La question de l’éducation à l’écologie

Des lignes directrices anciennes

     Dans son article « Education, Ecologie et Approche Systémique » Joël de Rosnay  s’interrogeait en 1994 sur les nouveaux modes de transmission des savoirs que la question écologique impliquait : « […] l’écologie est un concept intégrateur […] plus qu’une discipline scientifique […] elle représente une nouvelle vision du monde et de l’homme dans la nature. Le nouvel écocitoyen doit mieux comprendre comment situer et insérer son action locale dans un ensemble global […] Il s’agit aujourd’hui de l’aider à passer de l’émotion à la responsabilité grâce à une culture scientifique et technique permettant de relier les éléments épars reçus par l’éducation ou les médias. D’où l’importance d’une approche […] multidimensionnelle de l’écologie et de la gestion de l’environnement. »

En ce sens, la question écologique est avant tout le symptôme de l’émergence de nouvelles capacités cognitives nées des travaux récents de la biologie, de la cybernétique et de la systémique etc…. Nouvelles capacités encore dans l’enfance et qu’il convient de faire grandir patiemment à travers une véritable réactualisation de l’apprendre à apprendre dans nos sociétés. Or dans le cadre d’un ensemble terre qui nous apparaît à présent comme clos, apprendre à apprendre c’est savoir organiser et composer ses inévitables et multiples rencontres avec des corps tant matériels (eau, climat) qu’immatériels (information).

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Alors en tant que praticien de « l’environnement », tous ces mots peuvent paraître assez théoriques. Cependant, chaque jour de travail confirme que notre connaissance actuelle de l’environnement ne nous conduit pas à prendre des décisions « de tête » tellement meilleures. Quelque soit le choix, l’intention, nous interférons dans des circuits complexes de manière à toujours préparer de nouveaux risques pour demain. Mais parallèlement, le seul fait de prendre en compte l’environnement nous force à repenser l’altérité, à évaluer les besoins d’autrui qu’ils soient humains ou non. Plus largement encore, à déplacer les frontières traditionnelles, à reconnaître l’inscription de ses actions dans un tout : à un type d’agriculture, un type de paysage, un type de biodiversité…

En ce sens la question écologique et la gestion de l’environnement qui en découle, participent à former aujourd’hui un nouveau type de bien collectif. Un bien construit par une multitude d’acteurs qui tous relient et compilent des connaissances, expérimentent sur le mode essaie/erreur. Au final, les externalités positives qui en résultent permettent dès aujourd’hui de multiplier les chemins décisionnels pour chacun. Faut-il acheter ceci, construire comme cela etc…Mais pour que ce « chacun » prenne réellement corps, il est inévitable de concevoir les modes de transmission des savoirs adaptés. Adaptés tant à la nature des informations à transmettre qu’à ses multiples récepteurs.

Externalité

Le point de vue développé par la suite est qu’il s’agit de mettre en avant un mode de transmission des savoirs principalement orienté vers le développement individuel de capacités combinatoires. Cela afin de créer les nœuds de savoirs, les hyperliens de lecture permettant de se glisser entre les différentes sources de connaissance d’un « environnement », qu’il soit artificiel ou naturel, de plus en plus fourmillant et prenant place dans un monde vécu comme de plus en plus étroit.

Constat d’insuffisance

     Avec maintenant plus d’une dizaine d’année de recul vis-à-vis des orientations pédagogiques de Joël de Rosnay, évaluons quelque peu notre situation actuelle. L’écologie politique représente 1, 5% des votes exprimés au premier tour de l’élection présidentielle en France, au moment même ou d’après une enquête récente IFOP – Acteurs Publics (26 octobre 2006), plus de neuf personnes interrogées sur dix (91%) se disaient préoccupées par la protection de l’environnement. Parmi elles, 46% se déclaraient même très préoccupées.

A vrai dire, la véritable surprise de cette étude est surtout l’émergence en seconde position des mesures perçues comme les plus efficaces pour lutter contre les dégradations, d’une attente exprimée en termes de pédagogie, souhait regroupant 22% des interviewés. Ceux-ci appellent de leurs vœux l’introduction de cours d’éducation à l’environnement dans les programmes scolaires.

