Agriculture et écologie
L’écologie – science et(:)ou art des agencements -, celle-ci tente de nous présenter les dynamiques de notre monde du dedans : l’homme partie prenante d’un système complexe incertain fait de séquences entremêlées d’agencement (chemins), de potentiels de combinaisons (émergence). Avec elle nous définissons un écosystème comme une communauté d’êtres vivants composée d’équilibres délicats de dépendances et de compétitions entre les vivants:
- dans un espace donné (milieu) où s’entremêlent des relations réciproques entre les vivants qui le produisent (transformation et rétroaction), comme en sont le produit (production de niches écologiques);
- dans un temps donné, l’écosystème ayant comme une biographie, passant dans le temps d’une stratégie de reproduction quantitative à une stratégie de survie qualitative à mesure que celui-ci mature. Cette stratégie de survie qualitative s’opère par une complexification et hiérarchisation des relations, une multiplication des agencements entre les espèces et le milieu. Cette diversification fonctionne alors comme autant de possibilités ouvertes au développement de formes de vie nouvelles (biodiversité), comme elle garantie la stabilité de l’écosystème dans le temps (résilience et redondance des cheminements des flux de matière, énergie et information).
Or l’activité agricole consiste justement à stopper cette dynamique de maturation des écosystèmes. Le rajeunissement annuel opéré par la récolte ayant pour effet de les conserver dans une stratégie de reproduction quantitative, en ne sélectionnant et n’alimentant que très peu des agencements possibles.
Plus l’activité agricole se développe sur le globe, plus sa surface devient pauvre en agencements, en diversité du vivant, plus les écosystèmes sont jeunes, et donc vulnérables aux changements des milieux.
Concernant les biocarburants, la question n’est donc pas tant de savoir si ceux-ci sont bons ou mauvais « par essence », ou si nous devons attendre du mieux de la seconde génération, etc. Car au-delà de toute les évaluations quantitatives possibles des uns et des autres (SAU disponible, capacité de production, état des stocks et autres chiffres, voir ci-dessous), la question est bien de savoir où placer le curseur d’arrêt au défrichement des forêts – ces écosystèmes matures complexes à grande biographie -, donc à l’appauvrissement généralisé des agencements du vivant. La question agricole est d’abord une question de surface d’occupation, avant d’être une question d’usages.
A la question de savoir si nous avons le potentiel de terres pour assurer tel ou tel niveau de production de biocarburants tout en mangeant à notre faim, on peut sans doute répondre oui en dehors des cas de spéculation massive. Voir notamment l’exemple mexicain ci-dessous, comme le rapport de la FAO concernant l’agriculture biologique et sécurité alimentaire ou encore l’article sur les 12 mythes sur la faim dans le monde .
Le plus inquiétant, c’est bien de commencer par formuler une telle question, celle-ci faisant implicitement l’économie des conséquences de la mise en culture du monde, sur le monde. Le problème des biocarburants n’est pas celui de la nourriture pour l’homme, mais bien plus celui de la nourriture des agencements potentiels de l’ensemble du système terre.
http://www.dailymotion.com/video/x59ilt
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Agriculture : chiffres et facteurs
Facteurs de pression sur l’offre agricole (capacités de production) :
– conditions climatiques ;
– subvention, rentabilité de l’activité (niveau de prix et répartition des profits entre producteurs et distributeurs) et incitation à la mise en culture ;
– surface agricole utile, état productif des sols, potentiel de croissance des terres arables ;
– stocks tampon disponibles ;
– progrès technologique et productivité agricole ;
– coût et disponibilité des moyens de production (intrants, eau et énergie, transport, …) ;
– concurrence des usages du sol (tourisme, environnementalisme).
Facteurs de pression sur la demande agricole :
– démographie ;
– spéculation financière (libération des filières agricoles et abandon des stocks de régulation publics) ;
– concurrence des destinations (agrocarburants et alimentation) ;
– développement économique (Chine, Inde, etc.), modification des régimes et montée dans la chaîne alimentaire (consommation de calories animales).
* En 2007, la hausse mondiale des prix agricoles a été de 40% en moyenne selon la FAO, tendance qui s’est exacerbée début 2008. Selon la Banque mondiale, le prix des produits de première nécessité a progressé de 80% depuis 2005. Dans les pays riches la part de l’alimentation dans les revenus se situe entre 10 et 20%, et atteint de 60 à 90% dans les pays en développement.
* Les stocks de blé étaient d’environ 200 millions de tonnes à la fin de la campagne 2000-2001, ils ne sont plus aujourd’hui que de 111 millions de tonnes. Si l’on compare le niveau du stock à la production annuelle de 614 millions de tonnes, cela correspond à 66 jours de consommation, si l’on compare avec les volumes du commerce mondial les stocks disponibles ne représentent plus qu’un an de marché.
