Des ponts pour des chaussées : Spinoza pour l’écologie ? (partie 3)

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Retour sur les affects

Des notes précédentes, nous voilà donc avec un homme dans la Nature en tant que partie spécifique non suffisante à elle-même, et par là-même déterminée à agir ou pâtir selon des lois de composition et de décomposition de la Nature. Tel corps est ainsi déterminé à agir par tel autre dans l’Etendue, telle idée est déterminée par telle autre dans la Pensée, et ainsi s’enchainent les modes par causalité successives, cela de manière parallèle dans chaque attribut.

L’homme ne vivant pas dans une cloche sous vide, son corps se combine avec les corps qu’il rencontre dans la Nature, de sorte que sa puissance d’agir ne cesse d’être entièrement remplie des affections du dehors, sa puissance de penser, des idées plus ou moins adéquates qu’il se fait de ces mêmes affections.

Tout en sachant que Spinoza ne parle pas de force autrement que de la force du désir, des passions etc., c’est-à-dire au sens d’un degré d’intensité, du rapport de puissance entre la cause extérieure et ma puissance qui détermine la force de ma passion, on trouve peut-être une variation nietzschéenne de cette proposition combinatoire d’un homme en devenir, aux frontières mobiles dans la mesure où il ne se suffit pas à lui-même, notamment chez un Deleuze commentant Foucault à propos du thème de la mort de l’homme.

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« [...] c’est que les forces de l’homme ne suffisent pas à elles seules à constituer une forme dominante où l’homme peut se loger. II faut que les forces de l’homme (avoir un entendement, une volonté, une imagination, etc.) se combinent avec d’autres forces [...] »
Deleuze, Pourparlers.

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Pour revenir plus directement à Spinoza, l’homme ne cesse donc de rencontrer d’autres corps dont les effets s’inscrivent (intensités) sur le sien, les affections, de sorte que de l’idée qu’il se forme de celles-ci, il devient plus ou moins capable ou incapable selon que ces rencontres se composent tantôt avec son corps (affect de joie du gain de puissance), ou le décompose (affect de tristesse de la perte de puissance).

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« (…) lorsque nous rencontrons un corps extérieur qui ne convient pas avec le nôtre (c’est-à-dire dont le rapport ne se compose pas avec le nôtre), tout se passe comme si la puissance de ce corps s’opposait à notre puissance, opérant une soustraction, une fixation : on dit que notre puissance d’agir est diminuée ou empêchée, et que les passions correspondantes sont de tristesse. Au contraire, lorsque nous rencontrons un corps qui convient avec notre nature, et dont le rapport se compose avec le nôtre, on dirait que sa puissance s’additionne à la nôtre: les passions qui nous affectent sont de joie, notre puissance d’agir est augmentée ou aidée. Cette joie est encore une passion, puisqu’elle a une cause extérieure ; nous restons encore séparés de notre puissance d’agir, nous ne la possédons pas formellement. Cette puissance d’agir n’en est pas moins augmentée proportionnellement, nous nous « rapprochons » du point de conversion, du point de transmutation qui nous en rendra maître, et par là dignes d’action, de joies actives[1]. »
Spinoza, Philosophie pratique par Gilles Deleuze.

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Pour se représenter les choses plus auditivement parlant, peut-être est-il possible de proposer ceci. L’insertion dans une combinaison, affections et inscriptions dont tel ou tel corps est capable dans une machine à x corps, celle-ci s’exprime dans l’esprit par un affect. Un affect, c’est-à-dire le sentiment qu’enveloppe l’idée de l’affection du corps extérieur sur le mien. C’est-à-dire la musique qui nous alerte qu’une conscience est en train de naître, une conscience de la transition entre deux états intensifs du corps, précisément du fait d’une ou x connexions et inscriptions. L’affect ou le sentiment conscient d’une transition vécue entre plusieurs inscriptions, impressions d’un corps extérieur sur le mien.

