté dans -> PERSPECTIVES TRANSVERSES realbig

img4small487 dans Art et ecologie

Fragments de cybernétique

Fragments de cybernétique dans -> CAPTURE de CODES : image004 

L’épistémologie de la cybernétique

Morceaux choisis de « Vers une écologie de l’esprit » tome 1, Grégory Bateson, éditions du Seuil 1977

[…] Des progrès extraordinaires ont été réalisés, au cours de ces vingt-cinq dernières années[1], dans la connaissance de ce qu’est l’environnement, de ce qu’est un organisme et surtout de ce qu’est l’esprit. Ces progrès sont dus précisément à la cybernétique, à la théorie des systèmes, à la théorie de l’information et aux sciences connexes.

A l’ancienne question de savoir si l’esprit est immanent ou transcendant, nous pouvons désormais répondre avec une certitude considérable en faveur de l’immanence, et cela puisque cette réponse économise plus d’entités explicatives que ne le ferait l’hypothèse de la transcendance […]

Pour ce qui est des arguments positifs, nous pouvons affirmer que tout système fondé d’événements et d’objets qui dispose d’une complexité de circuits causaux et d’une énergie relationnelle adéquate présente à coup sûr des caractéristiques «mentales ». Il compare, c’est-à-dire qu’il est sensible et qu’il répond aux différences (ce qui s’ajoute au fait qu’il est affecté par les causes physiques ordinaires telles que l’impulsion et la force). Un tel système « traitera l’information » et sera inévitablement auto correcteur, soit dans le sens d’un optimum homéostatique[2], soit dans celui de la maximisation de certaines variables.

Une unité d’information peut se définir comme une différence qui produit une autre différence. Une telle différence qui se déplace et subit des modifications successives dans un circuit constitue une idée élémentaire.

Mais ce qui, dans ce contexte, est encore plus révélateur, c’est qu’aucune partie de ce système intérieurement (inter) actif ne peut exercer un contrôle unilatéral sur le reste ou sur toute autre partie du système. Les caractéristiques « mentales » sont inhérentes ou immanentes à l’ensemble considéré comme totalité.

Cet aspect holistique est évident même dans des systèmes autocorrecteurs très simples. Dans la machine à vapeur à « régulateur » […] le comportement du régulateur est déterminé par le comportement des autres parties du système et indirectement par son propre comportement à un moment antérieur.

Le caractère holistique et mental du système est le mieux illustré par ce dernier fait, à savoir que le comportement du régulateur (et de toutes les parties du circuit causal) est partiellement déterminé par son propre comportement antérieur. Le matériel du message (les transformations successives de la différence) doit faire le tour complet du circuit : le temps nécessaire pour qu’il revienne à son point de départ est une caractéristique fondamentale de l’ensemble du système. Le comportement du régulateur (ou de toute autre partie du circuit) est donc, dans une certaine mesure, déterminé non seulement par son passé immédiat, mais par ce qu’il était à un moment donné du passé, moment séparé du présent par l’intervalle nécessaire au message pour parcourir un circuit complet. Il existe donc une certaine mémoire déterminative, même dans le plus simple des circuits cybernétiques.

La stabilité du système (lorsqu’il fonctionne de façon autocorrective, ou lorsqu’il oscille ou s’accélère) dépend de la relation entre le produit opératoire de toutes les transformations de différences, le long du circuit, et de ce temps caractéristique. Le régulateur n’exerce aucun contrôle sur ces facteurs. Même un régulateur humain, dans un système social, est soumis à ces limites : il est contrôlé à travers l’information fournie par le système et doit adapter ses propres actions à la caractéristique de temps et aux effets de sa propre action antérieure.

Ainsi, dans aucun système qui fait preuve de caractéristiques « mentales », n’est donc possible qu’une de ses parties exerce un contrôle unilatéral sur l’ensemble. Autrement dit : les caractéristiques « mentales » du système sont immanentes, non à quelque partie, mais au système entier.

La signification de cette conclusion apparaît lors des questions du type : « Un ordinateur peut-il penser? », ou encore :  » L’esprit se trouve-t-il dans le cerveau ? » La réponse sera négative, à moins que la question ne soit centrée sur l’une des quelques caractéristiques       « mentales » contenues dans l’ordinateur ou dans le cerveau.