* Le prix du riz a presque doublé sur les marchés internationaux au cours des trois derniers mois. La Chine, l’Inde ont augmenté les taxes à l’exportation ; le Vietnam et le Cambodge ont interdit temporairement toutes leurs exportations, le Brésil cherche à faire de même ; les Philippines ont, comme le Bangladesh, supprimé les taxes à l’importation et demandé en urgence la livraison de 1,5 millions de tonnes au Vietnam; la Thaïlande a décidé de vendre son marché intérieur du riz 40% moins cher que le prix mondial.
* L’agriculture manuelle représente encore aujourd’hui 1 200 millions de producteurs, l’agriculture attelée 300 millions, l’agriculture mécanisée, 50 millions.
* La Banque mondiale vient d’avouer n’avoir consacré que 12% de ses prêts à des projets agricoles en 2007, contre 30% dans les années 1980. Elle souligne également que 4% seulement de toute l’aide publique au développement va aujourd’hui à l’agriculture.
* D’après l’UNCCD, un tiers de la superficie des terres émergées du globe - 4 milliards d’hectares, soit l’équivalent de la surface forestière – est menacé par la désertification. Plus de 250 millions de personnes sont directement affectées par ce problème. 24 milliards de tonnes de sols fertiles disparaissent chaque année.
* D’après la FAO, la dégradation des sols s’étend chaque année sur 5 à 7 millions d’hectares de terres agricoles de plus. Près de 2 milliards d’hectares de terres agricoles et de pâturages souffrent d’une dégradation modérée à grave – soit une étendue à peu près égale à la superficie combinée du Canada et des Etats-Unis. Dans certains endroits, la couche superficielle fertile est épuisée 300 fois plus vite que la nature ne peut la reconstituer. Au Khazakstan, par exemple, près de la moitié des terres agricoles seront perdues d’ici à 2025, si on en croit l’Institut national de gestion des sols.
* De nouvelles surfaces ont été dédiées à l’agriculture en Amérique latine et en Russie, expansion compensée par l’urbanisation de l’Europe et de l’Asie. Dans les dix dernières années, 8 millions d’hectares cultivés ont ainsi disparu en Chine, soit les deux tiers de toute la surface arable de l’Allemagne. Nous venons tout récemment de franchir le seuil de 50% de la population mondiale vivant dans des villes. En 1950, le chiffre n’était que de 30%.
* A l’échelle du globe, les pertes de surfaces arables (terre qui peut être labourée ou cultivée) sont estimées à une fourchette comprise entre 70 000 et 140 000 km2 par an (soit -à titre de comparaison entre 12 et 25% du territoire français). Ce chiffre est estimé à plus de 100 000 km2 par B. Sundquist de l’Université du Minnesota dans son étude synthétique publiée en 2000, Topsoil loss – Causes, effects and implications: a global perspective.
* En Europe, il est prévu que les combustibles issus de la biomasse couvrent 5,75 % des besoins en carburants routiers en 2010 et 20 % en 2020. L’Europe serait ainsi tenue de mobiliser 70 % de ses terres arables pour tenir cet objectif.
* L’irrigation agricole représente 70% des prélèvements mondiaux en eau douce, 90% de la consommation. On estime que la construction des grands barrages a permis d’exploiter de 30 à 40% supplémentaires des terres de la planète. Il n’y a pas de produit de substitution à l’eau dont il faut mobiliser en moyenne 1000T pour produire 1T de céréale.
* Dans le monde, 277 millions d’hectares sont irrigués (année 2002, source FAO) sur 1,4 milliard d’hectares de terres arables au total. Ils fournissent environ 1/3 de la production alimentaire mondiale. Trois pays (Inde, Chine, États-Unis) représentent 50 % des surfaces irriguées totales. 80 % de la nourriture produite au Pakistan provient de terres irriguées, 70 % pour la Chine, mais moins de 2 % pour le Ghana, le Mozambique ou le Malawi.
* Selon des estimations de la FAO, l’accumulation de sel dans le sol a gravement endommagé 30 millions d’hectares de terres irriguées. La salinisation, conjugée à la saturation par l’eau, affecte une autre tranche de 80 millions d’hectares.
* L’objectif des biotechnologies est d’obtenir des plantes capables de produire dans des situations de manque d’eau modéré, la perspective de plantes poussant sans eau restant illusoire.
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Cas d’école
Traduction anglaise d’un article de La Jornada de Mexico qui analyse les différents facteurs qui ont conduit à la crise mexicaine de la tortilla (http://mexfiles.wordpress.com/category/food-and-drink/tortillas/). Merci à Tilleul du forum effets de terre.
