Art et écologie

« Si nous n’avions pas approuvé les arts et inventé cette sorte de culte du non-vrai, nous ne saurions du tout supporter la faculté que nous procure maintenant la science, de comprendre l’universel esprit de non-vérité et de mensonge, de comprendre le délire et l’erreur en tant que conditions de l’existence connaissante et sensible » Nietzsche.

     A l’occasion de la journée d’étude [écologie, science, art et société] organisée par le collectif green is beautiful, peut-être n’est-il pas inutile de faire le point sur les convergences possibles entre l’art et de l’écologie. Question que nous abordons régulièrement ici sous l’angle suivant : si l’écologie est une chance de développement doux pour notre époque, l’art est une chance de développement doux pour l’écologie.

La perspective écologique, c’est l’art des agencements. Autrement dit, la compréhension des différents circuits dans lesquels s’insère et racine l’âme humaine. Comme ces relations et compositions nous semblent plus ou moins inaccessibles à notre mode de pensé actuel (linéaire, séquentiel), notre hypothèse est bien que l’art en est l’une des principale portes d’entrée.

« […] L’art, à une fonction positive, consistant à maintenir ce que j’ai appelé « sagesse », modifier, par exemple, une conception trop projective de la vie, pour la rendre plus systémique […] ce que la conscience non assistée (par l’art, les rêves, la religion…) ne peut jamais apprécier, c’est la nature systémique de l’esprit. » Grégory Bateson

Coévolution, interaction, rétroaction,…autant de concepts issus de la systèmique et qui forment aujourd’hui les bases de la pensée écologique scientifique. A partir de là, l’approche écosystémique est donc une façon de percevoir à la fois l’arbre et la forêt, sans que l’un ne masque l’autre. L’arbre est perçu comme une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la forêt, elle-même association d’arbres dont les interactions produisent leur propre niche écologique individuelle. Nous ne pouvons donc pas donner à comprendre clairement l’écologie par des approches classiques, linéaires et exclusives.

Or le projet de l’œuvre d’art est un projet intégrateur qui rencontre précisement cet objectif de la pensée écologique. Comme le disait Nietzsche, le corps dansant a le pouvoir d’unir les contraires et « nous avons l’art, afin de ne pas mourir de la vérité ». Une vérité entendue au sens d’un mode de pensée figé dans des frontières terriblement fixes (individu/collectivité, artificiel/naturel…)

Art et écologie dans -> PERSPECTIVES TRANSVERSES image004

« L’écologie est un grand tournant, à condition que cette écologie soit mariée à la dimension sociale et économique, avec toute forme d’altérité, pour former une idéologie douce, qui fasse sa place aux nouvelles connaissances. » Félix Guattari.

     De la terre tourne autour du soleil à l’individu ne tourne pas autour d’un moi conscient, les véritables révolutions de nos modes de pensée ont toujours été accompagnées de nouvelles perspectives artistiques. Alors si la révolution freudienne avait ouvert la porte aux mouvements dadaïstes et surréalistes, que peut-on attendre de la révolution écologique ? Révolution que l’on pourrait définir comme suit : nos idées sont immanentes dans un réseau de voies causales (système d’information) dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience. Autrement dit un « abandon des frontières de l’individu comme point de repère ». Bateson remarquait que si Freud avait « étendu le concept d’esprit vers le dedans […] à l’intérieur du corps »,  lui-même entendait « étendre l’esprit vers le dehors ». Ces deux mouvements ayant ceci de commun qu’ils s’accompagnent de la réduction du champ du soi conscient. 

« La monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux niveaux individuel, familial, national et international – la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous – ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature. » Gregory Bateson.

     De ce que nous avons pu balayer sur quelques articles, nous pouvons peut-être essayer de synthétiser quelques unes des forces ou processus à l’oeuvre et qui pourraient être manipulés à des fins d’illustration artistique de la question écologique.

Un monde vécu comme de plus en plus clos : le processus d’uniformisation des pratiques humaines né de la mondialisation rend aujourd’hui de plus en plus difficile la rencontre avec toute forme de différence. Nous vivons ainsi comme dans une cloche sous laquelle les rétroactions de nos actions nous apparaissent comme de plus en plus visibles (effet boomerang). On pourrait même dire audibles sous la forme d’échos, ce que Raphaël Bessis nomme l’échoïsation du monde.

