Archive mensuelle de mai 2007

Les performances de jazz : une source pour penser changement et écologie ?

     Doctorant en anthropologie (LAHIC, EHESS), Jocelyn Bonnerave nous invite dans son article « les performances de jazz : du territoire à l’écologie » à regarder ces dernières comme ne s’inscrivant pas seulement dans un cadre social interactionnel, mais plus généralement dans ce que l’on pourrait appeler à la suite de Bateson : un cadre écologique. Autrement dit, pourquoi sous certaines conditions, ces performences peuvent produire des « écologies musicales ».

« […] cette aptitude à intégrer le changement interactionnel ouvre le performeur de jazz à toutes sortes d’imprévus, dans le cadre social de l’interaction, mais pas seulement : il devient potentiellement capable d’intégrer au cours de sa performance tout ce qui advient sans prévenir dans l’espace-temps du spectacle, des bruits parasites aux caprices de la météo. Les performances de jazz n’ont donc pas seulement à voir avec le cadre interactionnel mais, plus généralement, avec ce qu’après Bateson on peut appeler le cadre écologique : elles produisent des écologies musicales. »

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Du cadre social de l’interaction…

     Dans la vie sociale en général, il s’agit d’éviter les ruptures, « être membre, c’est être prévisible » : « [...] On ne se croise pas n’importe comment sur cette scène de théâtre qu’est un trottoir de centre-ville, on ne donne pas du feu de la même façon à un inconnu et à une vieille amie, etc. On suit toujours des patrons chorégraphiques. Allumer une cigarette est une performance, jouer Shakespeare est une performance, mais répéter Shakespeare, ou Summertime, l’est aussi dès qu’il y a influence mutuelle entre des interactants et évaluation réciproque des comportements selon des normes attendues. Chacun est un public pour autrui. L’interaction relève d’une performance cérémonielle notamment parce qu’elle réaffirme sans cesse la légitimité des territoires respectifs des acteurs. Or, les performances que j’ai observées hypertrophient le plan du son dans la confrontation territoriale : il me semble qu’elles produisent des territoires sonores. L’une des fonctions des « cérémonies de jazz » est précisément d’assurer la légitimation des différents territoires sonores. […]»

Ce qui étonne alors l’auteur dans les règles de jazz, c’est leur plasticité : « […] Elles sont à la fois rigides et extrêmement souples. Elles peuvent être apparemment contredites sans rupture. Les territoires sont marqués mais peuvent s’ouvrir, se déplacer. Dans « Une théorie du jeu et du fantasme », article regroupé dans Vers une écologie de l’esprit, Bateson suggère ce qu’il entend par cadre interactionnel grâce à l’analogie du cadre d’un tableau : « […] le cadre du tableau est une indication pour celui qui regarde, qu’il ne doit pas étendre au papier peint du mur les prémisses qui opèrent pour les figures inscrites dans le tableau. (Bateson, 1980a, p. 220) ». Autrement dit, le cadre est la définition de la situation, ce qui permet à chaque interactant d’interpréter et de jouer ce qui se passe avec les autres. »

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…aux systèmes évolutifs d’interactions…

« […] Bateson s’intéresse particulièrement aux situations qui changent de cadre, et notamment à la thérapie psychiatrique où la relation patient-analyste devient idéalement une relation entre deux personnes « saines », et que Bateson appelle précisément « processus de changement » […] nos joueurs imaginaires ont évité le paradoxe en séparant la discussion sur les règles / du jeu effectif, or c’est précisément cette séparation qui est impossible en psychothérapie. Pour nous le processus psychothérapique est une interaction cadrée entre deux personnes où les règles sont implicites, mais susceptibles de changer. Un tel changement ne peut être proposé que par une action expérimentale ; cependant, chaque action expérimentale qui contient implicitement une proposition de changement de règles est elle-même une partie du jeu en cours. C’est bien cette combinaison de types logiques, à l’intérieur d’un seul acte signifiant, qui donne à la thérapie son caractère, non pas d’un jeu rigide mais d’un système évolutif d’interaction. (Bateson, 1980a, p. 222-223) »

Fort de cet appareillage conceptuel, l’auteur dévoile alors plus en avant son hypothèse de travail : « […] ce qui rend possible un chorus de trompette imprévu, c’est que les performances de jazz sont de semblables « systèmes évolutifs d’interactions » où certains événements sonores fonctionnent comme des « combinaisons de types logiques » : ils sont dans le cadre des éléments métacommunicationnels susceptibles de modifier le cadre. Voilà comment on évite la rupture : le cadre de la cérémonie n’est pas brisé, il est échangé. Toute la question serait alors de dégager quels événements possèdent ce pouvoir, et avec quelles conditions de validité. […] »

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…à l’écologie musicale

     Quelles sont alors les conséquences d’une telle plasticité ? « L’une des conséquences de cette plasticité concerne les territoires sonores. Le territoire collectif est donc susceptible, pour parler comme Deleuze et Guattari, de déterritorialisations locales et, dans d’autres contextes, de déterritorialisations totales. Cette plasticité est souvent telle qu’elle ne concerne pas simplement le cadre de l’interaction sociale : les performeurs de jazz ouvrent leurs territoires à toutes sortes d’événements contemporains de la performance, émanant du cadre lui-même et pas seulement de ce qui s’y joue. Il n’y a pas seulement territoires sonores, mais écologies musicales. 

[…] Si on se reporte à « Écologie et souplesse dans la civilisation urbaine » (Bateson, 1980b, p. 253-264), on remarque que l’écologie est toujours un processus de couplage entre des éléments hétérogènes : la ville et son environnement, les différents degrés logiques dans la sphère des idées, ou les espèces dominantes et les espèces secondaires d’une barrière de corail. Chaque élément du couplage dispose d’une certaine souplesse, c’est-à-dire que ses variables de fonctionnement peuvent fluctuer entre les seuils minimum et maximum au-delà desquels ils tombent dans le déséquilibre. Le couplage dans son ensemble est véritablement « écologique » lorsque ses éléments sont à des degrés de souplesse compatibles, soit lorsque le système produit un équilibre. Une population urbaine et son milieu sont écologiques lorsque, par exemple, les ressources en eau supportent le nombre d’habitants et leur mode de consommation de cette eau, fonction des habitudes alimentaires et hygiéniques, des technologies mobilisées, etc.

