« […] le genre de choses qui se passent dans la tête de quelqu’un, dans son comportement et dans ses interactions avec d’autres personnes lorsqu’il escalade ou descend une montagne, lorsqu’il tombe malade ou qu’il va mieux. Toutes ces choses s’entremêlent et forment un réseau […] On y trouve à la base le principe d’une interdépendance des idées qui agissent les unes sur les autres, qui vivent et qui meurent. […] Nous arrivons ainsi à l’image d’une sorte d’enchevêtrement complexe, vivant, fait de luttes et d’entraides, exactement comme sur n’importe quelle montagne avec les arbres, les différentes plantes et les animaux qui y vivent – et qui forment, en fait, une écologie » Grégory Bateson
Fin de modèle de navigation avant de tourner plus en rond et en pollution, les ***cul*** de mouche finissant toujours par devenir de puissants pesticides, alors petite synthèse conclusive, tentative de micro-digestion en l’état.
Nous avons tenté d’aborder ici et là certaines des questions - neuves et surtout beaucoup moins – que pouvaient impliquer la, ou les perspectives écologiques actuelles. Au premier rang desquelles nous avons mis l’accent sur la place de l’homme dans le projet. Un homme largement non pensé alors même que fortement remis en question sur ses frontières et racines traditionnelles, de l’individuel au collectif, du naturel à l’artificiel.
D’autre part nous nous sommes appuyés sur le changement climatique en tant qu’aspect le moins mal connu du changement écologique global, sachant que le savoir n’est pas donné, que le monde n’est pas transparent. En ce sens, c’est bien la question de l’eau qui nous est apparue comme la plus symptomatique des différentes forces à l’oeuvre, l’étude des stratégies d’adaptation végétales comme source d’inspiration.
Tour à tour nous avons donc rencontré différentes notions comme autant de récits s’irriguant les uns les autres:
* L’écologie scientifique et ses nombreuses sous-disciplines (synécologie, autoécologie…), soit le récit qui tenterait d’identifier et décrire les différents processus d’échanges à l’oeuvre (matière, énergie, information) dans la biosphère. En conséquence celle-ci nous propose la vision d’un homme dilué dans le monde, objet partiel connecté interceptant des flux d’énergie, stockant de la matière et produisant des déchets, comme de l’information and so on, etc.
* La gestion et/ou sciences de l’environnement. »Fort » de ses connaissances précédentes, écologie scientifique, l’homme environementaliste s’érige alors en ingénieur, pilote extérieur au monde corrigeant les bugs de la nature comme de ses actions. Le récit de la nature transformée en environnement nécessite alors quantification, standardisation, normalisation, professionnalisation et reproduction.
* L’écologie politique (et/ou sociale) ou le récit des passerelles démocratiques à construire entre les sciences et les consciences. Tout du moins de celles qui entendrait appliquer/intégrer de ces nouvelles connaissances scientifiques dans le fonctionnement de la cité, par la production de lois, prescriptive ou incitative, d’institutions, de mécanisme de gouvernance, d’implication participative soft et ainsi de suite. Soit l’ensemble des filets collectifs propres à recueillir, comme à valoriser socialement, les connaissances.
* L’écologie micropolitique (et/ou mentale) en tant que production des modes d’existence singuliers nés d’une perspective écologique étirée sur ses bords par les arts, les pratiques de vie.
* L’écosophie comme articulation possible des trois notions précédentes.
* Le label de développement durable, tentative désarticulé d’une encyclopédie sans index, ou compost à faire du neuf avec de l’ancien, super chapeau trou noir qui se voudrait très certainement regrouper l’ensemble des romances de l’époque.