Cette attente est à éclairer par la note sur « l’état de l’opinion sur l’effet de serre et le changement climatique » de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie. Fin 2005, celle-ci remarquait que conformément aux années précédentes, les études sur la perception de l’effet de serre révélaient deux grandes tendances paradoxales. D’une part une sensibilisation accrue au sujet, d’autre part une méconnaissance générale de sa définition dans la mesure où 50% des interviewés reliaient encore l’effet de serre à la couche d’ozone ou à une mauvaise gestion des déchets, seulement 14% aux CO2.

image003 dans -> PERSPECTIVES TRANSVERSES

A s’en tenir à ces différents indicateurs, constatons très simplement que la question écologique souffre encore d’un grave déficit en termes d’informations assimilées et assimilables, cela malgré un relais médiatique dorénavant non négligeable.

On serait donc tenter de dire qu’assez loin des objectifs et méthodes proposés par Joël de Rosnay, les diverses tentatives de transmission des savoirs restent encore aujourd’hui bien souvent éclatées et parcellaires, ne regroupant que de petits auditoires autour d’experts ou de thèmes militants ponctuels ; ne regroupant de grands auditoires qu’autour de séance d’imprécations collectives intrinsèquement plus émotionnelles qu’informatives.

Dès lors, comment regretter l’absence de capacité de synthèse, de combinaison des savoirs, quand même les concepts de base ne sont pas connus ? Voilà que le serpent se mord la queue, et la rondeur de la terre ne suffit plus à rendre cette image sympathique. Car à partir du moment où des informations disséminées ne rencontrent pas chez l’auditoire le filet de connaissance nécessaire à assurer une prise de conscience pérenne des phénomènes, par suite il est bien difficile d’enclencher des cycles vertueux du type : information – intégration – action – nouvelle information – synthèse (recombinaison – extraction et constitution du « filet »).

Une conclusion s’impose à ce stade : continuer à se référer aujourd’hui à une indifférence de l’auditoire ne suffit plus à masquer les carences dans la transmission. Etre animé des meilleures intentions, stigmatiser des abus, relever des symptômes parcellaires, tout cela n’autorise pas l’abandon de toute vision prospective et ne fait pas politique.

La question de la question

      Car il s’agit bien malgré « l’urgence » de la situation de continuer à avancer l’écologie en tant que culture nouvelle favorisant l’intégration des connaissances ; la gestion de l’environnement en tant que plus grande visibilité donnée à la diversité des pratiques humaines.

Autrement dit, ne pas abandonner la complexité et continuer à parier sur la lucidité de son auditoire, alors mêmes qu’il va falloir frapper fort et rapidement nous prévient le président du GIEC. Mais on pourrait tenter ici un parallèle entre l’écologisme urgentiste et l’action humanitaire. Si l’intervention est en mesure de régler ponctuellement une crise, elle n’affecte en rien ses conditions de reproduction. Et peut-être même bien au contraire, les crises se manifestant sous bien des formes, de l’eau polluée à l’idée qui le permet. Qui plus est, nous sentons bien qu’il n’est fondamentalement plus possible d’administrer des suppositoires prédigérés à une population très largement en quête de sens, au sens large. Nous vivons à 99% dans un environnement, ou plutôt un milieu, construit par et pour nous-mêmes. Et ce nous-mêmes ne s’arrête pas à la simple description d’individus enfants qui seraient pris dans une folle pulsion de mort.

Mais c’est peut-être précisément à partir de cette pauvre écologie de pensée, paresse ou faillite, qu’il est cependant possible d’avancer en contrepoint quelques lignes d’actions afin de définir quelques lignes de ce que pourrait être un accès équilibré aux connaissances nouvelles qu’ouvre la porte écologique.

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© Raphael Richard – http://www.24pm.fr

Notre environnement change et nous continuons de nous considérer come un « empire dans un empire », comme hors-circuit. Nous continuons à penser que nos organisations sociétales collectives, mentales individuelles, ne se trouveraient pas elle-même modifiées par ces puissants changements. Changements dont nous ne percevons par ailleurs, en tant que partie prenante aux systèmes, que des fragments sélectionnés et déformés.

