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Philosopher en marchant, Frédéric Gros sur France Culture

Image de prévisualisation YouTube  » Chacun de nous devient trop nombreux à l’intérieur de lui-même et pas assez à l’extérieur.  » J.L. Godard 

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Entre-deux mondes étrange, le temps où la fiction, l’imaginer, pourrait susciter ce dont nous avons besoin et que nous ne faisons juste que pressentir. Des intercesseurs dans le champ, nouvelles figures et fictions instauratrices dont la rencontre viendrait nous forcer à repenser le présent, réouvrir un dehors qui ne soit pas celui des images de la catastrophe, figures imposées et situées à l’avance.
Ce qui arrive, ce qui nous arrive, ce qui change et nous change. Faire l’expérience de son chez soi. Imager, fictionner, face à ce que nous ne pouvons pas encore dire, remettre de l’écrit dans les images.
Travailler les images. Marcheur, flaneur, baladeur, monteur, … ces figures qui se dévoilent leurs propres clichés. Remontage, détricotage, désynchroniser et resynchroniser, l’art de se fabriquer un drôle de miroir-regard sur les différentes « méduses » de nos temps, (se) faire voir ce qui passe entre, comment un « je » assemble.

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« La grandeur de l’art véritable, au contraire de celui que M. de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c’était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d’épaisseur et d’imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans avoir connue, et qui est tout simplement notre vie.

La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la littérature. Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l’artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu’ils ne cherchent pas à l’éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d’innombrables clichés qui restent inutiles parce que l’intelligence ne les a pas «développés».

Notre vie ; et aussi la vie des autres car le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique, mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients de la différence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s’il n’y avait pas l’art, resterait le secret éternel de chacun.

Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini, et bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial. »

Proust, Le Temps Retrouvé

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marche et vitesse

Ainsi, et parmi, la figure du danseur chez un Gregory Bateson, du sculpteur chez un Jean-Claude Ameisen, de Gaïa telle que redéployée par Isabelle Stengers, et ici, la figure du marcheur chez F. Gros.

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« (…) Il faut du reste absolument alterner les promenades urbaines et campagnardes, et ne pas en privilégier une, car si leur fond est commun, un jeu libre de l’imagination composant ses propres impressions, leur vertu est différente. Marcher sur les allées publiques suppose une flânerie qui permet de faire sur la diversité du genre humain et le comportement de nos semblables, de micro-découvertes qui sont un enchantement pour l’esprit. Marcher seul en compagnie des ruisseaux et des arbres va plutôt entrainer une rêverie absolument éloignée des raideurs de l’introspection systématique, mais par là-même féconde. C’est comme si, doucement distraite par le spectacle des fleurs et des lignes d’horizon, l’âme s’oubliait un peu, et par là dévoilait à ses propres yeux certains de ces visages ordinairement masqués. Le secret de la promenade, c’est bien cette disponibilité de l’esprit, si rare dans nos existence affairées, polarisées, captives de nos propres entêtements. La disponibilité c’est une synthèse rare d’abandon et d’activités faisant tout le charme de l’esprit à la promenade. L’âme s’y trouve en effet disponible au monde des apparences. Elle n’a de compte à rendre à personne, n’a aucun impératif de cohérence, et dans ce jeu sans conséquence, il se peut que le monde se livre d’avantage au promeneur tout au long de ses déambulations fantasques, qu’à l’observateur sérieux et systématique. »

Extrait de : Marcher, une philosophie, Ed. Carnets Nord - 2009.

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http://www.dailymotion.com/video/x83r1j Paul Virilio. Face à la vitesse ? Remettre de l’écrit dans l’écran.

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Les vendredis de la philosophie, émission du vendredi 3 juillet 2009 : philosopher en marchant, avec Frédéric Gros.

Retranscription partielle et non exhaustive du début de l’entretien :

« Tout ce qui est du côté de la marche, et de la marche à pied, s’oppose à la quête de performance … à un certains nombre de valeurs qui représentent la modernité … tout ce qui va du côté de la vitesse, de la médiation, de la rapidité, de la communication, etc. … la marche à pied représente une résistance à tout cela. »

« Je voulais reconstruire un certain nombre de légendes et construire un certain nombre de mythes. De grandes figures comme celle de Rousseau, Nietzsche, Rimbaud … ont vraiment lié leur destin à l’expérience de la marche à pied … A chaque fois ce sont des styles de marche tout à fait différents » 