L’ordinateur est autocorrecteur en ce qui concerne certaines de ses variables internes : il peut, par exemple, contenir des thermomètres ou d’autres organes sensibles qui sont affectés par sa température de travail ; la réponse de l’organe sensible à ces différences peut, par exemple, se répercuter sur celle d’un ventilateur qui, à son tour, modifiera la température. Nous pouvons donc dire que le système fait preuve de caractéristiques             « mentales » pour ce qui est de sa température interne. Mais il serait incorrect de dire que le travail spécifique de l’ordinateur – la transformation des différences d’entrée en différences de sortie – est un «processus mental ». L’ordinateur n’est qu’un arc dans un circuit plus grand, qui comprend toujours l’homme et l’environnement d’où proviennent les informations et sur qui se répercutent les messages efférents de l’ordinateur. On peut légitimement conclure que ce système global, ou ensemble, fait preuve de caractéristiques « mentales ». Il opère selon un processus «essai-et-erreur» et a un caractère créatif.

Nous pouvons dire, de même, que l’esprit est immanent dans ceux des circuits qui sont complets à l’intérieur du cerveau ou que l’esprit est immanent dans des circuits complets à l’intérieur du système : cerveau plus corps. Ou, finalement, que l’esprit est immanent au système plus vaste : homme plus environnement.

Si nous voulons expliquer ou comprendre l’aspect « mental » de tout événement biologique, il nous faut, en principe, tenir compte du système, à savoir du réseau des circuits fermés, dans lequel cet événement biologique est déterminé. Cependant, si nous cherchons à expliquer le comportement d’un homme ou d’un tout autre organisme, ce « système » n’aura généralement pas les mêmes limites que le « soi » – dans les différentes acceptions habituelles de ce terme.

Prenons l’exemple d’un homme qui abat un arbre avec une cognée. Chaque coup de cognée sera modifié (ou corrigé) en fonction de la forme de l’entaille laissée sur le tronc par le coup précédent. Ce processus autocorrecteur (autrement dit, mental) est déterminé par un système global : arbre-yeux-cerveau-muscles-cognée-coup-arbre ; et c’est bien ce système global qui possède les caractéristiques de l’esprit immanent.

Plus exactement, nous devrions parler de (différences dans l’arbre) – (différences dans la rétine) – (différences dans le cerveau) – (différences dans les muscles) – (différences dans le mouvement de la cognée) – (différences dans l’arbre), etc. Ce qui est transmis tout au long du circuit, ce sont des conversions de différences ; et, comme nous l’avons dit plus haut, une différence qui produit une autre différence est une idée, ou une unité d’information.

Mais ce n’est pas ainsi qu’un Occidental moyen considérera la séquence événementielle de l’abattage de l’arbre. Il dira plutôt : «J’abats l’arbre» et il ira même jusqu’à penser qu’il y a un agent déterminé, le « soi », qui accomplit une action déterminée, dans un but précis, sur un objet déterminé.

C’est très correct de dire : « La boule de billard A a touché la boule de billard B et l’a envoyée dans la blouse » ; et il serait peut-être bon (si tant est que nous puissions y arriver) de donner un exposé complet et rigoureux des événements qui se produisent tout le long du circuit qui comprend l’homme et l’arbre. Mais le parler courant exprime l’esprit (mind) à l’aide du pronom personnel, ce qui aboutit à un mélange de mentalisme et de physicalisme qui renferme l’esprit dans l’homme et réifie l’arbre.

Finalement, l’esprit se trouve réifié lui-même car, étant donné que le « soi » agit sur la hache qui agit sur l’arbre, le « soi » lui-même doit être une « chose ». Il n’y a donc rien de plus trompeur que le parallélisme syntaxique entre : « J’ai touché la boule de billard » et : « La boule a touché une autre boule. »

Si on interroge qui que ce soit sur la localisation et les limites du « soi », les confusions susmentionnées font tout de suite tache d’huile. Prenons un autre exemple : un aveugle avec sa canne. Où commence le « soi » de l’aveugle ? Au bout de la canne ? Ou bien à la poignée ? Ou encore, en quelque point intermédiaire ? Toutes ces questions sont absurdes, puisque la canne est tout simplement une voie, au long de laquelle sont transmises les différences transformées, de sorte que couper cette voie c’est supprimer une partie du circuit systémique qui détermine la possibilité de locomotion de l’aveugle.

De même, les organes sensoriels sont-ils des transducteurs ou des voies pour l’information, ainsi d’ailleurs que les axones, etc. ? Du point de vue de la théorie des systèmes, dire que ce qui se déplace dans un axone[3] est une « impulsion » n’est qu’une métaphore trompeuse; il serait plus correct de dire que c’est une différence ou une transformation de différence.

