Notions de base sur les écosystèmes: ordre, information et entropie

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     Le concept d’auto-organisation, issu du domaine de la cybernétique, permet de concevoir qu’il puisse exister au sein de tout système biologique une certaine « créativité ». Que peut un environnement ? On ne le sait pas à l’avance. Henri Atlan, l’un des pionniers des théories de la complexité du vivant, parle d’auto-organisation pour tout système ayant « la capacité d’utiliser les phénomènes aléatoires pour les intégrer dans le système et les faire fonctionner comme des facteurs positifs, créateurs d’ordre, de structures, de fonctions ».

Dans le domaine biologique, les processus d’auto-organisation sont, par définition, ceux qui n’obéissent ni à une série formelle d’instructions d’origine interne (programme génétique), ni à une succession de stimuli externes prévus et nécessaires (programme épigénétique), ni à un apprentissage imposé en fonction de niveaux de développement du système nerveux central (programme scolaire). Ces processus d’auto-organisation découlent des propriétés intrinsèques du système : l’ouverture, la complexité, la redondance, la fiabilité, la compétence.

Dans le cas du système nerveux central, la répétition, ou plus précisément la redondance, se traduit par le fait que de nombreux éléments identiques quant à la structure et à la fonction sont interconnectés entre eux et ne sont pas tous localisés en un même lieu. Ces propriétés lui permettront, dans le cas où surviennent des perturbations aléatoires, de rattraper l’inévitable et transitoire désorganisation, voire même de créer du nouveau par accroissement de complexité. C’est-à-dire par diminution de la redondance et augmentation des spécifications neuroniques.

Il s’agit ici d’une application de la théorie de l’information, théorie qui avec Von Forster avait permis d’établir le principe « d’ordre à partir du bruit ». L’ordre ou la complexité par le bruit constitue le principe même de l’auto-organisation.  Pour se maintenir à un état d’équilibre, un système ouvert doit nécessairement s’adapter aux perturbations de l’extérieur (le bruit) en se désorganisant pour mieux se réorganiser, élevant en cela son degré de complexité interne.

Entropie et information

     Selon la thermodynamique classique, on défini l’entropie (second principe) d’un système physique pourvu d’une certaine quantité d’énergie et d’un certain ordre, par le fait que celui-ci ne peut évoluer spontanément que vers un état d’équilibre thermique homogène. Cet état signifie que le système est devenu indifférent à ce qui l’entoure, c’est-à-dire qu’il a atteint un désordre maximal du fait de la désorganisation progressive des structures matérielles qui le composent. Dit plus grossièrement, tout phénomène laissé à lui-même va à sa perte selon les lois de l’entropie universelle.

Par suite, c’est le physicien franco-américain Léon Brillouin qui a introduit la notion de néguentropie ou d’entropie négative. Pour diminuer l’entropie d’un système, il faut donc lui fournir de la néguentropie, c’est-à-dire une certaine quantité d’information. En 1950, Léon Brillouin calculera le coût énergétique minimum de toute information permettant de définir « l’efficience d’une expérience, par le rapport entre l’information acquise sur le coût entropique ».

image00122 dans -> NOTIONS D'ECOLOGIE

image00212 dans -> PERSPECTIVES TRANSVERSES

état désordonné

état ordonné

     Le passage d’un état désordonné à un état plus ordonné s’explique donc par l’annulation de la production d’entropie par le système, annulation résultant de la réception par celui-ci d’un flux externe d’informations permettant l’adoption par les éléments du système d’un comportement cohérent, «plus ordonné ». L’information s’oppose à l’entropie par ses capacités de reproduction, de répétition (apprentissage), de différentiation mais également de régulation, c’est-à-dire de rétroaction et de correction d’erreurs.

