Affinités écologiques

Les affinités se déclinent au singulier

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Note en mouvement …

Dans une note précédente nous avions proposé une définition possible de l’écologie, qui vaut ce qu’elle vaut, mais qu’il convient néanmoins de préciser comme de compléter.
L’écologie comme la science, et/ou l’art, de multiplier et faire cohabiter les perspectives et usages (productifs, récréatifs, esthétiques, spirituels, et bien sûr environnementaux …) sur une même chose.  Que cette chose soit d’ailleurs une plante verte, une langue ancienne, un centre urbain, etc… de telles « entités » ou leurs groupements.
Or ce que nous nous devons sans doute de préciser au niveau de ces « perspectives » dont nous parlons, c’est que celles-ci sont avant tout produites par des individus. Tel ou tel corps, tel ou tel esprit ou pensée ne se composant, ou ne se décomposant, jamais de la même manière avec l’objet x ou y qu’il sélectionne dans son monde.
Mais bien qu’expressions individuelles, ces perspectives n’en sont pas moins toujours produites au cœur d’agencements collectifs. On ne pense jamais seul, mais avec ce qu’on pourrait appeler une « drôle de musique qui flotte dans l’air », ces branchements possibles, à une époque donnée, avec les choses comme avec les gens. Peut-être que cette proposition pourrait aussi se résumer par la formule suivante en un certain sens : l’homme croit construire des voitures, il construit en fait des sociétés. De sorte qu’au final, on pourrait sans doute imaginer que cette diversité des perspectives produites, que celle-ci serait à évaluer en tant que symptôme de la bonne santé, ou écologie, d’un corps social dans son ensemble à une époque donnée.
 » L’énoncé est le produit d’un agencement toujours collectif qui met en jeu en nous et dehors de nous des populations, des multiplicités, des tentations, des devenirs, des affects, des évènements.  » Mille plateaux.

Affinités productives

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Donner moi un exemple de perspective sur un objet que je puisse vous suivre me dira-t-on. Alors pour celui qui écrit ces quelques lignes, il en va ainsi d’un singulier rapport au végétal. C’est-à-dire d’une certaine combinaison qui le pousse à produire tel ou tel machinerie, d’écriture notamment. Machinerie ou rapport qui n’a d’ailleurs pas à être partagé, mais qui peut devenir partageable en tant que matière première à d’autre perspective sur ce même objet végétal.
Si l’on essayait de déplier un peu plus loin cette intuition, on se demanderait bien de quoi peut se composer cette perspective singulière. A première « vue » et avant tout mot d’un affect. D’une certaine musique, variation climatique symptomatique d’une rencontre joyeuse avec le corps végétal. Corps végétal, ou pour le dire autrement,  une certaine manière ou modalité de gérer le temps et de capter l’énergie. On en revient ici à ces rapports de vitesses et de lenteurs, à ces capacités des corps d’affecter et d’être affecté si chères à Deleuze traduisant Spinoza.
Et en passant au milieu des interférences, on en reviendrait sans doute à ce mystère des affinités, une certaine manière commune de poser les problèmes.  Sinon comment expliquer que l’auteur de ces quelques mots soit sensiblement affecté des mêmes affects, ou du même climat, au contact des corps végétaux, comme au contact de la pensée de Spinoza. Tout du moins de ce qu’il nomme comme tel. Mystère des affinités, ou pour ma part de ce que nous prenons, sélectionnons dans le monde.

Des musiques qui flottent dans l’air par où l’on se croise

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Mystère des affinités, exemple hasardeux au détour du web, commentaire d’un un film dont le climat d’ensemble m’avait profondément affecté :
«  Comment exprimer par des mouvements, qui relèvent toujours du corps, une vérité, qui relève de l’esprit ? La pensée, qui est l’action absolue, la seule action, n’est pas un mouvement au sens physique mais un approfondissement sur place, une « accélération » mais sans vitesse. Une vitesse absolue ou une vitesse immobile. J’ai parlé d’éclair, mais on pourrait parler aussi bien d’arbres. Plutôt que Matrix, si je devais trouver un film qui donne le mieux le sentiment d’éternité au sens spinoziste, je dirais Le nouveau monde, de Terrence Malick, réalisateur également de La ligne rouge. Les arbres, par leur immobilité même, incarnent un absolu de la vitesse. Le végétal a longtemps été un modèle pour l’homme et pour les philosophes. Même Descartes, souvenez-vous, parlait de l’arbre de la connaissance dont les racines étaient la métaphysique, dont le tronc était la physique, et les branches la mécanique, la médecine et la morale. L’élément végétal comme modèle de la connaissance du troisième genre est une possibilité à méditer. Propositions, démonstrations, corollaires, scolies comme autant de branches, de feuilles, de corolles, de racines, Deleuze parlerait de rhizomes, pour l’arbre spinoziste de la connaissance. »
Quel drôle de rapport entre le mode d’existence d’un végétal et la pensée de Spinoza ? L’expérience d’un climat ou d’une musique commune, le commun restant ici une définition flottante. Attraction sans mot, quand bien même se questionne derrière la notion d’individu et de frontière, le type de composition – appropriation, marquage et pollution – d’avec le dehors qu’implique une certaine immobilité, etc. Plus loin, c’est sans doute tout autre chose qui tente de prendre forme dans l’air du temps. Un climat, le cadre d’un nouvel agencement collectif, un sol épistémologique qui tremble sous nos pieds. Retour ici comme en écho sur ce texte abordant le devenir végétal de nos sociétés contemporaines.