[…] Bateson montre longuement que les interactions humaines sont perpétuellement inscrites dans ce type de couplage, comme dans les relations entre professeur et élève, ou entre analyste et patient : « Les moyens par lesquels un homme en influence un autre font partie, eux aussi, de l’écologie des idées contenues dans leur relation, ainsi que du système écologique plus large qui englobe cette même relation. (Bateson, 1980b, p. 263) [...] Il me semble que les performances de jazz sont un autre exemple d’interactions face-à-face qui engage plus que ce face-à-face, et peuvent se coupler avec d’autres éléments, avec des éléments du « milieu ». C’est que les modifications des règles du jeu musical n’ont pas forcément à venir de l’un des interactants : elles peuvent être produites par toutes sortes d’événements environnants, tant qu’il est possible de créer un équilibre

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     A titre d’illustration, l’auteur nous donne à voir trois exemples précis (festival de Châteauvallon de 1978, festival d’Uzeste de 2004 et Bouffes du Nord, en juin dernier), consultables ici en fin d’article. Avant de conclure comme suit : « […] je crois que ces situations sont beaucoup plus qu’anecdotiques, parce qu’elles sont très fréquentes et parce que les éléments extérieurs à l’interaction sociale jouent un rôle déterminant, quoique ce rôle soit différent à chaque fois, dans l’invention formelle de la pièce et dans la réception du public.

Ces moments écologiques sont souvent accueillis par des rires, et il y a là un signe fort. En déterritorialisant des bruits ou des conditions météorologiques, en les intégrant dans la performance, les musiciens se reterritorialisent, mais il ne s’agit plus d’un domaine réservé. L’allusion à des éléments communs au performeur et au spectateur crée une complicité : vous et nous subissons les sirènes, ou les aboiements d’un chien, les intempéries. Cette capacité de répartie dans le cadre d’une situation partagée est l’une des compétences les plus repérables du bon performeur, parce qu’elle invente une écologie : un système complexe, virtuose parce qu’en équilibre malgré sa précarité. Il semble que la pratique du jazz permette d’acquérir cette compétence. »

Consulter l’intégralité de l’article à l’adresse suivante : http://shadyc.ehess.fr/document.php?id=345

Les rapports entre l’art et la science : les échos et intercesseurs de Deleuze

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« La philosophie peut avoir de grandes batailles intérieures (idéalisme-réalisme, etc.), mais ce sont des batailles pour rire. N’étant pas une puissance, la philosophie ne peut pas engager de bataille avec les puissances, elle mène en revanche une guerre sans bataille, une guérilla contre elles. Et elle ne peut pas parler avec elles, elle n’a rien à leur dire, rien à communiquer, et mène seulement des pourparlers. Comme les puissances ne se contentent pas d’être extérieures, mais aussi passent en chacun de nous, c’est chacun de nous qui se trouve sans cesse en pourparlers et en guérilla avec lui-même, grâce à la philosophie. »
Editeur : Minuit (22 août 2003)

     Pourparlers compile quelques entretiens du philosophe Gilles Deleuze (période 1972 à 1990), textes parmi lesquels on peut trouver plusieurs lignes de réflexion autour de la complexe question des rapports entre la philosophie, l’art et la science. L’extrait suivant donne ainsi à voir quelques points d’ancrage importants à ceux qui souhaiteraient impulser l’idée que l’art est une chance de développement et de transmission douce des savoirs issus de l’écologie scientifique.

« […] Ce qui m’intéresse, ce sont les rapports entre les arts, la science et la philosophie. Il n’y a aucun privilège d’une de ces disciplines sur une autre. Chacune d’entre elles est créatrice. Le véritable objet de la science, c’est de créer des fonctions, le véritable objet de l’art, c’est de créer des agrégats sensibles et l’objet de la philosophie, créer concepts.

A partir de là, si l’on se donne ces grosses rubriques, aussi sommaires soient-elles : fonction, agrégat, concept, on peut formuler la question des échos et des résonances entre elles. Comment est-il possible que, sur des lignes complètement différentes, avec des rythmes et des mouvements de production complètement différents, comment est-il possible qu’un concept, un agrégat et une fonction se rencontrent ?

Premier exemple : il y a, en mathématiques, un type d’espace appelé espace riemannien. Mathématiquement très bien défini, en rapport avec des fonctions, ce type d’espace implique la constitution de petits morceaux voisins dont le raccordement peut se faire d’une infinité de manières et cela a permis, entre autres, la théorie de la relativité. Maintenant, si je prends le cinéma moderne, je constate qu’après la guerre apparaît un type d’espace qui procède par voisinages, les connections d’un petit morceau avec un autre se faisant d’une infinité de manières possibles et n’étant pas prédéterminées. Ce sont des espaces déconnectés. Si je dis : c’est un espace riemannien, ça a l’air facile et pourtant c’est exact d’une certaine manière, il ne s’agit pas de dire : le cinéma fait ce que Riemann a fait. Mais, si l’on prend uniquement cette détermination de l’espace voisinages raccordés d’une infinité de manières possibles, voisinages visuels et sonores raccordés de manière tactile, alors, c’est un espace de Bresson. Alors, bien sûr, Bresson n’est pas Riemann, mais il fait dans le cinéma la même chose qui s’est produite en mathématiques et il y a écho.