« Le grand style de marche chez Nietzsche est une marche soit dans les montagnes, soit qui suis toujours des sentiers ascendants, … l’idée qu’il faut s’élever au-dessus des grandes constructions ordinairement reçues … la construction en aphorisme souligne cet effort de la pensée qui gravit un certain point, et là se découvre un tout autre paysage … l’expérience d’un passage de col en montagne, qu’on fait par la marche, où se découvre quelque chose d’absolument nouveau, avec tout le problème de la perspective est au cœur de l’écriture aphoristique de Nietzsche … »

« Je pense que la marche permet de ne plus avoir d’image du monde … le rapport au paysage dans la marche n’est plus un rapport de représentation … on y lit un effort du corps, c’est le paysage qui insiste lentement dans le corps en marche … il écrit [Nietzsche] les sentiers sont méditatifs … il arrive un moment où c’est le paysage lui-même qui se rempli de la pensée du philosophe. »

« Si vous philosophez en marchant, la pensée est plus à la verticale d’elle-même … il y a une simplification … dans la marche, il y a une inversion des logiques habituelles dans lesquelles le point de stabilité repose sur un chez soi, un dedans, depuis lequel on visite des dehors. Dans la marche on va de gite en gite, et c’est précisément le dehors qui ne bouge pas. Ce que j’entends par dehors, c’est vraiment cette idée d’exposition … exposition entière du corps aux éléments, aux paysages, à la nature, etc. Et au fond ce serait ça le dehors, ce dont à quoi on s’expose … »

« La marche comme expérience de l’exténuation, non du retour à soi … » 

« Cette idée du rythme est essentiel dans la marche … celui qui vous correspond … » 

«  Pour Thoreau, le sauvage, ce sont les forces de l’avenir … la réserve de l’avenir, elle est dans le sauvage, elle et dans le primitif. Alors que pour nous européens … on renvoie toujours le sauvage à l’origine. C’est vraiment l’idée de l’Ouest, ce qui est le plus primitif, ce qui déborde de l’humain, représente la source de renouveau … »

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http://www.dailymotion.com/video/x910kh Nietszche, histoires 

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>> Frédéric Gros, professeur de philosophie à l’université de Paris 12, Marcher, une philosophie, Carnets Nord - 2009

4e de couverture : La marche à pied connaît de plus en plus d’adeptes qui en recueillent les bienfaits : apaisement, communion avec la nature, plénitude… Nous sommes très nombreux à bénéficier de ces dons. Marcher ne nécessite ni apprentissage, ni technique, ni matériel, ni argent. Il y faut juste un corps, de l’espace et du temps.
Mais la marche est aussi un acte philosophique et une expérience spirituelle. Allant du vagabondage au pèlerinage, de l’errance au parcours initiatique, de la nature à la civilisation, l’auteur puise dans la littérature, l’histoire et la philosophie : Rimbaud et la tentation de la fuite, Gandhi et la politique de résistance, sans oublier Kant et ses marches quotidiennes à Königsberg.
Et si l’on ne pensait bien qu’avec les pieds ? Que veut dire Nietzsche lorsqu’il écrit que « les orteils se dressent pour écouter » ? C’est ce que l’on cherche ici à comprendre. A la fois traité philosophique et définition d’un art de marcher, ce livre en réjouira beaucoup, qui ne se savaient pas penseurs en semelles.

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« (…) Je suis un indien
Je suis un apache
Auquel on a fait croire
Que la douleur se cache
Je suis un apache
Je suis un indien
Auquel on a fait croire
Que la montagne est loin (…) »
Alain Bashung, « Je tuerai la pianiste »

Du mur dans le too « dur »

Du mur dans le too ACTUS vanneaux1" /> 

Petit blog machine dans un sursaut de réveil sur sa fonction : compilateur générateur d’occasions pour capillarisation. Parlant de quoi ? D’écologie et de style de vie, ou plutôt d’écosophie, l’art de faire entrer et cohabiter/coévoluer dans son champ perceptif des perspectives du monde, des rapports. Coprésence, cohabitation, coévolution, attention, présence, apparentement, …  » de quelle manière faisons-nous l’expérience du monde et comment l’exprimer ?  » David Rothenberg

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Deux articles du Monde, complémentaires, ont donc réveillé l’attention des antennes de la machine dormante.

* Extrait d’un article du Monde en date du 23.04.09 :  » La France pousse l’Europe à améliorer l’expertise sur les OGM « 

 » Les biotechnologies, la biodiversité et le vivant sont les sujets cruciaux du XXIe siècle. La société a besoin d’être extrêmement bien informée, de façon scientifique, mais pas seulement par les sciences dures « , estime M. Borloo.

