Notre esprit parvient à la connaissance à l’aide des deux principaux « mouvements » que sont l’induction et la déduction. Ceux si se combinant par suite afin de composer diverses méthodes d’accès à la connaissance.
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Avec l’induction, nous nous élevons à la connaissance des lois générales pour aboutir à une synthèse, à la recomposition des faits (adaptée à la découverte, aux sciences physiques et naturelles).
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Avec la déduction, nous descendons du général au particulier pour aboutir à une décomposition, à une analyse qui distingue l’objet de tous ceux qui l’entourent (adaptée à l’enseignement, aux mathématiques et à la philosophie).
Dans le chapitre intitulé Spinoza contre Descartes de son ouvrage « Spinoza et le problème de l’expression », Gilles Deleuze revient sur cette opposition entre analyse et synthèse, déduction et induction, de la cause vers l’effet, de l’effet vers la cause. Extraits.
« Descartes […] dit que la méthode analytique a le mérite de nous faire voir comment les effets dépendent des causes […] nous avons une connaissais claire et distincte d’un effet avant d’avoir une connaissance claire et distincte de la cause. Par exemple, je sais que j’existe comme être pensant avant de connaître la cause par laquelle j’existe […] La connaissance claire et distincte de l’effet suppose donc une connaissance confuse de la cause, mais en aucun cas ne dépend d’une connaissance plus parfaite de la cause. Au contraire, c’est la connaissance claire et distincte de la cause qui dépend de la connaissance claire et distincte de l’effet […] Chez Descartes, donc, deux thèmes sont fondamentalement liés : la suffisance théorique de l’idée claire et distincte, la possibilité pratique d’aller d’une connaissance claire et distincte de l’effet à une connaissance claire et distincte de la cause.
« […] Spinoza ne croit pas à la suffisance du clair et du distinct, parce qu’il ne croit pas qu’on puisse de manière satisfaisante aller d’une connaissance de l’effet à une connaissance de la cause. Il ne suffit pas d’une idée claire et distincte, il faut aller jusqu’à l’idée adéquate. C’est-à-dire : il ne suffit pas de montrer comment les effets dépendent des causes, il faut montrer comment la connaissance vraie de l’effet dépend elle-même de la connaissance de la cause. Telle est la définition de la méthode synthétique […] »
« […] Descartes veut dire : la méthode synthétique prétend toujours connaître par la cause, mais elle n’y réussit pas toujours. L’objection fondamentale est la suivante : comment la cause elle-même serait-elle connue ? […] La thèse de Descartes se présente donc ainsi : la méthode synthétique a une ambition démesurée, mais elle ne nous donne aucun moyen de connaître les causes réelles. En fait, elle part d’une connaissance confuse de l’effet, et s’élève [induction] à des abstraits qu’elle nous présente à tort comme des causes. C’est pourquoi, malgré ses prétentions, elle se contente d’examiner les causes par les effets. La méthode analytique, au contraire, est d’intention plus modeste. Mais, parce qu’elle dégage d’abord une perception claire et distincte de l’effet, elle nous donne le moyen d’inférer [tirer une conclusion d'une proposition ou d'un fait] de cette perception une connaissance véritable de la cause ; c’est pourquoi elle est apte à montrer comment les effets eux-mêmes dépendent des causes. »
« La méthode synthétique n’est donc légitime qu’à une condition : quand elle n’est pas livrée à elle-même, quand elle vient après la méthode analytique, quand elle s’appuie sur une connaissance préalable des causes réelles. La méthode, synthétique ne nous fait rien connaître par elle-même, elle n’est pas une méthode d’invention ; elle trouve son utilité dans l’exposition de la connaissance, dans l’exposition de ce qui est déjà inventé […] Le seul problème est donc de savoir si la méthode synthétique est capable, d’abord et par elle-même, de nous faire connaître les principes qu’elle suppose. »
« […] Quelle est la vraie méthode du point de vue de la connaissance ? Alors l’anti cartésianisme de Spinoza se manifeste pleinement : selon Spinoza, la méthode synthétique est la seule méthode d’invention véritable, la seule méthode qui vaille dans l’ordre de la connaissance. Or, une telle position n’est tenable que si Spinoza estime avoir les moyens, non seulement de retourner les objections de Descartes »
« […] Dans le Traité de la réforme, Spinoza groupe […] deux procédés très divers, dont il dénonce l’insuffisance. Le premier consiste à inférer [induction] une cause à partir d’un effet clairement perçu : on reconnaît ici la méthode analytique de Descartes […] le second consiste à tirer une conclusion d’un universel qui est toujours accompagné d’une certaine propriété, on reconnaît la méthode synthétique d’Aristote, son processus déductif à partir du moyen-terme conçu comme caractère spécifique. »
« […] C’est donc le parallélisme [du corps et de la pensée selon le principe d’une seule substance pour tous les attributs] qui donne à Spinoza le moyen de dépasser les difficultés de [la synthèse aristotélicienne]. La cause formelle d’une idée n’est jamais un universel abstrait. Les universaux, genres ou espèces, renvoient bien à une puissance d’imaginer, mais cette puissance diminue au fur et à mesure que nous comprenons plus de choses. La cause formelle de l’idée vraie, c’est notre puissance de comprendre ; et plus nous comprenons de choses, moins nous formons ces fictions de genres et d’espèces. Si Aristote identifie la cause formelle avec l’universel spécifique, c’est-parce qu’il en reste au plus bas degré de la puissance de penser, sans découvrir les lois qui permettent à celle-ci d’aller d’un être réel à un autre réel sans passer par les choses abstraites. D’autre part, la cause matérielle d’une idée n’est pas une perception sensible confuse : une idée de chose particulière trouve toujours sa cause dans une autre idée de chose particulière déterminée à la produire […] »
« Sous son premier aspect, la méthode synthétique est réflexive, c’est- à dire nous fait connaître notre puissance de comprendre. Il est vrai aussi que la méthode synthétique forge ou feint une cause en fonction d’un effet ; mais loin d’y voir de contradiction, nous devons reconnaître ici le minimum de régression qui nous permet, le plus vite possible, d’atteindre à l’idée de Dieu comme à la source de toutes les autres idées. Sous ce second aspect, la méthode est constructive ou génétique […] les idées qui découlent de l’idée de Dieu sont des idées d’êtres réels : leur production est en même temps la déduction du réel, la forme et la matière du vrai s’identifient dans l’enchaînement [ordre] des idées. La méthode, sous ce troisième aspect, est déductive. Réflexion, genèse et déduction, ces trois moments constituent tous ensemble la méthode synthétique [de Spinoza] »
Voir sur le web : http://www.cosmovisions.com/methode.htm
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