Un autre exemple : il y a dans la physique quelque chose qui m’intéresse beaucoup, qui a été analysé par Prigogine et Stengers, et qu’on appelle « transformation du boulanger. On prend un carré, on l’étire en rectangle, on coupe le rectangle en deux, on rabat une partie du rectangle sur l’autre, on modifie constamment le carré en le réétirant, c’est l’opération du pétrin. Au bout d’un certain nombre de transformations, deux points, si rapprochés soient-ils dans le carré originel, se trouveront fatalement dans deux moitiés opposées. Ça donne l’objet de tout un calcul et Prigogine, en fonction de sa physique probabilitaire, y attache une grande importance. Là-dessus, je passe à Resnais. Dans son film Je t’aime, je t’aime on voit un héros qui est reporté à un instant : sa vie et cet instant va être pris dans des ensembles différents à chaque fois Comme des nappes qui vont être perpétuellement brassées, modifiées, redistribuées, de telle façon que ce qui est proche sur une nappe va être au contraire très distant sur autre. C’est une conception du temps très frappante, très curieuse cinématographiquement et qui fait écho à la « transformation du boulanger ».

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[…] Du coup, la philosophie, l’art et la science entrent dans des rapports de résonance mutuels et dans des rapports d’échange, mais, à chaque fois, pour des raisons intrinsèques. C’est en fonction de leur évolution propre qu’ils percutent l’un dans l’autre. Alors, dans ce sens, il bien considérer la philosophie, l’art et la science comme des espèces de lignes mélodiques étrangères les unes autres et qui ne cessent pas d’interférer. La philosophie n’ayant, là-dedans, aucun pseudo-primat de réflexion, et dès lors aucune infériorité de création. Créer des concepts, c’est non moins difficile que de créer de nouvelles combinaisons visuelles, sonores, ou créer des fonctions scientifiques. Ce qu’il faut voir, c’est que les interférences entre lignes ne relèvent pas de la surveillance ou de la réflexion mutuelle. Une discipline qui se donnerait pour mission de suivre un mouvement créatif venu d’ailleurs abandonnerait elle-même tout rôle créateur. L’important n’a jamais été d’accompagne le mouvement du voisin, mais de faire son propre mouvement. Si personne ne commence, personne ne bouge. Les interférences ce n’est pas non plus de l’échange : tout se fait par don ou capture.

Ce qui est essentiel, c’est les intercesseurs. La création, c’est les intercesseurs. Sans eux il n’y a pas d’œuvre. Ça peut être des gens — pour un philosophe, des artistes ou des savants, pour un savant, des philosophes ou des artistes — mais aussi des choses, des plantes, des animaux même, comme dans Castaneda. Fictifs ou réels, animés ou inanimés, il faut fabriquer ses intercesseurs.

C’est une série. Si on ne forme pas une série, même complètement imaginaire, on est perdu. J’ai besoin de mes intercesseurs pour m’exprimer, et eux ne s’exprimeraient jamais sans moi : on travaille toujours a plusieurs, même quand ça ne se voit pas. A plus forte raison quand c’est visible : Félix Guattari et moi, nous sommes  intercesseurs l’un de l’autre.

La fabrication des intercesseurs à l’intérieur d’une communauté apparaît bien chez le cinéaste canadien Pierre Perrault : je me suis donné des intercesseurs, et c’est comme ça que je peux dire ce que j’ai â dire. Perrault pense que, s’il parle tout seul, même s’il invente des fictions, tiendra forcément un discours d’intellectuel, il ne pourra pas échapper au « discours du maître ou du colonisateur », un discours préétabli. Ce qu’il faut, c’est saisir quelqu’un d’autre en train de « légender », en « flagrant délit de légender »…Alors se forme, à deux ou à plusieurs, un discours de minorité. On retrouve ici la fonction de fabulation bergsonienne… Prendre les gens en flagrant délit de légender, c’est saisir le mouvement de constitution d’un peuple. Les peuples ne préexistent pas.

[…] Cette idée que la vérité, ce n’est pas quelque chose qui préexiste, qui est à découvrir mais qu’elle est à créer dans chaque domaine, c’est évident, par exemple dans les sciences. Même en physique, il n’y a pas de vérité qui ne suppose un système symbolique, ne serait-ce que des coordonnées. Il n’y a pas de vérité qui ne « fausse » des idées préétablies. Dire « la vérité est une création » implique que la production de vérité passe par une série d’opérations qui consistent à travailler une matière, une série de falsifications à la lettre. Mon travail avec Guattari : chacun est le faussaire de l’autre, ce qui veut dire que chacun comprend à sa manière la notion proposée par l’autre. Se forme une série réfléchie, à deux termes. N’est pas exclue une série à plusieurs termes, ou des séries compliquées, avec bifurcations. Ces puissances du faux qui vont produire du vrai, c’est ça les intercesseurs […] »

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Art et écologie

« Si nous n’avions pas approuvé les arts et inventé cette sorte de culte du non-vrai, nous ne saurions du tout supporter la faculté que nous procure maintenant la science, de comprendre l’universel esprit de non-vérité et de mensonge, de comprendre le délire et l’erreur en tant que conditions de l’existence connaissante et sensible » Nietzsche.

     A l’occasion de la journée d’étude [écologie, science, art et société] organisée par le collectif green is beautiful, peut-être n’est-il pas inutile de faire le point sur les convergences possibles entre l’art et de l’écologie. Question que nous abordons régulièrement ici sous l’angle suivant : si l’écologie est une chance de développement doux pour notre époque, l’art est une chance de développement doux pour l’écologie.

La perspective écologique, c’est l’art des agencements. Autrement dit, la compréhension des différents circuits dans lesquels s’insère et racine l’âme humaine. Comme ces relations et compositions nous semblent plus ou moins inaccessibles à notre mode de pensé actuel (linéaire, séquentiel), notre hypothèse est bien que l’art en est l’une des principale portes d’entrée.

« […] L’art, à une fonction positive, consistant à maintenir ce que j’ai appelé « sagesse », modifier, par exemple, une conception trop projective de la vie, pour la rendre plus systémique […] ce que la conscience non assistée (par l’art, les rêves, la religion…) ne peut jamais apprécier, c’est la nature systémique de l’esprit. » Grégory Bateson

Coévolution, interaction, rétroaction,…autant de concepts issus de la systèmique et qui forment aujourd’hui les bases de la pensée écologique scientifique. A partir de là, l’approche écosystémique est donc une façon de percevoir à la fois l’arbre et la forêt, sans que l’un ne masque l’autre. L’arbre est perçu comme une configuration d’interactions appropriée aux conditions de vie de la forêt, elle-même association d’arbres dont les interactions produisent leur propre niche écologique individuelle. Nous ne pouvons donc pas donner à comprendre clairement l’écologie par des approches classiques, linéaires et exclusives.