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Mexico is the fourth largest corn producer in the world. Last hear, it harvested 22 million tons, mostly – although not exclusively – white conn. The volume is much lower than the United States: 280 million tons in 2005, though most is yellow corn. That county controls 70% of the world market. One difference between the other major producers and Mexico, which is important in Latin America, is that Mexican corn is grown for human consumption. We are a culture born from corn.
The fall of Mexican corn
For decades Conasupo ( Compa ñía Nacional de Subsistencias Populares ) played a fundamental role in regulating the national market, stockpiling, importing and distributing grain. As a result of signing the North American Free Trade Agreement (NAFTA), the program was terminated.
Between 1994 and 1998, Conasupo was the seller of last resort. In 1998, Eresto Zedillo said that the major corporate sellers (Maseca, connected with ADM; MINSA, associated with Corn Products International, Arancia and Cargill, and merged with Continental) were in charge of the national market. The former state monopoly,which despite corruption functioned reasonably well, was transferred to private monopolies which had the objective of making rapid returns on their investments.
Dismantling Conasupo was an essential step in privatizing the corn and tortilla market. Other government measures were freeing the price of tortillas in 1999 and closing down Fidelist, a a subsidy program which provided food for 1.2 million families in poor urban areas.
Another major change in production was to modify the form in which corn was processed. For many years, tortillas were made though a process of nixtamalization [mixing “cal” — limestone, which frees essential amino acids in the corn – in with the grain] which was an key process in milling producing tortillas. This started to change during Carlos Salinas de Gortari’s administration (1988-1994), when tortillas made with processed wheat flour were substituted for nixtamal.
Changing the method of production provoked a strong conflict between the economic actors involved, and was known as “the tortilla war.” Legal battles drastically reduced the importance of the mill and tortilleria owners. In 2003, 49% of tortillas were produced by the major industrial producer. Grupo Maseca had control of 70% of this market. An alliance of the major producers has, in the last five years, grown their market share significantly.
From a national to international price
Commercial producers in Mexico were simultaneously storing local grain and importing it. My controlling inventory, they could demand that prices be lowered or raised according to their needs. They acquired a substantial part of the spring and fall Sinaloa harvest (by far the most important in the Republic, accounting for almost 10 tons in the last spring and fall cycle) at a price of $350 pesos ($30 US Dollars) per ton per ton. They could already count on having nearly a million tons of corn, enough on hand to get into speculation, hold back supplies to articificially raise the prise. Those same ten tons from Sinaloa, sold for 3,500 pesos a ton (US$320) in Mexico City: 2,150 pesos (US$197) over what was paid.
True, the price of corn in the world market had risen in recent months, as a result of the use of corn for distillng ethanol But those increases had no relation to the price of corn in Mexico. On the Chicago Mercantile Exchange, bids reached almost US$ 144 a ton, but this is less than half the price corn was sold for in Mexcico City.
The costs of diesel, gasoline and electricity, the overhead costs for transport and processing, rose during the last months of the Vicente Fox administration. This affected the consumer price of tortillas, but overhead only accounts for 30% of the cost of production.
There was absolutely no justification for the jump in the price of tortillas. Neither rising energy costs, nor the jump in prices on the international market justified the consumer price. The central problem was speculation by the elevator owners.
Speculation is the favored market model of those that believe in fully bringing in the NAFTA regulations, dismantling the state development agencies and businesses though savage privatization. The result is a clearly inefficient market, for all intents and purposes, a speculative monopoly. Thanks to politicians like Luis Téllez y Santiago Levy, the Mexican government has cut off its hands when it comes to intervening to create order in the market.
Cargill can’t lose in México
When the price of tortillas goes sky-high, the multinational Carill wins. IF they import corn from the United States, they benefit. If, on the other hand, they export to other countries, they receive subsidies. When they seek approval for the use and explotation of grain terminals in ports, they maintain their profit margin.
Cargill, a 140 year old company, is the second largest privat ecompany in the world, and has 149,000 employees in 72 countries. Fortune magazine lists it as the 20th most important company on the planet. It buys, processes and distributes grain and other agricultural products, describing itself in its literature as: “the flour in your bread, the wheat in your noodles, the salt in your la harina en su pan, el trigo en sus tallarines, la flavor in your food. We are the corn in your tortillas, the chocolate in your dessert, the additives in your gasoline. We are the oil in your salad dressing, and the meat, pork or chicken you have at dinner. We are the cotton in your clothes, the stuffing in your sofa and the fertilizer in your field.”
The multinational has had a presence in Mexico for more than 80 years, beginning with forestry operations in the Northeast. In 1972 it opened it’s first office in the country with six employees. When NAFTA came in and after Conasupo ceased operations, there was a huge gap in the Mexican market, which the international giant was poised to fill. It’s presence in Mexican agriculture is overwhelming.