Mais la question n’est sûrement pas d’opposer untel à untel, ceci ou cela. Bien plus elle consiste à se demander sous quelles conditions de l’esprit cet ensemble pourrait se codévelopper durablement. Tous plus ou moins complémentaires, tous sûrement nécessaires si tant est que l’on souhaite éviter que cela ne finisse par tourner mal… à nouveau. Ainsi, si nous nous accordions à penser que composer un nouveau récit n’est pas suivre une dissertation au sujet préconstitué, alors on ne mobiliserait pas les fils avec pour seul projet de réparer les dégâts des accusés de pères. De même, si l’homme est bien fait de l’étoffe des choses, alors il n’y aurait pas à formuler une écologie autonome des choses réservée à un dehors non-humain idéalisé et transféré dans des paradis blanc.
« Il y a une écologie des mauvaises idées, comme il y a une écologie des mauvaises herbes. » Grégory Bateson
Si la bêtise est aussi une condition de la pensée, aujourd’hui, comment continuer à formuler des discours qui ne tiendraient pas compte d’une écologie de la pensée où le travail non exclusif de l’un devient matière première pour autrui ? L’ennemie c’est celui qui ferme la porte, celui qui coupe le pont et prescrit le récit à l’avance.
« J’affirme que si vous voulez parler de choses vivantes, non seulement en tant que biologiste académique mais à titre personnel, pour vous-même, créature vivante parmi les créatures vivantes, il est indiqué d’utiliser un langage isomorphe au langage grâce auquel les créatures vivantes elles-mêmes sont organisées – un langage qui est en phase avec le langage du monde biologique. » Grégory Bateson
Conséquence de ce qui a été dit jusqu’ici, notre manière d’éclairer l’écologie pourrait bien ressembler à une montagne. Une face ensoleillée assez largement colonisée (adret) et une face ombragée bien souvent oubliée (ubac). Loin de s’opposer, ces deux versants nous enseignent la nécessité d’avoir cette double vision dans l’ascension d’un même problème.
Si vous n’aviez qu’un œil, si vous n’aviez qu’un chemin… Arts, sciences et techniques, philosophie, de la mesure aux récits, tous interfèrent de sorte à nous proposer de ces visions multiples qui nous permettent de rendre de son épaisseur au réel. Dès lors il existe encore bien des espaces d’intercession à créer pour ouvrir au plus grand nombre ces voies de traversée douce à l’écologie. Multiplier les ascensions possibles, les portes d’entrées adaptées à chacun, c’est aussi pouvoir estimer correctement la taille de l’obstacle à franchir.
Selon qu’on balladera le point de vue, on remarquera aisément que les différentes zones de cette montagne ne se développent pas à la même vitesse. Qu’elles n’ont pas atteint les mêmes niveaux de formulation, d’ensoleillement (conscience et média), comme d’intégration dans les pratiques sociale.
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L’adret de notre montagne, surface ensoleillée présentant des dégradés, représenterait les pièces d’une écologie qu’on pourrait nommer « quantitative ».
* Zone bien ensoleillée à cette heure : la mesure, les techniques et la professionnalisation. Dans cette zone on assiste à la grande mise en marche des instruments de mesure et de prélèvement. Etudes et recherches dont les résultats « attendus » pourrait rapidement signifier de plus en plus « préconstitués ». Pas loin, c’est aussi la zone de production des futurs ouvriers spécialisés de l’environnement, la suite de l’appel à ce « plan Marshall écologique […] projet mobilisateur pour tous les jeunes, y compris ceux que nous ne savons pas aujourd’hui accueillir correctement dans la société. » (Citation d’après une autre croissance, Les Echos, 04/01/07, par Alain Grandjean, Patrick Criqui et Jean-Marc Jancovici.)
* Zone très ensoleillée à cette heure : diffusion de résultats et pollution informative. Ici l’urgence de la situation se résume d’un cri à un autre de la chaine. Le célèbre « sauvons la terre ! » ouvre sur le domaine des opinions, de l’interprétation publique des chiffres et des mesures expertes, elles-mêmes relayées par des réseaux… d’experts. S’infiltrant dans le socius, la modélisation scientifique devient alors programmation simpliste du temps qu’il nous reste, émissions de coupables et de solutions très diverses. Au final, tout cela finit par aboutir à des demandes politiques concrètes, un cri qui boucle la boucle en mode RMC: « l’Etat et apparentés doivent agir ! »
* Zone ensoleillé à cette heure: intégration des processus dans les procédures. Soit l’optimisation de l’économie classique par la digestion des nouvelles données scientifiques relatives au fonctionnement des écosystèmes. Nouvelles équations et comptabilité des flux de matières et d’énergies qui viennent trouver leur expression dans la figure du cercle où: tout déchet devient une étape dans un cycle de transformation de la matière, et non une fin en soi.