Or le projet de l’œuvre d’art est un projet intégrateur qui rencontre précisement cet objectif de la pensée écologique. Comme le disait Nietzsche, le corps dansant a le pouvoir d’unir les contraires et « nous avons l’art, afin de ne pas mourir de la vérité ». Une vérité entendue au sens d’un mode de pensée figé dans des frontières terriblement fixes (individu/collectivité, artificiel/naturel…)

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« L’écologie est un grand tournant, à condition que cette écologie soit mariée à la dimension sociale et économique, avec toute forme d’altérité, pour former une idéologie douce, qui fasse sa place aux nouvelles connaissances. » Félix Guattari.

     De la terre tourne autour du soleil à l’individu ne tourne pas autour d’un moi conscient, les véritables révolutions de nos modes de pensée ont toujours été accompagnées de nouvelles perspectives artistiques. Alors si la révolution freudienne avait ouvert la porte aux mouvements dadaïstes et surréalistes, que peut-on attendre de la révolution écologique ? Révolution que l’on pourrait définir comme suit : nos idées sont immanentes dans un réseau de voies causales (système d’information) dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience. Autrement dit un « abandon des frontières de l’individu comme point de repère ». Bateson remarquait que si Freud avait « étendu le concept d’esprit vers le dedans […] à l’intérieur du corps »,  lui-même entendait « étendre l’esprit vers le dehors ». Ces deux mouvements ayant ceci de commun qu’ils s’accompagnent de la réduction du champ du soi conscient. 

« La monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux niveaux individuel, familial, national et international – la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous – ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature. » Gregory Bateson.

     De ce que nous avons pu balayer sur quelques articles, nous pouvons peut-être essayer de synthétiser quelques unes des forces ou processus à l’oeuvre et qui pourraient être manipulés à des fins d’illustration artistique de la question écologique.

Un monde vécu comme de plus en plus clos : le processus d’uniformisation des pratiques humaines né de la mondialisation rend aujourd’hui de plus en plus difficile la rencontre avec toute forme de différence. Nous vivons ainsi comme dans une cloche sous laquelle les rétroactions de nos actions nous apparaissent comme de plus en plus visibles (effet boomerang). On pourrait même dire audibles sous la forme d’échos, ce que Raphaël Bessis nomme l’échoïsation du monde.

Un devenir végétal : dans la mesure où plus aucun des territoires de la planète ne porte pas une trace de moi-même (les mêmes pesticides dans les glaces polaires et dans mes testicules…), pulsion de fuite et mouvement perdent de leur intérêt stratégique. Dès lors, en pensant le rapport animal et végétal sur la base de stratégies de captation de l’énergie différenciées, l’une en mouvement, l’autre non, peut-on imaginer que le développement des humains adopte un modèle plus végétal ? Un mode où à l’image de la plante pour la lumière et l’eau, l’individu étendrait en surface ses capteurs d’information dans le réseau sociétal, à la recherche de sens composites (informations, énergie). En contrepoint, il délaisserait la construction de son intériorité au profit d’un nouveau type de croissance : en extérieure, en surface, par réitération et redondance, en multipliant les chemins de circulation de l’information. Parallèlement, ce dernier ne pourrait plus se satisfaire du substrat traditionnel des connaissances : analytique, linéaire et séquentielle.

Un mix-monde, fait de sample et d’extraction : dans un monde intégré, l’individu cherche à combiner et expérimenter les approches de toute nature dont il a les « échos » permanents dans la société informationnelle au sein de laquelle il « pousse » (scientifiques, industrielles, médiatiques, artistiques…). Mais sa conscience n’est qu’une petite partie systématiquement sélectionnée et aboutit à une image déformée d’un ensemble plus vaste, le réel. Gregory Bateson : « La vie dépend de circuits de contingences entrelacés, alors que la conscience ne peut mettre en évidence que tels petits arcs de tels circuits que l’engrenage des buts humains peut manœuvrer. » Ignorant ces circuits plus vastes, l’individu sample des entités à partir d’un mode de pensée atomiste sujet-objet. Le poulet en batterie est un sample du poulet naturel. C’est-à-dire une entité extraite de son environnement (circuit initial), tout comme on extrait un son d’un ensemble musical. Le sample n’a évidement plus les mêmes capacités que l’original dans son contexte, mais à en rester à la forme on dira que c’est toujours un poulet et on pourra le multiplier à l’infini (copier/coller…).

Extérieur/intérieur : tout système peut se représenter comme une différenciation interne entretenue par un flux énergétique (matière, information) externe qui le traverse. Ce flux détermine donc un intérieur différencié et un extérieur qu’on appelle environnement. C’est-à-dire un système plus ouvert à la circulation des flux et qui assure la régulation de l’ensemble. Tout système est donc relié à un environnement (à un autre système plus ouvert), à une écologie (à des relations entre systèmes). Mais dans quelle mesure l’intérieur n’est-il qu’un extérieur sélectionné, l’extérieur, un intérieur projeté ?

Individu/collectivité : l’individu est une configuration singulière qui ne prend forme qu’en rapport à d’autres configurations singulières, lesquelles ne se comprennent que dans un contexte très dynamique. L’homme, sous-système de systèmes, ne compose toujours qu’un arc dans un circuit plus grand qui toujours le comprend lui et son environnement (l’homme et l’ordinateur, l’homme et la canne…). Gregory Bateson : «  L’unité autocorrective qui transmet l’information ou qui, comme on dit, pense,  agit et  décide, est un système dont les limites ne coïncident ni avec celles du corps, ni avec celles de ce qu’on appelle communément soi ou conscience ». Alors de quoi je suis capable (mode d’existence) dans tel agencement, dans tel circuit ? Comment je m’insère dans ces réseaux de réseaux ?

