Notions de base sur le cycle de l’eau
« L’eau que vous buvez a été pissée six fois par un diplodocus. » Paul-Emile Victor.
Alimenté par la machine thermique solaire, le cycle de l’eau se compose d’un ensemble de flux entrants et sortants des différents réservoirs existants. Nous avons d’un côté les réservoirs qui font office de conducteurs à circulation rapide – les cours d’eau et l’atmosphère, et de l’autre ceux qui jouent le rôle d’accumulateurs à circulation lente – les glaciers, nappes et océans.
Trois grands processus ou transformations animent le cycle de l’eau : l’évaporation, la transpiration végétale et les précipitations. Initialement, la vapeur d’eau provenant de l’évaporation[1] des océans sous l’effet de la chaleur solaire est transportée par les vents dans l’atmosphère. La température diminuant avec l’altitude, la vapeur se condense alors sous l’aspect de nuages puis retombe sur terre sous la forme des précipitations. Par suite, le ruissellement des eaux de pluies alimente les cours d’eau, les nappes souterraines et les végétaux dont la transpiration retourne à l’atmosphère une partie de l’eau. Notons ici que si l’eau est capable d’accomplir les différente étapes de ce cycle, elle le doit essentiellement au fait que la terre se trouve dans une région unique du ciel, d’où la température du Soleil n’est ni trop élevée ni trop basse.
L’eau « bleue [2]» est celle qui s’écoule des rivières jusqu’à la mer, les lacs, nappes souterraines…elle représente 40% des précipitations continentales. Les 60% restant constitue l’eau verte, c’est-à-dire l’eau dans le sol disponible aux plantes. L’eau bleue est transformée en eau verte par l’irrigation ; l’eau verte est transformée en eau bleue par le drainage des sols. L’eau bleue peut être transportée, l’eau verte doit être consommée sur place par les plantes.
Les plantes jouent un rôle primordial dans la circulation de l’eau, l’arbre étant une véritable “ machine à évaporer “ dans la mesure où seulement 1% de l’eau captée sert à l’élaboration de la matière végétale. Ainsi si la formation de 100 grammes de cellulose ne requière directement que 55 grammes d’eau, l’arbre perd dans le même temps 100 000 grammes d’eau par transpiration. Nous savons que les plantes puisent l’eau et les minéraux nécessaires à leur croissance dans les sols par l’intermédiaire de leurs organes racinaires. Pour ce faire, les végétaux ne possédant pas de pompe interne pour faire circuler la sève (à la différence du cœur pour les animaux), c’est sous l’action de la chaleur fournie par le soleil que la transpiration des feuilles joue ce rôle de moteur et fait monter (pression osmotique) l’eau des racines jusqu’aux feuilles.
Grosso modo un arbre évapore donc mille fois ce qu’il gagne en poids. D’où le rôle de régulateur climatique des plantes et les effets dévastateurs de la déforestation. Variable selon les essences et le climat, un érable isolé peut émettre plus de 200 litres d’eau par heure, par jour une forêt de chênes d’un hectare, 30 tonnes. Ces valeurs, si élevées soient-elles, sont généralement couvertes par les seules précipitations. Néanmoins en milieu urbain, la quantité d’eau rejetée par les arbres est souvent supérieure à celles-ci ce qui demande une importante croissance des racines. Dans un pays éloigné de la mer, comme l’Allemagne, la moitié seulement des précipitations atmosphériques proviennent directement de la mer, le reste est recyclé par la végétation.
La production végétale est assurée par le mécanisme de la photosynthèse, illustré ci-contre. Pour fonctionner ce cycle nécessite de la lumière et de l’eau (photolyse de la molécule d’eau), de sels minéraux (les fameux NKP des engrais) et enfin du CO2 nécessaire à la fabrication des molécules organiques. Par ailleurs, selon les plantes, l’optimum de température de leur activité photosynthétique est très variable. De à 15°C et 25°C pour les plantes des régions tempérées, de 30 et 45°C pour certaines des variétés tropicales.[3]
Chaque année il s’évapore plus d’eau qu’il n’en précipite au-dessus des océans (20%). Cette vapeur d’eau océanique vient donc précipiter sur les continents où, à l’inverse, il précipite plus d’eau qu’il ne s’en évapore (40% d’eau bleue). Ce « surplus » en eau retourne aux océans via la collecte des différents cours d’eau. C’est ce flux d’eau renouvelé qui constitue la « réserve annuelle » dans laquelle il est possible de puiser sans risque. (De l’ordre de) 40 000 kilomètres cubes.