Un devenir végétal : dans la mesure où plus aucun des territoires de la planète ne porte pas une trace de moi-même (les mêmes pesticides dans les glaces polaires et dans mes testicules…), pulsion de fuite et mouvement perdent de leur intérêt stratégique. Dès lors, en pensant le rapport animal et végétal sur la base de stratégies de captation de l’énergie différenciées, l’une en mouvement, l’autre non, peut-on imaginer que le développement des humains adopte un modèle plus végétal ? Un mode où à l’image de la plante pour la lumière et l’eau, l’individu étendrait en surface ses capteurs d’information dans le réseau sociétal, à la recherche de sens composites (informations, énergie). En contrepoint, il délaisserait la construction de son intériorité au profit d’un nouveau type de croissance : en extérieure, en surface, par réitération et redondance, en multipliant les chemins de circulation de l’information. Parallèlement, ce dernier ne pourrait plus se satisfaire du substrat traditionnel des connaissances : analytique, linéaire et séquentielle.

Un mix-monde, fait de sample et d’extraction : dans un monde intégré, l’individu cherche à combiner et expérimenter les approches de toute nature dont il a les « échos » permanents dans la société informationnelle au sein de laquelle il « pousse » (scientifiques, industrielles, médiatiques, artistiques…). Mais sa conscience n’est qu’une petite partie systématiquement sélectionnée et aboutit à une image déformée d’un ensemble plus vaste, le réel. Gregory Bateson : « La vie dépend de circuits de contingences entrelacés, alors que la conscience ne peut mettre en évidence que tels petits arcs de tels circuits que l’engrenage des buts humains peut manœuvrer. » Ignorant ces circuits plus vastes, l’individu sample des entités à partir d’un mode de pensée atomiste sujet-objet. Le poulet en batterie est un sample du poulet naturel. C’est-à-dire une entité extraite de son environnement (circuit initial), tout comme on extrait un son d’un ensemble musical. Le sample n’a évidement plus les mêmes capacités que l’original dans son contexte, mais à en rester à la forme on dira que c’est toujours un poulet et on pourra le multiplier à l’infini (copier/coller…).

Extérieur/intérieur : tout système peut se représenter comme une différenciation interne entretenue par un flux énergétique (matière, information) externe qui le traverse. Ce flux détermine donc un intérieur différencié et un extérieur qu’on appelle environnement. C’est-à-dire un système plus ouvert à la circulation des flux et qui assure la régulation de l’ensemble. Tout système est donc relié à un environnement (à un autre système plus ouvert), à une écologie (à des relations entre systèmes). Mais dans quelle mesure l’intérieur n’est-il qu’un extérieur sélectionné, l’extérieur, un intérieur projeté ?

Individu/collectivité : l’individu est une configuration singulière qui ne prend forme qu’en rapport à d’autres configurations singulières, lesquelles ne se comprennent que dans un contexte très dynamique. L’homme, sous-système de systèmes, ne compose toujours qu’un arc dans un circuit plus grand qui toujours le comprend lui et son environnement (l’homme et l’ordinateur, l’homme et la canne…). Gregory Bateson : «  L’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense,  agit et  décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience ». Alors de quoi je suis capable (mode d’existence) dans tel agencement, dans tel circuit ? Comment je m’insère dans ces réseaux de réseaux ?

Artificiel/naturel : à la condition de considérer l’être humain come un « empire dans un empire », hors-circuit et hors contexte, ce qu’il fabrique aurait donc un caractère spécial par nature. Gilles Deleuze : « L’artifice fait complètement-partie de la Nature, puisque toute chose, sur le plan immanent de la Nature, se définit par des agencements de mouvements et d’affects dans lesquels elle entre, que ces agencements soient artificiels ou naturels […] une composition des vitesses et des lenteurs, des pouvoirs d’affecter et d’être affecté sur ce plan d’immanence. Voilà pourquoi Spinoza lance de véritables cris : vous ne savez pas ce dont vous êtes capables, en bon et en mauvais, vous ne savez pas d’avance ce que peut  un corps ou une âme, dans telle rencontre, dans tel agencement, dans telle combinaison. »

Plier pour rapprocher : dans un monde intégré et complexe, il ne s’agit plus de chercher à dénouer, mais bien à nouer. L’ensemble de l’esprit est un « réseau cybernétique intégré » de propositions, d’images, de processus etc. etc.…, la conscience, un échantillon des différentes parties et régions de ce réseau. Gregory Bateson : « si l’on coupe la conscience, ce qui apparaît ce sont des arcs de circuits, non des pas des circuits complet, ni des circuits de circuits encore plus vaste. ». Ainsi plier le papier, notre conscience, pour en rapprocher les bords.

id2 dans Art et ecologie

http://utime.unblog.fr/2007/05/02/ecologie-education-et-approche-systemique/

1 Réponse à “Art et écologie”


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