Artificiel/naturel : à la condition de considérer l’être humain come un « empire dans un empire », hors-circuit et hors contexte, ce qu’il fabrique aurait donc un caractère spécial par nature. Gilles Deleuze : « L’artifice fait complètement-partie de la Nature, puisque toute chose, sur le plan immanent de la Nature, se définit par des agencements de mouvements et d’affects dans lesquels elle entre, que ces agencements soient artificiels ou naturels […] une composition des vitesses et des lenteurs, des pouvoirs d’affecter et d’être affecté sur ce plan d’immanence. Voilà pourquoi Spinoza lance de véritables cris : vous ne savez pas ce dont vous êtes capables, en bon et en mauvais, vous ne savez pas d’avance ce que peut  un corps ou une âme, dans telle rencontre, dans tel agencement, dans telle combinaison. »

Plier pour rapprocher : dans un monde intégré et complexe, il ne s’agit plus de chercher à dénouer, mais bien à nouer. L’ensemble de l’esprit est un « réseau cybernétique intégré » de propositions, d’images, de processus etc. etc.…, la conscience, un échantillon des différentes parties et régions de ce réseau. Gregory Bateson : « si l’on coupe la conscience, ce qui apparaît ce sont des arcs de circuits, non des pas des circuits complet, ni des circuits de circuits encore plus vaste. ». Ainsi plier le papier, notre conscience, pour en rapprocher les bords.

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http://utime.unblog.fr/2007/05/02/ecologie-education-et-approche-systemique/

Eléments de classification des formes d’écologie symbolique

http://www.dailymotion.com/video/5ieyS1jnHjGp1bAuw

      » Dans son ouvrage Par-delà nature et culture, Philippe Descola propose une typologie des économies de la connaissance qui ont régi les relations de l’homme avec la faune et la flore. Cette typologie est basée sur deux listes, celle de quatre types d’ontologies, et celle de six types de relations. Elle élargit une typologie déjà présente dans l’ouvrage Les Mots et les choses de Michel Foucault. La conception d’une économie de la connaissance avait été énoncé par Foucault à cause de la rareté des énoncés, à l’opposé des conceptions technocratiques qui font de la connaissance une source intarissable de prospérité. » Revue développement durable et territoires

     Extrait de la lecture de Par-delà nature et culture de Philippe Descola par Raphaël Bessis, d’après article en version longue paru dans le N° 24 de la revue Multitudes.

 » Philippe Descola dans Par-delà nature et culture (2005) tâche d’élaborer, au travers d’une classification des formes d’écologie symbolique, les pièces élémentaires d’une sorte de syntaxe de la composition du monde. Quatre schèmes fondamentaux ou matrices ontologiques (l’animisme, le naturalisme, le totémisme et l’analogisme) seront ainsi exhumés de l’immense champ des monographies ethnologiques, permettant à leur auteur d’établir une critique de la raison naturaliste. C’est cette révolution épistémologique que nous nous efforcerons le plus fidèlement de restituer.Les quatre ontologies fondamentales »

[...]

Les quatre ontologies fondamentales

« Tâchons de définir moins succinctement ces quatre matrices ontologiques qui permettent d’établir les différences et les ressemblances entre soi et les existants, et qui sont à la base de l’élaboration ethno-épistémologique de Philippe Descola.

L’animisme

     Ce qui caractérise généralement l’animisme c’est « l’imputation par les humains à des non-humains d’une intériorité identique à la leur » (p. 183). Cette définition minimale nous ouvre à l’idée essentielle que « ce n’est pas au moyen de leur âme qu’humains et non-humains se différencient, mais bien par leurs corps » (p. 183). C’est ce dont témoigne Anne Christine Taylor lorsqu’elle affirme que, dans les sociétés animiques, « ce qui distingue les espèces, en définitive, c’est l’habit ». Ainsi, les plantes et les animaux sont « des personnes, revêtues d’un corps animal ou végétal dont elles se dépouillent à l’occasion pour mener une vie collective analogue à celle des humains : les Makuna, par exemple, disent que les tapirs se peignent au roucou pour danser et que les pécaris jouent de la trompe durant leur rituels, tandis que les Wari’ prétendent que le pécari fait de la bière de maïs et que le jaguar ramène sa proie à la maison afin que son épouse la cuisine. » (p. 187) Le corps possède donc le rôle qui est d’ordinaire dévolu à l’âme pour les occidentaux, celui d’un « différenciateur ontologique » (p. 188).

De là il s’ensuit que, dans l’univers animique, tout est affaire de perspective : « Les humains, en conditions normales, voient les humains comme humains, les animaux comme animaux et les esprits (s’ils les voient) comme des esprits ; [certains] animaux (les prédateurs) et les esprits voient les humains comme des animaux (des proies), tandis que [d’autres] animaux (le gibier) voient les humains comme des esprits ou comme des animaux (des prédateurs). En revanche, les animaux et les esprits se voient [eux-mêmes] comme humains ». On comprend alors en quoi le perspectivisme est un « corollaire ethno-épistémologique de l’anismisme » nous dit Viveiros de Castro.

Le naturalisme

     Le naturalisme inverse la formule de l’animisme « en articulant une discontinuité des intériorités et une continuité des physicalités » (p. 241). Selon Viveiros de Castro, si « l’animisme est « multinaturaliste » puisque fondé sur l’hétérogénéité corporelle de classes d’existants pourtant dotés d’un esprit et d’une culture identiques, (…) le naturalisme est « multiculturaliste » en ce qu’il adosse au postulat de l’unicité de la nature la reconnaissance de la diversité des manifestations individuelles et collectives de la subjectivité » (p. 242).