La métaphore de « l’impulsion » suggère une ligne de pensée « rigoureuse » (voire bornée), qui n’aura que trop tendance à virer vers l’absurdité de l’« énergie psychique » ; ceux qui parlent de la sorte ne tiennent aucun compte du contenu informatif de la quiescence[4]. La quiescence de l’axone diffère autant de l’activité que son activité diffère de la quiescence. Par conséquent, quiescence et activité ont des pertinences informatives égales. Le message de l’activité ne peut être accepté comme valable que si l’on peut également se fier au message de la quiescence.

Encore est-il inexact de parler de « message d’activité » et de « message de quiescence ». En effet, il ne faut jamais perdre de vue que l’information est une transformation de différences ; nous ferions donc mieux d’appeler tel message « activité-non-quiescence », et tel autre «quiescence-non-activité » […]

L’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, « pense », « agit » et   « décide », est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément « soi » ou « conscience » ; il est important d’autre part de remarquer qu’il existe des différences multiples entre le système «pensant» et le       « soi » tels  qu’ils sont communément conçus :

1. Le système n’est pas une entité transcendante comme le « soi ».

2. Les idées sont immanentes dans un réseau de voies causales que suivent les conversions de différence. Dans tous les cas, les « idées » du système ont au moins une structure binaire. Ce ne sont pas des « impulsions », mais de « l’information ».

3. Ce réseau de voies ne s’arrête pas à la conscience. Il va jusqu’à inclure les voies de tous les processus inconscients, autonomes et refoulés, nerveux et hormonaux.

4. Le réseau n’est pas limité par la peau mais comprend toutes les voies externes par où circule l’information. Il comprend également ces différences effectives qui sont immanentes dans les « objets » d’une telle information ; il comprend aussi les voies lumineuses et sonores le long desquelles se déplacent les conversions de différences, à l’origine immanentes aux choses et aux individus et particulièrement à nos propres actions.

Il est important de noter que les dogmes fondamentaux – et à mon sens faux – de l’épistémologie courante se renforcent mutuellement. Si, par exemple, la prémisse habituelle de la transcendance est écartée, celle qui prendra aussitôt sa place sera l’idée de l’immanence dans le corps. Mais cette seconde possibilité est irrecevable, étant donné que de vastes parties du réseau de la pensée se trouvent situées à l’extérieur du corps. Le soi-disant problème « Corps-Esprit », comme on l’appelle d’ordinaire, est mal posé, dans des termes qui conduisent inévitablement vers le paradoxe : si l’esprit est supposé être immanent au corps, il doit alors lui être transcendant; s’il est supposé transcendant, il doit alors être immanent[5], etc.

De même, si nous excluons les processus inconscients du « soi » et les qualifions               d’« étrangers au moi », ceux-ci prennent alors une nuance subjective d’« incitations» et de    « forces » ; et cette qualité pseudo-dynamique est étendue au « soi » conscient qui essaie de « résister » aux « forces » de l’inconscient. C’est ainsi que le « soi » lui-même devient une organisation de « forces » apparentes. Par conséquent, selon la notion courante qui fait du    « soi » un synonyme de la conscience, les idées sont des « forces » ; cette erreur est à son tour renforcée lorsqu’on affirme que l’axone transmet des « impulsions ». Il n’est certes pas aisé de sortir de ce labyrinthe.




[1] Article publié pour la première fois en 1971.

[2] L’homéostasie est la capacité à conserver l’équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes extérieures.

[3] Long prolongement fibreux du neurone, qui conduit l’influx nerveux.

[4] Arrêt du développement ou de l’activité provoqué par de mauvaises conditions du milieu (froid ou chaleur excessive). Celle-ci s’interrompt dès que les conditions redeviennent favorables à l’activité de l’espèce.

[5] R. G. Collingwood, the Idea of Nature, Oxford University Press, 1945.

Notions de base sur les écosystèmes: ordre, information et entropie

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     Le concept d’auto-organisation, issu du domaine de la cybernétique, permet de concevoir qu’il puisse exister au sein de tout système biologique une certaine « créativité ». Que peut un environnement ? On ne le sait pas à l’avance. Henri Atlan, l’un des pionniers des théories de la complexité du vivant, parle d’auto-organisation pour tout système ayant « la capacité d’utiliser les phénomènes aléatoires pour les intégrer dans le système et les faire fonctionner comme des facteurs positifs, créateurs d’ordre, de structures, de fonctions ».

Dans le domaine biologique, les processus d’auto-organisation sont, par définition, ceux qui n’obéissent ni à une série formelle d’instructions d’origine interne (programme génétique), ni à une succession de stimuli externes prévus et nécessaires (programme épigénétique), ni à un apprentissage imposé en fonction de niveaux de développement du système nerveux central (programme scolaire). Ces processus d’auto-organisation découlent des propriétés intrinsèques du système : l’ouverture, la complexité, la redondance, la fiabilité, la compétence.