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Mystère des affinités et des perspectives, suite. Une affiche dans le métro attire les antennes de l’insecte urbain en balade : « Les racines ont des feuilles ». Energie fixée dans la mémoire, et impression d’un souvenir. En balade sur le net, je recherche et tombe sur ceci :
« Chaque lieu peut devenir le plus bel endroit du monde. Les racines ont des feuilles. Pascal Cribier, architecte-paysagiste, homme de plantes et de climats, propose une exposition  « dedans-dehors » à visiter avec ses cinq sens, un itinéraire-découverte dans ses créations. »
Pouvoir devenir, homme de plante et de climat, relation « dedans-dehors », nous voilà donc de retour sur des interférences communes. Individu fluide, la plante, grande surface d’inscription végétale aux organes décentralisés et à la génétique mobile sur lesquelles nous ajoutons, homme, les antennes tactiles propres à capturer ces affinités, formulons des perspectives comme autant de récit d’une évolution qui se retournerait sur elle-même. Il flotte quelque chose dans l’air. Imperceptiblement nous la rencontrons dans les arts, l’écologie moderne et  bien d’autres territoires. De l’ordre de quelque chose qui nous relie, à une certaine échelle et autrement que par la digestion physique, au mode d’existence végétale. Ainsi pourrait se décliner une perspective singulière sur le végétal, sans renier le papier ou le puits à carbone, être en amour avec (joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure) et lui vouloir du bien (qu’elle persévère dans son existence).

Le monde de tout le monde

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Conséquence, et pour le dire simplement, adhérons donc à l’hypothèse de l’écologie en tant qu’un certain médicament de la pensée, écologie des idées parmi d’autres, mais médecine qui pourrait nous aider à sortir de l’ère de la production des individus adultes de masse. Epoque dont l’économie eut sans doute été bien difficile, mais dont certains signes semblent nous indiquer qu’il conviendrait de commencer à en sortir à présent.
La production d’individus adultes de masse, ça produit quoi ? Des individus privatisés mais privés – par une éducation découpante, une surinformation médiatique entrainant pollution et indigestion -, de leur propre capacité de connexion, de la production de leurs perspectives propres. Ainsi, à ses affects, produits ou résultat de ses rencontres avec le monde, pour peu que celles-ci soient non vécues ou rêvé à l’avance, sont  donc substitués les images banales d’un monde dit commun. Résultat, un individu demeurant au minima tout aussi ignorant de soi que les masses qui ont précédées son existence dans l’histoire.
Ignorant de mes capacités à affecter et être affecté en propre, j’exige de vivre des affects étrangers à ma nature, précisément dans la mesure où j’adhère à un : « c’est comme ça qu’il convient d’exister et pas autrement vu à la télévision ». Je vis donc dans un complexe à la granulométrie variable, préjugés, idées toute faites ou faites de tout, qui ont ceci de commun qu’elles épuisent le monde et font obstacle à la production de mon monde dans un même mouvement. Je ne peux qu’être ainsi conduit à brutaliser ma nature, celle des autres, et l’ensemble plus vaste de la Nature qui m’englobe moi et les relations dont je suis capable. Incapable de produire un monde, mon monde, je vis la vie de tout le monde. Est-il alors vraiment surprenant que j’en vienne en réaction à détester toute production, incapable que je suis de me produire moi-même, pour in fine me réfugier dans les rêveries de type ours blanc ou billet vert. Si production et contemplation ne s’oppose pas en ce qu’elles sont toute deux puissances d’affect concourant à la production de soi, il n’en va pas de même de la rêverie, symptôme de l’absence de l’idée de la non-existence possible de son objet.