Il ne se crée, il ne se perd que très d’eau en consommation, l’eau disponible dépend des différences de vitesse de circulation entre les différents réservoirs, expliquant ainsi sa localisation et déterminant la « réserve annuelle ». Une molécule d’eau peut rester durant un certain temps dans chaque réservoir, cette durée moyenne est appelée temps de résidence. Ainsi plus le temps de résidence dans un réservoir est court, plus l’eau de ce réservoir est rapidement renouvelée.
On peut estimer les différents temps de résidence dans les différents réservoirs[4] :
- de 1 600 à 9 700 ans pour les glaciers et les calottes glacières ;
- 1 400 ans pour l’ensemble des eaux souterraines ; variables selon les conditions géologiques de recharge ;
- 2 500 ans pour les océans ;
- 17 ans pour les lacs d’eau douce ;
- 1 an pour l’humidité des sols ;
- 16 jours pour les cours d’eau ;
- 8 jours pour l’atmosphère ;
Ce sont ces durées de transit que l’homme perturbe par ses aménagements à grande échelle. Ce sont ces même durées transit qui risquent d’être bouleversées par le changement climatique et par voie de conséquence, la localisation des ressources en eau accessible à homme déjà sédentarisé.
A retenir également :
- Parce qu’elle a pu prendre la forme liquide l’eau a pu rester sur terre.
- Parce que l’eau a pu prendre la forme liquide la vie a pu se développer sur terre.
Etat initial de la ressource en eau au niveau mondial
Nous ne sommes pas et ne serons pas dans un monde sans eau. Cependant si la pénurie d’eau n’est pas du tout généralisable dans la mesure où la terre ne perd pas d’eau, il en est autrement si l’on raisonne en termes d’accès immédiat à la ressource. En ce sens on observe une situation géographique très hétérogène et l’existence de véritables points noirs dont l’existence est susceptible de remettre en balance la stabilité de notre monde. On pensera ici principalement à des régions ou pays tels que le Maghreb, le Moyen-Orient, la Chine et les USA, l’Indes, le Pakistan, le Brésil…Notons au passage qu’aucune des puissances économiques émergentes n’est épargnée par le problème.
Si les pénuries d’eau mondiales passées ont pu être comblées par l’amélioration de l’accès à la ressource (construction d’infrastructure de transport, amélioration des capacités de pompage et de stockage), nous sommes à présent confrontés à de nouvelles problématiques d’ordres qualitatifs (micropollutions diffuses), alors même que la problématique de l’accès soit toujours extrêmement prégnante en certains points du globe.
A ce contexte déjà incertain, il convient de surajouter le rôle du changement climatique en tant que facteur aggravant : des saisons sèches encore plus sèches, des saisons humides encore plus humides.
Pour évaluer l’offre et la demande mondiale en eau à horizon de trente ans, on s’appuiera sur les projections réalisées par l’International Water Management Institute à l’aide de son modèle prévisionnel PODIUM.
World Water Supply and Demand: 1995 to 2025
En rouge sur la carte les pays qui souffrent d’une pénurie physique de la ressource en 2025. Soit des pays qui même en augmentant au maximum la productivité de leur eaux, n’ont pas assez de ressource pour couvrir leurs besoins agricoles, domestiques, industriels et environnementaux. Sont concernés, 45 pays pour 1/3 de la population mondiale. Les seules options pour ces pays sont d’investir dans le coûteux processus de désalinisation de l’eau de mer, de réduire l’irrigation pour transférer la ressource vers les autres secteurs en important plus de nourriture.