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« (…) comme les affections ne sont pas séparables d’un mouvement par lequel elles nous font passer à une perfection plus grande ou moindre (joie et tristesse), suivant que la chose rencontrée se compose avec nous, ou bien au contraire tend à nous décomposer, la conscience apparaît comme le sentiment d’un tel passage, du plus au moins, du moins au plus, témoin des variations et déterminations du conatus en fonction des autres corps ou des autres idées. L’objet qui convient avec ma nature me détermine à former une totalité supérieure qui nous comprend, lui-même et moi. Celui qui ne me convient pas compromet ma cohésion, et tend à me diviser en sous-ensembles qui, à la limite, entrent sous des rapports inconciliables avec mon rapport constitutif (mort). La conscience est comme le passage, ou plutôt le sentiment du passage de ces totalités moins puissantes à des totalités plus puissantes, et inversement. Elle est purement transitive. Mais elle n’est pas une propriété du Tout, ni d’aucun tout en particulier; elle n’a qu’une valeur d’information, et encore d’une information nécessairement confuse et mutilée. »
Spinoza, Philosophie pratique par Gilles Deleuze.

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De cette conscience transitive et partielle, voir le cinéma de Lynch pour illustration. Là où il y a toujours une musique qui flotte dans l’air. La variation intensive des lumières ou des sons quand tel ou tel personnage se connecte à un autre monde, à une autre machine, où à l’être dont nous pourrions être fonction comme le dit Nietzsche.

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« (…) la conscience n’apparaît d’habitude que lorsque le tout veut se subordonner à un tout supérieur, elle est d’abord la conscience de ce tout supérieur, de la réalité extérieure au moi ; la conscience naît par rapport à l’être dont nous pourrions être fonction, elle est le moyen de nous y incorporer. »
Nietzche, cité sans source dans Spinoza, Philosophie pratique par Gilles Deleuze, p. 33, Ed de Minuit.

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Mais voir également n’importe quelle transition sonore entre deux plans cinématographique. Voir aussi le concept de ritournelle tel que développé par Deleuze et Guattari en lien avec le processus de déterritorialisation. Quand tel ou tel individu change de territoire, et donc la nature de ses branchements, quelles musiques chante-t-il ?

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La communauté des hommes raisonnables

L’Ethique de Spinoza consistera donc à atteindre à la compréhension de sa nature, c’est-à-dire à la compréhension intuitive de la relation de cette partie spécifique qu’est l’homme au tout de la Nature. Nous faisons partis d’un tout, mais nous avons à construire cette partie, ce qui ne contredira pas le tout. L’autonomie des parties dans un tout, le degré de liberté des composants d’un système complexe, des questions que pose l’écologie moderne en bonne fille de la biologie et de la cybernétique.

On comprend donc que l’objectif de Spinoza ne peut être la cherche d’une quelconque fusion de l’homme, mode fini et partie de la Nature, dans le tout unique qu’elle constitue. Il s’agit d’une insertion, de la compréhension intuitive de l’intégration du mode fini dans l’attribut, corps dans l’Etendue, idées dans la Pensée. Je forme alors des idées adéquates, j’accède à des joies actives, c’est-à-dire à l’amour (joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure) de soi pour soi-même, c’est-à-dire à l’amour de la Nature (dont je suis partie) pour elle-même. Un amour dont nous dit Spinoza qu’il est entretenu en nous avec d’autant plus de force que nous nous représentons un plus grand nombre d’hommes comme unis avec la Nature dans de ce même lien d’amour.

Ici, point de communauté de destin entre les différents existants. Hommes, animaux, plantes vertes différent non en ce qu’ils sont fait de la même Nature, mais en tant que modification de cette Nature (mode fini), par leur degré de puissance sur une échelle quantitative des êtres. Selon leurs rapports constitutifs, rapports de vitesses et lenteurs entre les particules qui composent leurs corps, ils ne sont pas capable des mêmes actions et passions, et n’ont pas ainsi les mêmes utiles propres. L’apparition de propriétés et de fonctions nouvelles se fait ici par combinaison de puissance entre des éléments de même Nature, combinaison dont les nouvelles capacités à affecter et être affecté font apparaître des puissances nouvelles.
Konrad Lorentz disait que chaque étape de l’évolution faisait apparaître quelque chose qui n’avait jamais été et engendrait donc une différence de nature. Chez Spinoza, l’idée de toute chose existe de toute éternité dans la Nature. Dès lors il n’y a juste que des actualisations de combinaisons de puissance sur une échelle quantitative, sans différence de Nature, mais produisant des natures caractéristiques (le corps humain par exemple). Dans ce qui nous apparaît à nous comme l’émergence de puissances nouvelles, un tout peut davantage que ses parties réunies.