Faire son cinéma

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Alors comment se fabriquer une certaine configuration du réel qui ne l’épuiserait pas à l’avance ? Faire son cinéma au cœur de la cité pour échapper aux images envahissantes d’un monde commun qui fait au final si peu communauté.
Ici il serait peut-être utile de revenir sur la question des droits d’auteurs. Car en n’autorisant l’usage des œuvres, des images ou tout du moins certains de leur fragments à des fin de recombinaison, matières premières de nouvelles créations dans ce que l’on pourrait appeler recyclage ou écologie des idées, nous privons l’individu de ses capacités d’appropriation et de digestion.
Nous disons juste, vous devez digérez comme ça et pas autrement ce que quelqu’un d’autre à arraché au réel, dans un collectif, dans un agencement. Le problème de la survie d’un mode de vie artiste dans nos sociétés posant d’autres questions de type : faut-il centraliser l’activité artistique sur la figure d’un auteur à marketer, faut-il partager ces compétences ? Mais là ou le discours est bouclé et ne peut avancer, c’est que les individus de masse ne peuvent évidement accéder à ces compétences.
Mais nous ne parlons pas ici de compétences techniques, il ne s’agit pas de devenir cinéaste, c’est avant tout d’une technique de digestion et de production de soi à mettre en place. Soit la mise en place d’artifices, reconnus comme tel, mais qui vont produire leurs effets dans le réel par recombinaison.
Pour penser à contrario, ne pas faire son cinéma, c’est donc éteindre sa télévision de peur qu’elle ne finisse par nous manger. C’est rester chez soi, élever des murs et s’enfermer dans tout type de monastère en jugeant cette vie au mieux inutile, pire dangereuse. Bref, être prêt à se dessécher pour de bon, et toute la cohorte des solutions qui ont ceci de commun : réduire encore plus notre dehors, et avec, nos capacités de connexion et d’agencements. 
Sans doute en vient-on à faire son cinéma par la qualité première de l’étonnement. Etonnement de l’enfance alimenté d’un principe d’attention plus que de précaution, d’une présence au monde qui se risque elle-même. Car à quoi bon percevoir si c’est pour se percevoir dans ce qu’on perçoit. Et quel soi sinon le reflet d’images étrangères à sa nature, produites par d’autre natures compatibles ou non ?
Pour se défaire du monde miroir du moi, sans doute s’agit-il de trouver et épouser son rythme, faire son montage pour entrer dans la danse, se laisser emporter et sculpter du mouvement des choses. Ne pas faire son montage, c’est la précaution. C’est se satisfaire ou se reposer de la difficile aliénation au moi de l’enfant, on ne devient pas normal impunément comme le dit Cioran, c’est-à-dire sans renoncer à de multiples potentialités. Alors autant le rester par désir monopolistique d’intégration. Or il ne s’agit pas ici de renier le moi, il s’agit de pouvoir et/ou savoir s’en décentrer pour ainsi percevoir le monde des choses et des interactions, puis y revenir. Etre fluide, peut-être comme la plante.
Mouvement, faire son cinéma, c’est aussi porter l’imagination à ses limites. Par exemple, devenir un végétal équipé d’antenne à sa surface : « Ce qui caractérise les organes des sens, c’est que le travail ne porte que sur de petites quantités des excitations extérieures, sur des échantillons pour ainsi dire des énergies extérieures. On peut les comparer à des antennes qui, après s’être mises en contact avec le monde extérieur, se retirent de nouveau.» S. Freud, Au delà de Principe de Plaisir, p.30, Payot, 1968.
En un sens, nous voilà revenu sur l’écologie en tant que mouvement de colonisation végétal de nos pensées, symptôme de l’irruption de nouvelles forces, rapports de vitesses et de lenteurs au monde (cinéma, carbone, véhicule motorisé), c’est-à-dire de nouvelles capacités d’affect et/ou de perception. Ce que le cinéma fait voir c’est l’interaction des choses, le mouvement qui passe entre les choses. Ce que l’écologie fait voir c’est l’interaction des choses, le mouvement qui passe entre les choses.
Extraits de
Pourparlers, Gilles Deleuze : « [...] une forme-Homme n’apparaît que dans des conditions très spéciales et précaires : c’est ce que Foucault analyse, dans Les mots et les choses, comme l’aventure du XIXe siècle, en fonction des nouvelles forces avec lesquelles celles de l’homme se combinent alors. Or tout le monde dit qu’aujourd’hui l’homme entre en rapport avec d’autres forces encore (le cosmos dans l’espace, les particules dans la matière, le silicium dans la machine…) : une nouvelle forme en naît, qui n’est déjà plus celle de l’homme [...] »

Brancher ses histoires, son cinéma sur la grande histoire, que chacun devienne avant tout producteur de soi, il n’y là pas d’autre alternative douce pour l’écologie.

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