Pour résumer grossièrement, les points communs aux diverses populations colonisatrices de ce versant pourraient s’articuler autour des mots-clés suivants : chimie molaire, développement des machines et techniques, loi de l’interprétation et de la mesure. D’où les séquences collectives privilégiées: la production scientifique comme origine des flux d’informations, l’expertise comme médiation, l’émotion et/ou la responsabilité comme mode de réception du public, la loi d’un code comme réceptacle final privilégié.
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L’ubac de notre montagne représenterait quant à elle les pièces d’une écologie qu’on pourrait dire « qualitative ».
Ici retour au singulier, ombres et déserts partiels à peupler de pratiques et de modes d’existence. Production des arts, de la philosophie… autant d’intercesseurs venant échoïser la ligne scientifique, l’étirer sur ses bords. Chimie moléculaire, loi de l’expérimentation, jurisprudence du »on ne sait pas à l’avance« .
Dit autrement, le qualitatif, c’est l’art de composer ses rencontres avec le monde, soit les récits du bon et du mauvais qui n’exprime pas les propriétés de ce monde, mais bien l’histoire de notre rencontre avec, et la manière d’en extraire des modes d’existence. Avec quoi et comment on combine ses forces ? A quelle distance ? Ou comment créer, composer des organes sensoriels décentralisés qui n’on rien à voir avec les frontières du corps, du naturel ou de l’artificiel, des organes capable de percevoir et d’intégrer différentes danses, de produire les nouvelles formes d’idées à même de nourir de capacités nouvelles notre étonnement au monde.
« Pour qu’une interaction soit réelle, il faut, à la fois que la « nature » des choses en relation soit un produit de ces relations, et que les relations de leur côté soient des produits de la « nature » des choses [...] » Whitehead
L’homme et les cormorans, un bon exemple de la composition d’un organe sensoriel décentralisé capable d’intégrer différente sortes de danses.
« [...] les effets et les produits sont nécessaires à leur causation et à leur production, nous sommes produits (de la société, de l’espèce) et producteurs (de la société, de l’espèce) à la fois. » Edgar Morin
« [...] où commence le soi de l’aveugle ? Au bout de la canne ? Ou bien à la poignée ? Ou encore, en quelque point intermédiaire ? [...] Les ordinateurs pensent-ils ? Je dirai tout de suite : non. Ce qui « pense », c’est l’homme plus l’ordinateur plus l’environnement. Les lignes de séparation entre homme, ordinateur et environnement sont complètement artificielles et fictives. Ce sont des lignes qui coupent les voies le long desquelles sont transmises l’information et la différence. Elles ne sauraient constituer les frontières du système pensant. Je le répète : ce qui pense, c’est le système entier… » Grégory Bateson
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Finalement, et pour le dire en quelques mots : l’écologie d’un territoire, c’est la qualité des rapports ou relations - de la mesure aux récits - que ses populations forment continuellement avec et de lui-même, et non seulement le territoire pour ce qu’il est ou était.
La perception de l’écologie comme montagne aux différents biotopes colonisés par les idées dont le vivant est capable, celle-ci n’oublie pas de faire écho à la mise en réseau globale de nos société et aux stratégies végétales qui en découlent.
« Le monde des idées ne se limite pas à l’homme, mais bien à tous ces vivants, à toutes ces machines, composées d’éléments pouvant traiter de l’information, que ce soit une forêt, un être humain ou une pieuvre. » Grégory Bateson
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http://www.dailymotion.com/video/x2c131
Grégory Bateson
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Quelques citations pour conclure. Lignes, grains à moudre, pistes de marche, mécamots à articuler et poursuivre par ailleurs et autrement…
http://www.dailymotion.com/video/x4moyl
Des enfant dans le dos, mouvement des truands tournant autour des tombes, grande roue des « noms de l’histoire ».