Découle de ces différences de degré de puissance entre les existants que l’homme ne vit jamais mieux que dans le monde des hommes avec lesquels il partage les capacités d’affection comme le pouvoir de former des idées de ses idées. Une collectivité humaine qu’il perçoit d’abord comme le résultat des effets des autres corps et idées sur le sien et les siennes, mais une collectivité où il peut trouver les meilleurs nourritures, ses meilleures convenances, les jeux de puissances combinatoires qui lui permettront de découvrir et d’exercer son utile propre : ce qui est bon pour lui en fonction de sa puissance, des affects dont il est capable.

« (…) De toute manière, il y a toujours des rapports qui se composent dans leur ordre, conformément aux lois éternelles de la nature entière. Il n’y a pas de Bien ni de Mal, mais il y a du bon et du mauvais.
(…) Le bon, c’est lorsqu’un corps compose directement son rapport avec le nôtre, et, de tout ou partie de sa puissance, augmente la nôtre. Par exemple, un aliment. Le mauvais pour nous, c’est lorsqu’un corps décompose le rapport du nôtre, bien qu’il se compose encore avec nos parties, mais sous d’autres rapports que ceux qui correspondent à notre essence : tel un poison qui décompose le sang. Bon et mauvais ont donc un premier sens, objectif, mais relatif et partiel : ce qui convient avec notre nature, ce qui ne convient pas. Et, par voie de conséquence, bon et mauvais ont un second sens, subjectif et modal, qualifiant deux types, deux modes d’existence de l’homme : sera dit bon (ou libre, ou raisonnable, ou fort) celui qui s’efforce, autant qu’il est en lui, d’organiser les rencontres, de s’unir à ce qui convient avec sa nature, de composer son rapport avec des rapports combinable et, par là, d’augmenter sa puissance. Car la bonté est affaire de dynamisme, de puissance, et de composition de puissances. Sera dit mauvais, ou esclave, ou faible, ou insensé, celui qui vit au hasard des rencontres, se contente d’en subir les effets, quitte à gémir et à accuser chaque fois que l’effet subi se montre contraire et lui révèle sa propre impuissance (…) » 
Spinoza, Philosophie pratique par Gilles Deleuze.

Nuançons, car l’homme peut tout aussi bien être le pire des ennemis pour l’homme. Une bien mauvaise combinaison. Spinoza dit ainsi que rien n’est plus utile à l’homme qu’un autre homme vivant sous la conduite de la raison. La raison ? L’homme ne naît pas raisonnable, il le devient. Il le devient en apprenant à sélectionner et organiser ses bonnes rencontres dans la Nature, celles qui conviennent à sa nature (utile propre) et lui procurent de la joie (gain de puissance d’agir et de penser).

A partir de là, reste pour lui à comprendre les rapports qui entrent en jeu dans cette composition joyeuse. Une joie n’est pas encore une action ou affect actif. Elle le deviendra quand l’individu comprendra ce qu’il y a de commun entre son corps et ce corps extérieur qui l’affecte de joie. Ce que Spinoza appelle notion commune, ou second genre de connaissance, c’est-à-dire la connaissance des rapports ou des causes. D’un tel raisonnement sur une notion commune, il pourra alors déduire d’autres rapports à partir desquels il sera capable d’éprouver de nouveaux sentiments actifs. Les sentiments ou affects actifs naissent donc d’une raison qui est d’abord sélection.

Mais l’objectif, c’est bien d’éprouver des affects actifs. La connaissance seule ne suffit pas. Je peux voir le bon et continuer à faire le pire tant que je suis fixée dans des images, des affects qui ne conviennent pas à ma nature et qui viennent diminuer ou empêcher ma puissance. Or Spinoza nous dit que seul un désir peut vaincre un autre désir. La connaissance intellectuelle seule ne peut venir à bout d’une fixation dans un affect et son imagerie.

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PROPOSITION XXI, ETHIQUE IV

« Personne ne peut désirer être heureux, bien agir et bien vivre, s’il ne désire en même temps être, agir et vivre, c’est-à-dire exister en acte (actu). »

C’est là toute la nécessite de l’activation désirante des connaissances que nous prenons du monde, cet art ou cette alchimie spinoziste de la transformation d’une connaissance en affect actif. Tout commence par désirer sortir de la tristesse née des idées inadéquates pour chasser les faux désirs qui en découlent. Seul un désir peut vaincre un autre désir. A partir delà, je pourrais former des joies locales (sur une notion commune) afin de gagner en puissance. Dès lors il conviendra de surfer dessus et de contaminer mon corps et mon esprit par la joie.