Cependant aujourd’hui, relève Philippe Descola, les savants sont « moins prompts à affirmer une discontinuité entre les humains et les non-humains » (p. 251). L’éthologie avec William McGrew qui évoque l’idée d’une « culture matérielle » pour les chimpanzés, les sciences cognitives avec Francisco Varela qui pose l’esprit comme un « systèmes de propriétés émergentes résultant de la rétroaction continue entre un organisme et un milieu ambiant » (p. 260) et qui évacue ainsi l’idée d’une intériorité intrinsèque, et la philosophie morale et juridique avec Peter Singer qui tente d’étendre les droits humains à certains grands primates, forment autant de développements qui signent les craquelures de l’ontologie moderne naturaliste. Nous verrons d’ailleurs, un peu plus loin, que le mode d’identification naturaliste vit, sans doute sous l’effet des processus liés à la mondialisation, une série de mutations qui l’achemine plutôt en direction d’un fonctionnement de type analogique.

L’analogisme

     L’analogisme est « un mode d’identification qui fractionne l’ensemble des existants en une multiplicité d’essences, de formes et de substances séparées par de faibles écarts, parfois ordonnées dans une échelle graduée, de sorte qu’il devient possible de recomposer le système des contrastes initiaux en un dense réseau d’analogies » (p. 280). Cette forme d’ontologie est « très commune » (p. 280) sur la face du monde. « Elle s’exprime, par exemple, dans les corrélations entre microcosme et macrocosme qu’établissent la géomancie et la divination chinoise, ou dans l’idée, courante en Afrique, que des désordres sociaux sont capables d’entraîner des catastrophes climatiques » (p. 280).

Parce que « l’intériorité et la physicalité sont ici fragmentées en chaque être entre des composantes multiples, mobiles et en partie extra-corporelles [doctrine antique des quatre éléments, théorie chinoise ou ayurvédique des cinq éléments, jeu des oppositions entre humeurs masculines et féminines que l’on retrouve, par exemple, en Afrique], dont l’assemblage instable et conjoncturel engendre un flux permanent de singularités » (p. 314), l’analogisme se protège en usant de l’analogie avec une « systématicité admirable » (p. 315), et ce, « afin de cimenter un monde rendu friable par la multiplicité de ses parties » (p. 315). Au centre de cette ontologie, « c’est bien la différence infiniment démultipliée qui fait l’état ordinaire du monde, et la ressemblance le moyen espéré de le rendre intelligible et supportable » (p. 281).

Le totémisme

     A l’inverse, dans le totémisme, ce n’est pas l’éclatement, ou l’émiettement en singularités qui menace, mais c’est la fusion sans ambiguïté au sein d’un collectif hybride d’individus (humains et non humains). Au cœur de cette ontologie se situe les êtres du Rêve, les êtres originaires, qui sont le plus souvent présentés « comme des hybrides d’humains et de non-humains déjà répartis en groupe totémiques au moment de leur venue. Ils sont humains par leur comportement, leur maîtrise du langage, l’intentionnalité dont il font preuve dans leurs actions, les codes sociaux qu’ils respectent et instituent, mais ils ont l’apparence ou portent le nom de plantes ou d’animaux et sont à l’origine des stocks d’esprits, déposés dans les sites où ils disparurent, et qui s’incorporent depuis dans les individus de l’espèce ou de l’objet qu’ils représentent et dans les humains qui ont cette espèce ou cet objet pour totem » (p. 207).

C’est parce que les humains, les totems et tous les autres existants « furent placés dans l’ordre social-et-naturel par les êtres du Rêve qu’il existe entre eux tous une relation pérenne d’origine et de substance communes » (nous dit Francesca Merlan), d’où se déploie l’idée que « l’homme et la nature forme un tout organique, un tout à la fois vivant et social ». C’est cette « continuité interspécifique des physicalités et des intériorités » (p. 225) qui fait la spécificité de cette ontologie (ou de ce mode d’identification), où chaque individu est « l’actualisation d’un des états successifs par lesquels est passée la genèse de l’identité collective propre à l’ensemble dont il fait partie » (p. 407) » [...]

Les schèmes de relation (second ensemble de schèmes intégrateurs de l’expérience)

    Le schème matriciel (ou intégrateur) qui pose l’identification du moi et de l’autre n’est pas le seul schème fondamental à la structuration de son expérience au monde. Comme nous l’avons précédemment évoqué, Philippe Descola repère, au côté de l’identification, la relation, comme « modalités fondamentales de structuration de l’expérience individuelle et collective » (p. 163).

Les schèmes de relation, qui sont des dispositions donnant une forme et un contenu à la liaison pratique entre moi et un autrui quelconque, sont classés « selon que cet autrui est équivalent ou non à moi sur le plan ontologique, et selon que les rapports que je noue avec lui sont réciproques ou non » (p. 425). De là, l’auteur retient six principales relations ou schèmes de relations, qui viennent moduler chaque schème d’identification ou matrice ontologique. Deux groupes se forment : « le premier caractérisant des relations potentiellement réversibles entre des termes qui se ressemblent » (p. 425), que représente : l’échange, la prédation et le don, le second groupe désigne « les relations univoques fondées sur la connexité entre des termes non équivalents » (p. 425), qui inclut : la production, la protection et la transmission. Aucun de ces schèmes de la pratique n’est hégémonique, « aucun ne régit à lui seul l’ethos d’un collectif » (p. 458), précise l’auteur, « on peut seulement dire que l’un ou l’autre d’entre eux acquiert une fonction structurante en certain lieux » (p. 432), et constitue « un horizon éthique informulé, un style de mœurs que l’on a appris à chérir » (p. 458).

Si l’échange se caractérise comme « une relation symétrique dans laquelle tout transfert consenti d’une entité à une autre exige une contrepartie en retour » (p. 426), en revanche, le don comme la prédation sont asymétriques. La prédation (contraire du don) consiste à « s’emparer d’une chose sans offrir de contrepartie » (p. 435), mais elle est surtout « une disposition à incorporer l’altérité humaine et non humaine au motif qu’elle est réputée indispensable à la définition du soi » (p. 437). Concernant la relation asymétrique positive qu’induit le don, l’auteur propose une définition contraire à l’usage établi par Mauss où le don se voit désigné comme « un transfert consenti sans obligation d’un contre-transfert » (p. 431). Il est étrange, ici, que Philippe Descola ne s’attache pas au non-dit de la relation de don, il est même surprenant, pour un « héritier de l’analyse structurale » (p. 419) que le don soit définit depuis son intentionnalité consciente plutôt qu’à partir de ses motivations inconscientes structurales. Mais peut-être joue t-il là, dans la typologie descolienne, de simple symétrique nécessaire à ce schème de la prédation (si essentiel à l’ensemble Jivaros) ?