* Extrait d’un article du Monde en date du 23.04.09 :  » La pollution de l’air freinerait le réchauffement « 

 » Dépolluer l’atmosphère peut-il aggraver le réchauffement du climat ? Il y a quelques semaines, des chercheurs avaient annoncé qu’un ciel plus clair, débarrassé de ses aérosols, pourrait contribuer à augmenter les températures au sol. Une équipe britannique décrit dans la revue Nature du 23 avril un autre phénomène, qui concourt au même résultat. Elle a ainsi calculé que les particules en suspension dans l’atmosphère, en contribuant à la diffusion du rayonnement solaire, ont tendance à accroître le processus de photosynthèse et, par conséquent, à augmenter l’absorption par le sol et les plantes du CO2, principal gaz à effet de serre. Quand l’air est pur, au contraire, le rayonnement est direct et les végétaux se font eux-mêmes de l’ombre, ce qui diminue leur capacité à capter le CO2 atmosphérique (…)

La pollution atmosphérique a cependant un autre effet, antagoniste :plus l’air est pollué, moins les rayons du Soleil parviennent à la surface de la Terre. C’est ce qu’on appelle l’obscurcissement global. Si l’on déduit la perte de stockage de CO2 causée par ce phénomène, les chercheurs estiment à 10 % l’augmentation nette du puits de carbone causée par la pollution atmosphérique (…)

 » L’effet de réduction de la pollution de l’air au cours du prochain siècle ne sera pas dramatique puisqu’il est impossible d’éliminer toutes les particules en suspension dans l’atmosphère « , estime Olivier Boucher (…) directeur de l’équipe climat, chimie et écosystèmes au Met Hadley Center (…) « 

vaches dans Entendu-lu-web

Mots pour le dire, fictions pour le sentir

Mots pour le dire, fictions pour le sentir dans Entendu-lu-web mythe 

Ici et là, naviguant dans nos fragments nous avons pu constater des incohérences ou des impensées gravitant autour de la perspective écologique. De celle que nous appelons moyenne pour le dire vite.
Derrière les slogans « sauver la terre et combattre cela », manque la question de l’homme alors même que c’est bien de l’intrusion des effets (des effets) de ses propres actions dont il est question au présent. Manque des mots pour le dire (l’intrusion),
de la fonction artistique pour donner à sentir, manque de circulation des affects, des productions désirantes et des occasions d’expérimentations collectives, etc. Alors comment donner à nos savoirs une puissance d’agir ?

Semblant interférer avec ces lignes, quelques fragments de paroles d’Isabelle Stengers, Yves Citton et Fréderic Neyrat issus de l’émission Les vendredis de la philosophie : « Vivons-nous une époque catastrophique ? », France Culture, le 27 Février 2009.

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Petite capture
(synthèse d’ecoute subjective) 

Du manque des mots pour le dire à l‘intérêt de pouvoir nommer. Certains de nos mots les plus lourds (risque, prévention) procèdent d’un devenir inaudible, en ce qu’ils participent à coaguler un continuum temporel artificiel qui nous fait manquer le présent, l’irruption. Du jaillissement d’une nouveauté radicale, leur usage, manière de désigner encombrée, ne relèvent que d’une stratégie d’accommodation visant à produire une continuité historique, outil dans lequel nous pouvons continuer de puiser les sources de nos prévisions, business as usual, d’alimenter des grilles de risques, de produire des dangerosités, de (re)édifier les mêmes politiques de préventions.
Ce faisant, nous pouvons toujours continuer à vivre de la même manière, à faire l’économie – par l’économie – de penser un rapport (une attention) au monde nouveau (nouvelle). Ou comment parler du changement (mon message concerne le changement) sans que rien ne change (le métamessage est que ceci n’est pas un changement).

Pour en sortir (de cette double contrainte), il conviendrait de pouvoir fabriquer les mots nous permettant de penser ce qui nous arrive (changement climatique, prise de conscience des boucles d’interactions qui passe entre les choses). Or dans cet entre-deux (épistémès ?) étrange, où toute formulation nouvelle est bien difficile, voilà le temps où fiction et imagination, en tant que créatrices de figures nouvelles, peuvent susciter ce dont nous avons besoin, et que nous ne faisons tout juste que pressentir.
Donner à sentir, donner à penser autrement. Sortir de ce qui est déjà donné, des catégorisations inattentives come inopérantes qui prétendent non seulement ne pas avoir participé au processus catastrophique, pire, à le guérir.

