D’après un article du « Earth Policy Institute », Edwin H. Clark, 7 mars 2007 : http://www.earthpolicy.org/Updates/2007/Update64.htm
Les déterminants du prix de l’eau
Sur les cinq dernières années, le prix de l’eau domestique a augmenté en moyenne de 27% aux Etats-Unis, 32% en Angleterre, 45% en Australie, 50% en Afrique du Sud, 58% au Canada. En Tunisie le coût de l’eau d’irrigation a été multiplié par quatre au cours de la dernière décennie. Le prix de la ressource en eau est largement déterminer par quatre facteurs :
- le coût de transport de la source à l’usager,
- la demande totale en eau exprimée par la concurrence des usages entre villes, agriculture et industrie,
- le coût des traitements de potabilisation,
- enfin le niveau de subvention de l’état ou des collectivités locales.
Le coût de transport est surtout proportionnel aux distances horizontales et verticales parcourues. D’un point de vue horizontal, les nouvelles villes en développement, comme certaines des mégalopoles existantes, doivent parfois chercher leurs approvisionnements en eau à plusieurs centaines de kilomètres pour satisfaire des besoins grandissant. Ainsi en Chine des canaux de plus de 1000 Kms sont actuellement en construction afin de transférer l’eau du fleuve Yangtze vers Pékin et les provinces du Nord.
D’un point de vue vertical, pomper l’eau du sous-sol ou vers des terre situés plus en altitude est un processus très couteux en énergie, dans la mesure ou l’on ne peut pas utiliser le transport passif par voie gravitaire. A titre d’exemple, 480 m3 pompé sur une hauteur de 100m3 correspond à l’utilisation de 200 KWh. Avec un prix moyen de 10¢ le KWh, le coût de 20$ n’inclut pas même encore les couts d’investissement et d’entretiens de la pompe, des puits et des conduites. A Beijing et dans les provinces du nord, il est parfois nécessaire d’aller chercher l’eau autour des 1000m. Mexico, située à 2,239 mètres d’altitude, est oblige de pomper une partie de son eau sur une hauteur de plus de 1000m. Les coûts opérationnels d’un tel pompage représentent à eux seuls 128.5 millions de dollars par an et plus d’énergie que toute celle consommée sur une année par la ville voisine de Puebla, ville qui compte tout de même 8.3 millions d’habitants.
Le dernier facteur influençant le prix de l’eau concerne le montant des aides publiques. Dans une ville comme Delhi, les habitant paient moins de 20% de ce qui est dépensé par la municipalité pour financer son service de fourniture en eau. En moyenne, on estime que près de 40% des collectivités du monde en charge d’approvisionner en eau leur population, sont incapables d’équilibrer les finance de leur service. Dès lors celles-ci ne sont pas en mesure de renouveler correctement le matériel, ni d’effectuer les entretiens adéquats sur le réseau.
Quant on parle de subvention, le cas de l’agriculture est patent. Dans la Central Valley californienne, l’agriculture irriguée utilise environ 1/5 de l’eau de l’Etat au prix moyen de 1¢/m3. Soit juste 2% de ce que Los Angeles paye pour son eau potable et seulement 10% de la valeur de remplacement de la ressource (collecte, traitement et redistribution). A priori le coût payé pour cette eau d’irrigation est 40 fois inférieur à ce qu’il devrait être.
Vers une vérité des prix ?
Dans la plupart des pays l’eau n’est ni achetée, ni échangée sur un marché libre organisé. Cependant certains de ces marchés ont vu le jour dans des Etats de l’Ouest américain, en Australie et au Chili. Quand ils existent, ceux-ci fournissent des informations intéressantes sur l’évaluation du prix de la ressource par les acteurs en période de pénurie (conjoncturelle ou structurelle). Ainsi le prix de l’eau en Australie s’est vu multiplié par 20 en décembre 2006, atteignant les 75¢/m3 sur le marché à l’occasion d’une sécheresse persistante. Sur la côte Ouest des USA, les prix variant généralement entre 3¢ et 10¢/m3. Sans tenir compte des coûts de transport et de traitement, ils reflètent donc la valeur intrinsèque de la ressource. Notons que dans certaine des villes de l’Ouest des USA, l’eau est si rare que les municipalités vendent les eaux usées autour de 1$/m3, cela afin de permettre l’irrigation des jardins.
En Inde, la pénurie en eau permet à certains agriculteurs de vivre en vendant leur eau à la place de leur production alimentaire. L’eau autrefois puisée à des fins d’irrigation des cultures est maintenant transportée par camions dans les villes voisines. En quelque sorte, on récolte de l’eau à la place de la nourriture, malheureusement dans un contexte déjà marqué par la baisse rapide du niveau des nappes souterraines qui a suivi la révolution verte du pays.
L’exemple de la ville japonaise d’Osaka est intéressant si l’on pense que les prix du service de l’eau se doivent de refléter plus fidèlement les coûts réels tout en respectant la solvabilité de la demande. Les usagers du service paient une taxe mensuelle ouvrant droit à la consommation de 10 m3. Au-delà de ce niveau, les prix augmentent brutalement, passant de 82¢/m3 à plus de $3 pour les plus gros utilisateurs.
Des prix reflétant les coûts réels devraient pouvoir conduire les ménages, l’industrie et surtout les agriculteurs à avoir une utilisation plus efficiente de la ressource. Bien des solutions visant à éliminer les gaspillages s’avèrent assez peu couteuses, et très économiques à l’avenir si l’on pense au lien organique reliant consommation d’eau et consommation d’énergie (pompage, traitement, transport).
Complément d’information
Pour les informations relatives à l’évolution du prix de l’eau en France, consulter le site du Centre d’Information sur l’Eau à l’adresse suivante : http://www.cieau.com/toutpubl/sommaire/texte/7/f7.htm
Pour comprendre comment et pourquoi les pays riches sont eux aussi entrés dans la crise de l’eau, consulter le rapport du WWF Rich countries, Poor water (format PDF – en anglais)
Plus généralement concernant les besoins prospectifs sur la ressource, regarder le site de l’International Water Management Institute (IWMI) : http://www.iwmi.cgiar.org/ et plus particulièrement :
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la rubrique des newsletters :
http://www.iwmi.cgiar.org/pubs/Newsletters/WaterFigures.htm -
la rubrique vision :
http://www.iwmi.cgiar.org/pubs/WWVisn/vision.htm