Dans le cas du système nerveux central, la répétition, ou plus précisément la redondance, se traduit par le fait que de nombreux éléments identiques quant à la structure et à la fonction sont interconnectés entre eux et ne sont pas tous localisés en un même lieu. Ces propriétés lui permettront, dans le cas où surviennent des perturbations aléatoires, de rattraper l’inévitable et transitoire désorganisation, voire même de créer du nouveau par accroissement de complexité. C’est-à-dire par diminution de la redondance et augmentation des spécifications neuroniques.

Il s’agit ici d’une application de la théorie de l’information, théorie qui avec Von Forster avait permis d’établir le principe « d’ordre à partir du bruit ». L’ordre ou la complexité par le bruit constitue le principe même de l’auto-organisation.  Pour se maintenir à un état d’équilibre, un système ouvert doit nécessairement s’adapter aux perturbations de l’extérieur (le bruit) en se désorganisant pour mieux se réorganiser, élevant en cela son degré de complexité interne.

Entropie et information

     Selon la thermodynamique classique, on défini l’entropie (second principe) d’un système physique pourvu d’une certaine quantité d’énergie et d’un certain ordre, par le fait que celui-ci ne peut évoluer spontanément que vers un état d’équilibre thermique homogène. Cet état signifie que le système est devenu indifférent à ce qui l’entoure, c’est-à-dire qu’il a atteint un désordre maximal du fait de la désorganisation progressive des structures matérielles qui le composent. Dit plus grossièrement, tout phénomène laissé à lui-même va à sa perte selon les lois de l’entropie universelle.

Par suite, c’est le physicien franco-américain Léon Brillouin qui a introduit la notion de néguentropie ou d’entropie négative. Pour diminuer l’entropie d’un système, il faut donc lui fournir de la néguentropie, c’est-à-dire une certaine quantité d’information. En 1950, Léon Brillouin calculera le coût énergétique minimum de toute information permettant de définir « l’efficience d’une expérience, par le rapport entre l’information acquise sur le coût entropique ».

image00122 dans -> NOTIONS D'ECOLOGIE

image00212 dans -> PERSPECTIVES TRANSVERSES

état désordonné

état ordonné

     Le passage d’un état désordonné à un état plus ordonné s’explique donc par l’annulation de la production d’entropie par le système, annulation résultant de la réception par celui-ci d’un flux externe d’informations permettant l’adoption par les éléments du système d’un comportement cohérent, «plus ordonné ». L’information s’oppose à l’entropie par ses capacités de reproduction, de répétition (apprentissage), de différentiation mais également de régulation, c’est-à-dire de rétroaction et de correction d’erreurs.

Ainsi pour Ernest Lawrence Rossi « la vie est une qualité de la matière qui surgit du contenu informationnel inhérent à l’improbabilité de la forme ». Physiquement, ce qui fait une information (un bit) c’est une « redondance improbable » qui permet d’identifier un signal, de le détacher un bruit de fond. L’information c’est l’écart, c’est l’exception, ou encore c’est « une différence qui fait la différence » comme le souligne Gregory Bateson.

Pour Roger Balian : « entropie, manque d’information, incertitude, désordre, complexité, apparaissent donc comme des avatars d’un seul et même concept. Sous l’une ou l’autre de ces formes, l’entropie est associée à la notion de probabilité [...] Elle caractérise non pas un objet en soi, mais la connaissance que nous en avons et nos possibilités de faire des prévisions. Elle a donc un caractère à la fois objectif et subjectif ». Autrement dit le concept d’information se révèle être autant subjectif qu’objectif, puisque si l’information doit renvoyer à un phénomène objectif et que sa valeur est dans son improbabilité, il n’y a d’information constituée que par un récepteur, un système cognitif.

Information et écosystèmes

image0044 dans Ecosystemique

     Un système peut se représenter comme une différenciation interne entretenue par un flux énergétique externe. Le flux qui traverse le système détermine un intérieur différencié et un extérieur constituant l’environnement du système, ouvert à la circulation des flux qui assurent la régulation de l’ensemble. Un système est donc toujours relié à un environnement, à une écologie.

image0054 dans Ilya Prigogine

Un des aspects qui se dégage de l’étude des écosystèmes, c’est que ceux-ci sont toujours traversés par deux flux :

  • Un flux d’énergie, dont l’origine est solaire et qui traverse successivement les producteurs primaires (les végétaux autotrophes capables de réaliser la photosynthèse), puis les consommateurs et les décomposeurs qui dispersent cette énergie en respirant, transpirant et produisant des déchets.