On ne protège pas sans transformer. Mais transformer quoi ? La catastrophe est moins située dans l’environnement que dans les esprits, la façon dont ils pensent et dont ils ne pensent pas au (le) présent. La fiction ouvre sur des choses qu’on ne peut pas constater dans le donné, fraie des possibles. Le dehors nous arrive, ses changements, mais qu’est-ce que nous en faisons ? La fiction ou la fabrique de figures instauratrices pour nous forcer à l’imaginer autrement. Figures ou fictions qui ne disent pas le vrai mais provoquent le sentir et le penser.
Ainsi, prendre en considération l’aspect transitoire des choses, transformer nos manières d’être et de vivre, nécessite de nouvelles fictions instauratrices. Se libérer des déluges et autres figures de la culpabilité pour avancer, produire du commun et activer les savoirs à travers les nouvelles formes d’expérimentations collective qu’elles permettent.

Ce petit blog s’arrête donc ici pour s’orienter autrement, vers ces nouvelles figures et fictions d’un principe d’attention dont nous n’avons finalement fait, en tournant sur nous-même, que pressentir la pleine et entière nécessité.

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Palabre2 dans Isabelle Stengers

Fragments de paroles
(dans l’ordre de l’émission, retranscription partielle par mots-clés)

- (Y. Citton) La vraie catastrophe c’est le processus qui mène à la catastrophe.

- (F. Neyrat) Nous sommes dans le fourre-tout. Les phénomènes que l’on peut penser disjoints se mettent en communication entre eux.
(…) Est-ce bien la question de la nature ? L’intrusion à laquelle on a à faire ça serait plutôt l’intrusion de l’homme, de l’humanité. De l’humanité vis-à-vis d’elle-même (co-intrusion avec Gaïa). Pas de nature pure. Un nuage radioactif, c’est-à-dire un mélange de technique et de nature. Ce à quoi on a à faire ce sont aux effets de nos propres actions. On ne s’attaque pas au changement climatique, on s’attaque aux causes, c’est-à-dire ce que nous produisons. Nous assistons à la montée sur scène de ce que nous faisons nous-mêmes.

- (I. Stengers) Le point nouveau ce n’est pas qu’il y ait des catastrophes, mais bien qu’il y ait une mise en communication des différents facteurs. Instabilité radicale, transition vers un nouveau régime de l’ensemble des processus, jamais maîtrisables, mais dont nous tirions profit.
(…)
 Qu’avons-nous fait ? Nous = culpabilité ? Gémissement du nous devrions tous payer. Mais la question que je voudrais poser, c’est qu’est-ce qu’on nous a fait ? Qui est-ce nous ? Qu’est-ce qui fait que l’art de faire attention ait été dévasté ? Qu’est-ce qui fait que nous avons appris à ne pas faire attention ?

- (Y. Citton) Que faisons-nous ? La catastrophe c’est aussi ce qu’on fait maintenant tous les jours. Ce qui ne se voit pas.

- (I. Stengers) Pharmacone. Drogue ou remède en fonction de la manière dont on l’utilise, une forme de l’art de faire attention qui consiste à ne pas demander de garantie à ce qui pourrait être important pour nous. Qu’avons-nous fait ? Au sens de généralisation culpabilisante qui ne communique pas beaucoup avec l’action.

- (F. Neyrat) Inscrire la catastrophe dans une continuité c’est rater la spécificité du présent (déjà vu, religiosité). Cohorte de concepts associés qui rendent insensibles à ce qui arrive. Rendre impossible de faire attention. Comprendre ce que nous n’avons pas fait (histoire négative pour sortir de la culpabilité).
(…)
Lacan. Ce n’est pas de notre faute, c’est de notre fait. Obsession de la protection. Double contrainte. Superposition des phénomènes, inextricabilité. Il faut distinguer différents type d’usage de la catastrophe. Prévention, dangerosité, risque et potentialité versus atteintes réelle dans le tissu de nos vies : les dommages.