Si les relations du premier groupe autorisent « la réversibilité du mouvement entre les termes (celle-ci est indispensable pour qu’un échange ait lieu et elle demeure possible, sinon toujours désirée, dans la prédation et le don), en revanche les relations du second groupe sont toujours univoques et se déploient entre des termes hiérarchisés » (p. 439). Ainsi, « l’antécédence génétique du producteur sur son produit ne permet pas à celui-ci de produire en retour son producteur, le plaçant dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’entité à qui il doit son existence » (p. 439). De même, « la protection implique une domination non réversible de celui qui l’exerce sur celui qui en bénéficie » (p. 445). Enfin, selon l’auteur, « la transmission est avant tout ce qui permet l’emprise des morts sur les vivants par l’entremise de la filiation » (p. 450). » [...]

Some fresh air…

http://www.dailymotion.com/video/4P3u3lMx2s46xdJ5N 

«  La monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux niveaux individuel, familial, national et international – la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous – ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature.  » G. Bateson.

« Si nous n’avions pas approuvé les arts et inventé cette sorte de culte du non-vrai, nous ne saurions du tout supporter la faculté que nous procure maintenant la science, de comprendre l’universel esprit de non-vérité et de mensonge, de comprendre le délire et l’erreur en tant que conditions de l’existence connaissante et sensible » Nietzsche

Introduction à l’éco-éthologie

     Extraits d’après article « Les comportements et l’écoéthologie animale et humaine » de la base de données « le labyrinthe de la vie » disponible sur le site de l’école spéciale d’architecture. Conçue par le Dr Claude Leroy, ce dernier définit son travail comme suit: « il s’agit de recherches et d’observations en tant qu’expérimentateur dans mon laboratoire d’écoéthologie humaine, clinicien dans ma pratique de neuropsychiatre, et l’application de ces connaissances au fonctionnement des écosystèmes urbains. » Voir la préface en ligne.

 » […] Depuis un peu plus d’un siècle, les chercheurs se sont affrontés entre une étude objective des comportements et l’analyse subjective des motivations, avec des oppositions et des rapprochements entre l’homme et l’animal, entre l’esprit et le corps, entre le langage verbal et les langages non-verbaux, entre l’inné et l’acquis, entre le sujet et son environnement. Ce n’est que très récemment que l’on s’oriente vers une conception plus globale du comportement humain.

On considère maintenant l’homme dans son milieu, communiquant avec les êtres et les choses de son environnement, par les gestes, la mimique et le langage verbal, dans un système en réseaux, en fonction de ses désirs, de ses craintes, de son imaginaire, de son histoire, de ses buts, du contexte ici et maintenant.

[…] Il est en effet essentiel de rappeler ici que c’est l’action sur le monde qui va permettre aux représentations de s’organiser et d’évoluer. Le corps est ainsi un outil dont l’instrument privilégié est la main ; Leroi-Gourhan avait bien démontré que les outils qu’utilise l’homme sont un prolongement de sa main. Dans cette acception, le comportement devient le seul lien entre toutes les sciences humaines et toutes les sciences biologiques.

[…] En dehors des systèmes volontaristes européens, d’autres systèmes de l’action existent ; par exemple, « en Chine, on s’appuie sur le potentiel de la situation. Il convient de capter l’efficacité à même le cours des choses et c’est cette logique de l’immanence qui amène à comprendre le grand thème chinois du non-agir. Un non-agir qui ne signifie en rien désengagement à l’égard du monde ou passivité. Pour le penseur de la Chine ancienne, moins vous intervenez, plus vous laissez agir, plus vous captez ce qu’il y a de porteur dans la situation et plus cela vous permet de réussir sans avoir à intervenir. L’agir conduit à l’échec. Mieux vaut aider le processus à se développer en favorisant ses conditions ». L’intérêt de ce texte est de montrer encore une fois, l’importance des conditions environnementales dans le processus de décision et l’action.

[…] On peut, pour simplifier, situer le début de l’éthologie moderne avec John Watson en 1913, mais son véritable manifeste se situe en 1931. Il défendait une théorie dite S-R, c’est à dire qu’un stimulus pertinent causal (S) déclenche chez l’être vivant une réponse (R). Très vite, on s’est aperçu que ce schéma simpliste était faux.

Vers la même époque (1909 et 1920) Jakob von Uexküll va situer les relations entre l’environnement dans sa partie concernant l’être, les données et le sujet. Il montre qu’il y a une relation bouclée entre ce qui intéresse le sujet vivant dans le milieu et celui-ci. Cette boucle se fait par la perception du monde par les récepteurs sensitifs et sensoriels  du sujet  qui va agir sur le monde par ses effecteurs de comportement, cette action s’exerce sur le monde, résout le problème posé  par une certaine action.

C’est une modélisation complète de la relation d’un sujet (et non d’un automate) et d’un environnement qui lui est propre. Ainsi, chaque être vivant est dans une sorte de « bulle de savon » personnelle et spécifique, où il choisit ce qui lui importe ; de plus, chaque environnement est associé à un temps propre avec des rythmes spécifiques à chaque espèce. Toute sa théorie est fondée sur une comparaison musicale du point et du contrepoint comme dans le cas des abeilles et des fleurs. Il y a là une règle de complémentarité.

L’intérêt de ce modèle est de montrer qu’on ne peut séparer l’écologie (étude des écosystèmes, biotopes, biocénoses) et l’éthologie (étude des comportements) et qu’il faut se centrer sur cette interaction et donc parler d’éco-éthologie ou d’éthoécologie.

