Avant moi le néant, après moi le déluge…voilà la petite formule qui pourrait résumer le climat général qui règne chez nos différents piliers de l’écolobar « on refait la terre ». Premier nano-dialogue autour d’une tourtelle bio en centre ville.
[Bobo] La campagne c’est plus propre que la ville !
[Misantro] C’est surtout jolie la nature, quand tu vois les horreurs que construisent les hommes…moi je préfère les chiens !
[Inluenço] Le problème, c’est que le climat devient fou ! Nos anciens savaient bien faire pousser la tomate !
[Dialecto] Si un homme part dans la direction A et un autre dans la direction B, alors il devront forcement opposer A à B pour avancer.
[Antropo] Oui, d’ailleurs c’est fou ce que les pingouins ont une vie difficile !
[TeChno] Des poissons normés sans arrêtes sauveront les africains…
[Théologo] Le prix de nos erreurs à un coût ! Le CO2, c’est la pomme d’Adam.
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Accélération de l’accélération
Devant les certitudes des uns et les chiffres en camisole des autres, il est définitivement bien difficile de prendre une posture autre que théologique [c’est bien, c’est mal], très laborieux d’avoir une vue d’ensemble [croyant régler ceci, je déséquilibre cela]. Alors dans ce brouhaha d’opinions multiples, peut-être qu’une question pourrait nous ouvrir une première porte de sortie de notre écolobar « on refait la terre » : que se passe-t-il lorsqu’une espèce impose son ou ses (bio)rythmes (démographie, consommation, production…) à l’ensemble de la biosphère ?
Derrière la multiplicité des symptômes dans lequels nous nous noyons tristement en débats et discours stérilisateurs où tout se mélange de la cause à l’effet, de l’effet à la cause, il semble poutant qu’il existe une constante : l’accélération. Accélérer l’évolution végétale à travers les OGM, accélérer la radioactivité naturelle à travers exploitation de l’énergie nucléaire, accélérer l’écoulement des eaux à travers l’imperméabilisation des sols, accélérer les variations climatiques, accélérer la circulation de la monnaie, accélerer la rotation des stocks de marchandise etc…etc…jusqu’à accélerer notre propre évolution.
Notre modernité ne serait-elle pas même une accélération de l’accélération ? A la suite de Michel Serres, nous en resteront au fait que le lièvre de la technique met à la rue la sélection tortue. C’est à dire qu’à une sélection naturelle extrêmement lente - »because » fondée sur des mutations génétiques hasardeuses et nécessairement sélectionnées par un environnement - nous avons substitué une sélection artificielle externe fondée sur la technique, la multiplication des objets et la sélection « rationnelle et impulsive » d’un client.
Aujourd’hui, avec le déploiement quasi auto-entretenu de nos technologies, l’espérance de vie d’un individu moderne doit être en réalité mille fois supérieure à celle d’un homme du XVème siècle en terme de temps disponible. Bien sûr une fois dit que celui-ci devait passer une heure à chercher de l’eau, une heure à couper du bois, une heure à élever ou cultiver sa nourriture, une heure de cheval pour communiquer…bref des heures qui finissent par être des années pour accomplir ces opérations de la vie quotidienne que nous pratiquons désormais en quelques fractions de seconde.
Cette accélération générale de l’ensemble des activités de nos sociétés pourrait avoir une cause très simple : la lutte contre le temps qui passe. Là il faut rire ! Car au delà de la mort individuelle de tout un chacun, il faudra bien que l’espèce humaine colonise un nouveau système solaire d’ici quelques 5 milliards d’années, le soleil ayant lui-aussi des réserves en combustible limitées. Du simple fait que nous ne l’ignorons pas, nous sommes pris ensemble dans une longue course contre la montre.
L’ennui
Cause X ou cause Y, cette accélération générale de l’ensemble des activités de nos sociétés a une conséquence très directe : la lutte quotidienne pour remplir un surplus de temps disponible. Une curieuse lutte contre la surabondance. Alors certes celle-ci demeure inégale selon les individus, mais au global, nos sociétés modernes sont très largement débarrassées des nombreuses tâches qui préoccupaient autrefois 95% de nos cerveaux reptiliens. Oui, ceux qui ont la queue qui repousse et qu’aujourd’hui on nourrit de télévision faute de mieux.