- (I. Stengers) Sentiment d’impuissance, panique froide. Nous écoutons sans y croire. Pour en sortir, nommer les choses. Ce qui m’inquiète, me fait penser, c’est ce moment de panique froide. Alors que des choses devraient se produire, rien ne se produit que du cosmétique. Et on le sait, tout le monde le sait, le savoir est là. Parfaitement présent, le savoir est impuissant. Alors comment donne-t-on à ce savoir une puissance ? Avant qu’il ne soit trop tard, avant que le capitalisme ne soit réorganise la situation à son mode ? (…)
Gaïa célèbre le tenir ensemble actif, donc instable, de ce qui fait de la terre une planète vivante. Gaïa revenant parmi nous est revenue par les scientifiques. Ils ont ainsi crée au-delà de Prométhée une nouvelle figure qui peut nous forcer à imaginer autrement. Figure ou fiction, nommer Gaïa est une opération (fabrique) qui ne dit pas le vrai mais provoque le sentir et le penser. Nous ne pouvons rien sur Gaïa, mais Gaïa peut changer de régime, et c’est ce qui nous menace.

- (Y. Citton) Il est question de la fiction comme condition de survie, la fiction en ce sens où la fiction fraie des possibles, où la fiction ouvre des choses qu’on ne peut pas constater dans le donné, ouvre des possible. La catastrophe est dans le processus et non dont l’évènement. La catastrophe est moins située dans l’environnement (notion ?) que dans les esprits (la façon dont on pense et dont on ne pense pas maintenant) où se coagule le chemin de la catastrophe. De plus, la catastrophe est dans un certain réalisme. Celui des experts, de l’administration du désastre et de la soumission durable qui ne se base que sur du donné.

- (I. Stengers) Ce réalisme j’ai décidé de l’appeler bêtise. Les formules comme « les gens ne sont pas capables de », « ce serait la porte ouverte à » … La catastrophe de ce réalisme c’est l’impuissance. Quand est-ce nous seront capables de la faire balbutier cette bêtise ?

- (F. Neyrat) Il ne suffit pas de protéger. On ne protège pas sans transformer. La prise en considération d’une vulnérabilité (les choses tiennent à peu de choses) nécessite un changement radical, pas de vivre sous la menace. Pas plus qu’elle ne repose sur l’humilité, en rajouter sur les problèmes, ou la sacralité, façons de se rendre insensible à nous-mêmes. Mettre de l’intouchable alors que l’intouchable c’est nous.  Prendre en considération l’aspect transitoire des choses, transformer nos manières d’être et de vivre, nécessite de nouvelles fictions instauratrices (produire du commun).

- (I. Stengers) La question n’est pas « nous avons été arrogants soyons humbles à présent ». La question c’est qu’est-ce qui nous est arrivé ? Qu’est-ce qu’on nous a fait (pour perdre l’attention) ?

- (Y. Citton) Deux communautés. Premièrement, une communauté d’affections (air, eau, nous sommes tous affectés). Il y a du radicalement nouveau, on sait qu’on est sensible, on sait qu’on est exposé, mais on réfléchit aussi à la manière dont les affects passent dans cette mise en communication des différents facteurs (communauté d’affects, quelle modalités de transmission des affects, des motivations ? Quelle structure médiatique ?). Deuxièmement, une communauté d’expérimentation collective, l’appel à la fabrication d’expériences collectives. Que pouvons-nous faire. Communiquer, faire circuler.

- (I. Stengers) Il faut faire avec, l’intrusion, ça nous arrive, alors qu’est-ce qu’un fait avec. On accompagne ceux des mots qu’on a tenté de fabriquer. Fabriquer des mots qui nous permettent de penser ce qui nous arrive. Un moment bizarre où c’est seulement la fiction et l’imagination qui peut susciter ce dont nous avons besoin.

- (F. Neyrat) Comment on intervient là-dedans, la catastrophe, dans ce mot qui est donné, dans la circulation des discours courant ? Quelque chose nous oblige à penser. L’intérêt d’intervenir là où ça parle.

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diapo_catastrophe10 dans La contre marche du pingouin

-> Entendre, voir :

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« Le prix Nobel d’économie Amartya Sen a consacré à cette question son dernier livre : Identité et violence. L’illusion d’une destinée. Nous sommes tous, rappelle-t-il, faits d’identités multiples et changeantes : familiale, culturelle, professionnelle, biologique, religieuse, philosophique, géographique, etc., dont la conjugaison fonde à la fois notre singularité et notre universalité. Enfermer une personne ou un groupe de personnes dans l’une de ces identités comme si c’était la seule est pour lui la source essentielle de discrimination, d’exclusion et de violence dans le monde. »
Propos de Jean-Claude Ameisen, exprimées lors de l’entretien mené avec Aliocha Wald Lasowski, intitulé : « Du vivant à l’éthique », in Pensées pour le nouveau siècle (sous la direction d’Aliocha Wald Lasowski), Ed. Fayard, 2008, pp. 282-283.

