Devant le développement de l’expression mass-médiatique d’un point de vue toujours plus « standardisé » sur la question écologique, constatons que celui-ci est aussi fabriqué à partir d’une pensée qui ne fait plus que dupliquer un réel de plus en plus préconstitué. Un bien drôle de réel une fois dit que « nous » n’y reconnaissons plus que les effets de ce que nous y avons déjà mis nous-mêmes. Parmi les avatars ce mode de pensée, citons à titre d’exemples à la peau bien dure : l’anthropomorphisme, l’ethnocentrisme, le technocentrisme et toutes formes de réductionisme s’attaquant aux perspectives exprimées par l’existence de formes de vie et d’opinions singulières. |
Dans la petite galerie des acteurs « autorisés » au débat, nous entamons ici une liste non exhaustive des penseurs « rebelles ». Liste qui se limitera malheureusement aux presque seuls scientifiques engagés, dans la mesure où l’on peut constater et regretter l’absence de perspectives véritablement artistiques dans ces débats. Bien que l’on pourrait penser les images esthétisantes d’un Nicolas Hulot (la nature) ou d’un Yann Arthus-Bertrand (la nature et le social) comme relevant quelque peu de cette dernière catégorie.
S’il fallait résumer la pensée et les propos d’Allègre en quelques points :
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Ce dernier ne nie pas le changement climatique, bien plus il dénigre la monoexplication causale dominante du GIEC, dans la mesure où nous ne connaissons pas bien les mécanismes du cycle de l’eau et du climat. Or l’effet de serre est dû pour 90% à la vapeur d’eau en suspension dans l’atmosphère.
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Par ailleurs, la problématique du changement climatique ne doit pas occulter les autres enjeux, Allègre souhaitant placer la question de la ressource en eau au centre des débats.
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Allègre s’oppose à tout « catastrophisme » et cite l’exemple passé du rapport du club de Rome (Meadows 1972, »Halte à la croissance ? »), comme ayant eu un impact contreproductif sur la prise en compte de l’environnement, ses prévisions alarmistes n’ayant pas été vérifiées par la suite.
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En conclusion, il réaffirme sa croyance dans le progrès scientifique comme facteur clé de la résolution des problèmes, la question écologique étant pour lui une occasion de croissance économique.
Le montage audio tiré de l’émission de France Culture « La rumeur du Monde » et développant l’ensemble de ces points est disponible à l’adresse suivante : http://www.utime.org/podcast/allegre.mp3.
On peut être d’accord ou pas avec Allègre sur les solutions envisageables, cependant il convient de reconnaître que ce dernier ne fait finalement que rappeler quelques principes de base de la démarche scientifique. Dès lors comment expliquer le tôler général qu’à susciter sa prise de position ? (Voir les articles consacrés sur les sites de liberation.fr, lemonde.fr, express.fr )
Notre opinion est que sans préjugé de la bonne foi des acteurs de l’environnement, ceux-ci s’empresse majoritairement de se rattacher à la mono question climatique, une fois observé que le grand public semble y adhérer. Ce faisant, ils font le pari de l’efficacité de la communication d’urgence : « si nous avons une prise ici, et Dieu sait que c’est difficile, autant ne plus lâcher et en profiter ». Plus besoin de campagnes de communication onéreuses et inefficaces quand un simple coup de vent, une hausse du thermomètre en octobre et toutes autres formes de « communications » naturelles viennent avantageusement s’y substituer.
On pourra certes reprocher à Allègre son technocentrisme, sa croyance au progrès, son occidentalisme etc. etc.., cependant ce dernier est bien l’un des rare à préserver dans l’espace public un minimum de la complexité de la question environnementale. Car le danger de cette communication d’urgence est triple :
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D’une part la question climatique, occupant tout le terrain, vient masquer les autres, au premier rang desquelles se trouvent la ressource en eau et la question de la biodiversité ;
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D’autre part le réductionnisme, voir le simplisme qu’elle met en avant n’invite aucunement son auditoire à une compréhension nouvelle du monde, n’aboutissant au final qu’à la promulgation de comportements jugés aujourd’hui « moralement juste », mais tout aussi mécaniques que les précédents.
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Enfin, en ce qu’elle ne laisse à voir qu’une écologie « négative » construite sur la base de « ne faite pas ci » « il faut moins de ». Or une écologie positive et créative est possible, cependant qu’elle requière un véritable changement de point de vue dans nos relations au monde et une réflexion globale conséquente. Ce à quoi il sera sans doute répondu que le temps presse, ce à quoi nous répondrons que le matériel existe à condition de lui faire un peu de place.
Au final notre point de vue est que Claude Allègre réactualise peut-être à sa manière quelques unes des citations suivantes :
- « La bêtise est de conclure. » G. Flaubert
- « La bêtise a toujours raison. La bêtise a toujours le dernier mot. » Angela, pseudonyme France Culture
- « À la bêtise, tout le monde se retrouve : c’est le lieu commun. » Raphaël Enthoven