Si autrefois on pouvait entendre : « le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont le pistolet chargé, et ceux qui creusent, toi tu creuses… », aujourd’hui on pourrait presque dire « le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un BlackBerry chargé, et ceux qui s’ennuient, toi tu t’ennuies… ».
Voilà bien une terrible question, que faire du temps qu’on a ? Produire du « contenu » façon prozac « multimaudiovisuel » et ainsi offrir du travail aux multiples artismes dans mon genre ? Voilà qui est sans doute satisfaisant en termes de biodiversité sociale, à condition que ces derniers ne commencent pas à se prendre trop au sérieux ! Sauver la planète ? Voilà d’ailleurs un bon exemple de ce que pourrait être ce genre de concept »sérieux ». Sans doute devrions-nous commencer par nous sauver nous-mêmes avant de penser à la planète, surtout quand celle-ci est vue comme un « autrui », sorte de victime nécessaire à un délire culpabilisateur collectif conjugué au présent, passé et futur. Or comme dirait Spinoza, la tristesse sous toutes ses formes – culpabilité et anthropomorphisme en l’occurence – ne mène certainement pas à l’action.
Finallement toutes ces interrogations semblent nous ramèner le plus souvent à l’ennui qui caractérise nos sociétés modernes, et sans doute à son lot de bêtises qui l’accompagne. Ne serait-ce pas là d’ailleur la pire des pollutions mentales de l’époque ? L’ennui, cette espèce d’absence d’attention au monde. Cette indifférence apparente qui s’exprimerait dans un découplage permanent de tout avec tout et qui aurait pour principale conséquence de nous faire rabattre toute différence ou altérité sur du connu. Connu trop connu qui en retour nous ennuie à nouveau. Bref, nous avons du temps comme jamais, mais nous ne savons pas quoi en faire. Nihilisme, fin de l’histoire des habitants de la face cachée de la lune nous dit le médecin. L’ennui, voilà peut-être aussi un vrai problème écologique…
Transition…
Rien de très neuf n’ayant été formulé dans cette article, profitons en pour souligner que la manière avec laquelle nous abordons aujourd’hui l’écologie n’a curieusement rien de bien nouveau. Le plus souvent, il ne s’agit même que d’une simple réactualisation ou reformulation de questions très anciennes : gérer des pénuries, optimiser des coûts et répartir des revenus…Sans doute que nos anciens devaient être de fieffés idiots pour ne pas avoir règlé ces questions de manière correcte…c’est à dire comme nous le ferions aujourd’hui à l’aide de connaissances malheureusement actuelles (sic!).
Mais comme nous n’avons que peu de mémoire – ou alors éprouvons un besoin vital de réinventer la roue – et que nous ne comprenons visiblement pas que les questions et les réponses ne se posent et se proposent à une société que dans certaines conditions historiques et géographiques paticulières, et bien nous continuons de chanter tous en coeur à l’écolobar: « avant moi le néant, après moi le déluge ».
Dans quel écosystème de pensées sommes-nous aujourd’hui enfermés pour produire si peu et être payés de tant d’ennui en retour…? Voilà ce que me disait l’autre jour un surprenant taxi, sans doute un membre de la famille spirituelle des Finkielkraut, en tout cas de celle qui arrive à parler décadence à partir d’une discussion vélib :
[xxx...des jeunes dynamiques avides de prendre leur part du gateau et qui ne contestent plus que pour accéder au modèle, des jeunes-vieux anciennement dynamiques ayant à présent une indigestion durable et qui sombrent dans un ennui maquillé en doute, une créativité maintenant déplacée du côté de ceux qui font la norme (SD21000, ISO14000, RF, NAFNAF and co...), des collectifs anti qui ne pensent pas à penser contre eux-même, des politiques en mode boîte aux lettre pour cathodo-catholos depressifs, partout des égos polis comme les grains de sables d'une plage du Touquet...et moi qui n'ait rien de plus à proposer que des catégories dépassées...lire...lire...lire...écouter...bip, fin de transmission...xxx]
Traduction positive : nous sommes tous pris de vitesse ! Ce n’est que le début de quelque chose….se réinventer…
Ajout négatif : ça doit sûrement être la faute de quelqu’un ! On n’est pas sorti du bar…se saoûler…
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