Questions de rythmes

Image de prévisualisation YouTube Configuration dynamique, modèle de danse.

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« Un environnement ? Une configuration dynamique, un organe sensoriel non localisé, un modèle de danse qui capture d’autres modèles de danse. » Gregory Bateson.

Questions de rythmes dans Bateson rythme

Questions de rythmes. Fragments de rencontres pour autant de représentations. Des vitesses et des lenteurs de Spinoza aux constructions rythmiques des territoires, des ritournelles de Deleuze et Guattari aux modèles de danse d’un Bateson, en passant par la biologie d’un Ameisen. Le rythme est variation, le rythme est construction, cohabitation et coévolution. 

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http://www.dailymotion.com/video/k49FhEt5eV9PMmVK22 Des vitesses et des lenteurs, machine territoriale et ritournelle. Extraits audios d’après : les nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, émission du lundi 26 janvier 2009, le rythme (1/5).

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http://www.dailymotion.com/video/k3gQchNXHceuDPnh80 Rythme et notion commune, savoir nager.

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http://www.dailymotion.com/video/k2A00HcWoiSJhwVMaB Cohabitation et coévolution des vitesses et des lenteurs en biologie et sculpture du vivant. Extraits audios d’après : les nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, émission du mercredi 28 janvier 2009, le rythme en biologie (3/5).

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http://www.dailymotion.com/video/k2NbiMQ9UZrli9UG33 Lecture de traces et territoire.

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Aventures urbaines et géographies forestières dans le roman canadien-français des années 1930, par Thomas Vauterin

«  L’auteur étudie la représentation de la forêt dans deux romans canadiens-français de la fin des années 1930: Menaud, maître-draveur et Les engagés du Grand Portage. Il montre d’abord comment la notion de territorialité, telle que développée plus tard par Deleuze et Guattari, a traditionnellement joué un rôle prépondérant dans l’interprétation de ces oeuvres. Cependant en considérant les descriptions de l’espace et les tendances idéologiques qui avaient cours au moment de leur parution, l’auteur montre que la forêt est aussi une figuration de la ville moderne, figuration portée par une volonté d’investir le monde mouvant du capitalisme. »

Environnements virtuels et nouvelles stratégies actantielles, par Valérie Morignat.

« Loin d’entraîner un phénomène de déréalisation, nous verrons que les environnements interactifs permettent l’appropriation de corporéités virtuelles qui enrichissent l’expérience du réel et impulsent de nouvelles modalités actantielles. Penser le fonds sémantique et symbolique de ces environnements artistiques fera apparaître leur fonction essentiellement « hiérophanique » dont le propre est de réenchanter notre rapport au réel en révélant sa multiplicité. »

Les nouvelles frontières de l’eau

Ou commence et où s’arrêt les frontière de notre « humanité ».
Aux limites du corps ? Ou bien à ce que l’on boit, mange et respire ?
Tous ces matériaux qui font notre devenir humain.

Quels sont ces endroits où les humains viennent pour devenir plus humain ? Quels sont les matériaux avec lesquels ils se combinent pour ?

Qui empêche quoi, qui occupe quoi et comment ?
Si beaucoup d’individus vivent aujourd’hui avec ce peu de tout, jamais aucun n’a fait sans eau.
L’eau, où cette colle mouvante qui enrobe le vivant, relie les intérieurs aux extérieurs. Alchimie de la terre à la glaise à sculpter.

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http://www.dailymotion.com/video/k6zX5drhpRTzCbR8g3 Sources audios d’après le documentaire « Pour l’amour de leau » diffusé mardi 18 novembre sur ARTE.

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Est-il imaginable de penser que près de 2 000 000 d’individus meurent chaque année faute de bénéficier d’un accès minimale à leur « matériel » eau ? Pour la plupart des enfants de moins de cinq ans.

Diarrhée pour les uns, fortes suspicions pour les autres. Poissons et grenouilles changent de sexe, les enfants passent encore 9 mois dans l’eau. Du côté de Boston, certains forent dans les parkings des sites pollués pour revendre cette eau dans des bouteilles plastiques étiquetées bonne santé.

Aujourd’hui troisième industrie mondiale derrière le pétrole et l’électricité, l’eau, son traitement et sa distribution. Un potentiel de croissance inégalé dont on estime qui sera très vraisemblablement multiplié par deux ou trois au cours des deux prochaines décennies quoi qu’il arrive par ailleurs.

