D’après le constat d’étape de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques intitulé « la biodiversité : l’autre choc » : « le choc climatique dont nous commençons à sentir les effets va se doubler d’un choc biologique »
Concernant plus particulièrement l’état des écosystèmes aquatiques, ce dernier nous renvoie au récent rapport de l’Académie des Sciences sur l’état des eaux continentales : « l’irrigation agricole est responsable de plus de 70 % des extractions et conduit, suivant les besoins et les milieux, à une concentration de pollutions, à une extinction des nappes et de leurs écosystèmes ou à une salinisation des eaux. Du fait de leur accroissement récent, qui s’additionne à des épisodes de sécheresse, ces prélèvements dépassent les capacités de résilience des écosystèmes aquatiques qui sont pourtant habitués aux variations du cycle hydrologique. »
Dans le cadre de notre approche générale des écosystèmes, notre question est alors : qu’est-ce qu’une capacité de résilience d’un écosystème ? En quoi cette notion est-elle liée à la biodiversité ?
De la biodiversité à la résilience écologique
Dit simplement, la résilience écologique d’un écosystème est sa capacité à retrouver un fonctionnement et un développement « régulier » après avoir subi une perturbation importante. On parle ainsi de résilience d’un écosystème forestier pour décrire sa capacité à se reconstituer à la suite d’un incendie.
Nous avons vu précédemment qu’un écosystème était un système complexe dynamique. En ce sens, ce n’est pas un système stable, figé dans un état qui serait le seul état viable pour lui. Nous avons ainsi vu que plus le système est mature, plus il dispose d’alternatives ou de stratégies de croissance différenciées, plus les flux de matières et d’énergies peuvent opter pour des cheminements différents du fait de l’existence de redondances, d’accumulation d’information (relations symbiotiques). Or la biodiversité joue un rôle majeur dans les redondances et le stockage d’information. Plus d’espèces pouvant se substituer les unes aux autres sur la même fonction, plus espèces stockant plus de gênes et donc plus de possibilités ou potentialités de comportementales. De manière analogique, on pourrait dire que tout se passe un peu comme si la nature gérait un portefeuille d’actif, en répartissant les risques et en se préservant des portes de sortie.
Un écosystème évolue donc en permanence selon les fluctuations de son environnement, par à-coups sous l’effet de perturbations naturelles ou anthropiques. On peut même dire qu’il ne survit que grâce à ces perturbations, celles-ci étant un facteur de maintien de la biodiversité. En leur absence, le phénomène de compétition entre espèces peut en effet devenir prépondérant et permettre à l’une d’elles de prendre le dessus.
Cependant l’écosystème peut perdre cette aptitude à retrouver un état d’équilibre, on dit alors qu’il perd sa capacité de résilience : lorsque la perturbation est trop importante, lors de certaines pollutions graves par exemple, et que les seuils dits d’irréversibilité sont dépassés. Concernant les écosystèmes aquatiques, leur capacité de résilience dépend en grande partie de leur la capacité d’épuration. Celle-ci est limitée la vitesse du processus de dégradation des matières organiques effectué par les bactéries aérobies. Vitesse dépendant de la teneur en oxygène du milieu aquatique et de la température de l’eau influençant l’activité bactériologique. Lorsque ce cumul naturel de matière organique devient trop important, le milieu n’est plus à même de réaliser ainsi son autoépuration et l’équilibre naturel est rompu. La concentration des nitrates d’origines agricole est une parfaite illustration de ce cas. On parle alors d’eutrophisation lorsque le milieu reçoit trop de matières nutritives assimilables par les algues et que celles-ci prolifèrent au détriment de l’équilibre général des espèces.
D’autres modifications irréversibles des écosystèmes aquatiques peuvent également survenir lorsque trop de substances toxiques pour les espèces vivantes sont introduites dans ces écosystèmes, provoquant une raréfaction, voire une disparition de certaines espèces fragiles déséquilibrant ainsi la chaîne alimentaire. De même, l’introduction, intentionnelle ou non, de nouvelles espèces peut aussi être à l’origine de profondes modifications de l’écosystème.
En vert les pays adhérents à la convention internationale sur la biodiversité
Les autres « bénéfices » et « services » issus de la biodiversité
Si biodiversité et capacité de résilience des écosystèmes sont intimement liées, les « bénéfices » de la biodiversité sont également à rechercher par ailleurs :
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En termes de santé le rapport précise : « des expériences convergentes effectuées au Brésil et aux Etats-Unis prouvent que la biodiversité est un facteur important d’inhibition de nombreuses maladies (leishmaniose, maladie de Chagas, maladie de Lyme, etc.). A l’opposé, la destruction des milieux est un facteur favorisant de propagation de ces maladies […] »
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En termes d’agriculture : « [...] près de 20 000 espèces apparentées aux abeilles contribuent à la survie et à l’évolution de plus de 80 % des espèces de fleurs à travers la pollinisation [...] des recherches menées en Europe et aux Etats-Unis sur les herbacées révèlent une corrélation positive entre le nombre d’espèces plantées et la récolte de biomasse à l’hectare […] ceci s’explique, notamment, par le fait qu’un mélange d’espèces permet de combiner celles d’entre elles qui fixent le mieux l’azote et celles d’entre elles qui injectent le plus de carbone dans le sol. »
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En termes de résistance : « des expériences […] faites aux Etats-Unis et au Burkina Fasso montrent que l’accroissement de la biodiversité permet de mieux résister à la sécheresse […] Des études de l’INRA ont mis en évidence que l’insertion de feuillus dans des plantations industrielles de conifères faisait baisser l’impact des ravageurs (probablement parce que ces feuillus hébergent les prédateurs de ces ravageurs). »
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En termes de services hydrologiques : « les zones humides – dont la moitié ont disparu en France depuis cinquante ans –, les forêts, les talus jouent un rôle capital dans la distribution hydrologique. Et principalement sur deux points, la filtration et le cycle de rétention/élimination lente de l’eau. Par exemple, les zones humides ont une capacité précieuse à éliminer l’azote des nitrates provenant des bassins versants suivant un processus complexe de rétention puis d’élimination par des micro-organismes du sol. »
Si le rapport insiste sur l’importance des différents services rendus par la biodiversité, ce dernier n’écarte cependant pas l’éternel problème de la mesure de ceux-ci dans notre champ économique classique (calcul des externalités positives) : « le chiffrage des biens et services fournis par la biodiversité a été calibré autour de 33 000 milliards de dollars en 1997, soit un chiffre analogue à celui du PIB mondial d’aujourd’hui. D’autres estimations, effectuées a contrario sont plus modestes, estimant les coûts non marchands – environnementaux et sanitaires – d’une forte dégradation de la biodiversité à 11 points du PIB ». En effet : « les services de biodiversité sont utilisés par le marché mais ne répondent pas aux critères de ce marché :
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temps long de constitution contre temps court du marché,
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utilité collective pas toujours clairement appropriable par des acteurs individuels,
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absence actuelle apparente de rareté.