Under NAFTA, corn imports from the United States were subject to yearly caps, with imports over the yearly amount subject to tariffs. However, the Mexican government unilaterally eliminated this protection, permitting any amount of grain to come in without penalties. Between 1994 and 2001, the import quota rose to nearly 13 million tons. The two major agricultural corporations, Cargill and ADM sold most of the U.S. corn sold in Mexico, and benefited enormously from the end of tariffs. In addition, they also benefited from the indirect subsidy they received from Washington in the form of export credits.
Recources under the export credit program were for shareholder costs, storage, handling, transport and cabotage * for transporting Sinaloa grain, as permitted under the regulations of the time, were generous to Cargill. When, as it happened in 2006, the multinational exported hundreds of thousands of tons of grain to other countries, it received export subsidies from the government.
Commercial white corn producers in this country receive what is called an “objective price”. For most of the internatinonal market, the “indifferent price” is used, calculated on the international market by reference to the costs of storage and transport from grain elevators in New Orleans to the ultimate Mexican consumer. The difference between the “objective” and “indifferent” p[rice can fluctuate between 450 and 500 pesos (US$ 40-45) per ton, which is paid by the government, and not by the commercial enterprise, which only receives the “indifferent” price. Cargill, as one of the most important grain elevator operators, receives an important indirect subsidy this way.
En 2002 the Comisión Federal de Competencia [Mexican equivalent of the Federal Trade Commission] authorized Cargill to develop, use and exploit a private port in Guaymas, Sonora, together with Grupo Contri, whose main activity is buying, storing and selling other grains – mostly wheat, corn and sorghum. The giant company also controls the principal grain port in Veracruz.
Cargill was little known of in Mexico until in 2001 Congress approved a special tax on the production and importation of fructose, a corn-based sweetener. The multinational imports around 385,000 tons annually. The affair was a disaster in international commercial courts.
Mexico lost their case for the tax
Cargill is considered responsible for the rise in tortilla prices, having bought and stored 600,000 tones of Sinoloa corn for 650 pesos a ton (US$60) which it turned around months later at 3,500 pesos per ton (US$320). The response was to lift import caps on cereal grains, which is supposed to lower prices and bring benefits. Lorenzo Mejía, president of the Unión Nacional de Industriales de Molinos y Tortillerías (Milling and Tortilla Industrial Union) says: “the millers cannot import grain and use Cargill’s services“.The company has rejected the indignant wave of accusations it has faced. It denies being “the corn in your tortillas” – as it says in its consumer brochures – and, in a press release, claimed, like consumers, masa-produers and tortilla vendors, to be worried by the high price of corn. Cargill blames the price rise on the free market and tells the Mexican public that the rise is due to purchasing by pork producers.
The bankruptcy of a model
The rise in the price of tortillas has demonstrated the weakness of the Mexican state against the monopolies. They control the marketing and production of corn, and can set off a round of inflation without impunity. The Executive has no arms to fight this war.
The federal government’s response to the rise has been pathetic. It closed a few tortillerías, and made a media show of the offensive against abuse and blamed the vendors. It announced no measures to control the price of production, or to alter the basic rules. While the producers approve of the government’s response, claiming they are not responsible for the price jump.
The President has announced that it will allow white corn to be imported without tariffs. But those acquiring the cereal are the same ones responsible for the price increases, and who already control the inventory. And these imports are a blow to Mexican farmers, worried about the country being flooded with bad quality grain, likely to contaminate their seed with transgenetic varieties or seed infected with aflatoxina.
Of course, the Calderón administration has buried the information on the speculators. ASERCA 1 has a detailed report detailed. The present system, in which the federal government subsidizes commercial storage and sale of corn, requires accurate reporting and the ability to control reserves. In spite of this, we only hear of the governments inability to inject itself into the market. The President is not interested in the crisis, except that it gives his government a opening to project legitimacy to the poor. Or, to appear decisive if he steps in to control inflation.
Since the start of NAFTA in January 1994, tortilla prices have risen by 738%. The result has been less consumption, of worse quality.
Mexican food supply now depends much more on the United States. Native seeds have been infected with imported transgenetic varieties. Rural migration has left many rural communites deserted except for the old, woman and children. A substantial part of the cereal production region is at risk, or could be turned to other crops. These other crops will also face a price drop as corn fields are converted to more profitable harvests.
Today we are living through a new tortilla war, different than that in the 90s when different businesses faced off. Now, it is the big argo-businesses against the poor. In this war, the government of Felipe Calderón has clearly sided with the monopolies who helped him gain the Presidency.