Parmi le top three mondial, Suez et Veolia sont à la mode.fr. Leur propos, ouverture des marchés pour canalisation et grand barrage clés en main vendus sur fond de financements publics. 

En retour ? Une aggravation de l’état des écosystèmes locaux et du niveau de pauvreté des populations autochtones. Le pourquoi d’un tel constat ? Ces infrastructures, faciles à planifier et financer selon notre expérience, celles-ci se substituent à toute solution locale dans l’accès à la ressource. Des solutions dont on ne peut nier qu’elles soient bien plus adaptées à la nature des écosystèmes existants, comme aux besoins populations qui les habitent.

Des populations, qui quant elles ne sont pas simplement expulsées par tel ou tel projet de barrage, se voient tout simplement privées d’une participation minimale à la gestion de leur propre ressource hydrique.

Nouvelle forme d’occupation des territoires pour de nouvelles impuissances. Les exemples sont ici bien trop nombreux : guerres de l’eau en Bolivie, dérivation du Gange sous la houlette de l’opérateur Suez, sans parler de la destruction progressive de l’écoulement naturel des eaux  qui alimentent la forêt alluviale de l’Amazonie.

water

* Hier, l’eau était déjà la source de toutes les attentions des légistes de la cité.

 » Voilà la loi que je propose: quiconque aura corrompu l’eau d’autrui, eau de source ou eau de pluie ramassée, en y jetant certaines drogues, ou l’aura détournée en creusant, ou enfin dérobée, le propriétaire portera sa plainte devant les astronomes et fera lui-même l’estimation du dommage. Et celui qui sera convaincu d’avoir corrompu l’eau, outre la réparation du dommage, sera tenu de nettoyer la source ou le réservoir conformément aux règles prescrites par les interprètes, suivant l’exigence des cas ou des personnes  » Platon, Les lois, livre VII 400 a. JC.

En 960 après JC à Valence Espagne, sur la volonté du calife de Cordoue est créé le Tribunal de l’Eau. Une institution qui perdure encore aujourd’hui.

* Aujourd’hui voilà l’eau source d’attention des médecins légistes de tous les continents (cf. l’aide-mémoire sur les maladies liées à l’eau de l’OMS).

7 millions d’américains souffriraient ainsi annuellement d’infections liées à la consommation d’eau potable, comme 40% de nos « gastros » seraient d’origines hydriques. Mais à vrai dire peut importe les chiffres, tout cela demeure encore trop peu vérifiable. Un plus peut-être, ceux de l’OMS que l’on trouvera dans le tableau suivant.

Les nouvelles frontières de l'eau dans Entendu-lu-web image0026

Mais du légiste au médecin légiste, soyons bien sûr qu’une chose n’a pas changée, elle nous apparaît juste comme diluée derrière le paravent des « choses« .

Le fleuve Jaune, le Yangzé Kiang, l’Indus et le Brahmapoutre prennent leur source au Tibet, véritable château d’eau de l’Asie.
Hu Jintao, secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois a fait ses études à la faculté de conservation de l’eau de l’Université Tsinghua où il a obtenu un diplôme de spécialité en stations hydroélectriques. Il y a poursuivi ses études de 1964 à 1965 avant de devenir moniteur politique du département des sciences de conservation de l’eau. 
Selon la presse chinoise, le Tibet recèlerait environ 30 % des ressources hydrauliques de la Chine …

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-> Site de veille en français sur les diverses questions liées à l’eau.

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Image de prévisualisation YouTube Ça se transforme tout en restant dans le même fleuve… mais qui parfois s’agite, ralentit, dévale des cascades, se perd dans un lac puis repasse dans les eaux rapides… 

La mortification du présent

paysage

Le discours écologiste nous offre aujourd’hui une foule de concepts  »rateaux » finalement très peu questionnés à mesure qu’ils contaminent nos pensées. Développement durable, sauver la planète, générations futures, etc …
Voilà sans doute l’effet d’un discours qui précède encore à bien des égards ses usages, les mots manquant de cette manipulation épuratoire qui consiste aussi à les déshabiller de leurs masques anciens (moraline, religiosités, transcendance et finalisme de tout poil).

Une note de Thierry Pech parue sur le blog de 24 heures Philo questionne ainsi de manière nécessaire l’argument des générations futures.