En orange sur la carte, les pays qui souffrent d’une pénurie économique de la ressource en 2025. Ces pays ont potentiellement assez de ressource pour couvrir leurs besoins mais leurs infrastructures (transport, stockage, pompage) devront être améliorées de manière à augmenter de 25% l’eau disponible. Le coût des investissements, les capacités internes à soutenir de tels projets sont ici de réels facteurs limitant. Est concernée 45% de la population mondiale.
En bleu sur la carte, les pays ayant peu ou pas de problème sur la ressource.
Rouge + orange = 78% de la population mondiale en 2025.
Etat initial de la ressource en eau au niveau européen
Si sur ces trente dernières années l’état tant qualitatif que quantitatif de la ressource c’est globalement améliorée, ici aussi les situations demeurent hétérogènes, ici aussi l’apparition de nouveaux types de pollution inquiète. D’après les l’agence européenne de l’environnement, les problèmes affectant le bon état de la ressource sont et seront :
Au niveau quantitatif :
- la surexploitation des nappes souterraines afin d’irrigation agricole et de développement touristique dans le sud de l’Europe ;
- l’intrusion d’eau salée dans les zones côtière ;
- les conflits d’usage sur la ressource entre ville, campagne et producteur d’énergie ;
- le développement économique des anciens pays de l’est.
Au niveau qualitatif :
- les pollutions et micropollutions diffuses (nitrates, métaux, produits pharmaceutiques et phytosanitaires) ;
- le développement des anciens pays de l’est.
Etat initial de la ressource en eau au niveau français
Trois rapports que l’on peut qualifier de « pessimistes » vont ici étayer notre analyse :
Le rapport sur la qualité de l’eau du Muséum national d’histoire naturelle (2005) qui note que, dans l’hypothèse la plus optimiste, moins de 50 % des masses d’eau (surfaces et souterraines) pourront atteindre un bon état écologique en 2015, sachant qu’aujourd’hui on ne peut que constater l’échec des actions publiques menées depuis 40 ans à la lecture des chiffres suivant :
- 25 % des masses d’eau sont dans un bon état probable,
- 25 % sont classées à risque,
- 23 % relèvent de la catégorie « doute »,
- 27 % sont des eaux artificielles ou fortement modifiées (comme les lacs de retenue des barrages). Ces dernières ne pourront jamais atteindre l’objectif de bon état écologique. »
Géographiquement le rapport nous enseigne également que:
- les eaux du bassin Artois-Picardie sont polluées à 38 % et où 100 % des eaux souterraines sont classées « à risque ».
- celles de Loire-Bretagne sont atteintes à 35 %
- celles de Rhin-Meuse à 45 % (69% pour les eaux souterraines)
- les eaux souterraines du bassin de Seine-Normandie sont polluées à 83 %
Le 6ème rapport annuel sur les pesticides dans les eaux de l’IFEN en date de juillet 2004, met en évidence la présence de pesticides dans 75% des points de mesure de la qualité des milieux aquatiques en 2002.
Enfin l’étude sur « la qualité de l’eau et de l’assainissement en France » de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (mars 2003) note que « la dégradation de la qualité de l’eau est quasi générale en France » du fait des nitrates et pesticides.
Bien que la France soit le premier utilisateur de pesticide au monde, il existe également des études plus « optimistes » qui mettent l’accent sur la réduction réelle des pollutions d’origines industrielles, l’amélioration des eaux urbaines et soutiennent sur cette base que nos capacités d’adaptation peuvent encore endiguer le déclin de la ressource. Cependant on trouve aussi dans ces études, les prémisses d’une inquiétude grandissante sur les thèmes de l’eau et de la nourriture, des effets sur la santé encore inconnus des micropolluants.
[1] Pour information, on estime à environ 1 000 km3 d’eau par jour l’évaporation des océans.[2] La distinction eau bleue / eau verte a été proposée par Falkenberg en 1995
[3] Pour en savoir plus, voir le site de l’université de Jussieu.
[4] D’après L’eau, Ghislain de Marsily, Dominos Flammarion, 1995
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