Scolie, Proposition XVIII, Ethique IV

(…) la Raison ne demande rien contre la Nature; elle demande donc que chacun s’aime soi-même, qu’il cherche l’utile qui est sien (suum utile), c’est-à-dire ce qui lui est réellement utile, et qu’il désire (appetat) tout ce qui conduit réellement l’homme à une plus grande perfection ; et, absolument parlant, que chacun s’efforce, selon sa puissance d’être, de conserver son être. Et cela est vrai aussi nécessairement qu’il est vrai que le tout est plus grand que sa partie (voir la proposition 4, partie III).
Ensuite, puisque la vertu (selon la définition 8 ) n’est rien d’autre qu’agir selon les lois de sa propre nature, et que personne (selon la proposition 7, partie III) ne s’efforce de conserver son être, sinon selon les lois de sa propre nature, il suit de là :
1° Que le fondement de la vertu est l’effort même pour conserver son être propre, et que le bonheur consiste pour l’homme à pouvoir conserver son être ;
2° Que la vertu doit être désirée (appetendam) pour elle-même, et qu’il n’y a rien qui l’emporte sur elle ou qui nous soit plus utile, ce pourquoi on devrait la désirer;
3° Enfin, que ceux qui se donnent la mort ont l’âme impuissante et sont entièrement vaincus par des causes extérieures qui sont contraires à leur propre nature.
De plus, il résulte du postulat 4 de la deuxième partie qu’il nous est impossible de n’avoir besoin de rien d’extérieur nous pour conserver notre être et de vivre de façon à n’avoir aucun commerce avec les choses qui sont hors de nous. Et si, en outre, nous considérons notre esprit, notre entendement serait certes plus imparfait si l’esprit était seul et ne comprenait rien que lui-même. Beaucoup de choses existent donc hors de nous qui nous sont utiles et qu’il faut désirer pour cette raison. Parmi elles, on n’en peut trouver de meilleures que celles qui s’accordent (conveniunt) tout à fait avec notre nature. En effet, si, par exemple, deux individus tout à fait de même nature sont unis l’un à l’autre, ils composent un individu deux fois plus puissant que chacun d’eux en particulier. A l’homme, rien de plus utile que l’homme ; les hommes, dis-je, ne peuvent rien souhaiter de supérieur pour conserver leur être que d’être tous d’accord en toutes choses, de façon que les esprits et les corps de tous composent pour ainsi dire un seul esprit et un seul corps, et qu’ils s’efforcent tous en même temps, autant qu’ils peuvent, de conserver leur être, et qu’ils cherchent tous en même temps ce qui est utile à tous. D’où suit que les hommes qui sont gouvernés par la Raison, c’est-à-dire les hommes qui cherchent sous la conduite de la Raison ce qui leur est utile, ne désirent (appetere) rien pour eux-mêmes qu’ils ne désirent (cupiant) pour les autres hommes, et par conséquent sont justes, de bonne foi (fidos) et honnêtes.
Tels sont les commandements de la Raison que je m’étais proposé de montrer ici en peu de mots, avant de commencer à les démontrer selon une méthode plus développée. Et j’ai ainsi procédé afin de capter, si possible, l’attention de ceux qui croient que ce principe – que chacun est tenu de chercher l’utile qui est sien – est le fondement de l’immoralité (impietas), et non celui de la vertu et de la moralité (pietas). Donc, après avoir montré brièvement que c’est le contraire, je continue ma démonstration par la même voie que nous avons suivie jusqu’ici. 

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L’Ethique de Spinoza est donc un chemin individuel qui consiste dans un premier temps à lutter contre les passions tristes pour découvrir son utile propre. Mais ce chemin individuel est comme encadré en ces deux extrémités temporelles par le collectif. Tout d’abord parce que l’individu pousse dans le terreau du collectif, y puise ses nourritures et ses poisons, mais également parce qu’une fois que tel ou tel individu accède à de vraie joies, c’est tout ce terreau du collectif qu’il contribue à nourrir ou faire pousser en retour. Les tristesses s’imitent et s’additionnent dans la soustraction, les joies donnent à comprendre et s’additionnent dans les puissances, alors tout pousse et gagne en puissance de concert. La distinction entre l’individu et le collectif s’efface. Elle est ici à rapprocher du parallélisme plus que de la causalité, à l’image de l’arbre et de la forêt. Il n’y a pas dichotomie entre éthique individuelle d’un côté et morale collective de l’autre.