Ainsi pour Ernest Lawrence Rossi « la vie est une qualité de la matière qui surgit du contenu informationnel inhérent à l’improbabilité de la forme ». Physiquement, ce qui fait une information (un bit) c’est une « redondance improbable » qui permet d’identifier un signal, de le détacher un bruit de fond. L’information c’est l’écart, c’est l’exception, ou encore c’est « une différence qui fait la différence » comme le souligne Gregory Bateson.

Pour Roger Balian : « entropie, manque d’information, incertitude, désordre, complexité, apparaissent donc comme des avatars d’un seul et même concept. Sous l’une ou l’autre de ces formes, l’entropie est associée à la notion de probabilité [...] Elle caractérise non pas un objet en soi, mais la connaissance que nous en avons et nos possibilités de faire des prévisions. Elle a donc un caractère à la fois objectif et subjectif ». Autrement dit le concept d’information se révèle être autant subjectif qu’objectif, puisque si l’information doit renvoyer à un phénomène objectif et que sa valeur est dans son improbabilité, il n’y a d’information constituée que par un récepteur, un système cognitif.

Information et écosystèmes

image0044 dans Ecosystemique

     Un système peut se représenter comme une différenciation interne entretenue par un flux énergétique externe. Le flux qui traverse le système détermine un intérieur différencié et un extérieur constituant l’environnement du système, ouvert à la circulation des flux qui assurent la régulation de l’ensemble. Un système est donc toujours relié à un environnement, à une écologie.

image0054 dans Ilya Prigogine

Un des aspects qui se dégage de l’étude des écosystèmes, c’est que ceux-ci sont toujours traversés par deux flux :

  • Un flux d’énergie, dont l’origine est solaire et qui traverse successivement les producteurs primaires (les végétaux autotrophes capables de réaliser la photosynthèse), puis les consommateurs et les décomposeurs qui dispersent cette énergie en respirant, transpirant et produisant des déchets.

  • Un flux de matière qui circule en permanence entre herbivores, carnivores, détritivores, coprophages, nécrophages, etc. et tous les organismes de la microfaune et de la microflore qui participent à la minéralisation de la matière organique nécessaire à l’alimentation minérale des plantes, et donc à la fermeture des cycles (biogéochimiques) de la matière. Ces flux de matière font naître et entretiennent des structures alors que la seconde loi de la thermodynamique (entropie) établit que près de l’équilibre, ces structures disparaissent (entropie maximale).

     Malgré l’incertitude fondamentale concernant l’évolution de tout système complexe, des régularités s’observent. Tout d’abord des alternances entre complexification et simplifications. Les stratégie de développement débutent par une phase « juvénile » de production matérielle quantitative. C’est à dire une stratégie de reproduction maximale avec une durée de vie courte des populations. Celle-ci aboutit alors, en l’absence de perturbation, au « développement de la maturité ». Un tel stade correspond au climax, soit à une économie d’énergie globale par l’accumulation d’information dans les structures, la différenciation, le recyclage, la protection, la réduction de la fertilité et l’allongement des durée de vie. A une stratégie de reproduction se substitue donc dans le temps une stratégie de survie (voir l’article sur les successions végétales). Un tel système peut donc être défini comme une accumulation d’information dans le temps. Information dont la fonction biologique est précisément la résistance à l’entropie (reproduction, croissance, différenciation, auto-organisation, complexification).

La thermodynamique des systèmes vivants est celle des systèmes dissipatifs. C’est à dire la thermodynamique des systèmes ouverts traversés par un courant d’énergie qui les maintient loin de l’équilibre. Pour Prigogine, les structures biologiques exigent une dissipation constante d’énergie et de matière, d’où leur nom de structures dissipatives : « c’est par une succession d’instabilités que la vie est apparue. C’est la nécessité, c’est-à-dire la constitution physicochimique du système et les contraintes que le milieu lui impose, qui détermine le seuil d’instabilité du système. Et c’est le hasard qui décide quelle fluctuation sera amplifiée après que le système a atteint ce seuil et vers quelle structure, quel type de fonctionnement il se dirige parmi tous ceux que rendent possibles les contraintes imposées par le milieu. »

Le métabolisme de la cellule ou de l’écosystème correspond donc à ce torrent d’énergie constant qui doit traverser un système vivant pour en assurer le maintien à long terme. Ce flux d’énergie passe d’un niveau à l’autre sous forme de transfert d’information (message chimique, visuel, etc.) et/ou de matière, et il n’y a jamais un saut de niveau : on ne passe pas directement des cellules aux écosystèmes, mais les interactions se font entre niveaux d’organisation successifs.