[…] A chaque étape de l’évolution de la connaissance, on a vu s’affiner la relation sujet / milieu. Y-a-t’il une prise directe entre entrée (perception) et sortie (comportement) ? Par exemple, quelle relation entre la chute du sucre dans le sang, la faim, la recherche de la nourriture, la consommation ? Dans cette relation Dehors / Dedans / Dehors, on fut amené à postuler une variable intermédiaire (la faim par exemple) pour expliquer ces relations ; ce sont alors des théories qui font intervenir les représentations. Mais les problèmes les plus intéressants sont liés à l’évolution des comportements en fonction du temps, qu’il s’agisse de l’enfant ou de l’adulte.

« L’éthologie est donc pour une grande part, une biologie de l’interaction… Tout comportement possède une fonction homéostatique et peut être évalué dans le sens de l’adaptation phylogénétique (optimisation comportementale) » Jacques Cosnier.

« L’intérêt de parler d’éco-éthologie est qu’il faut rappeler en permanence aux décideurs politiques et sociaux que l’anthropologie est la référence nécessaire pour l’organisation du champ spatial de la société, et aux psychiatres et travailleurs sociaux que le meilleur traitement d’un malade ne permettra aucune réadaptation si le milieu dans lequel il retourne est inadéquat… Le schéma œdipien montre bien comment l’enfant va ouvrir les « valences » du couple pour s’attribuer une partie des communications. Ainsi diminue la clôture des deux partenaires, en interaction pour se stabiliser au prix de conflits multiples entre les trois protagonistes et par rapport aux objets. » Cl. Leroy.

« [...] On ne peut guère parler que d’éthoécologie ou d’écoéthologie, tout comportement se modifiant quand le milieu change. Mais l’ambition d’origine d’une étude « objective » du comportement dégagée de toute subjectivité ou tout au moins essayant de ne pas en tenir compte, s’avère un échec total, surtout chez l’homme, comme d’ailleurs la tentative de s’intéresser à une éthologie purement non verbale (au plan méthodologique, cependant, il apparaît que couper tel ou tel canal de communication permet de mieux saisir ce qui revient à tel ou tel autre canal). Chez l’homme comme chez tous les « autres animaux », il semble que l’on n’ait pas le droit d’éliminer un système de communication, ainsi du langage et du symbolique, des représentations, du métalangage chez l’homme. Dès lors, on doit se demander si l’éthologie existe en tant que telle. Quelle place occupe-t-elle par rapport à la linguistique, la biologie, la psychologie expérimentale, la physiologie, la psychanalyse, l’anthropologie culturelle, la sociologie, l’ethnologie, la psychiatrie, voire l’histoire et la géographie humaines, ou encore la paléontologie ? Une des plus grandes avancées du colloque a été probablement de refuser de séparer l’éthologie humaine de ces sciences. En fait l’éthologie apparaît comme une méthodologie d’observation des comportements humains qui n’a d’intérêt que si elle permet d’enrichir les disciplines qui la sollicitent, sans exclusive ni opposition. La plupart des experts étaient d’ailleurs à la fois éthologues et spécialistes d’une autre science. …De même, il est illusoire d’opposer expérimentation et étude dans le milieu, les deux types d’approche s’enrichissant l’une l’autre. Quelle définition donner alors de l’éthologie humaine ? Dans une perspective œcuménique, on pourrait dire que l’éthologie étudie l’enchaînement des actions de comportements : actes en déroulement temporel, séquentiel, d’un individu en communication avec lui-même, le milieu, les autres êtres qui y réagissent et le régulent. Ces actes ont un but conscient ou non, expecté par le sujet en fonction de son histoire. …la spécificité de l’éthologie réside dans la rigueur d’une méthodologie appliquée à l’analyse des comportements… Certes, dans le milieu naturel, tous les paramètres ne pourront être fixés, mais (d’une manière assurément utopique) on devra en tenir compte dans une approche globalisante des interactions du sujet et de son environnement. ». Cl. Leroy. »

Stress hydrique global

     Plus de 1.4 milliard de personnes vivent dans des bassins hydriques où des niveaux de prélèvement excessifs (stress) menacent l’environnement. Schématiquement la ressource en eau se répartit entre les besoins des écosystèmes naturels (alimentation de la faune et croissance de la flore) et les besoins humains (agriculture, production d’énergie, matière première industrielle…). On comprend donc que lorsque la part destinée aux humains croit (démographie, développement économique…),  cela ne peut se faire qu’au détriment de la satisfaction des besoins des écosystèmes. Or moins d’eau c’est moins de croissance végétale pour moins de séquestration du carbone. 

Stress hydrique global dans -> ACTUS waterscarcity20mapwri

D’après source : International Water Management Institute (IWWI), World Resources Institute (WRI), World Conservation Union (IUCN )

     Malgré tout nous artefacts, il n’y a pas de produit de substitution à l’eau. D’un côté nous avons une offre variable dans le temps (saison sèche/humide) et l’espace (désert/forêt), rendue localement moins prévisible du fait du changement climatique. De l’autre une demande certaine, aujourd’hui croissante dans le temps et l’espace. Au final, des conditions de marché très particulières qui ne répondent pas à nos modèles économiques standards. Pour l’heure le rééquilibrage entre l’offre et la demande humaine s’effectue principalement à travers le marché mondial des denrées agricoles (on estime à 1 000 litres le volume d’eau nécessaire à produire un kilogramme de matière brute végétale).

image0022 dans -> NOTIONS D'ECOLOGIE

D’après source : WBCSD  

     Notre civilisation repose tout autant sur la disponibilité de la ressource en eau  que ces devancières. Pire encore, avec le niveau d’intégration qui est à présent le notre, tout stress local sur la ressource est susceptible d’entrainer, par des effets en cascade, de graves crises au niveau global. Ce qu’illustre assez bien le schéma ci-dessous.

image002 dans Ressource en eau

D’après source : WBCSD  

La question de l’eau est déjà « ici et maintenant » et nul pays n’échappera (directement ou indirectement) à une crise.

image0021

D’après source : WBCSD  

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