Il en est ainsi de notre vieux mode de pensée qui considère l’homme et des objets aux alentour dans une relation sujet – objet et où l’ensemble de ces dernier est communément appelé nature. Par suite confondant largement la question de cette nature préconstituée (dit grossièrement ce que nous appelons gestion de l’environnement) et la question écologique, nous ne pouvons que fatalement rester aveugles à notre propre écologie humaine, sous-système de sous-systèmes de la biosphère. Nous parlons alors en termes d’individus à la frontière figée, d’une forme homme sans devenir, prisonnière du mythe de la fin de son histoire. Conséquence de cette démarche négative, les individus sont toujours analysés sous l’angle de l’adaptation à un dehors transcendant, bien trop rarement en tant que système en interaction et coévolution avec. Alors à partir d’une telle vision statique, ne nous étonnons plus de ne pouvoir concevoir que des représentations floues. Exemple : une fois défini l’environnement comme tout ce qui n’est pas l’homme, que devient cette notion une fois dit qu’il s’agit d’y réintégrer ce-dernier ?

Tout l’enjeu de l’approche systémique que permet l’écologie consiste précisément à nous aider à ajuster notre focale sur ces points, à anticiper plus durablement, à repenser des frontières traditionnelles devenues aujourd’hui obsolètes. Ce dernier point étant peut-être même le principal apport possible de l’écologie à notre temps.

Système et frontière

      Grossièrement, tout système peut se représenter comme une différenciation interne entretenue par un flux énergétique (matière, information) externe. Ce flux qui traverse le système détermine alors un intérieur différencié (un extérieur sélectionné) et un extérieur (l’environnement), système ouvert à la circulation des flux qui assure la régulation de l’ensemble. Un système est donc toujours relié à un environnement (à un autre système plus ouvert), à une écologie (à des relations entre systèmes). Ainsi le système minéral de la lithosphère oriente et délimite les possibilités de vie du système organique de la biosphère, qui lui même, oriente et délimite les possibilités d’association des animaux et végétaux du système social de la sociosphère.

L’approche systémique est donc une façon de percevoir à la fois l’arbre et la forêt, sans que l’un ne masque l’autre. L’arbre est perçu comme une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la forêt, elle-même association d’arbres dont les interactions produisent la propre niche écologique des individus.

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De même pour l’homme, sous-système de systèmes, il ne compose qu’un arc dans un circuit plus grand qui toujours le comprend lui et son environnement (l’homme et l’ordinateur, l’homme et la canne…). Gregory Bateson, l’un des fondateurs de la cybernétique de seconde génération, nous donne à voir un exemple de circuit, celui de l’aveugle avec sa canne. Il se demande alors « où commence le soi de l’aveugle ? Au bout de la canne ? Ou bien à la poignée ? Ou encore, en quelque point intermédiaire ? » Mais à vrai dire toutes ces questions sont absurdes puisque la canne est tout simplement une voie au long de laquelle sont transmises des informations, de sorte que couper cette voie c’est supprimer une partie du circuit systémique qui détermine la possibilité de locomotion de l’aveugle. Plus généralement : « l’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense,  agit et  décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience ».

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Autrement dit, des éléments se combinent et s’agencent entre eux en permanence, de telle manière que les systèmes qui en résultent remettent en question les classiques notions de frontière entre l’artificiel et le naturel, l’individuel et le collectif. Les travaux de Raphaël Bessis  complètent utilement cette perspective.

Pour lui, à la frontière tout est question d’échelle tant les subjectivités racinent dans de multiples expansions, d’agencements en collectivités, de collectivités jusqu’à la biosphère : « […] il me paraît bien plus adéquat de parler de configuration singulière, plutôt que d’individu, configuration singulière qui ne prend forme qu’en rapport à d’autres configurations singulières, lesquelles ne se comprennent que dans un contexte très fortement dynamique. Ainsi, l’homme n’est plus pensé dans une position isolationniste, archipélique où les êtres seraient complètement distincts les uns des autres : atomisés […] C’est à ce niveau d’analyse que l’on commence à percevoir les turbulences dans lesquelles séjourne l’âme humaine : l’individu au sens strict n’existe nullement, tant la subjectivité humaine s’ancre dans de multiples expansions, établissant la pluralité de ces racines dans un champ beaucoup plus large : celui de la collectivité, laquelle n’ayant pas davantage de forme parfaitement close, pleine et isolée, s’ouvrirait et s’ancrerait sur un collectif encore plus vaste. Si bien que d’une expansion à l’autre, nous nous retrouverions assez vite au niveau presque le plus général, celui de la société elle-même. C’est en ce sens que le schisme entre la société d’un côté et l’individu de l’autre est souvent une opinion sociologique non interrogée, qui en fait une problématique tout à fait passionnante. Peut-être pouvons-nous l’exprimer en un chiasme : l’individu est un être social et la société est faite d’individus…»