L’arbre est une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la forêt, elle-même association d’arbres dont les interactions produisent leur lieu de vie qu’est la forêt.
L’homme est une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la société humaine, elle-même association d’homme dont les interactions produisent leur lieu de vie qu’est la société humaine.

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«  (…) chez Spinoza (…) l’aliénation ne se laisse pas penser comme un écart à une origine perdue, comme un écart à soi, mais par l’incorporation d’une puissance extérieure due à l’activité même du désir qui contribue à distraire l’individu de la recherche de son utile propre. L’imitation des affects est le concept clé qui, chez Spinoza, rend compte de cette contrariété par laquelle chacun se fait impuissant (…) 
La vie commune est une construction des sujets dans laquelle prennent sens les expériences de chacun, elle n’est pas simplement une coopération, mais un effort collectif. C’est le principe d’imitation des affects qui permet aux individus tout en affirmant leur ingenium propre de composer un ingenium collectif. L’action collective précède donc l’action individuelle, non en la causant, mais en constituant constamment sa référence en acte. »
Pascal et Spinoza – Pensée du contraste : de la géométrie du hasard à la nécessité de la liberté par Laurent BOVE, Gérard BRAS, Éric MÉCHOULAN. Extraits de la préface de l’ouvrage : L’Ethique, un chemin d’éveil individuel dont la dont l’action collective demeure la référence en acte. On notera ici le rôle donné à l’exemplarité et de l’expérimentation par rapport à la prescription.

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PROPOSITION XXVII, ETHIQUE III

SCOLIE

Si nous imaginons qu’une chose semblable à nous et pour laquelle nous n’avons éprouvé aucun sentiment [affect] est affectée de quelque sentiment [affect], nous sommes par cela même affectés d’un sentiment semblable.

DÉMONSTRATION

Les images des choses sont des affections (affectiones) du corps humain, dont les idées nous représentent les corps extérieurs comme étant présents (selon le scolie  de la proposition 17, partie II), c’est-à-dire (selon la proposition 16, partie II) dont les idées enveloppent à la fois la nature de notre corps et la nature présente d’un corps extérieur. Si donc la nature d’un corps extérieur est semblable à la nature de notre corps, l’idée du corps extérieur que nous imaginons enveloppera une affection de notre corps semblable à l’affection du corps extérieur; et par conséquent, si nous imaginons quelqu’un de semblable à nous comme affecté de quelque sentiment, cette imagination exprimera une affection de notre corps semblable à ce sentiment ; et par suite le fait d’imaginer qu’une chose semblable à nous est affectée de quelque sentiment, nous affecte avec elle d’un sentiment semblable. Si nous haïssons une chose semblable à nous, dans la même mesure (selon la proposition 23) nous serons affectés avec elle d’un sentiment contraire, et non pas semblable. C. Q. F. D.

SCOLIE

Cette imitation  des sentiments [affect] quand elle concerne la Tristesse, s’appelle Pitié (au sujet de laquelle voir le scolie dg la proposition 22) ; mais, si elle concerne le Désir, elle s’appelle Émulation, qui donc n’est rien d’autre que le Désir d’une chose qui naît en nous parce que nous imaginons que d’autres êtres semblables à nous ont le même Désir.

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Retenons à ce stade que la joie additionne, et que la tristesse soustrait. Or l’endroit le plus propice à la joie est la citée, la communauté des hommes pour peut que celle-ci soit animée par la raison du plus grand nombre, c’est-à-dire par des individus qui savent sélectionner leurs rencontres.

Ce n’est donc pas en voulant fusionner ou se refugier avec les plantes et les animaux que l’homme pourra déployer réellement son désir. Tout comme ce n’est pas en propageant craintes et angoisses aux hommes que ceux-ci pourront gagner en autonomie, s’approprier les connaissances et accéder à de vraies joies.
Voilà bien un dernier point qui se devrait d’être méditer par les professionnels de la communication, de l’éducation et de la sensibilisation à l’écologie et autres environnements. Affliger de tristesse, c’est rendre impuissant à agir, corps et esprit.  

Suite.

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[1] Sur les deux sortes de passions, cf. Ethique, III, définition générale des sentiments.

1 Réponse à “Des ponts pour des chaussées : Spinoza pour l’écologie ? (partie 3)”


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