[…] une évolution est donc nécessaire pour donner aux services de la biodiversité une assiette économique, et dans un premier temps sur deux points : l’agriculture et l’eau. »
Les forces à l’oeuvre
Evolution d’autant plus nécessaires que les forces à l’œuvre pesant sur la biodiversité sont structurellement extrêmement lourdes, pouvant se regrouper sous les deux chapeaux suivants : les variations climatiques et la pression démographiques (besoins agricoles, urbanisation et déforestation).
Les changements climatiques
« Sur des échelles de temps longues, le changement climatique isole les espèces, leur permettant de diverger, et est donc plutôt favorable à l’enrichissement de la biodiversité (pompe à biodiversité). Cependant, à l’échelle de quelques décennies, une évolution climatique brutale n’a surement pas les mêmes effets sur les capacités d’adaptation des écosystèmes, sur les temps de réaction des écosystèmes au changement. Les possibilités d’évolution des organismes à cycle rapide de reproduction […] (i.e. des écosystèmes jeunes) ne sont pas les mêmes que pour les massifs forestiers dont la durée de réaction relève de plusieurs décennies, voire de plusieurs siècles […] Une étude européenne – assise sur des hypothèses basses de réchauffement – montre qu’au moins 19 % des plantes européennes devront migrer d’un km/an pour survivre d’ici 2050 – ce qui correspond à la vitesse de repeuplement du chêne après la dernière glaciation. »
Les conséquences de la pression démographique
Déforestation : « une expérience menée sur plus de vingt ans suivant la même méthodologie en Guyane et au Brésil et les modélisations de cette expérience montrent qu’en cas de coupe sévère, les essences se reconstituent sur un siècle et les écosystèmes associés sur plus de deux siècles. On rappellera qu’un hectare de forêt stocke, suivant les essences, de 7 à 10 tonnes de CO2 et que la déforestation annuelle aboutit à l’émission de 2 GT de CO2. »
Sur les besoin en matière première : « l’extension dans les dernières années des plantations de palmiers à huile destinés à des biocarburants devrait nous alerter, d’autant plus qu’elles sont situées dans des zones de haute concentration de biodiversité (Asie du Sud-Est, Afrique équatoriale). Pour le seul territoire français, on rappellera que pour atteindre l’objectif de 5,75 % de biocarburant dans l’essence ou le diesel, il serait nécessaire de mobiliser la totalité des jachères. Même si la forêt française bénéficie d’accrus forestiers (70 000 hectares/an), et que sa surface est double de celle qu’elle occupait en 1800, elle pourrait être, à terme, menacée par les besoins des biocarburants. »
Par ailleurs inutile de revenir plus en détail sur les besoins concurrents en nourriture (donc en eau et agriculture intensive !) à venir…dans un monde de plus de neuf milliards d’individus d’ici à 2050 !
Quelques chiffres du rapport
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« la perte de biodiversité des espèces dans les milieux humides et les eaux continentales a atteint 37 % entre 1970 et 2000 »
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« la réduction des forêts tropicales sèches (Madagascar, forêt atlantique brésilienne, dont il ne reste plus que 7 à 10 %, se poursuit), »
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« on observe une poursuite de la déforestation des forêts tropicales humides (Afrique, Asie, Amérique du Sud) à un rythme de 13 millions d’hectares par an, alors que ce milieu héberge 50 % de la flore mondiale. »
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« en trente ans, la Beauce a perdu plus de 30 % des composés organiques de son sol. »
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« en Allemagne, par exemple, 100 hectares de milieux naturels sont détruits chaque jour à des fins de construction ou d’installation d’infrastructures ;
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« au Brésil, la construction d’une route en milieu forestier, détruit la biodiversité de ce milieu jusqu’à 50 km de part et d’autre de cette route ;
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« Pour ne s’intéresser qu’au cas de la France, le nombre d’espèces invasives dénombrées a augmenté de 50 % en quatre ans (104 en 2002, 153 en 2006). »
Valeurs de la biodiversité globale: en rouge une biodiversité élevée, en bleu une biodiversité réduite.
Source: Biogeography & Conservation Lab, The Natural History Museum, London, UK.
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