     Alors d’un point de vue opérationnel, quelles ressources nouvelles extraire de ce type de perspective sur le monde ? Concrètement, en termes d’évaluation des besoins futurs, de politique publique, et surtout de transmission des savoirs.

Si comme le décrit Bessis notre monde moderne devient toujours plus clos, toute altérité se voyant petit à petit dissoute du fait de l’uniformisation des pratiques produite par le processus de la mondialisation, alors les rétroactions de chacune de nos actions nous apparaissent de plus en plus visibles, comme sous la forme d’échos. En conséquence, il n’y a plus de lieu ou je ne trouve une « trace » de moi-même. J’ai même un écho de moi-même quand je retrouve des pesticides dans les glaces polaires. Dès lors la nécessité et la possibilité même du mouvement (pulsion de fuite) devient beaucoup moins essentielle et la stratégie de développement des humains beaucoup plus « végétale ».

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Ainsi, à l’image de la plante pour la lumière et l’eau, le nouvel individu étend en surface ses capteurs d’information dans le réseau de réseaux sociétal, à la recherche de sens composites. Autrement dit, il cherche à combiner et expérimenter les approches de toute nature (scientifiques, industrielles, médiatiques, artistiques…), approches dont il a les échos permanents dans la société informationnelle au sein de laquelle il « pousse ». Alors si de par l’arrachement à la nécessité du milieu qu’avait permis la technique l’homme était en capacité de construire son propre terreau, à la carte, il en est peut-être à présent en devoir. En contrepoint, il ne peut évidement plus se satisfaire d’un substrat de connaissance traditionnel : analytique, linéaire et séquentielle. La connaissance « encyclopédique » doit donc faire place à une connaissance plus systémique favorisant relations et interdépendances, et le rôle que peut y jouer l’écologie nous apparaît ici comme majeur.

Car l’écologie est précisément cette science des agencements qui doit nous permettre de devenir des interprètes du monde. A travers la reconnaissance et l’organisation des circuits dans lesquels on s’insère, l’écologue est peut-être finalement assez proche du médecin nietzschéen : il donne du sens à partir d’une compréhension des rapports et non d’une quelconque morale, pour en finir avec : « la monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux niveaux individuel, familial, national et international – la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous – ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature. » G. Bateson.

Cette découverte dont parle Bateson nous ramène à toujours à la question de l’apprendre à apprendre. Car si aujourd’hui 22% des interviewés sont demandeurs d’éducation à l’environnement dans les programmes scolaires, reste à savoir comment. Quoi ? A la place de ? En articulation avec ? Comment combiner ? Si les voies d’accès et réponses possibles sont multiples, il convient de regarder particulièrement la place de l’art, sa puissance propre dans une approche plus systémique.

Art et correction

     Pour G. Bateson, l’ensemble de l’esprit est un « réseau cybernétique intégré » de propositions, d’images, de processus etc. etc.…, la conscience, un échantillon des différentes parties et régions de ce réseau : « si l’on coupe la conscience, ce qui apparaît ce sont des arcs de circuits, non des pas des circuits complet, ni des circuits de circuits encore plus vaste. »