 » Un argument a priori imparable revient depuis quelques années dans les débats sur l’environnement, la dette publique ou plus largement l’éthique ou l’avenir de la démocratie : l’argument des générations futures. Il faudrait prendre soin d’elles, anticiper leurs besoins, les inviter dans les débats d’aujourd’hui, les représenter, leur donner la parole… Depuis le Principe Responsabilité de Hans Jonas, leur prise en compte s’impose comme une nouvelle dimension de la vie politique et éthique. Ceux qui l’oublient passent rapidement pour des irresponsables, des fous ou d’incurables égoïstes. Du coup, cet argument en vient à prendre la forme d’un absolu indiscutable et d’ailleurs indiscuté. C’est précisément là que les choses pourraient commencer à déraper (…)  » Lire la suite et les commentaires associés.

Habiter techniquement la nature, naturellement la technique

http://www.dailymotion.com/video/k6Lf79H8mpN6S2NBjR Expérimenter, accepter de co-habiter, co-évoluer, éveil global et co-présence au monde. Extraits audio d’après les nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, émission du jeudi 9 octobre 2008. Série consacrée à la philosophie de l’écologie, brique 4/5 avec Michel Puech, philosophe.

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Les nouveaux chemins de la connaissance proposaient cette semaine un ensemble d’émissions articulées autour du vaste thème de la philosophie de l’écologie. Disons immédiatement et le peut-être à tort, après tout il est avant tout question d’affinités sur ce blog, mais seul un des intervenants n’aura réellement retenu notre attention.

La synthèse qu’opère Michel Puech entre homme, nature et technique, celle-ci nous est ainsi apparue comme une matière première de réflexion très largement supérieure aux divers discours oppositionnels entendus le reste de cette semaine. Nature contre technique, écologie scientifique contre politique, économie ou social contre écologie, environnement contre développement, individuel contre collectif ou institution, etc.
Voilà, et à la limite inversement et du pareil au même dans un système ou mode de pensée qui semble aujourd’hui tout à fait inopérant pour ce qui est de produire de quelconques effets dans le réel, le début d’un investissement désirant. Si l’émission entendait d’ailleurs poser la question suivante : «  à quoi tient, en France, la faiblesse de l’écologie politique ? « , voilà sans doute le début d’une réponse.

Habiter techniquement la nature, naturellement la technique dans Entendu-lu-web rechauffementplanete

Sans s’attarder plus longtemps sur ces diverses interventions dont chacun formera son opinion, tentons donc tant bien que mal de résumer quelque peu le discours de Michel Puech. 

- Nous ne pouvons diviser entre technique et nature, comme nous avons toujours habité techniquement la nature et naturellement la technique.
La question qui est posée est donc celle du comment continuer à cohabiter ensemble aujourd’hui ?
L’homme, la nature et le monde des artefacts, ces trois personnages coévoluent ensemble. Rétroactions. L’homme modifie une nature qui le modifie en retour, l’homme modifie une technique qui le modifie en retour, et inversement.

- Un questionnement sur les effets de l’abondance plus qu’un discours plaqué sur l’économie de la rareté. 
Si la nature semble touchée par les pénuries, l’homme est quant à lui affecté des effets nées de l’abondance des biens disponibles, pour en retour, une rareté de ses ressources en sens, conscience et sagesse.

- Le retour par le singulier d’une sagesse individuelle à conquérir. 
Il n’est véritablement envisageable de solutionner des problèmes d’une nature globale qu’à travers une micro-politique de l’action quotidienne à ne surtout pas abandonner aux filets des héroïsmes institutionnels comme idéologiques. Car l’objectif est bien de viser, en partant de la matière première individuelle, à l’émergence de nouveaux types de collectifs fluides. Habiter naturellement la technique, notamment celle de l’internet, soit le modèle de combinaison, rencontre et production des wikipédia comme du logiciel libre. Nous retrouvons ici comme un écho ou une interférence commune avec l’image ou le processus de colonisation végétale auquel nous nous référons bien volontiers sur ce blog.

- La trajectoire de la sagesse se distingue de celle du savoir.
Pour mieux le comprendre, passage par la figure poète d’un 
Thoreau. Coprésence au monde, capacité à intégrer les artefacts dans une vision englobante et littéraire du monde. Soit peut-être ce que nous avions autrefois appelé, faire son cinéma ou son récit. Le récit du monde, le film de l’enfance d’un monde, soit cet artifice qui nous permet précisément de ne pas avoir à choisir entre la technique et la nature, de densifier sa présence à un monde compris comme un ensemble en coévolution, et dont nous portons des traces [à remonter]. 

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http://www.dailymotion.com/video/k54hs8WEvypIAILViX Variations climatiques sur un même thème.

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