  • Un flux de matière qui circule en permanence entre herbivores, carnivores, détritivores, coprophages, nécrophages, etc. et tous les organismes de la microfaune et de la microflore qui participent à la minéralisation de la matière organique nécessaire à l’alimentation minérale des plantes, et donc à la fermeture des cycles (biogéochimiques) de la matière. Ces flux de matière font naître et entretiennent des structures alors que la seconde loi de la thermodynamique (entropie) établit que près de l’équilibre, ces structures disparaissent (entropie maximale).

     Malgré l’incertitude fondamentale concernant l’évolution de tout système complexe, des régularités s’observent. Tout d’abord des alternances entre complexification et simplifications. Les stratégie de développement débutent par une phase « juvénile » de production matérielle quantitative. C’est à dire une stratégie de reproduction maximale avec une durée de vie courte des populations. Celle-ci aboutit alors, en l’absence de perturbation, au « développement de la maturité ». Un tel stade correspond au climax, soit à une économie d’énergie globale par l’accumulation d’information dans les structures, la différenciation, le recyclage, la protection, la réduction de la fertilité et l’allongement des durée de vie. A une stratégie de reproduction se substitue donc dans le temps une stratégie de survie (voir l’article sur les successions végétales). Un tel système peut donc être défini comme une accumulation d’information dans le temps. Information dont la fonction biologique est précisément la résistance à l’entropie (reproduction, croissance, différenciation, auto-organisation, complexification).

La thermodynamique des systèmes vivants est celle des systèmes dissipatifs. C’est à dire la thermodynamique des systèmes ouverts traversés par un courant d’énergie qui les maintient loin de l’équilibre. Pour Prigogine, les structures biologiques exigent une dissipation constante d’énergie et de matière, d’où leur nom de structures dissipatives : « c’est par une succession d’instabilités que la vie est apparue. C’est la nécessité, c’est-à-dire la constitution physicochimique du système et les contraintes que le milieu lui impose, qui détermine le seuil d’instabilité du système. Et c’est le hasard qui décide quelle fluctuation sera amplifiée après que le système a atteint ce seuil et vers quelle structure, quel type de fonctionnement il se dirige parmi tous ceux que rendent possibles les contraintes imposées par le milieu. »

Le métabolisme de la cellule ou de l’écosystème correspond donc à ce torrent d’énergie constant qui doit traverser un système vivant pour en assurer le maintien à long terme. Ce flux d’énergie passe d’un niveau à l’autre sous forme de transfert d’information (message chimique, visuel, etc.) et/ou de matière, et il n’y a jamais un saut de niveau : on ne passe pas directement des cellules aux écosystèmes, mais les interactions se font entre niveaux d’organisation successifs.

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     En théorie des systèmes, plus les voies de circulation de l’énergie sont nombreuses, plus un système est capable de s’autoréguler. Autrement dit, un système est dit persistant (résiliant) si tout blocage du flux d’énergie/matière en tout point du réseau est compensé par la mise en place d’un autre cheminement possible. Dans les écosystèmes, il y a stabilité sur une très grande échelle temporelle car il y a souvent redondance. Toutes les interactions sont viables, car elles existent depuis longtemps, mais toutes ne sont pas nécessaires.

En s’élevant dans les différents niveaux d’organisation, on part d’un niveau où toutes les interactions sont nécessaires et où il n’existe pas d’alternative ou en tout cas très peu d’alternatives (niveau moléculaire, cellulaire), et on arrive à des niveaux « baroques » avec redondance dans les écosystèmes complexes. Au niveau de l’organisme (niveau intermédiaire entre la cellule et l’écosystème), les boucles de régulations du système endocrinien sont complexes et multiples, mais témoignent d’un niveau de complexification tel que des alternatives sont possibles pour assurer la stabilité et l’intégrité de l’individu. Aux niveaux inférieurs, c’est soit la disparition pure et simple, soit l’attente de conditions plus favorables avec formes de résistance ou de dissémination à longue distance.

  • à petite échelle (micron), la stabilité est plus facile à atteindre à travers le développement de fonctions de maintenance de la stabilité du milieu interne vis à vis des fluctuations externes.

  • à grande échelle (kilomètre), les fluctuations possibles étant très nombreuses, il faut donc en permanence ajuster le développement des redondances pour assurer un nouveau cheminement de l’énergie et de l’information en cas de blocage.

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Article d’après sources et extraits :

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