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« Il est impossible que l’homme ne soit pas une partie de la nature, et qu’il ne puisse souffrir d’autres changements que ceux qui se peuvent concevoir par sa seule nature et dont il est la cause adéquate. » Corollaire : Il suit de là que l’homme est nécessairement toujours soumis aux [affects] passions (sentiment), qu’il suit l’ordre commun de la nature et y obéit et s’y accommode, autant que la nature des choses l’exige. » Proposition IV et corollaire de l’Ethique IV, Spinoza
« [...] l’écologie est un concept intégrateur [...] plus qu’une discipline scientifique [...] elle représente une nouvelle vision du monde et de l’homme dans la nature. Le nouvel écocitoyen doit mieux comprendre comment situer et insérer son action locale dans un ensemble global [...] Il s’agit aujourd’hui de l’aider à passer de l’émotion à la responsabilité grâce à une culture scientifique et technique permettant de relier les éléments épars reçus par l’éducation ou les médias. D’où l’importance d’une approche [...] multidimensionnelle de l’écologie et de la gestion de l’environnement. » Joël de Rosnay
« L’homme à la sangsue : il a voulu remplacer les valeurs divines, la religion et même la morale par la connaissance. La connaissance doit être scientifique, exacte, incisive : peu importe alors que son objet soit petit ou grand ; la connaissance exacte ; la connaissance exacte de la plus petite chose remplacera notre « croyance » aux « grandes valeurs vagues ». Voilà pourquoi l’homme donne son bras à la sangsue, et se donne pour tâche et pour idéal de connaître une toute petite partie de la chose : le cerveau de la sangsue (sans remonter aux causes premières). Mais l’homme à la sangsue ne sait pas que la connaissance est la sangsue elle-même, et quelle prend le relais de la morale et de la religion, en poursuivant le même but qu’elles : inciser la vie, mutiler et juger la vie. » Nietzsche par Gilles Deleuze.
« [...] Il n’y a pas d’opposition dans mon esprit entre les écologies : politique, environnementale et mentale. Toute appréhension d’un problème environnemental postule le développement d’univers de valeurs et donc d’un engagement éthico-politique. Elle appelle aussi l’incarnation d’un système de modélisation, pour soutenir ces univers de valeurs, c’est-à-dire les pratiques sociales, de terrain, des pratiques analytiques quand il s’agit de production de subjectivité. » Félix Guattari
« Un lointain successeur de Spinoza dira : voyez la tique, admirez cette bête, elle se définit par trois affects, c’est tout ce dont elle est capable en fonction des rapports dont elle est composée, un monde tripolaire et c’est tout! La lumière l’affecte, et elle se hisse jusqu’à la pointe d’une branche. L’odeur d’un mammifère l’affecte, et elle se laisse tomber sur lui. Les poils la gênent, et elle cherche une place dépourvue de poils pour s’enfoncer sous la peau et boire le sang chaud. Aveugle et sourde, la tique n’a que trois affects dans la forêt immense, et le reste du temps peut dormir des années en attendant la rencontre [...] » Gilles Deleuze
« Si l’on se place sur le plan de l’évolution biologique, celle de Darwin, alors l’évolution de la plante et celle de l’animal, sont très différentes. Evoluer pour les animaux, c’est se dégager de mieux en mieux des contraintes du milieu, et en ce sens, l’homme est bien placé au sommet de la pyramide, parce que pour nous à la limite, on ne sait même plus ce qu’est le milieu. Evoluer pour une plante, c’est se conformer de mieux en mieux aux contraintes du milieu, cela consiste donc, non pas à échapper mais au contraire à se dissoudre dedans, à disparaître d’une certaine manière. C’est en quoi la plante m’est apparue immanente, alors que l’animal serait transcendant. » Francis Hallé
http://www.dailymotion.com/video/x5f9w9
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