Notre conscience n’est donc qu’une petite partie du réel systématiquement sélectionnée et aboutissant à une image déformée d’un ensemble plus vaste. Bateson donne ici à voir l’exemple de l’iceberg. Si à partir de la surface visible de celui-ci nous pouvons deviner ou extrapoler le type de matière qui se trouve immergée, il n’en est pas du tout de même à partir du matériel livré par la conscience : « le système de la pensée consciente véhicule des informations sur la nature de l’homme et de son environnement. Ces informations sont déformées ou sélectionnées et nous ignorons la façon dont se produisent ces transformations. Comme ce système est couplé avec le système mental coévolutif plus vaste, il peut se produire un fâcheux déséquilibre entre les deux». Ainsi une pure rationalité projective « non assistée » est nécessairement pathogénique et destructrice de la vie, car : « la vie dépend de circuits de contingences entrelacés, alors que la conscience ne peut mettre en évidence que tels petits arcs de tels circuits que l’engrenage des buts humains peut manœuvrer. »

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Pour nos actions quotidiennes, les conséquences néfastes sont nombreuses. Elles ont toutes ceci de commun que : « les erreurs se reproduisent à chaque fois que la chaîne causales altérée (par la réalisation d’un but conscient) est une partie de la structure de circuit, vaste ou petit, d’un système. »

Dès lors pour l’homme, la surprise ne peut alors qu’être continue vis-à-vis des effets de  ses « stratégies de tête », cela quelque soit la nature de ses intentions. Prenons l’exemple suivant lequel nous souhaiterions assainir un territoire infesté de moustiques afin d’y développer le tourisme ou l’agriculture, générer des revenus pour le monde rural, maintenir les populations sur le territoire et protéger l’environnement de toute forme de surexploitation.

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Première option, nous utilisons du DDT pour tuer les insectes, exemple donné par Bateson. Se faisant nous privons l’ensemble des insectivore de leur nourriture, ce qui en retour à pour effet de multiplier certaines des populations d’insectes. Nous sommes donc conduit à utiliser une plus grande quantité de DDT, jusqu’à la possibilité d’empoisonner y compris les insectivores : « ainsi, si l’utilisation de DDT en venait à tuer les chiens par exemple, il y aurait dès lors lieu d’augmenter le nombre de policier pour faire faire face à la recrudescence des cambriolages. En réponse ces même cambrioleurs s’armeraient mieux et deviendraient plus malin…etc. etc.… ». Deuxième option, plus actuelle, nous produisons des moustiques OGM équipé d’un gène qui les protège contre le paludisme dont ils sont l’un des vecteurs. Quid des effets d’une éventuelle propagation du gène aux autres insectes, aux prédateurs ? Quid des conséquences éventuelles de la prolifération de moustiques mutants sur les niches écologiques ? Et ainsi de suite…Entre ces deux options, cinquante ans, mais peu ou prou, subsiste toujours les même interrogations.

Ainsi, dans un monde fait de structure et de circuits plus ou moins inaccessibles à l’homme, la « sagesse » de ce denier consiste précisément dans la reconnaissance ou la perception de ceux-ci, comme des relations qui nous relient. Comment ? L’art est l’une de ces voies privilégiée d’accès vers, dans la mesure où « […] l’art, à une fonction positive, consistant à maintenir ce que j’ai [Bateson] appelé « sagesse », modifier, par exemple, une conception trop projective de la vie, pour la rendre plus systémique […] ce que la conscience non assistée (par l’art, les rêves, la religion…) ne peut jamais apprécier, c’est la nature systémique de l’esprit. »

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Ce qui est souligné dans la profondeur d’une œuvre d’art, dans une composition, ce sont des catégories de relations et non quelques éléments relatés aux contours facilement identifiables. Le projet de l’œuvre d’art est un projet intégrateur qui rencontre ici l’objectif de l’écologie. Ce que disait Nietzsche à propose de ce qu’accomplit le danseur, c’est précisément le dépassement des antinomies. Le corps dansant a le pouvoir d’unir les contraires et « nous avons l’art, afin de ne pas mourir de la vérité ».

Le jeu de la combinaison des sources et des savoirs consiste précisément à accroître cet échantillon qu’est la conscience. Mais pas seulement quantitativement, bien plus qualitativement en reliant les « vides », les coupes de circuit, en éclairant ces zones grises d’un chemin de pensée. Sous cet angle, l’écologie apparaît, en plus de la science, comme l’art des agencements, de la composition de modes d’existence. En résonnance avec le devenir artiste nietzschéen, elle permet la création de perspectives nouvelles au sens où il existerait une boucle (écologie mentale) du type : « les modes de vie inspirent des façons de penser, les modes de pensée créent des façons de vivre », en combinant et expérimentant les approches scientifiques, industrielles, médiatiques et artistiques.