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     En théorie des systèmes, plus les voies de circulation de l’énergie sont nombreuses, plus un système est capable de s’autoréguler. Autrement dit, un système est dit persistant (résiliant) si tout blocage du flux d’énergie/matière en tout point du réseau est compensé par la mise en place d’un autre cheminement possible. Dans les écosystèmes, il y a stabilité sur une très grande échelle temporelle car il y a souvent redondance. Toutes les interactions sont viables, car elles existent depuis longtemps, mais toutes ne sont pas nécessaires.

En s’élevant dans les différents niveaux d’organisation, on part d’un niveau où toutes les interactions sont nécessaires et où il n’existe pas d’alternative ou en tout cas très peu d’alternatives (niveau moléculaire, cellulaire), et on arrive à des niveaux « baroques » avec redondance dans les écosystèmes complexes. Au niveau de l’organisme (niveau intermédiaire entre la cellule et l’écosystème), les boucles de régulations du système endocrinien sont complexes et multiples, mais témoignent d’un niveau de complexification tel que des alternatives sont possibles pour assurer la stabilité et l’intégrité de l’individu. Aux niveaux inférieurs, c’est soit la disparition pure et simple, soit l’attente de conditions plus favorables avec formes de résistance ou de dissémination à longue distance.

  • à petite échelle (micron), la stabilité est plus facile à atteindre à travers le développement de fonctions de maintenance de la stabilité du milieu interne vis à vis des fluctuations externes.

  • à grande échelle (kilomètre), les fluctuations possibles étant très nombreuses, il faut donc en permanence ajuster le développement des redondances pour assurer un nouveau cheminement de l’énergie et de l’information en cas de blocage.

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Article d’après sources et extraits :

21 Réponses à “Notions de base sur les écosystèmes: ordre, information et entropie”


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  • 6èmes Rencontres Sciences et Techniques de l’environnement :
    L’énergie

    Istres, du 27 au 31 octobre 2003

    Atelier
    Ecosystèmes

    Définition d’un Ecosystème

    Qu’est-ce qu’un écosystème ?

    Historiquement la notion d’écosystème est née du concept de biocénose : populations qui vivent ensemble (les populations sont liées entre elles) ; puis de la notion de succession écologique (les populations sont liées aux milieux).

    Écos : signifie maison

    Darwin : toute espèce vivante va essayer d’accaparer le maximum d’espace pour elle.

    Définition :

    Un écosystème est un ensemble dynamique d’organismes vivants (plantes, animaux et micro-organismes) qui interagissent entre eux et avec le milieu (sol, climat, eau, lumière) dans lequel ils vivent.

    Les dimensions des écosystèmes peuvent varier considérablement; ils peuvent être très petits, comme une mare ou un arbre mort, ou être gigantesques, comme la Terre. Un écosystème peut aussi se définir en fonction principalement de la végétation, d’une espèce animale ou du relief, par exemple.

    Les grands écosystèmes sont généralement décrits comme :

    des écosystèmes aquatiques – en eau salée ou en eau douce;
    des écosystèmes terrestres – les forêts, les prairies, les déserts, etc.
    Les écosystèmes forestiers se caractérisent par la prédominance des arbres, de même que par la faune, la flore et les cycles écologiques (énergie, eau, carbone et éléments nutritifs) qui leur sont étroitement associés.

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