Pistes de réflexions et lignes directrices

     La question écologique telle qu’elle se pose à nous aujourd’hui, c’est la question de la frontière. Mais elle n’est pas sans frontière, c’est peut-être même le jeu de la frontière mobile et de la composition de mode d’existence. Alors bien évidemment tout cela n’est pas sans poser de grave problème à nos systèmes traditionnels de transmission des connaissances, ceux-ci ayant toujours besoin d’étiquettes, de classeurs et de casiers.

Mais peut-être qu’avant cela, il conviendrait déjà de réinterroger le mode opératoire médiatique qui consiste classiquement au niveau de la question écologique à produire de manière séquentielle et linéaire, du connu avec de l’inconnu, du complet avec de l’incomplet, du simple avec du complexe. Car si notre objectif est bien de proposer les étapes clés d’un parcours équilibré d’accès aux connaissances auprès d’un grand public, il convient d’en finir au plus vite avec le prémâché et de viser à toujours plus combiner curiosité, exploration, recherche personnelle, pédagogie, expérimentation, création artistique etc…de sorte à offrir aux différents publics un niveau de lecture adapté à chacun. Soit exploiter véritablement les nouvelles possibilités nées de l’approche systémique, pour « aider à s’élever pour mieux voir, à relier pour mieux comprendre et à situer pour mieux agir. » (Joël de Rosnay)

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Toute transmission d’information relative à l’écologie se devrait donc de combiner les trois temps suivants :

·         Transmettre les informations et concepts de bases : par delà les polémiques et les jugements de valeur, pour former les nœuds d’une grille de lecture. Il existe une place pour des informations de base (concepts clés). L’environnement est à bien des égards une machinerie dont les différentes pièces du moteur peuvent être décrites par déconstruction, à la condition qu’une synthèse articulée soit en mesure de resituer ces éléments dans un contexte plus vaste.

·         Employer une tonalité mobilisatrice et interrogatrice : pour initier cette synthèse, il convient de présenter l’ensemble du domaine à communiquer de manière attractive en donnant à penser, en initiant l’exercice créateur de la réflexion individuelle et collective. Car l’objectif est d’apprendre à apprendre à retrouver les informations pertinentes par soi-même et complexifier ainsi sa base de connaissance, conduire à un enrichissement mutuel des concepts (synergie des idées). 

·         Utiliser différents canaux de transmission : opter pour la complexité en pariant sur la lucidité de son auditoire nécessite d’offrir différents niveaux d’accès et de lecture à ses messages (ludique, logique, affectif, interactif…). Car on ne sait pas à l’avance par quel canal on apprend ceci ou cela, on déplie ceci ou cela. Une courbe, un tableau, une musique, un paysage…Le rôle de l’art apparaît ici comme un facteur positif de premier plan, créateur de synergies, catalyseur d’une certaines écologie des idées.

     Pour finir, rappelons une conclusion importante de la théorie des systèmes : plus les voies de circulation de l’énergie (i.e. de l’information) sont nombreuses, plus un système est capable de s’autoréguler. Mais multiplier les voies de circulation de l’information sans adapter les transmetteurs et préparer les récepteurs n’est source que de nouvelles saturations et pollutions. Et voilà à précisément pourquoi nous ne sommes toujours pas prêts aujourd’hui à poser correctement la question de l’écologie, pourquoi en ressort autant de bruit et comment nous risquons de rater une grande partie de ce défi de notre temps. Autrement dit, en rester à la norme.

Bateson disait en son temps: « j’affirme que si vous voulez parler de choses vivantes, non seulement en tant que biologiste académique mais à titre personnel, pour vous-même, créature vivante parmi les créatures vivantes, il est indiqué d’utiliser un langage isomorphe au langage grâce auquel les créatures vivantes elles-mêmes sont organisées – un langage qui est en phase avec le langage du monde biologique». Peut-être pourrait-on ajouter très simplement que si nous voulons parler de quelque chose de nouveau en matière écologique, il nous faut également un langage nouveau.

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